« La médiation culturelle » : différence entre les versions

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Jean Caune est professeur à l’université Stendhal de Grenoble et chercheur au Gresec. Après avoir exercé une activité de responsable culturel, il a publié des ouvrages et des articles autour de l’action culturelle et de la représentation théâtrale. En particulier : Acteur/spectateur, une relation dans le blanc des mots, Nizet, 1997, et La culture en action. De Vilar à Lang, le sens perdu, PUG, réédition 1999.
 
La notion de médiation est à double signifiant, incluant la médiation entre les membres d’une collectivité, et médiation entre cette collectivité et le monde construit par elle et dans lequel elle évolue. L’Action et l’histoire humaines résident dans l’espace ténu du vouloir et du faire, du début et de l’achèvement et de la réversibilité de ces notions. La médiation culturelle a pour postulat la relation du sujet à autrui par le biais d’un langage commun et de références partagées. Le sens est dans l’intersubjectivité relationnelle prévalant à toute quête, à tout concept ou but et c’est dans l’analyse du vivre ensemble, des rapports à l’autre que s’applique la médiation. L’idée de médiation doit s’envisager dans un schéma vectoriel entre l’horizontalité des rapports sociaux et la transcendance des engagements sociaux, moraux, politiques, cultuels ou culturels. La médiation peut avoir une approche idéologique permettant à des communicants de faire partager leurs idées par le biais des médias et de s’approprier de même les réactions du public concerné et visé par l’institution. Elle peut aussi avoir une approche d’ordre théorique et devient alors un phénomène d’assimilation et de propagation des sens partagés par la communauté.
 
Enfin il ne faut pas sanctuariser pour autant les domaines institutionnels, et la médiation doit alors devenir une réflexion sur la symbolique même de l’institution et sur la spécificité des rapports sociaux, humains, empreints ou non de subordination entre l’institutionnel et l’individu, dont la construction personnelle dans son rapport à l’autre ne doit pas être négligée dans l’approche médiatrice.
 
« La médiation culturelle : un pont entre des pratiques sociales éclatées »
 
Notre société moderne dans ses fondements, comme dans son organisation, connaît de grands changements remettant en cause les domaines constitutifs, selon Hannah Arendt, de la condition de l’Homme Moderne :
* Travail
* Action politique
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Chacun de ces « domaines » n’a plus de véritable autonomie et il y a une interactivité et une réversibilité constante d’une notion à l’autre.
 
L’opposition qu’Aristote énonçait entre l’Utile et le nécessaire d’une part, le beau et la jouissance d’autre part, n’a plus de véritable fondement.
 
Le travail est-il plus utile que le loisir, et l’un est-il plus nécessaire que l’autre, même si le premier conditionne cependant le second.? Dans ces nouvelles contraintes d’un monde industrialisé, mécanisé ou le temps est compté, le Beau et la jouissance prennent une autre signification et deviennent davantage « sens » et « partage », « sens » dans la connaissance de soi et appréhension de l’intersubjectivité, « partage » dans l’introjection des normes de comportement et d’action.
Les pouvoirs publics en appellent alors à des médiations entre le progrès technique et le progrès culturel.
 
L’introduction des nouvelles technologies dans notre vie quotidienne, l’envahissement médiatique et la banalisation des modes de communication ont déplacé ces rapports et les frontières entre culture et technologie, entre sphère sociale et sphère privée. Tout est accessible à tous et les activités de formation, d’éducation et d’expression ont assimilé ce nouveau constat.
 
A la place de la relation duelle entre Art et non Art, entre culture et ignorance, entre information et méconnaissance s’est substitué une logique ternaire : il y a l’émetteur, le mode d’émission et le contexte de la réception. Pour que ces trois rouages s’articulent sans gripper, il y a une nécessité de médiation… C’est la définition élémentaire de la médiation culturelle.
 
« Réintroduire le sujet et son expérience »
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« La division des langages »
 
« La culture se présente comme une série de médiations complexes et enchevêtrées entre l’individu et le groupe, l’imaginaire et le symbolique, le sujet et le monde. Elle oriente la perception individuelle, organise les comportements, donne un sens aux expressions subjectives et collectives en les inscrivantsinscrivant dans un espace et un temps vécuvécus en commun. La culture modèle notre organisation et notre construction du temps social ». Telle est la définition que donne Jean Caune à la culture.
Notre époque semble marquée par une prédilection apparente pour la culture, qui se traduit par une multiplication des moyens d’expressionsd’expression, des objets et des pratiques pouvant bénéficier du predictat culturel. Cependant, on constate qu’une fracture demeure entre les pratiques des individus vis -à -vis de cette culture collective. Des questions se posent donc quant à sa réception et les moyens mis en œuvre à cette fin. La production artistique, pour être accessible et intelligible, nécessite une interprétation et un travail. Il est donc question de s’interroger sur les modalités de production, ainsi que la réception de la forme.
 
Le point de vue qui consiste à délimiter un territoire d’action à la culture, relève d’une division entre un langage d’élite qui s’apparente à une police intellectuelle, et un langage plus populaire qui ne détient pas les mêmes clés de lecture. Car s’il y a unité culturelle dans notre société divisée, celle-ci donne naissance à une fracture qui sépare la parole de l’écoute, et qui ne se traduit paspar des pratiques culturelles inégales et éclatées. En effet, si nous avons accès aux même réseaux proposant les mêmes discours, les mêmes images, il n’en reste pas moins que ces réseaux sont réduisréduits, fragmentés et difficiledifficiles d’accès pour qui conquequiconque ne détient pas les clés de lecture de ce code particulier.
 
La division des langages signifie que l’unité de l’écoute coexiste avec la diversité de langages, ce qui signifie que le discours produit est le même, quelle que soit la catégorie de population et quel que soit son degré de compréhension. Cette division des langages induit une hiérarchisation des savoirs dits « légitimes » qui donnent nécessairement accès a un public initié, susceptible de comprendre le langage en vigueur à l’égard d’une production artistique de plus en plus hermétique. Cette absence de relation entre le sujet et la parole proférée ne fait qu’accentuer la fracture sociale. On peut ici s’interroger sur la pertinence et la réelle prise en compte de la question culturelle par les instances régulatricerégulatrices, que ce soit l’école ou encore les établissements artistiques, et la politique mise en œuvre à cet égard. En effet, s’il y a unité culturelle construite par l’école, celle ci s’accompagne inexorablement de la division des pratiques.
 
La réponse à ces questions nécessite de dépasser les logiques duelles fondées sur l’offre en produit et en œuvre et la réponse a la demande des publics. En effet, raisonner en terme d’offre ou de demande conduirait ici à faire l’impasse sur un processus qui ne s’exprime pas par la formulation d’un besoin ni ne s’achève par sa satisfaction, car si les pratiques culturelles n’échappent certes pas à la loi du marché, elles ne se réduisent pas à l’usage d’objets, fussent-ils culturels.
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* Le contact représente le concept de tact, c’est-à-dire une aptitude à s’ouvrir aux autres qui est fondamentale pour les sciences de l’esprit
* Le lien correspond au fondement de la sociologie. On peut dire que les sciences sociales se sont attachées à se poser des questions autour de l’origine du lien social. Il vient souligner une des raisons de mise en place d’une politique culturelle de l’Etat en France par la volonté de Malraux de rassembler les citoyens par les liens créés avec l’œuvre artistique.
* Finalement, la brèche vient signifier pour Jean Caune une rupture : rupture entre le monde et le mot d’une part, et rupture réalisée au sein de d’expériencel’expérience esthétique dans la médiation.
Pour l’auteur, cette triple métaphore permet de construire une rhétorique de la médiation culturelle en illustrant les rapports entre raison et sensibilité, etqui sont constitutivesconstitutifs des relations esthétiques par leur forme d’achèvement dans l’objet d’art.
Il cherche en fait à nous interroger sur le contenu de la médiation autant que sur son contenu, c’est-à-dire à l’envisager comme productrice de sens selon différents contextes et à penser par elle-même les rapports techniques, matériels ou intellectuels ainsi que leurs usages sociaux.
 
« L’horizon d’attente de la médiation »
 
La médiation n’est pas une volonté infondée d’être moderne. Il apparaît au contraire qu’elle ne peut prendre son sens, s’inscrire uniquement dans le temps présent. La médiation s’accorde avec l’instantané. Chaque époque possédant en matière d’art ses classifications, ses codes, ses interprétations d’une œuvre et sa vision d’un artiste. La médiation devient alors comme une appréhension d’une œuvre passépassée avec des clefs de compréhension propres au présent.
Dans la suite du texte, la théorie de Jauss et les contours de son concept d’horizon de médiation sont mis en lumière.
 
Pour Jauss, l' expérience esthétique comprend deux dimensions :
* la dimension productrice : l’artiste, à partir de la réalité quotidienne, crée une sur-réalité. Cette réalité nouvelle bien que fictive nous renseigne sur la réalité. « L’art ne produit pas le visible, il rend visible » : cette réflexion de Pau Klee est illustratrice de cette idée.
* la dimension réceptrice : l’intervention d’une individualité (spectateur) qui bien qu’extérieur à la sémiose prend un plaisir. De là un naît un dialogue. La rencontre de ces deux subjectivités (celle du créateur et celle du récepteur) instaure un processus commutatif qui donne lieu à l’expérience esthétique.
 
* la dimension productrice : l’artiste, à partir de la réalité quotidienne, crée une sur-réalité. Cette réalité nouvelle, bien que fictive, nous renseigne sur la réalité. « L’art ne produit pas le visible, il rend visible » : cette réflexion de Pau Klee est illustratrice de cette idée.
Il apparaît alors que la médiation ne peut être un discours standardisé identique pour tous. La médiation doit faire preuve d’adaptabilité, elle ne doit en aucun cas être figée. En effet, on ne peut s’adresser à tous les publics avec le même vocabulaire, une rhétorique identique… On doit avant tout s’adapter au récepteur. Le récepteur a, en effet, une relation personnelle à l’œuvre découlant de ses représentations du rapport qu’il entretien avec le genre, l’objet.
 
* la dimension réceptrice : l’intervention d’une individualité (spectateur) qui, bien qu’extérieur à la sémiose, prend un plaisir. De là un, naît un dialogue. La rencontre de ces deux subjectivités (celle du créateur et celle du récepteur) instaure un processus commutatif qui donne lieu à l’expérience esthétique.
 
Il apparaît alors que la médiation ne peut être un discours standardisé identique pour tous. La médiation doit faire preuve d’adaptabilité, elle ne doit en aucun cas être figée. En effet, on ne peut s’adresser à tous les publics avec le même vocabulaire, une rhétorique identique… On doit avant tout s’adapter au récepteur. Le récepteur a, en effet, une relation personnelle à l’œuvre découlant de ses représentations, du rapport qu’il entretienentretient avec le genre, l’objet.
 
Contrairement à un discours d’histoire de l’art qui livre un savoir, à des connaissances que doivent s’approprier les récepteurs, la médiation est liée à l’expérience esthétique du récepteur et met en jeu son capital culturel, s’intéresse à la relation et au dialogue entre le spectateur et l’œuvre.