« Introduction à la sociologie/La sociologie et son objet/Les grandes thématiques de la sociologie et leurs développements » : différence entre les versions

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Au cours du 20ème siècle sont apparus des thèmes récurrents en sociologie. Ces thèmes se démarquent par leur ampleur et par la quantité de travaux qu'ils ont inspirés. Nous en énumérons ici quelques uns.
=== Les matrices de la pensée sociologique ===
Danilo Martuccelli, dans un ouvrage sur la modernité propose d'aborder l'histoire de la sociologie en l'analysant suivant différentes ''matrices.'' Il entend par là des cadres de pensée, plus ou moins changeants, qui structurent la pensée sociologique de la modernité autour d'intuitions majeures en lui conférant une certaine continuité. Ces matrices, imbriquées dans ses processus historiques « sont moins qu'un paradigme, plus qu'une idée de base, autre chose qu'une école. (...) Plus qu'une idée de base, puisqu'il ne s'agit pas seulement (...) d'isoler les éléments constitutifs présents dans différents systèmes, mais au contraire de dégager les grands cadres, sorte d'arrière-plans sur lesquels travaillent les divers éléments. », (Martuccelli, 1999, p 20). En fait, « la matrice désigne plus un espace d'invention théorique et de description de la modernité qu'une doctrine ou un modèle épistémologiquement consistant. Elle est très loin de définir de manière stricte une correspondance avec certaines notions, voire avec des méthodologies de recherche. Elle vise avant tout à donner une réponse à des exigences plus ou moins vitales, en passant de représentations confuses ou informelles de la vie sociale, à des images ou des modèles qui, tout en prétendant à un grande cohérence scientifique, parviennent à donner un sens à l'inscription des hommes dans la modernité. », (Martuccelli, 1999, p 21). Si la notion de matrice reste difficile à définir formellement, bien que l'on comprenne intuitivement ce à quoi elle se rapporte, elle permet toutefois de donner forme et structure à l'arrière-plan de la pensée sociologie théorique. Nous voyons ainsi apparaître des grilles d'analyses et de compréhension du monde social qui façonnent selon une certaine logique la sociologie occidentale. Comme le fait remarquer Martuccelli, ces matrices ont pris naissance sur un terrain social et économique dominé par le changement social, la crise et la modernisation croissante de la société. C'est un fait récurrent. La plupart des pensées sociologiques majeures se sont inscrites dans un développement social, technique et économique parfois imprévisible qui confrontait la société à des problèmes sociaux majeurs. Les analyses de Smith accompagnent la révolution industrielle anglaise, celles de Marx et Durkheim l'essor du socialisme ou du républicanisme, etc. Tous ces auteurs, quand ils ont cherché à penser la société de leur temps, l'ont fait en dévoilant des grandes thématiques. Martuccelli distingue à cet égard trois grandes matrices : la différenciation, la rationalisation et la condition moderne. Nous ne nous intéresserons ici qu'aux deux premières.
=== La différenciation sociale ===
La différenciation sociale est l'une des thématiques majeures de la sociologie. C'est souvent à travers elle que s'est pensée la modernité. Martuccelli la définit ainsi : « Dans sa ligne minimale d'interprétation, il s'agit toujours de montrer comment la société progresse, en évoluant du simple au complexe, de l'homogène vers l'hétérogène. Assurément, les processus sont fort différents selon qu'il s'agit du travail, des groupes sociaux, des réseaux de communication, des rôles et des statuts, de la stratification sociale, ou encore des sous-systèmes fonctionnels (économique, politique, administration, science, art...) », (Martuccelli, 1999, p 29). A travers cette ligne directrice, « la modernité définit une société complexe et homogène dans la mesure où elle se compose de groupes différents toujours plus nombreux et hiérarchisés entre eux. », (Martuccelli, 1999, p 30). Ce mouvement de différentiation s'accompagne de la problématique de l'intégration, « La différenciation sociale, qui de traduit par une diversification de groupes, de rôles, de normes possibles pose le problème de la construction de significations culturelles ou de principes fonctionnels permettant l'intégration de la société. Comment parvenir au sein de sociétés différenciées à établir de nouvelles significations sociales communes ? Comment assurer la communication et l'échange entre les domaines sociaux de plus en plus autonomes dans leurs principes d'action ? », (Martuccelli, 1999, p 30). Ce point nodal de la pensée sociologique est abordé par des auteurs aux sensibilités diverses.
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Talcott Parsons abordera lui aussi l'intégration du système social. La mise en évidence de l'antagonisme entre une société différenciée et une société intégrée traverse une grande partie de son oeuvre. Mais à la différence des auteurs vus plus haut, la question du pouvoir, de la stratification sociale et des dynamiques qu'elles engendrent, n'est pas son principal sujet de recherche. Parsons va surtout s'intéresser aux processus qui assurent l'orientation, l'adaptabilité, le maintien et l'intégration interne des systèmes sociaux. Dans son approche résolument systémique, le jeu des acteurs tend à s'orienter dans la direction de celle du système. Comment est-ce possible ? L'intégration du système vient d'une part du haut de la hiérarchie sociale, et notamment des instances supérieures aptes à contrôler les systèmes inférieurs, et d'autre part de la base qui intériorise un systèmes de valeurs. La stratification sociale ne produit donc pas une dynamique de manière détournée, elle est fonctionnelle, elle permet l'intégration du système en un tout cohérent orienté en fonction du système de valeurs. Avec Parsons, l'ordre de la société trouve donc une explication : il résulte de processus qui sont fonctionnels par rapport à la totalité sociétale. Cette problématique de l'ordre et de la stabilité du social issus de l'action, connaîtra par la suite de nombreux développements, notamment avec les interactionnistes symboliques ou les ethnométhodologues qui tenteront de montrer que la construction de l'ordre social est le résultat d'un processus continu. Le tout étant co-déterminé : les individus créent un ordre qui se répercute sur eux.
=== La rationalisation ===
Autre grande thématique de la sociologie : la rationalisation. En sociologie, cette notion a été longuement étudiée par Weber. Mais elle recoupe des significations assez différentes.
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Si le thème de la rationalité a servi de moteur à de nombreuses théories, il a également rencontré de fortes résistances. Au 19ème siècle, tout d'abord, une grande partie des travaux de l'école Durkheimienne visent à apporter une alternative crédible à la rationalisation économique croissante, en développant d'une part des approches explicatives concurrentes, notamment avec le concept de solidarité ou celui du Don (Mauss), et en proposant d'autre part une direction pour un développement harmonieux de la société, qui est fondée sur la morale. Au 20ème siècle, la critique se fait de plus en plus virulente. La Raison tout d'abord est contestée dans ses fondements, notamment par les thèses relativistes de Feyerabend ou par le développement des épistémologies constructivistes (Piaget, Morin, Luhmann). Sur le terrain social, les problèmes écologiques, l'impuissance relative de la médecine en face de certaines maladies tendent également à la discréditer. De plus, la rationalisation sociale conduit à des débordements de grande ampleur comme les totalitarismes ou le fordisme qui vont provoquer une foule de résistances sociales. On parle alors de « retour de l'acteur » pour souligner ce renversement qui redonne à l'acteur son autonomie à l'égard d'une rationalité censée guider la totalité sociale. Enfin, sur le plan explicatif, la portée de la rationalité individuelle est de plus en plus contestée. En France, des auteurs comme Alain Caillé (1989), Serge Latouche (2001) et Bernard Maris systématisent cette critique en niant ou en relativisant le rôle que peut jouer la rationalité dans l'explication de l'action et dans l'explication de l'ordre social.
=== Le thème de la communication. ===
Le tableau serait incomplet si on omettait de mentionner une dernière thématique très importante au 20ème siècle, celle de la communication. Elle regroupe différents thèmes : le langage, les interactions, les représentations sociales, les réseaux de communication, etc. Les recherches dans ce domaine se situent souvent à la frontière entre la sociologie, et des sciences plus spécialisées comme la linguistique, la sémiologie, la psychologie sociale, la théorie de l'information, les sciences cognitives et la systémique. Ses thèmes de recherche se rapprochent généralement de ceux de l'identité et du lien social, comme le montrera Georges H. Mead, un des précurseurs dans le domaine. Les travaux des interactionnistes symboliques et de l'école de Palo Alto ont eu une influence considérable sur la sociologie du 20ème siècle et constituent encore des thèmes de recherche privilégiés. À partir des années 80, les recherches en sociologie de la communication tendent toutefois à s'orienter vers des domaines plus ciblés (médias, informatique, réseaux, etc.).
 
== Notes ==
 
<References/>