Sécurité des systèmes informatiques/Sécurité informatique/Systèmes d'authentification

Nous allons à présent nous intéresser aux mécanismes d'authentification utilisables dans les systèmes informatiques. De manière générale, on peut recenser différentes catégories d'authentification :

  • Codes d’accès (« Sésame, ouvre-toi ! ») : nous ferons entrer dans cette catégorie tous les modes d'accès qui n'offrent quasiment aucune sécurité mais qui s'appuient néanmoins sur la connaissance d'un mot de passe particulier (dans la pratique, celui-ci peut être aussi varié qu'une adresse IP, un mot du dictionnaire, un nom de compte ésotérique, etc.). Dans la pratique, ces codes d'accès sont finalement très répandus. À moins qu'ils ne soient à usage unique, ils n'offrent pas plus qu'une illusion d'authentification, et nous ne les aborderons pas plus avant.
  • Nom d’utilisateur / mot de passe : la technique d'authentification qui reste la plus courante est celle consistant à définir un nom d'utilisateur et un mot de passe associé. Le premier permet d'identifier l'utilisateur et est fourni de manière déclarative. Le second est ensuite demandé par le système pour valider l'identification déclarée en comparant une information supposée connue seulement de l'utilisateur légitime avec une information stockée sur le système. En toute rigueur, le mot de passe ne doit pas être connue en clair du système lui-même et surtout de ses administrateurs. Afin de limiter l'impact d'un vol et l'omniscience des administrateurs système, les techniques de cryptographie permettent de se limiter au stockage d'un hash du mot de passe sur le système.
  • Clef publiques/clefs privés: : les technique d'authentification basées sur l'utilisation des possibilités offertes par la cryptographie asymétrique, associant une clef publique connue de tous et une clef privée détenue seulement par l'utilisateur (ou un objet dont il dispose) sont celles fournissant à l'heure actuelle, dans la pratique, les moyens d'authentification les plus résistants du point de vue technique. Des exemples courants dans ce domaine sont l'utilisation de RSA, DSA pour des applications comme SSH (authentification des machines et des utilisateurs), IKE (établissement de tunnels chiffrés IPSEC), l'authentification par carte à puce sur les systèmes d'exploitation, etc.
  • Authentification « forte » des utilisateurs : les techniques d'authentification dites « fortes » combinent l'utilisation de protocoles d'authentification spécialement étudiés (faisant appel à des algorithmes cryptographiques sérieux) et des éléments logiciels ou matériels permettant aux utilisateurs de mettre en œuvre assez facilement ces protocoles :
    • mots de passe jetables intégrant une composante horaire ;
    • mots de passe jetables (type S/Key, par logiciel ou calculette) ;
    • cartes à puce et token USB.
  • Certaines techniques d'authentification abusent en fait de l'utilisation d'un dispositif matériel plus ou moins sophistiqué détenu par l'utilisateur pour ressembler à la famille précédente : pistes magnétiques ISO, numéros d'identification RFID (cartes sans contact), etc. ; mais elles ne sont pas si « fortes » que cela.

On notera enfin que ces différentes techniques d'authentification sont largement orientées vers l'authentification de l'utilisateur auprès du système, voire d'un système auprès d'un autre système. L'authentification du logiciel s'exécutant à un instant donné auprès de l'utilisateur (notamment au moment de l'authentification de l'utilisateur), ou même la vérification de l'intégrité du logiciel au moment de l'installation sont encore largement ignorés dans la pratique. Au moins, ceci confirme l'inusable actualité de la tactique du cheval de Troie, pourtant millénaire.

Hardware tokens modifier

Crypto hardware tokens modifier

Les techniques d'authentification utilisant des dispositifs matériels spécifiques intégrant des fonctions de calcul cryptographiques (notamment de cryptographie asymétrique) sont une classe importante de moyens d'authentification pour les utilisateurs.

De manière générale, ces dispositifs sont souvent désignés sous le nom de « carte à puce », bien que cette dénomination commence à devenir trompeuse, toutes les puces n'intégrant pas nécessairement de fonctions cryptographiques, a fortiori de cryptographie asymétrique, et certaines de ces puces étant désormais proposées sur d'autres supports que des cartes.

Dans la pratique, une carte à puce est détenue par l'utilisateur qui partage avec elle un code d'identification (souvent appelé PIN), généralement numérique ou alphanumérique. Ce PIN permet à l'utilisateur de déverrouiller la carte pour une session d'authentification spécifique et protège celle-ci (de manière limitée) en cas de vol. La carte à puce elle-même réalise une authentification avec la machine hôte via un protocole d'authentification du type de ceux utilisant la cryptographie RSA ou DSA - c'est à dire en utilisant un algorithme cryptographique asymétrique permettant à la carte à puce de prouver son identité sans révéler la clef privée qu'elle détient. Suivant les modèles, cette clef privée est stockée dans une zone mémoire protégée de la puce[1] et est même générée sur la puce elle-même. Dans ce dernier cas, à aucun moment la clef privée ne sort de la carte à puce et constitue donc un secret de très bonne qualité.

Les standards industriels semblent également converger vers un stockage du bi-clef d'authentification sous le format des certificats X.509. Enfin, les cartes à puce nécessitent un dispositif de lecture spécifique, un lecteur de cartes, installé sur la machine hôte. Pour pallier au besoin de cet équipement additionnel, le format du dispositif à évolué pour tirer partie des ports USB disponibles depuis quelques années sur la plupart des micro-ordinateurs, et on rencontre désormais ce dispositif sous la forme d'une clef USB. Par ailleurs, ces clefs USB d'authentification présentent les mêmes caractéristiques techniques qu'une carte à puce, quand elles utilisent le même type de microprocesseur. Mais ce format USB peut également être utilisé par d'autres types de « puces » (les clefs mémoires simples par exemple, sont désormais très répandues). Des dispositifs matériels intégrant des fonctions cryptographiques sont également disponibles pour réaliser l'authentification utilisant des mots de passe jetables (dont l'intérêt est de pouvoir fonctionner avec un protocole d'authentification non-sécurisé pré-existant). On rencontre parfois des dispositifs de ce type, souvent appelés « calculettes ». Ces calculettes nécessitent généralement un PIN pour les déverrouiller. Des versions logicielles de ce type de dispositif peuvent également être utilisées, si une confiance suffisante dans la machine sur laquelle est exécutée ce logiciel est acquise.

Autres badges d'identification modifier

D'autres types de dispositifs matériels d'authentification sont également relativement courants, bien qu'ils ne soient pas toujours utilisés pour l'authentification sur un système d'exploitation, mais plutôt pour le contrôle d'accès physique ou d'autres fonctions courantes (pointage horaire, paiement cantine, suivi de production, etc.). Le plus courant est probablement la carte à piste magnétique ISO (souvent appelée « badge »), mais d'autres dispositifs sont également assez répandus (badges Weygand, inductifs, etc.). La limite entre ces « badges d'identification » et la « carte à puce d'authentification » n'est parfois pas facile à reconnaître.

Dispositifs « sans contact » (RFID, etc.) modifier

Zoom sur les tokens à puces cryptographiques modifier

Mots de passe et attaque des mots de passe modifier

Malgré l'existence de dispositif matériels d'authentification, l'authentification par mot de passe reste la technique la plus répandue dans les systèmes informatiques. Sa prolifération a même donné lieu à la création d'un marché pour des produits de gestion des différents mots de passe dont un utilisateur peut être détenteur, et qu'il n'arrive plus à mémoriser seul. Cette technique sépare l’identifiant : le nom d’utilisateur fourni de manière déclarative ; et l’authentifiant : un mot de passe secret.

Stockage modifier

Cet authentifiant est stocké à disposition du système d’authentification, qu'il s'agisse du logiciel permettant d'ouvrir des sessions utilisateur au niveau du système d'exploitation (login) ou bien au niveau d'un service applicatif (par exemple un serveur HTTP) ou d'un SGBD. Il est d'abord important de distinguer différentes formes de stockage du mot de passe sur le système. En effet, certains utilisateurs (les administrateurs par exemple, ou les opérateurs des systèmes de sauvegarde), ou parfois un grand nombre d'utilisateurs (tous les utilisateurs dans les anciennes versions d'Unix[2]) peuvent avoir accès à cette zone de stockage. Malgré tout, un tel accès ne doit pas leur permettre de découvrir facilement le mot de passe des autres utilisateurs, ce qui leur donnerait un moyen d'usurper totalement leur identité.

On peut distinguer :

  • un stockage sous forme « obscurcie », utilisant un encodage spécifique, mais réversible : c'est par exemple le cas de certains équipements réseau Cisco qui font figurer les mots de passe sous cette forme dans un état de leur configuration — d'autres constructeurs peuvent certainement utiliser ce type de stockage — qu'il est important de savoir distinguer de celles utilisant un véritable mécanisme cryptographique ;
  • un stockage sous forme chiffrée, par exemple en utilisant une fonction cryptographique à sens unique (secure hash) comme le DES d'une valeur constante, MD5, SHA-1, etc. ;
  • un stockage sous une forme chiffrée résistante, c'est à dire spécifiquement adaptée pour résister à une attaque par dictionnaire, en démultipliant l'espace de recherche possible (c'est à dire en pratique en ajoutant un salt aléatoire de longueur suffisante au mot de passe fourni par l'utilisateur) et en ralentissant le calcul de la fonction cryptographique pour limiter la vitesse des essais réalisables ;
  • enfin, il faut réaliser que ces mots de passe sont parfois stockés directement en clair sur le système ; par exemple dans le cas des applications Web, c'est encore une pratique largement répandue de stocker en clair les mots de passe dans la base de données associée, dans ce cas tous ceux ayant accès à ces tables, notamment les développeurs, sont en mesure d'usurper l'identité des utilisateurs.

Caractéristiques modifier

Du point de vue de l'usage terminologique, il importe de distinguer un mot de passe d'un(e) « passphrase » ou un PIN. Dans les deux cas, il s'agit bien de l'équivalent d'un mot de passe ; mais l'usage consacre généralement le terme PIN pour désigner un code numérique servant à déverrouiller une carte à puce, et le terme passphrase pour désigner le mot de passe permettant de déverrouiller l'accès à une clef privée stockée sur disque (sous forme chiffrée) par exemple dans un anneau de clef OpenPGP ou la partie privée d'un certificat X.509[3]. La deuxième dénomination fait également référence à une méthode de choix du mot de passe (utilisant une phrase comme support mnémonique) permettant d'arriver à des mots de passe de bonne qualité.

La technique d'authentification par mot de passe étant encore très largement répandue, dans un souci pratique, il faut s'intéresser aux caractéristiques d'un bon mot de passe. Selon nous, un bon mot de passe combine les caractéristiques suivantes :

  • il est personnel : c'est à dire spécifique à chaque individu et connu de lui seul (il ne peut donc être « prêté ») ;
  • il doit être fiable : c'est à dire durablement mémorisé par son détenteur, malgré des périodes parfois longues de non-utilisation ;
  • enfin, pour avoir un rôle réel du point de vue de la sécurité, il doit être résistant : c'est à dire qu'il ne doit pas être facile à deviner pour un tiers (qu'il s'agisse d'un humain ou d'une machine).

Ces caractéristiques mettent en lumière les principales difficultés que posent la technique d'authentification par mot de passe. Le caractère personnel s'oppose à beaucoup d'usages, notamment en entreprise, où la délégation d'accès est nécessaire (par exemple en cas d'absence) et souvent impossible à réaliser par les fonctions du système. La fiabilité d'un mot de passe, dans un cerveau humain standard, s'oppose assez directement à sa complexité, dont on comprend pourtant qu'elle est nécessaire pour un minimum de résistance. La résistance à des attaques automatiques devient de plus en plus difficile. La puissance croissante des machines permet désormais d'effectuer jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'essais par seconde ce qui permet d'obtenir très rapidement tout mot de passe qui n'a pas été choisi avec soin. Enfin, une utilisation judicieuse de la psychologie humaine peut aussi permettre de deviner le mot de passe d'un tiers : en tout état de cause, la manière la plus simple d'obtenir le mot de passe de quelqu'un reste de le lui demander.

Attaque du mot de passe modifier

L'attaque des mots de passe peut donc s'effectuer de multiples manières :

  • Les difficultés de mémorisation rencontrées par les utilisateurs les conduisent souvent à noter leur mot de passe, ou plutôt leurs mots de passe. Dans ces conditions, et c'est probablement la technique la plus simple, il faut commencer par chercher les mots de passe dans la poubelle, sous le clavier, dans les agendas, les PDA, voire tout simplement sur les autocollants entourant l'écran.
  • Amener un utilisateur à vous confier son mot de passe peut sembler une stratégie simpliste, elle révèle pourtant toute son efficacité quand elle est menée avec des scénarios suffisamment sophistiqués, en utilisant les techniques dites de social engineering (notamment par téléphone). On peut par exemple envisager de se faire passer pour un RSSI souhaitant vérifier le bon fonctionnement de son outil d'attaque par dictionnaire (quoiqu'à notre connaissance, cette stratégie-là n'ait jamais marché).
  • Parmi les méthodes techniques de vol d'un mot de passe, la première consiste à essayer d'intercepter le mot de passe au moment où celui-ci est entré par l'utilisateur. Ceci peut être envisagé de plusieurs façons :
    • en conduisant l'utilisateur à exécuter un programme malveillant qui pourra tenter de convaincre l'utilisateur de lui donner son mot de passe - c'est à dire utiliser un Cheval de Troie (en utilisant n'importe quelle animation amusante pour la partie visible du programme afin d'inciter l'utilisateur à la négligence) ;
    • en utilisant un enregistreur clavier, qu'il s'agisse réellement d'un dispositif matériel d'espionnage (une caméra, une indiscrétion) ou d'un logiciel déployé par exemple via un (autre) Cheval de Troie.
  • Il est parfois possible d'inverser le codage des mots de passe quand la forme stockée sur l'équipement n'est pas spécifiquement protégée (pour une raison ou pour une autre). C'est par exemple le cas pour les mots de passe utilisateur stockés dans les configurations des routeurs ou des switches utilisant l'IOS Cisco[4] et figurant notamment dans leurs sauvegardes. Dans ce cas comme dans le suivant, il est nécessaire d'obtenir en préalable accès à la zone de stockage de ces mots de passe (d'une manière ou d'une autre).
  • Enfin, à partir de la base de données système contenant la forme protégée des mots de passe on peut envisager de mener une attaque par dictionnaire (password cracking) permettant de découvrir les mots de passe des utilisateurs et probablement de rebondir vers d'autres systèmes (les utilisateurs utilisant en général des mots de passe identiques ou similaires d'un système à un autre). Cette attaque, assez sophistiquée, présente un certain nombre de caractéristiques :
    • Comme nous l'avons dit, elle nécessite en préalable le vol de la forme stockée, chiffrée en général.
    • L'attaque consiste à réaliser des essais successifs d'authentification par rapport à un dictionnaire pré-établi en calculant la forme chiffrée (comme le fait le logiciel d'authentification) et en comparant chacun des mots du dictionnaire avec les différents mots de passe chiffrés qui ont été dérobés.
    • Les logiciels permettant de mettre en œuvre ce type d'attaque permettent généralement d'aller au-delà de l'utilisation d'un dictionnaire simple et permettent d'étudier un espace de recherche plus large en prenant en compte des règles de combinaison simples imitant celles utilisées par les utilisateurs pour « compliquer » leur mot de passe (mot à l’envers, ajout d’un ou deux chiffres, etc.).
    • La puissance des machines aidant et compte tenu d'un haut niveau d'optimisation pour les logiciels d'attaque, la recherche exhaustive est désormais accessible en un temps assez court pour les mots de passe composés de caractères alphanumériques ou des signes de ponctuation courants (avec une longueur minimale de huit en général).
    • La technique est surtout intéressante quand elle peut être appliquée à tout un ensemble de comptes utilisateurs et les optimisations techniques des logiciels d'attaque visent à faciliter ces tentatives en parallèle. Par exemple, une optimisation évidente consiste à utiliser les techniques les plus probables en premier de manière à obtenir les mots de passe simples le plus vite possible.
    • Bien que d'un principe assez simple, cette attaque est une forme directe d’une attaque cryptographique plus générale (codebook-based) consistant à pré-calculer un ensemble de textes chiffrés à partir d'un dictionnaire (ou de séquences aléatoires de longueur fixée) pour créer un « livre de code » lequel est ensuite utilisé afin d'accélérer le déchiffrement d'un message particulier. Un algorithme cryptographique ou une fonction de dispersion solides doivent pouvoir résister à ce type d'attaque, notamment en rendant impossible la construction d'un codebook utile et de taille significativement inférieure à l'ensemble des textes chiffrés possibles. Une attaque de ce type a récemment mis en péril l'ensemble du système d'authentification d'un système d'exploitation très répandu[5][6]).
    • Bien évidemment, dans la pratique, le choix du dictionnaire est important pour une efficacité accrue (prénoms, langue d'origine du dictionnaire, acronymes usuels sont à intégrer). C'est également par rapport à un dictionnaire stable qu'une évaluation régulière du niveau de solidité des mots de passe peut être effectuée ; cette fois-ci par les administrateurs de sécurité.

Prévention et évaluation modifier

Parmi les différentes techniques d'attaque, un certain nombre s'appuient sur la méconnaissance des utilisateurs des vulnérabilités de la technique d'authentification qu'ils utilisent couramment, ainsi qu'une tendance à sous-estimer les abus qui peuvent être effectués en usurpant leur identité. Face à ce type de danger, c'est d'abord par la sensibilisation des utilisateurs et la formation des administrateurs que l'on peut agir ; par exemple en prenant pour point de départ l'exposé d'une « bonne » méthode de choix d'un mot de passe, soin qui met de fait en avant l'importance du secret et de la qualité de l'authentifiant…

Le mode de stockage des mots de passe sur les systèmes où l'authentification est réalisée ou dans le système d'information (sauvegardes) est également un point technique qui est mis en exergue par une étude plus détaillée de la gestion des mots de passe. Il est parfois possible de choisir entre différents modes de fonctionnement et, dans tous les cas, le détail des algorithmes utilisés par les différents systèmes montre de larges disparités qui pourraient être un critère de choix d'une technique d'authentification. C'est aussi un indice sur le niveau général de confiance que l'on peut accorder dans le système d'exploitation concerné.

L'examen des algorithmes utilisés est bien évidemment source d'information, mais la mise en œuvre effective de l'attaque par dictionnaire avec un logiciel librement disponible l'est également : elle permet d'offrir un point de vue tout à fait concret sur l'efficacité combinée des choix des utilisateurs et des algorithmes de stockage en usage dans le système d'information. À notre connaissance, ces données offrent également un moyen d'alerte utile au niveau des directions. On pourrait également envisager de les utiliser pour offrir une motivation aux utilisateurs et les encourager à adopter des politiques de choix judicieuses ; mais c'est un terrain délicat sur lequel nous ne nous sommes encore jamais aventurés et qu'il importe certainement d'inscrire dans un « plan de communication » réfléchi pour susciter une réaction positive[7].

Une attaque régulière des mots de passe mise en œuvre par les administrateurs de sécurité eux-mêmes doit, à notre sens répondre aux critères suivant :

  • utiliser un matériel et un logiciel courant, c'est-à-dire des moyens accessibles à un agresseur peu fortuné ;
  • être effectuée très régulièrement pendant une longue période (les variations sont nettement plus intéressantes qu'un résultat ponctuel) ;
  • être effectuée sous des conditions de sécurité très strictes (ce qui n'est assez facile que si on isole les calculs sur une machine peu utilisée et si on prend garde à la transmission des données) sous peine de donner un très mauvais exemple ;
  • les résultats doivent être consolidés - les indicateurs les plus pertinents n'étant pas toujours évidents à identifier en première approche (le ratio vulnérables/non-vulnérables est intéressant ponctuellement tandis que, dans une vision continue, l'évolution des taux d'apparition et de disparition de mots de passe vulnérables l'est probablement plus) ;
  • la communication des résultats obtenus doit également être effectuée avec précaution, qu'il s'agisse de résultats ponctuels ou statistiques[8].

Parmi les logiciels utilisables pour réaliser ce type d'évaluation, les plus connus sont L0phtCrack dans le domaine commercial pour la version 5 et plutôt sur plate-forme Windows ; et John the Ripper plutôt sur plate-forme Unix. Ces outils sont les successeurs de l'outil historique dans ce domaine, nommé : Crack (v4.1 en 1991 puis v5.0) d'Alec Muffet.

Dans le domaine des outils orientés vers la capture des mots de passe (chiffrés ou non) transitant sur le réseau, un outil librement disponible particulièrement intéressant est Caïn. Il offre un niveau de convivialité remarquable pour une démonstration et un outillage intéressant pour divers types de mots de passe et d'écoute réseau.

 
Cain, un outil de capture passive et d'attaque des mots de passe

Annuaires modifier

La problématique du stockage des mots de passe dans le système d'information est de plus en plus liée à celle de la mise en place d'un annuaire des utilisateurs. Quoique le mot de passe soit un attribut assez particulier de la définition des utilisateurs (en comparaison, par exemple, de leur nom ou de leur numéro de téléphone), sa gestion est étroitement associée à celle des autres caractéristiques de l'utilisateur.

Parmi les différentes technologies d'annuaires, certaines permettent de traiter de manière unifiée la gestion des mots de passe (NIS+, LDAP), d'autres s'appuient sur une infrastructure de gestion des informations et des fonctions d'authentification distincte (par exemple Active Directory et Kerberos), d'autres offrent des fonctions spécifiques (DNSSEC).

Le lien entre l'annuaire des utilisateurs offert par le système d'information et les informations concernant la sécurité pourrait être amené à s'étendre encore avec la gestion dans l'annuaire d'éléments comme les certificats X.509 des utilisateurs, ou les clefs et les certificats IPSEC/IKE pour les dialogues entre machines ou entre services.

SSO modifier

Face à la multiplication des mots de passe gérés par un même utilisateur, des utilitaires de gestion sont apparus pour aider les utilisateurs à stocker leurs différents mots de passe et leur éviter d'avoir à les mémoriser. Ces différents utilitaires sont généralement rassemblés sous la désignation de moyens de « SSO » (pour Single Sign-On).

Cet acronyme désigne en fait de manière générique la problématique de l'authentification unique : c'est à dire le fait pour l'ensemble des applications et des systèmes d'exploitation d'un système d'information réparti de partager le(s) même(s) système(s) d'authentification et d'éviter ainsi aux utilisateurs d'avoir à s'authentifier plusieurs fois pour accéder aux différentes ressources du système d'information. Cette problématique, plus proche en fait de l'autorisation dans un système distribué que de l'authentification, a été abordée initialement dans le projet Kerberos du MIT.

Toutefois, en l'absence de l'utilisation d'un même service d'authentification suffisamment sophistiqué pour permettre à l'ensemble du système de fonctionner avec une authentification unique, la plupart des applications utilisent en fait des annuaires et des définitions d'utilisateurs internes et exigent une ré-authentification des utilisateurs. Les utilitaires de SSO permettent de donner l'illusion d'une authentification unique en automatisant les authentifications « secondaires » à partir des informations stockées dans un répertoire de chaque utilisateur (qui contient les identifiants et les mots de passe nécessaires). Qui plus est, certains utilitaires permettent le stockage de ce répertoire dans une ressource centralisée du système d'information (comme Active Directory ou LDAP) ce qui complète l'illusion en associant l'accès à ce répertoire à l'authentification « primaire » assurée par les annuaires. D'autres utilitaires offrent la possibilité de stocker les données d'identification et d'authentification dans la mémoire protégée de dispositifs matériels comme les cartes à puce, ou les clefs USB ; ce qui permet à un utilisateur de transporter avec lui en permanence tout le répertoire dont il a besoin, et de mélanger les éléments personnels et professionnels (sur ce dispositif qui lui est propre).

L'utilisation de ces utilitaires simplifie grandement la vie aux utilisateurs, désormais confrontés quotidiennement à l'obligation d'utiliser 4 ou 5 mots de passe au moins. Ils sont donc associés à une demande qui peut être forte. Par ailleurs, ils semblent parfois indispensables pour permettre de prendre en charge des applications anciennes dont le développement est définitivement arrêté et qui ne pourront pas évoluer vers la prise en compte d'un nouveau système d'authentification. Une automatisation poussée et fiable permettrait même d'envisager une gestion complètement transparente des authentifications secondaires, et donc de choisir l'utilisation de mots de passe très complexes, impossibles à mémoriser pour un individu, et changeant fréquemment. Dans la pratique toutefois, un tel degré d'automatisation semble difficile à atteindre. Enfin, ils sont particulièrement adaptés à un usage personnel pour la gestion des multiples comptes des applications Web.

Toutefois, à notre sens, il faut considérer que ces utilitaires ne donnent qu'une illusion d'authentification unique. Pour y aboutir réellement, il faut permettre aux applications d'utiliser un service d'autorisation suffisamment évolué pour gérer un système réparti moderne (et si possible ouvert) ; le premier des services qu'il rend étant bien évidemment celui de permettre et de garantir l'authentification des utilisateurs (et des services) concernés auprès de lui. Toutefois, tant que les solutions disponibles sur ce point n'auront pas connu un déploiement effectif suffisamment étendu, les utilitaires de SSO de gestion des mots de passe semblent avoir un bel avenir devant eux.

La plupart des systèmes d'exploitation ou des éditeurs de logiciels de sécurité à destination du poste de travail (fournisseurs d'antivirus par exemple) proposent désormais ce type de logiciel. On peut ainsi mentionner : KDE Wallet Manager, GNOME Password Manager, Symantec's Norton Password Manager, Aladdin eToken Web Sign-On ou même certaines fonctions d'Internet Explorer et de Mozilla ou Firefox, et bien d'autres.

Notes modifier

  1. Cette zone ne doit pas pouvoir être accédée, même par une intrusion physique sur la puce, sans provoquer la destruction de la mémoire concernée.
  2. Avant l'introduction des fichiers /etc/shadow contenant les mots de passe cryptés accessibles seulement à certaines catégories d'utilisateurs, ceux-ci étaient directement stockés dans la table /etc/passwd accessible en lecture par tous les utilisateurs.
  3. Les cartes à puce récentes permettant désormais d'utiliser n'importe quelle séquence alphanumérique pour choisir un PIN et les certificats X.509 pouvant être entièrement gérés par une carte à puce, la distinction entre PIN et passphrase commence également à s'estomper.
  4. Au contraire du mot de passe de paramétrage de l'équipement (enable password), généralement stocké avec la fonction de hachage sécurisée MD5, la plupart des autres mots de passe sont stockés sous une forme inversible pour une discussion factuelle du sujet. Voir http://www.auscert.org.au/render.html?it=285
  5. http://lasecwww.epfl.ch/pub/lasec/doc/Oech04.pdf
  6. http://lasecwww.epfl.ch/
  7. Des réactions négatives sont à craindre si on montre sans précaution aux utilisateurs que leurs mots de passe sont « mauvais » (faillibles en fait) d'autant qu'aucune méthode de sélection d'un mot de passe n'est infaillible, surtout face aux progrès de la recherche exhaustive.
  8. Il est bien entendu totalement inadapté de provoquer les utilisateurs dont le mot de passe a été identifié en le leur dévoilant sans sollicitation. De toute façon, la curiosité dans ce domaine est un vilain défaut.