« Introduction à la sociologie/La sociologie et son objet/Les classifications ou oppositions traditionnelles en sociologie » : différence entre les versions
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Malgré ces divergences de point de vue, certaines classifications ou oppositions ont durablement marqué la sociologie. Si certaines sont aujourd'hui remises en cause dans de nouvelles approches théoriques (Corcuff, 1995), il n'en demeure pas moins qu'elles servent encore de repère à une grande majorité des sociologues. Nous en présentons une partie en prenant appui sur l’œuvre de Comte.
=== L’œuvre d'Auguste Comte ===
On admet généralement, même si cela est contesté par certains historiens, que c'est à Comte qu'on doit l'invention du terme sociologie. Cet ancien polytechnicien, à la forte personnalité, joua une grande influence dans le développement de la sociologie. Il faut dire qu'il fut l'un des premiers à manifester une réelle ambition pour faire de l'étude de la société une science à part entière. Il va y oeuvrer en suivant quatre directions principales :
*'''Une approche résolument holiste'''. Comte cherchera en premier lieu à étudier la société comme un tout. Il est réfractaire à l'idée que la société puisse être déduite à partir des comportements individuels. C'est donc le premier à mettre en lumière l'opposition entre les approches holistes et les approches individualistes en sociologie. Alors que pour les individualistes et les libéraux, on doit expliquer les phénomènes sociaux en étudiant l'agencement des parties entre elles, Comte réfute ouvertement cette idée. Le tout ne peut s'expliquer par l'addition des parties qui le composent. Comme il le dit, « la décomposition de l'humanité en individus proprement dits ne constitue qu'une analyse anarchique autant irrationnelle qu'immorale qui tend à dissoudre l'existence sociale au lieu de l'expliquer, puisqu'elle ne devient applicable que quand l'association cesse. Elle est aussi vicieuse en sociologie que le serait, en biologie, la décomposition chimique de l'individu lui-même en molécules irréductibles, dont la séparation n'a jamais lieu pendant la vie », (Comte, 1844), et « Il
*Autre point fort de la sociologie de Comte. '''Sa croyance dans les vertus du positivisme'''. Pour Comte, la sociologie doit adopter une démarche positiviste. En quoi consiste-t-elle ? Jacques Hermann (1988, p 10) la résume ainsi :
*'''L'antagonisme entre statique sociale et dynamique sociale'''. Voilà une opposition qui aura eu un grand retentissement en sociologie. Pourtant, Comte l'employait probablement dans un sens assez éloigné de celui qu'on lui attribue aujourd'hui. Il cherchait à travers l'analyse statique à décrire l'anatomie de la société qui fonde l'ordre social. Avec la dynamique sociale, il souhaitait au contraire
*Enfin, dernier point sur lequel Comte insistera, c'est '''le lien entre la sociologie et l'action sociale'''. La sociologie, science suprême qui vient couronner les sciences naturelles et physiques doit guider l'humanité vers le positivisme en reconstruisant le lien social mis à mal par la crise sociale. Crise qui traduit selon lui un changement d'état. Pour accompagner ce changement, Comte fondera une société censée guider l'humanité vers le progrès et la modernité. D'où sa formule célèbre devenue plus tard la devise officielle du Brésil, « L'Amour pour principe, l'Ordre pour base, le Progrès pour but ». Si l'oeuvre de Comte peut paraître démodée à bien des égards et si elle n'est pas exempte de contradictions, il faut reconnaître qu'elle fait preuve à ce niveau d'une remarquable cohérence. Elle apparaît en effet comme l'exemple type d'une sociologie réflexive, en ce sens qu'elle applique ses analyses à sa propre démarche. Sans le savoir, Comte anticipait donc le principe de la réflexivité propre à la nouvelle sociologie de la science (David Bloor, 1976). Ce qui a pour conséquence de scinder indirectement la sociologie en deux types distincts : ''la sociologie engagée dans l'action sociale'', que ce soit action de changement ou action de conservation, et ''la sociologie d'observation'' qui se contente d'observer les faits, sans y prendre part (posture difficile car comme on l'a vu les théories sociologiques sont rarement neutres). Cette dimension de la sociologie va traverser la sociologie dès ses débuts. Montesquieu, Tocqueville, Marx, Durkheim, Mauss, Hayek, Bourdieu, les partisans du courant de la sociologie radicale aux États-Unis, ont tous eu à cœur que leur recherches servent à transformer la société. Mais Comte de ce point de vue, se démarque par la cohérence de sa démarche. Écarté de l'enseignement institutionnalisé, il conserve les mains libres pour agir en fonction de son engagement théorique. Sa sociologie devient alors parfaitement solidaire; son positionnement épistémologique et son action sociale se retrouvent en amont et en aval de son analyse sociologique. Dès le début du 19ème siècle, il inaugure ainsi le problème du relativisme dans les sciences sociales, et son problème voisin, celui de l'engagement du sociologue dans son objet d'observation.
=== Quelques autres axes de structuration ===
On le voit, avec l’œuvre de Comte, les grands axes de structuration de la pensée sociologique sont déjà bien en place. D'autres apparaîtront par la suite. Nous pouvons par exemple mentionner la distinction entre les actions rationnelles et les actions irrationnelles. Cette distinction va se décliner de différentes manières : actions logiques et actions non-logiques chez Pareto, différents types de rationalité chez Weber, utilitarisme de Bentham et anti-utilitarisme de Caillé, analyse stratégique et analyse culturelle, égoïsme et altruisme, intérêt et désintérêt, émotion et cognition, etc. Ces axes se structuration de la sociologie tendent d'une manière générale à former des corps de doctrines homogènes et cohérents qui en se positionnant à l'une des extrémités de l'opposition structurale, relient comme l'a fait remarquer Alain Caillé dans sa «''Critique de la raison utilitaire''», (1989), à la fois des logiques pulsionnelles (Freud), des logiques rationnelles (la Raison) et des logiques économiques (le libéralisme). Une grande partie des théories sociologiques du 19ème siècle, et notamment le solidarisme qui inspira Durkheim, viseront à dépasser les doctrines utilitaristes et individualistes. En général, c'est dans la mise en avant d'une société fondées sur la solidarité entre les hommes, et non sur la concurrence marchande où l'intérêt égoïste dominerait sans partage, que ces doctrines se développeront.
Autre ligne de partage, Danilo Martuccelli (1999), montre que la question de la modernité structure depuis longtemps la réflexion sociologique. À cet égard, il ne faut pas oublier que la distinction entre peuples « primitifs » et civilisation moderne a perduré jusqu'au début du 20ème siècle. Elle a
Enfin, comme on le fait parfois remarquer, alors que le 19ème siècle était dominé par la montée de la Raison, par l'importance accordée à l'expérience et à la domination du monde naturel, le 20ème siècle est quant à lui obsédé par le langage, la communication, l'information et l'échec du déterminisme. Cette évolution engendre de nouvelles classifications qui viennent se surajouter à celles qui les ont précédées. De nouveaux domaines de pertinence sont découverts. La sociologie du 20ème siècle se construit alors sur des lignes de fracture qui opposent l'action et la cognition, le lien social, les relations et l'individu isolé, les structures et les interactions, le constructivisme et le réalisme, etc. Là encore, des tentatives de dépassement seront tentées, comme celles de Varela et Maturana qui essaient de réconcilier corps et esprit, action et cognition.
=== La classification de la sociologie par ses domaines d'étude. ===
On trouve également des classifications en sociologie qui se développent à partir d'un domaine de recherche qui est empiriquement bien délimité. Ces classifications ne font pas forcément l'unanimité et certains auteurs en contestent la pertinence théorique, (Bourdieu, 2001, p 197). Quoi qu'il en soit, elles font désormais partie intégrante de la sociologie, aussi semble-t-il nécessaire de les énumérer. Je reprends ici la classification de Durand et Weil (2002) :
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Cette branche de la sociologie vise à étudier le phénomène urbain à travers ses principales manifestations. Alors que les auteurs classiques n'en retiendront que certains aspects : distribution spatiale des populations et des activités chez Durkheim, concentration du commerce chez Weber, exploitation sociale et concentration du capital chez Marx, l'école de Chicago au début de 20ème siècle produira au contraire une véritable théorie de la ville. Les sociologues de Chicago aborderont la problématique urbaine dans le cadre d'un paradigme écologique, en tentant de modéliser les modes de répartition géographique et les canaux de circulation. Ils s'intéresseront également sous l'impulsion de Simmel et de Park aux conséquences de la vie urbaine sur l'organisation sociale et le lien social. Par la suite, d'autres approches verront le jour, notamment en France où des recherches s'effectueront en partenariat avec les acteurs des politiques d'aménagement.
*'''La sociologie du travail'''.
Même si la sociologie du travail peut revendiquer un lourd héritage philosophique et sociologique, ce n'est vraiment qu'au début du 20ème siècle avec le mouvement des relations humaines aux États-unis, qu'elle acquiert son autonomie. Certes, il y avait bien eu au 19ème siècle un soucis notable de théorisation et d'expérimentation (Marx, Fourier), accompagné de travaux empiriques détaillés (Le Play), mais ces recherches furent trop disparates pour former un champ de recherche autonome. Le mouvement des relations humaines, et plus tard le Tavistock Institute, mettront en avant différents thèmes : les facteurs de cohésion dans les groupes de travail, les conditions de
*'''La sociologie des organisations'''.
Cette branche de la sociologie vise à étudier les organisations (groupements formels, entreprises, associations, ...) à travers les relations entre les acteurs qui les composent et les dynamiques organisationnelles. Elle a connu un développement rapide en France au cours des années 70 avec des travaux majeurs comme ceux de Jean-Daniel Reynaud, Renaud Sainsaulieu, Michel Crozier, etc.
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*'''La sociologie du sport'''.
*'''La sociologie de la communication et des technologies'''.
Parmi les travaux qui ont marqué cette branche de la sociologie, on peut mentionner les recherches pionnières de Paul Lazarfed.
== Notes ==
<References/>
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