« La Grande Chasse aux sorcières, du Moyen Âge aux Temps modernes » : différence entre les versions

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Ces événements historiques ont toujours été mystérieux. La sorcière fascine depuis l’Antiquité. La grande Chasse est difficile à appréhender pour nos intelligences rationalistes. Elle pose beaucoup de questions, d’abord, sur les raisons d’une telle tuerie, mais aussi sur son ampleur tant sur le plan de l’intensité que de la géographie, sur l’identité de ceux qui furent poursuivis et de ceux qui les jugèrent, et enfin sur son évolution et sa fin aussi soudaine que son commencement. R. Mandrou, R. Muchembled, B.P. Levack, et G. Bechtel ont tous porté un regard nouveau sur la chasse aux sorcières dans leurs livres. Tous édités dans les quarante dernières années, ils reviennent sur l’interprétation de Michelet et nuancent le rôle de l’Église.
 
La sorcière qui lit l’avenir, fait tomber amoureux ou malade est crainte et désapprouvée, mais tolérée. Une transformation de l’image de la sorcière et de celle du Diable intervient au {{s-|XII|e}}. Elle et le Diable deviennent des conspirateurs qui cherchent à empêcher le royaume de Dieu. La sorcière est recherchée puis jugée avant d’être punie, d’abord légèrement. Les conditions de vie sont dures et le Diable est tenu pour responsable. La Réforme accélère le phénomène. Plus l’Église catholique perd d’influence sur cette question, plus les bûchers s’imposent à l’issue des procès. Autour de 1600, la justice pénale cherchant à soustraire la société à l’influence du Diable se montre impitoyable. À l’aube des Lumières, les accusations provoquent des scandales et la dynamique de la Chasse s’épuise. Les pouvoirs centraux émergeants mettent alors un terme aux poursuites. Les raisons profondes de cette Chasse restent une énigme : est-ce dû à l’émergence de pouvoirs centraux, au rejet des valeurs rurales, ou à l’attitude des élites ? Chacun de ses éléments et d’autres ont sans doute joué un rôle. Aucune cause unique ne peut être mise en évidence. Mais l’analyse récente proposée par ces auteurs permet de se faire une meilleure idée des processus qui ont conduit à la grande Chasse.
 
== Introduction ==
La Chasse aux sorcières est un phénomène intriguant et posant quantité de questions. IlElle se prépare lentement, puis se déclenche mystérieusement juste avant les Lumières. Certains éléments semblent anachroniques. Le milieu universitaire s’y intéresse et réévalue ce phénomène depuis que les archives des pays de l’Est se sont ouvertes. C’est l’occasion d’ajouter des nuances à l’analyse anticléricale du {{s|XIX|e}}.
 
== La Sorcelleriesorcellerie de premier type ({{sp|XI|e|au|XII|e}}) ==
 
=== {{s2-|XI|e|XII|e}} : répression des hérésies et des minorités ===
 
La Grande Chasse aux Sorcières se prépare au cours des {{s2-|XI|e|XII|e}}, car la répression des minorités se développe. Les minorités juives, les homosexuelles et les sectes sont persécutées pour hérésie par les pouvoirs religieux. Ces persécutions installent un climat de terreur. L’explication en est double : d’abord, les hérésies se multiplient à l’aube du second millénaire et une forte tendance à la persécution apparaît. Cette évolution implique certains changements de comportement qui seront favorables à la Chasse.
 
L’apparition du concept de soupçon, ainsi que la disparition progressive de la présomption d’innocence préparent la Grande Chasse. Les accusés doivent ainsi prouver leur innocence et les accusateurs n’ont plus à prouver leur culpabilité.
 
L’Église cherche à protéger sa doctrine en combattant toute déviance. Pourtant, les hérésies se développent de façon inquiétante dans la seconde moitié du {{s| XI|e}} avec les hérétiques dualistes (Manichéens, Cathares, Albigeois) dont la doctrine dérive en une cosmologie originale et les Vaudois, une secte évangéliste. Au départ, l’Église se borne à excommunier les hérétiques, mais par la suite elle cherche à les réprimer par des bûchers.
 
=== La sorcellerie des {{s2-|XI|e|XII|e|s}} ===
Le ''maleficium'' ou sorcellerie de premier type existe en fait depuis l’Antiquité. Il s’agit d’une magie populaire qui coexiste avec des pratiques plus évoluées comme la nécromancie. Elle semble avoir des caractéristiques communes partout. Cette magie populaire permet de connaître le futur, changer le temps, rendre impuissant, amoureux ou haineux, faire tomber malade hommes ou animaux et tuer à distance. Dans le monde romain, elle est urbaine, mais en Allemagne et en Scandinavie elle reste rurale.
 
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Une nouvelle sorcière dite du second type, diabolique, apparaît. Avant que ne s’affirme son caractère de servante du Diable, il faut que ce dernier cesse de n’être que tentateur et devienne conspirateur.
 
La croyance populaire accorde au Diable une certaine réalité même si les élites le considèrent en général comme un symbole. Aux {{s2-|XI|e|XII|e}}, avec l’angoisse que suscite la multiplication des hérésies, le Diable cesse d’être un symbole et devient tangible.
 
Le Diable acquiert de nouvelles caractéristiques. Certaines empruntées à la mythologie et aux divinités antiques, complètent celles admises par la population. D’autres font très clairement référence au Christianisme comme ses ailes d’ange déchu, sa couleur noire, symbole du mal ou sa personnalité. Il cesse d’être simplement un tentateur peu fréquentable, libidineux et noceur pour devenir l'incarnation du Mal.
 
Si jusqu'alors le Diable a pu être à peu près contenu en Enfer, dès le {{s-| XI|e}} ses sorties sont plus remarquées. Les artistes, notamment ceux qui décorent les églises, représentent le Diable sous des formes diverses. Des écrivains et des prédicateurs en parlent et prétendent l’avoir rencontré. Cependant, cela ne provoque pas encore de très grandes psychoses. Le mal reste contenu.
 
== La Sorcelleriesorcellerie de second type ( {{sp|XIII|e|au|XVXVI|e|s}}) ==
=== Fabrication du mythe de la sorcière diabolique et du Sabbat ===
 
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=== Le rôle de l’Église ===
Contrairement à l’image qu’en ont donnée les historiens du {{s-|XIX|e}}, le Moyen-Âge n’a pas persécuté massivement les sorcières. Cela est en partie dû à la position de l’Église qui a affiché un scepticisme marqué quant à leurs pouvoirs. L'Église a joué un rôle modérateur.
 
La position de l’Église devient ambiguë avec le Canon Episcopi, qui dit que le vol de nuit, le sabbat et le fait de provoquer des tempêtes ne sont qu’illusions du Diable et que les personnes les subissant ne sont pas totalement innocentes. Il n’exclut donc pas l'existence du Diable et affirme qu’il trouble l’esprit de certaines femmes.
 
Au X{{s-|IIIXIII|e}}, le Concile de Latran IV (1215) durcit les positions de l'Église à l’égard de toutes les classes marginales et les hérésies. Les Juifs devront porter un insigne pour éviter qu’ils ne se mélangent aux chrétiens. Des mesures sont prises à l’encontre des prostituées, et les positions sévères à l’égard des homosexuels réaffirmées. Les hérésies sont réprimées avec plus de violence. La confession devient une obligation, le prêtre doit désormais tout savoir de la vie de ses fidèles.
 
L’Inquisition naissante consacre l’idée du complot diabolique. Toutes les formes d’hérésies sont inspirées par le Diable pour empêcher l’accomplissement du royaume de Dieu. Certains inquisiteurs assimilent hérésies et sorcellerie. La chasse se radicalise. L’Inquisition remplit la fonction de “police itinérante de la foi” (Guy Bechtel, « La Sorcière et l’Occident ») qui s’appuie sur les autorités civiles pour faire appliquer les peines décidées. L’Inquisition ne torture, ni ne tue sans discernement et souvent les peines sont légères allant de jours de jeûnes à des peines financières. L’Inquisition fit sans peine la différence entre le maléfice et la sorcellerie satanique, laissant la première aux tribunaux civils, se réservant la seconde.
 
=== De la montée de l’angoisse vers une déclaration de guerre au Diable ===
La guerre et les épidémies couplées aux conditions météorologiques défavorables assombrissent sensiblement le quotidien de la population des {{sp|XIV-XVèmes|e|et|XV|e|s}}. La pression turque à l’Est (prise de Constantinople, 1453) fait peur. De graves épidémies se déclarent comme le typhus ou la syphilis. On craint les « semeurs de peste ». Ce climat fait réapparaître l’angoisse que les prêches de certains prédicateurs et la parution de certains livres avivent encore. Le Diable est tenu pour responsable ; on lui déclare la guerre. La superstition et la méfiance montent d’un cran dans toutes les couches de la population. Les persécutions s’aggravent, à l’égard des Juifs notamment.
 
Cette guerre contre le démon est déclenchée vers 1480 par le climat d’angoisse, mais aussi par des livres et des prêches de prédicateurs qui affirment l’existence d’une contre-Église dirigée par le Diable qu’il faut combattre. L’Église perd complètement la modération qui caractérisait le Canon Episcopi.
 
 
=== Le début des procès de second type ===
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Cette nouvelle procédure se base sur le témoignage, l’aveu ou la preuve. La preuve est impossible a apporter dans les procès de sorcellerie et les gens redoutent de témoigner effrayés par les pouvoirs des accusés. Ainsi, le manque de témoin encourage à prendre en considération la rumeur et la suspicion. De plus, les aveux deviennent indispensables et ils sont le plus souvent arrachés par la torture.
 
De plus en plus, les procédures s’unifient et sont fixées par des pouvoirs centraux. Les tribunaux ecclésiastiques prennent le pas sur les tribunaux civils en ce qui concerne les maléfices. Puis, progressivement, vers les {{sps2-|XV|e|au|XVI|e|s}}, les tribunaux civils reprennent le dessus. Les tribunaux religieux ne pouvant pas, le plus souvent, punir sévèrement, délèguent une partie du jugement aux tribunaux civils. À partir de là, le pouvoir civil va se renforcer avec une évolution centralisatrice du droit, citons le Carolina, code pénal du Saint-Empire germanique.
 
=== L’apogée de la Grande Chasse aux sorcières autour de 1600 ===
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== Bibliographie ==
 
* {{ouvrage
* ARNOULD, Colette, Histoire de la sorcellerie en Occident, 1992, Paris Librairie Jules Tallandier
|éditeur=Librairie Jules Tallandier
* BECHTEL, Guy, La Sorcière et l’Occident, 1997, Paris, Éditions Plon
|titre=Histoire de la sorcellerie en Occident
* LECOUTEUX, Claude, Le Livre des Grimoires, 2002, Paris, Éditions Imago
|prénom=Colette
* LEVACK, Brian P., La Grande Chasse aux sorcières, 1987, Londres, Longman / 1991, Paris, Champ Vallon pour la traduction française
|nom=Arnould
* MANDROU, Robert, Magistrats et sorciers en France au {{s|XVII|e}}, 1989, Paris, Seuil
|lieu=Paris
* MANDROU, Robert, Possession et sorcellerie au {{s|XVII|e}}, 1997, Paris, Hachette
|année=1992
* MUCHEMBLED, Robert, La sorcière au village, 1979, Paris, Editions Gallimard et Julliard
}}
* http://membres.lycos.fr/chassesorcieres/ , La Chasse aux Sorcières, le site d'Emma Godard, hébergé par Lycos.fr
* {{ouvrage
* http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/UVLibre/0001/bin51/welcome.htm, La Grande Chasse aux sorcières, ou la femme : objet privilégié de Satan, le site de Marie-Frédérique Landais et Robin Jossen, hébergé par tecfa.unige.ch
|éditeur=Éditions Plon
 
|titre=La Sorcière et l’Occident
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|éditeur=Éditions Plon
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* LEVACK|commentaire=, Brian P., La Grande Chasse aux sorcières, 1987, Londres, Longman / 1991, Paris, Champ Vallon pour la traduction française
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