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Annexe 3

Résultats de l’enquête

TABLES DES MATIÈRES

3.1 Organisation du travail le 8 août 1956 /page 74

3.2 Translations des cages au puits 1 depuis le début du poste du matin jusqu'au moment de l'accident. /page 74

3.3 Succession des faits peu avant et peu après le moment de l'accident aux différents étages. /page 76

  • 33.l À l'étage de 975 m. /page 76
  • 33.2 À l'étage de 1035m /page 78
  • 33.3 À l'étage de 765 m /page 80
  • 33.4 À l'étage de 715 m /page 81
  • 33.5 À la surface /page 81

3.4 Analyse des faits. /page 84

  • 34.1 D'après les déclarations /page 84
  • 34.2 D'après les constatations effectués à l'envoyage de 975 du P. 1. /page 84
  • 34.3 Suite des opérations de sauvetage au cours de la journée du 8-8-1956. /page 90
  • 34.4 Les dangers de l'oxyde de carbone. /page 93
  • 34.5 Conséquences d'un incendie souterrain /page 95
  • 34.6 Equipement des centrales de sauvetage /page 90
  • 34.7 Dangers des sauvetages aux hautes températures./page 96
    • 347.1 Coup de chaleur /page 97
    • 347.2 Déshydratation /page 97
  • 34.8 Poursuite des opérations de sauvetage après le 8 août 1956 et principales constatations effectuées au cours des opérations. /page 98
    • 348.1 Constatations médicales /page 105
    • 348.2 Constatations d'ordre technique /page 107

3.5 Etat du puits n° 1 (ou puits d'entrée d'air)./page 108

3.6 Formation professionnelle du personnel. /page 109

  • 36.1 Initiation des encageurs du fond et taqueurs de surface. /page 109
  • 36.2 Degré de formation des sauveteurs belges. /page 110



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3.1 ORGANISATION DU TRAVAIL LE 8 AOÛT 1956

Le 8 août 1956, la descente du personnel du poste du matin s'est effectuée normalement à partir de 7 heures. Le personnel était réparti aux différents étages de la manière suivante :

  • Étage 170 = 1
  • Étage 765/715 =27
  • Étage 907/835 =89
  • Étage 1035/975 =149
  • Étage 1100 (en préparation) =9
  • Total =275

La figure 19 indique la répartition du personnel dans les différents chantiers. De l'interrogatoire de tous les surveillants, porions et chefs-porions du poste de nuit, il résulte que rien d'anormal n'avait été constaté dans les travaux souterrains, durant le poste de nuit du 7 au 8 août 1956.

3.2 TRANSLATIONS DES CAGES AU PUITS 1 DEPUIS LE DÉBUT DU POSTE DU MATIN JUSQU'AU MOMENT DE L'ACCIDENT

Immédiatement après la descente du personnel du poste du matin, l'extraction a débuté à l'étage de 975 au puits l, à 7 h 45 (fig. 23).

Quatre hommes étaient préposés à cette opération (fig24) l'encageur de 975 (encaisseur des wagonnets pleins à l'envoyage de 975)l'aide-encageur de 975 (préposé aux wagonnets vides à l'envoyage de 975)le taqueur de la recette de surface et le machiniste d'extraction. Des déclarations de l'encageur de 975, du taqueur de surface et du machiniste d'extraction d'une part, et de l'examen de l'enregistreur de cor-

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dée (Rockel) d'autre part, il résulte ce qui suit (l):

Trois cages de wagonnets pleins ont été extraites de l'étage de 975 m. À partir de ce moment, les cordées se sont succédées de la manière suivante :

1) la cage levant (ou cage du pied) est à 975. Elle est chargée de 7 wagonnets pleins et le compartiment supérieur est équipé de barrières pour reprendre du personnel du poste de nuit attardé à l'étage de 835. La cage levant quitte le fond, s'arrête à 835 pour charger les attardés et regagne ensuite la surface où elle est déchargée. Lors de cette manœuvre de déchargement à la surface, la cage couchant (ou cage du comble) se trouve à 975. Des ajusteurs de la surface sont demandés par l'étage 975 pour y entreprendre une réparation au mécanisme d'encagement.

2) À ce moment, à 975, il n'y a plus de chariots pleins pour charger la cage couchant et le taqueur de surface reçoit le signal de cloche de l'étage de 975 m lui indiquant qu'il peut remonter

(1) Un surveillant du poste de nuit remonté tardivement a également été interrogé à ce sujet. L'aide-encageur de 975 n'a pas été interrogé. Il a été retrouvé parmi les victimes de la catastrophe à l'étage de 1035, dans le bouveau midi (au point X) à proximité des portes séparant le contour de l’envoyage de 1035, de l'entrée d’air des chantiers de 1035

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la cage dans le coffrage pour l'immobiliser jusqu'à nouveau signal de l'encaisseur du fond. Sur ces entrefaits, l'encagenr de 765 demande deux cages au taqueur de surface. Le taqueur de surface avertit immédiatement l'aide-encaisseur de 975 qui déclare ne plus avoir de chariots pleins à son envoyage et donne au taqueur toute liberté quant aux translations des cages jusqu'à nouvel avis téléphonique (2). La cage levant (ou cage du pied) descend ainsi de la surface jusqu'à l'étage de 765 où sont chargées 7 berlaines pleines (le compartiment supérieur de la cage étant toujours muni de ses barrières parce que celles-ci doivent retourner à 975 d'où elles proviennent). 3) Ensuite, la cage levant remonte de 765 à la surface où elle est vidée de ses 7 berlaines pleines et chargées de 7 berlaines vides, tandis que la cage couchant se présente à 975. 4) Enfin, le tireur sonne le signal de départ (4 coups) puis avertit par porte-voix le machiniste d'extraction de redescendre une nouvelle fois la cage levant à 765 et de prendre en passant à 170 le pompier pour le conduire à 390. Après avoir reçu le signal «4 coups» le machiniste démarra, les cages s'immobilisèrent assez rapidement. Il était alors 8 heures 10.

3.3 SUCCESSION DES FAITS PEU AVANT ET PEU APRÈS LE MOMENT DE L'ACCIDENT AUX DIFFÉRENTS ÉTAGES

33.1 À l'étage de 975 m.

L'encageur de 975 déclare qu'au début du poste, il chargea quelques cages à 975. Dans l'en voyage, il y avait une berotte (3) qui gênait la circulation des wagonnets. Il emmena cette berotte; il alla la garer à environ 40 m du puits et ensuite il revint à sa besogne. À son retour à l'envoyage, la cage n'était pas là. Sur ces entrefaites, 4 chariots pleins arrivèrent du long plan 907/975. Sachant qu'il allait avoir d'autres chariots pour poursuivre l'extraction, il demanda à son aide-encageur: «Puis-je encager? » et il déclare que son aide lui répondit: «Oui, tu peux encager ».

(2) Cette communication téléphonique se situerait entre 8h et 8 h02 d'après la déclaration du taqueur et du diagramme enregistreur de cordées

(3) Chariot utilisé pour le transport des bois

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II commença à décrocher les chariots. À ce moment, la cage s'est. posée sur le « berceau mobile» de la balance. Il décrocha deux chars et un des manœuvres du plan décrocha les autres. La cage était restée un peu plus haut que le niveau exact de l'envoyage. Il fit descendre la balance hydraulique pour la mettre au niveau de l'envoyage et ainsi encager dans l'étage inférieur. Il se mit à son poste d'encagement pour décager-encager. Il poussa le wagonnet plein contre le vide mais il ne put faire la manœuvre complète. Le chariot plein entra à moitié dans la cage et le vide sortit en partie de la cage (à moitié). L'arrêtoir se releva entre les deux roues de la face ouest du chariot vide. Normalement, cet arrêtoir doit rester effacé jusqu'à ce que le chariot vide soit. sorti (cet arrêtoir fonctionne manuellement. ou à l'air comprimé). Dès qu'il vit. que son chariot était. ainsi mal engagé, il passa au-dessus des pleins pour se diriger du côté des vides. Aussitôt après avoir enjambé un chariot plein et en contournant le puits, il entendit la cage partir. Il entendit un fracas comme si on arrachait une poutrelle. Lorsqu'il fut de l'autre côté du puits, du côté des vides, il vit des fumées, puis, dans les fumées, des étincelles, puis des flammes. Il ne précisa pas si les fumées étaient réellement des fumées provenant d'un feu ou des poussières. D'après ce qu'il vit, tout était. noir et il y avait du clair derrière. Son aide-encageur qui était. du côté des vides se dirigea vers le téléphone en s'écriant. : «Mais quelle nouvelle aujourd'hui» tandis que l'encageur répondit: «Je ne sais pas ce qu'ils font », L'encageur poussa son aide plus loin et dès que ce dernier vit les flammes, il partit avant. lui en se dirigeant vers l'élévateur (4). L'encageur vit alors des flammes beaucoup plus fortes et se dirigea vers le puits II. Avant. d'ouvrir la porte, il se retourna encore une fois. Il vit. les flammes qui augmentaient et avaient tendance à descendre dans le puits en s'élargissant. Les lampes électro-pneumatiques fonctionnaient encore un peu. Ensuite, il avança sans lampe vers les portes du puits de retour d'air (P. II) qu'il passa en ayant soin de les refermer. De l'autre côté des portes, il retrouva la lumière, car à chaque envoyage est suspendue une lampe dite «d'accrochage ». lorsqu'il n'y a pas de lampe électrique fixe.

( 4) Rappelons que le corps de l'aide-encageur a été retrouvé au point x dans le bouveau midi de 1035 à proximité des portes séparant les contours de l'envoyage de 1035 de l’entrée d’air des chantiers de 1035 (fig 14)

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Il regarda où se trouvaient les cages. Il attendit que la cage du «fond» soit remplie et passe devant lui pour demander une cage. Il fit plusieurs roulements mais la cage était chargée de berlaines; elle ne s'est pas arrêtée. Il attendit encore que la seconde cage soit rem· plie à 1035 et lorsque l'encageur eut sonné ses 4 coups, il commença à faire des roulements. La cage pleine montante est de nouveau passée sans s'arrêter, mais l'autre cage est descendue avec deux ajusteurs (5) et elle s'est arrêtée à 975. L'ajusteur fut étonné de voir l'encageur du P.I. Ce dernier lui dit aussitôt: «Nous devons remonter, il y a du feu à 975 ». Il entra dans la cage et un des trois, donna le signal du départ. Avant d'avoir la cage, l'encageur avait remarqué que les fumées passaient déjà en-dessous des portes dans la communication entre puits. Les ajusteurs ont déclaré que l'envoyage était déjà rempli de fumées, que la visibilité était faible et qu'ils ne voyaient déjà plus les portes obturatrices de la communication de 975. La cage levant descendit avec les trois hommes jusqu'à l 035. Avant que la cage ne se mette sur le berceau de la balance à 1035, l'encageur de 975 cria à l'encageur de l035 de ne pas introduire de chariots dans la cage parce qu'il fallait remonter immédiatement à la surface et il ajouta «essaie de retirer tout de suite les chariots, si on devait faire remonter le personnel tout de suite au jour ». À celà, l'encageur de 1035 lui répondit: «Mets-toi dans la cage, remonte avec les ajusteurs, annonce ce que tu as vu, tandis que moi je resterai ici et reprendrai l'autre cage ». En passant à 975, en montant, la fumée était de plus en plus opaque. Elle envahissait toute la cage. Il était 8 heures 25 environ, lorsque l'encageur de 975 arriva à la surface. Pendant ce temps, que se passait-il à l035, à 765, à 715 et à la surface? Des déclarations des rescapés du niveau de 1035, il résulte ce qui suit. Vers 8 heures 15, lorsque le soigneur de chevaux aperçu soudainement de la fumée qui pénétrait dans le bouveau principal d'entrée d'air de l035, il crut tout d'abord que ces fumées provenaient de l'échappement des locomotives. Mais aussitôt après, il y eut beaucoup plus de fumées à tel point qu'il ne voyait même plus sa lampe. À quatre pattes, il suivit les rails de la galerie vers l'envoyage. Après avoir passé deux portes ob-

(5) L'ajusteur et son aide se trouvaient dans le compartiment inférieur de la cage. Ils descendaient précisément à cette heure là pour exécuter la réparation demandée à l’envoyage de 975.

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turatrices qui le séparaient de l'envoyage, il constata que l'air y était toujours pur. Les fumées n'avaient pas encore envahi l'envoyage du puits de retour d'air (voir fig. 14). Pendant ce temps, le deuxième bouveleur du burquin 1100/1035 en préparation, qui était occupé à charger du matériel au sommet de l'avaleresse du Puits I à 1035 avait entendu un bruit dans l'aplomb du Puits I, bruit semblable à un renversement de tonneaux. Le conducteur des travaux était alors à l'étage de 1100 m (6), Il avait également entendu le bruit de tonneaux et avait constaté que le ventilateur du burquin s'était arrêté. Il cria au deuxième bouveleur et au machiniste du treuil de l'avaleresse de s'informer par téléphone de ce qui s'était passé, Sur l'ordre du conducteur des travaux, les hommes essayèrent de téléphoner de nombreuses fois à la surface, mais sans succès. Ils informèrent le conducteur de leurs échecs successifs ainsi que du manque d'énergie sur le moteur d'extraction de l'avaleresse. C'est alors que le soigneur de chevaux arriva et annonça au surveillant de l'envoyage qu'il avait observé des fumées dans la bacnure d'entrée d'air. Le surveillant de l'envoyage et le deuxième bouveleur se rendirent jusqu'aux portes obturatrices qui séparent l'envoyage du puits II, de la bacnure principale d'entrée d'air de 1035. Dès l'ouverture des portes, les fumées envahirent les galeries de l'envoyage et les deux hommes regagnèrent le puits, au plus vite. Le machiniste de locomotives qui se trouvait dans la remise des locomotives avait également constaté des fumées. Il pensa d'abord qu'une de ses locomotives prenait feu, mais lorsqu'il vit que les fumées étaient brusquement si abondantes, il

(6) D'après la déclaration du deuxième bouveleur du burquin 1100/1035 en préparation, le conducteur des travaux est descendu à 1100 vers 7 heures 50. Ces 2 hommes sont descendus ensemble en compagnie d'un manœuvre et d'un maçon. À ce sujet le deuxième bouveleur déclare: «Lorsque le conducteur est arrivé près de moi au-dessus de l’avaleresse en venant par le détour (c'est-à-dire des fronts), il prit son bidon et il but quelques gorgées. Lorsqu'il entra dans la cagette du «raval », je lui ai dit: «II me semble que vous avez déjà chaud » . Il me répondit «Oui, j'ai déjà uriné sur le feu ». « Je ne lui ai pas demandé d'où il venait, je croyais qu'il plaisantait ». Après cette descente à 1100, le deuxième bouveleur est remonté à 1035 pour aller chercher du matériel. On sait que le conducteur des travaux a quitté la surface à la quatrième cordée et est arrivé à 1035 vers 7 h 40. À son arrivée à 1035, il conversa quelques instants avec le surveillant de l'envoyage. Ensuite, il se rendit à l'écurie où il remit un bidon de lait au soigneur de chevaux. Il devait être à ce moment 7 h 45. Enfin, il vint en tête de l'avaleresse du Puits I. où il fit part de son intention de descendre le plus tôt possible à 1100 m, pour montrer au maçon la besogne à exécuter soit vers 7 h 50. Il est clair que Je conducteur des travaux n'a pas pu matériellement en 10 min s’éloigner des environs des puits.

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courut vers l'envoyage et rencontra le surveillant. lequel lui declara qu'il fallait rejoindre l'envoyage et remonter au jour. C'est à tâtons qu'il regagna l'envoyage. Pendant que le surveillant et le deuxième bouveleur étaient partis vers le bouveau d'entrée d'air de 1035, l'encageur de 975 du P. 1, arrivé à 1035 avertit qu'il y avait le feu à son envoyage. Le machiniste du treuil de l'avaleresse entendit le message de l'encageur de 975 et s'empressa de crier tout de suite, au conducteur des travaux à l'étage de 1100 m ce qui suit: «Il y a le feu à 975 et il faut remonter avec le personnel aux échelles ». Le conducteur répondit: «Ça va ». À l'envoyage, la densité des fumées était de plus en plus forte, on ne voyait déjà plus à 5 cm de distance. Les hommes essayaient toujours de téléphoner à la surface mais les appels restaient sans réponse. Une ca!,e arriva alors à 1035. Par suite de la présence des fumées opaques, il ne fut pas possible de régler les arrêts des paliers au moyen du robinet de la balance hydraulique en face du niveau de l'envoyage. Ce n'est qu'au palier supérieur que les hommes arrivèrent à sortir le wagonnet vide. Prirent place dans le compartiment supérieur de la cage, le surveillant, le décrocheur de l'envoyage de 1035, le deuxième bouveleur du burquin 1100/1035, le soigneur de chevaux, le machiniste de locomotive, le machiniste du treuil de l'avaleresse. Il était 8 h 30, lorsque ces 6 rescapés arrivèrent à la surface. Au même trait, mais à l'autre cage (cage levant) le conducteur des travaux d'une entreprise de travaux préparatoires descendait pour avertir son personnel de l'accident qui était survenu.

33.3 À l’étage de 765m

Un des abatteurs de la taille «d'Ahurie », rescapé de l'étage de 765 déclare qu'il avait commencé son travail vers 7 h 45'. Son marquage situé à mi-longueur de la taille avait été abattu la veille. II avait abattu 0,50 m de charbon en montant lorsque la pression d'air comprimé dans les tuyauteries fut brusquement coupée. Peu après, il sentit une petite odeur de bois ou de caoutchouc brûlé. Ne sachant plus travailler à l'abattage, il en profita pour prendre son matériel de soutènement qui se trouvait dans la taille du côté des remblais. Il se préparait à regagner le front d'abattage lorsque la taille fut remplie de fumées très denses. Ils ne voyait déjà plus rien. Il cria après son camarade d'aval pour convenir avec lui de la direction dans laquelle ils allaient

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fuir. Son camarade ne lui répondant pas, il prit sa lampe et décida de remonter la taille. Il atteignit le sommet de la taille en se guidant aux couloirs fixes. Les ouvriers d'amont l'avaient tous précédé. En tête de taille les abatteurs empruntèrent la voie de retour d'air à 715, jusqu'à la bifurcation de Gros Pierre où ils rencontrèrent un porion accompagné de plusieurs ouvriers venant de Gros Pierre. Ce porion dit à son personnel qu'il était grand temps d'essayer d'atteindre les puits, car la situation devenait dangereuse. Tout le groupe se dirigea donc vers les envoyages de 715. Les hommes se suivirent les uns derrière les autres en se guidant à la main le long des tuyauteries à air comprimé. L'abatteur rescapé du chantier d'Ahurie était parmi les premiers du groupe. Le porion du Gros Pierre le précédait. Lorsque le porion ouvrit les portes obturatrices pour atteindre le puits l, des fumées abondantes passèrent du puits d'entrée d'air vers le puits de retour d'air. Il referma aussitôt les portes et décida d'aller au puits de retour d'air. À ce moment, l'abatteur rescapé commençait déjà à se sentir incommodé et il tomba en syncope (fig. 9).

33.4 À l’étage de 715m

Un manœuvre chargé du transport du matériel à 715 relata également les faits qu'il a vécu peu après le début de l'accident.Il était chargé du transport des bois au niveau de 715. Deux manœuvres avaient été désignés pour exécuter cette besogne. Pendant qu'il était à la bifurcation des deux chantiers, son camarade vint lui dire: «Je pense qu'il y a le feu, cela sent le caoutchouc brûlé ». Ensemble, ils décidèrent d'al· 1er vers le puits. Au moment où ils approchèrent de la porte régulatrice, il y avait déjà de la fumée entre la porte et les puits. Les deux manœuvres retournèrent alors vers les chantiers. À la bifurcation des chantiers ils retrouvèrent le porion du Gros Pierre et d'autres ouvriers venant des tailles. Les fumées envahissaient rapidement toutes les galeries. Le porion leur dit alors de ne plus attendre car la situation devenait dangereuse. Il fallait gagner les puits. Le manœuvre rescapé était un des derniers du groupe qui a cheminé vers les puits. Lorsqu'il arriva à proximité des portes obturatrices de la communication entre puits, il tomba évanoui puis il s’endormit.

33.5 À la surface.

Lorsqu'au départ de la surface de la cage levant vers 765, les cages s'immobilisèrent, après avoir fait, d'après la déclaration du machiniste d'extraction, 3 tours de bobine, le surveillant de la recette remarqua que le câble d'extraction balançait très fort et pensa immédiatement qu'un incident était survenu. Il essaya de téléphoner à 975 et 1035, mais personne ne répondit. Il prévint aussitôt le directeur des travaux du siège. Revenu au puits, il téléphona à 765 où il eut la communication. Il s'informa afin de savoir si rien n'était tombé dam le puits. Rien de semblable ne s'était produit mais on entendait à 765, vers le fond du puits, comme le bruit d'un tuyau à air crevé et on sentait le caoutchouc brûlé. Au même moment, on sonnait au puits II demandant la cage à 975 et 1035. Le tireur du puits II reçut l'ordre de donner la première cage en montant ou en descendant car il y avait un « incident» au puits 1. À ce moment là on ignorait toujours l'existence d'un incendie· Le machiniste du puits II arrêta la cage à 975; dans celle-ci avaient pris place l'ajusteur et son aide qui descendaient précisément à 975 pour y entreprendre une réparation au mécanisme d'encagement. Comme il a été dit plus haut, l'encageur de 975 prit place dans cette cage et accompagné des 2 ajusteurs, il descendit à 1035. Ensuite, tous les 3 remontèrent à la surface. Arrivé à la surface, l'encageur de 975 avertit le directeur des travaux, qui se trouvait à la recette, et lui dit: «Il faut envoyer des gens parce qu'il y a du feu à 975 et prendre des mesures, en vue de remonter le personnel de 1035 ». Ensuite, il expliqua ce qui était arrivé. D'après les témoignages recueillis, vers 8 h 20, des fumées avaient commencé à sortir du puits 1. La sortie de ces fumées s'est poursuivie pendant 10 à 15 minutes. Le surveillant de la surface voulut téléphoner à 975 et à 1035, mais il n'y parvint pas, les lignes téléphoniques étant coupées à l'étage de 975 m. Lors de la translation suivante, c'est-à-dire lors de la remonte des 6 rescapés de 1035 dans la cage couchant, on apprit que des fumées épaisses avaient envahi les galeries d'entrée d'air de 1035 et tout le puits de retour d'air. Immédiatement, le directeur des travaux ordonna au chef électricien de descendre au fond avec des extincteurs et au surveillant de la recette d'organiser la remonte du personnel. Malheureusement, les câbles téléphoniques étaient coupés et il fut impossible de donner les ordres de retraite au fond de la mine. Quant à l'étage de 765, il ne répondait plus aux appels téléphoniques. À 8 h 35, le directeur des travaux alerta également la Station Centrale de Sauvetage de Marcinelle.

Pendant ce temps, l'ingénieur et le conducteur des travaux du poste de nuit, rappelés pour la circonstance, s'étaient également préparés à descendre pour se rendre compte de ce qui s'était passé à 975 et organiser la retraite du personnel. La descente par le puits 1 était totalement impossible. L'ingénieur et le conducteur des travaux décidèrent de descendre par le puits II. Mais le frein de la machine d'extraction était serré car la pression d'air comprimée était tombée à 1-1,5 kgf cm2 et n'était plus suffisante pour relever le contrepoids du frein de sécurité. Il fallut environ 10 minutes pour que la pression remonte au-dessus de 4 kg/cm2 après avoir fermé la vanne de la conduite descendant dans le P. 1 (7). Vers 8 h 45 il est remonté de la fumée bleue par le puits d'entrée d'air pendant 5 à 10 minutes. À 8 h 48, le directeur des travaux appela la Centrale de Sauvetage de Marcinelle, déjà avertie à 8 h 35. Vers 8 h 45 également, l'ingénieur et le conducteur descendirent sans masque. Arrivé sous 835, gêné par les fumées, le conducteur essaya il plusieurs reprises de sonner «l'arrêt de la cage ». Sous 907, la cage ralentit un moment et le conducteur parvint à sonner «l'arrêt ». Ensuite, il sonna «4 coups» pour remonter directement à la surfa-

(7) Ainsi qu'on le sait, la station de compression comporte 5 unités donnant les débits ci-après (fig. 20) :

  • n° 1=10 m3/minute
  • n° 2= 10 m3/minute
  • n° 3= 78 m3/minute
  • n° 4= 26 m3/minute
  • n° 5= 70 m3/minute.

Le n° 3 tournait normalement 24 heures par jour. Au début du poste du matin, on mettait en service le n° 4. Ensuite, une demi-heure à trois quarts d'heure après, le n° 5. Les n°s 1 et 2 servaient d'appoint et étaient d'habitude en réserve. Des déclarations du centra liste et de la consultation de son carnet de travail. il résulte que, le matin du 8 août 1956, les divers engins de compression ont été utilisés comme suit: le n° 3 était en marche avant le début du poste du matin: le n° 4 a été mis en marche à 7 h 45: le n° 5 a été mis en marche à 8 h 10, soit un peu plus tôt que d'habitude, parce que la pression baissait. Le centraliste croyait que cette baisse correspondait à la mise en marche simultanée, un peu plus tôt que d'habitude des divers engins d'utilisation. Voyant que la pression continuait à baisser, il a mis en marche, quelques instant après 8 h 10, les unités n° 1 et 2. La pression a continué à baisser, mais très lentement. Vers 8 h 35, la vanne d'arrêt commandant le fond a été fermée. Le centraliste a donc arrêté toutes les unités, sauf le compresseur n° l, qui a continué à tourner, son débit étant suffisant pour alimenter le nouveau puits et les freins des machines d'extraction électriques. Le centraliste ne s’est douté qu'il se passait quelque chose d'anormal que lorsqu'on a coupé l'air comprimé vers le fond. Les freins de sûreté des machines d'extraction électriques bloquent lorsque la pression d'air comprimé descend en-dessous de 4 kg/cm2. À la lumière des données précédentes et du schéma des installations (fig. 20), on peut expliquer pourquoi, après la rupture de la canalisation d'air comprimé à l'étage de 975 du P.1 le frein de la machine d'extraction du puits de retour d'air est resté ouvert pendant un certain temps avant de se bloquer permettant ainsi d'effectuer plusieurs translations des cages dans ce puits.

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ce. Il était impossible de continuer sans masque. Les fumées remontaient d'ailleurs jusqu'à la surface. Pendant la remonte de la cage, du personnel demanda la cage aux envoyages de 907 et 835. Immédiatement après cette translation, la cage levant fut présentée lentement en montant aux différents envoyages mais personne à ce moment ne sonna l'arrêt de la cage pour y pénétrer. Sur ces entrefaites, les auveteurs de la Station Centrale de sauvetage de Marcinelle arrivaient au siège sinistré avec des appareils respiratoires à circuit fermé. Il était 8 h 58.L'ingénieur endossa un appareil respiratoire et accompagné de deux sauveteurs, il redescendit une seconde fois par le puits de retour d'air (P. II). Ces trois hommes atteignirent alors le niveau de 1035. Ils étaient dans le 6éme étage de la cage levant. À 1035, le 8éne étage, c'est-à-dire celui du fond de la cage, vint se poser sur le berceau de la balance remontée à son niveau maximum. L'encaisseur de 1035 ne sonna pas et ne manœuvra pas le robinet de la balance pour descendre le 6rne étage au niveau de l'envoyage et permettre aux trois hommes de sortir; eux mêmes ne purent atteindre les cordons de sonnettes situés derrière le coffrage. Ils entendirent des gémissements dans l'envoyage. Ils crièrent mais personne ne leur répondit. Leur immobilisation dans le coffrage dura plusieurs minutes. Puis, tout à coup, ne recevant pas de signal, le surveillant de la recette donna ordre au machiniste du P. II de remonter la cage levant à la surface sous sa propre responsabilité. En passant à 975, les trois hommes constatèrent que l'en voyage était tout rouge (tout le puits était éclairé). Il était environ 9 h 05 - 9 h 10. Dix à quinze minutes après cette remonte, la cage couchant (ou cage du comble) du puits de retour d'air (P. II) tomba au fond du puits. Le câble porteur s'était rompu sous l'effet de la chaleur. Il était impossible de redescendre encore dans le puits de retour d'air et il fut décidé de remonter la cage levant très lentement en arrosant le câble au fur et à mesure. Ainsi, les deux puits du siège devenaient inaccessibles; l'incendie s'était étendu du puits d'entrée d'air au puits de retour d'air et l'accident avait déjà dégénéré en catastrophe.

3.4 ANALYSE DES FAITS

34.1 D’après les déclarations

Nous avons déjà expliqué ci-dessus quelles étaient les conventions de signalisation dans les trois cas suivants pour l'encageur de 975 (fig. 24)

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1er cas, extraction normale à 975 : 4 coups = signal du départ pour chaque cage. 2 me cas, extraction mixte à 975 et 765 : 4 coups = signal du départ pour la cage couchant (ou cage du comble). 7 coups = signal du départ vers l'étage de 765 pour la cage levant (ou cage du pied). 3me cas, extraction particulière à 765 seulement: Après le premier signal de départ de 975, aucun signal n'est plus donné à 975, cet étage étant considéré comme inexistant. Cette situation persiste jusqu'à un appel téléphonique venant de 975 et demandant à la surface de réintroduire l'étage de 975 dans le cycle de travail. Cette signalisation se transmettait du fond au taqueur de surface par cordons de sonnette (un en service et un en réserve) installés dans le puits et aboutissant à des leviers situés dans l'envoyage de 975 du côté de l'encagement. L'encageur était désigné pour transmettre les signaux de 975 au taqueur de surface. Du côté du décagement (où se trouvait normalement l'aide-encageur) il y avait encore deux câbles de sonnerie qui communiquaient également avec le tireur. Cette sonnerie était couramment appelée par les ouvriers du Cazier «sonnette de Recours» ou « sonnette personnel ».Par mesure de sécurité, cette sonnerie n'était jamais utilisée pour effectuer l'extraction. Pendant l'extraction, elle ne pouvait pas servir pour donner un signal de «départ », elle servait uniquement à transmettre un ordre de manœuvre spécial (8).Une installation téléphonique permettait de communiquer directement des différents envoyages avec la surface. Un poste téléphonique avait été installé dès 1928 dans l'envoyage de 975 du côté décagement. L'aide-encageur qui se trouvait également du côté décagement dans ce même envoyage assurait généralement les communications téléphoniques avec la surface. Nous avons vu ci-dessus que que1ques instants avant de commencer l'extraction particulière à 765, on avait sonné 3 coups de 975 pour mettre la cage dans le coffrage, et que directement avant de commencer cette extraction particulière, le taqueur de surface avait eu un entretien téléphonique avec l'aide-encageur de 975. L'entretien fut relaté comme suit par le taqueur, alors que la cage levant (ou cage du pied) était en surface: Le taqueur: «j'ai besoin de deux cages pour 765 ». (8) Par exemple la maneuvre « un peu plus haut » = 3 coups

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L'aide-encageur de 975: «les cages sont libres, elles sont à toi, je n'ai plus de chariots pleins pour poursuivre l'extraction. Je vais au long plan et lorsque je reviendrai, je retéléphonerai ». Après cet entretien téléphonique, le taqueur de surface déclare avoir reçu 4 coups de sonnette de 975 permettant ainsi le départ de la cage couchant ( ou cage du comble).Quant à l'encageur, il déclara ne pas avoir eu connaissance de cette communication téléphonique car il s'est absenté un moment pour garer une berotte. À une question qui lui a été posée, il répondit qu'à son retour, il a demandé à son « aide» s'il pouvait encager, car à ce moment des chariots pleins arrivaient à l'envoyage. Il poursuit en disant: «Mon aide m'a répondu: «Oui, tu peux encager ». Une manœuvre d'encagement de la cage couchant (ou cage du comble) a donc débuté à 975, alors que le taqueur de surface qui coordonne les signaux et les transmet au machiniste d'extraction déclare que l'encageur de 975 ne pouvait pas encager puisque ce dernier ne lui avait pas lancé un nouvel appel téléphonique. Bien que le 8ème compartiment de la cage ait été arrêté par l'encageur lui-même, juste au niveau de l'envoyage, la berlaine pleine n'entra qu'à moitié dans la cage et la vide n'en sortit qu'à moitié. L'arrêtoir s'était relevé entre les deux roues du chariot vide. Normalement, comme nous l'avons dit plus haut, cet arrêtoir devait rester effacé jusqu'à ce que le chariot vide soit complètement sorti de la cage. L'encageur ne sait pas expliquer comment cette manœuvre fut imparfaite. Lorsqu'un fait semblable se produit, son aide décale l'arrêtoir à la main tout en tirant le wagonnet vide, tandis que l'encageur pousse le wagonnet plein et cela sans donner de signaux à la surface. Toujours est-il qu'au cours de cet encagement imparfait, la cage démarra sans qu'un signal ne fut transmis de 975. En montant, la cage entraîna dans sa course les wagonnets à demi entrés et sortis qui vinrent heurter les poutrelles de l'envoyage provoquant des dégâts matériels considérables et immobilisant instantanément les deux cages. Lors du démarrage de la cage, à partir du ni· veau de 975, l'encageur a déclaré avoir entendu un fracas, comme si on arrachait une poutrelle et aussitôt après, il vit des fumées, puis dans la fumée des étincelles, puis des flammes. Il ne précisa pas si les fumées étaient réellement des fumées provenant d'un feu ou des poussières. D'après sa déclaraton tout était noir et il y avait du clair derrière,

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Il se dirigea tout de suite vers l'autre puits et avant d'ouvrir les portes obturatrices de la communication entre puits, il se retourna et vit les flammes qui augmentaient et s'élargissaient.

34.2 D'après les constatations effectuées à l'envoyage de 975 du P.I.

Le démarrage inopportun de la cage couchant causa des dégradations mécaniques importantes au niveau de l'envoyage de 975 m. La poutrelle P soulevée par la berlaine vide à demi sortie de la cage avait, dans sa trajectoire, sectionné entre autres les canalisations électriques, à huile et à eau, provoquant des arcs électriques. La figure 17 représente la coupe schématique de l'envoyage à 975 en direction de la paroi ouest. Cette coupe a déjà été décrite en détail précédemment. Nous rappellerons simplement ici que les poulies (M) verticales de la balance hydraulique installées dans le puits étaient soutenues par des poutrelles latérales et des poutrelles transversales P.

La poutrelle P, située du «côté décagement» était encastrée dans les parois du chargeage. La figure 25 montre l'état des lieux tels qu'ils ont été découverts après l'accident:

  • a= poulie arrière de la balance
  • b= plaque de signalisation de l'envoyage
  • c= chenal de récupération d'huile sous la balance
  • d= 5me et 6me wagonnets de la cage en commençant par le dessus
  • e= tuyauterie d'alimentation en air comprimé au niveau de 975
  • f= poulie latérale de la balance (côté levant)
  • P= encadrement, côté Nord, des poulies latérales
  • h= téléphone
  • i= boîte de dérivation vers 1035
  • j= câble de départ vers 1035
  • k= corde de la balance (côté couchant)
  • 1= levier du robinet de la balance
  • m= second câble électrique vers 1035
  • n= tube fluorescent d'éclairage
  • o= point d'encastrement côté couchant de la poutrelle P.

Comme on le voit, la poutrelle P, support des poulies verticales de la balance hydraulique, fortement fléchie, fut projetée hors de son encastrement (fig. 26). Nous décrivons ci-dessous (Annexe 5) le schéma des installations électriques souterraines. La figure 17 montre comment les câbles électriques étaient installés dans le puits d'entrée d'air. Ils étaient attachés de distance en distance aux solives centrales,

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Les trois câbles (le câble de l'aérex de 975, le câble alimentant l'étage de 1035, ainsi que le câble téléphonique) pénétraient à l'envoyage à la couronne, au-dessus de la poutrelle P et au-dessus des cylindre et piston de la balance hydraulique. Les figures 27 à 31 montrent la position des canalisations susdites dans le puits légèrement en amont de l'envoyage et aux endroits où elles ont été sectionnées lors de l'accident. La fig. 32 montre la rupture de la canalisation à air comprimé. Les disjoncteurs de surface protégeant les deux câbles électriques (raval et aérex) avaient déclenché. Les deux ventilateurs aérex de 835 et de 975 s'étaient arrêtés à ce moment.

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34.3 Suite des opérations de sauvetage eau cours de la journée du 8-8-1956.

Après la reconnaissance entreprise avec appareils respiratoires à circuit fermé par l'ingénieur du siège en compagnie de deux sauveteurs, le problème posé était le suivant: Organiser la retraite du personnel du fond en tenant compte: 1)de la mise hors service du téléphone du fond; 2)de l'immobilisation de la cage couchant du Puits I, correspondant à la bobine fixe par rapport à l'arbre de la machine d'extraction avec comme conséquence le blocage de la machine d'extraction; 3)de ce que le puits de retour d'air était devenu inutilisable par la chute d'une cage suite à la rupture du câble due à l'échauffement de l'air.

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La solution immédiatement adoptée fut la suivante: 1) botter le câble de la cage avariée du P. 1 à la recette de surface et retirer le câble de la bobine d'entraînement.En effet, pour se servir de la cage indemne (levant), il fallait désolidariser les deux bobines. Cette opération eut été extrêmement rapide si la cage sinistrée avait été entraînée par la bobine folle. Malheureusement, il n'en était pas ainsi. Il fallut donc attacher d'Une façon sûre à la recette, le câble de la cage sinistrée, enlever ce câble de la bobine et recaler la bobine folle sur l'arbre de la machine. 2) Elargir le trou d'homme de la communication entre les puits 1 et 3 à l'étage de 765 pour entreprendre par le nouveau puits une opération de sauvetage avec masques à l'étage de 765/715. Vers 9 h 30, il fut décidé d'arrêter le ventilateur de surface dans l'espoir de réduire la violence de l'incendie qui était intense. Les boyaux pour la lutte contre l'incendie furent déroulés en surface pour arroser le câble de la cage restante du P. Il et pour déverser de l'eau dans les puits. Vers 10 h 15, la deuxième cage du P. II tomba dans le puits et à un moment donné le feu menaça les bâtiments de la surface jouxtant le ventilateur et le chassis à molettes. Des lances furent mises peu après en batterie par les pompiers de la Centrale, deux au P. II et une au P. J. On utilisa d'abord l'eau des réservoirs du charbonnage et ensuite l'eau de la ville avec l'aide des pompiers de Charleroi demandés en renforts et arrivés aussitôt. Le débit total déversé fut de 40 m 3/heure. Pendant ce temps, les travaux de mise sur « bot· te» du câble de la cage sinistrée du P. 1 étaient en cours. Commencés à 9 heures, il prirent fin vers 12 heures rendant ainsi la cage levant disponible.Immédiatement, le directeur des travaux, le chef-porion du poste de nuit et un sauveteur, tous munis d'appareils respiratoires à circuit fermé, descendirent à 170 m, où ils rencontrèrent un nuage épais de fumées chaudes et infranchissables. Après une deuxième tentative, limitée à la pro· fondeur de 170 à cause de la chaleur, on remit à 14 heures le ventilateur en marche à vitesse rédui· te, soit avec une dépression de 60 mm d'eau. Cette décision, prise après accord de la Direction du Charbonnage et de l'Administration des Mines, vi· sait à faire disparaître le bouchon de fumées stagnant à 170 m dans le puits et s'opposant à toute descente à plus grande profondeur, et à éviter

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éventuellement une accumulation dans les travaux, de grisou à teneur explosive susceptible de provoquer, par son explosion, la destruction des puits. Vers 14 heures également, les travaux entrepris pour élargir le trou d'homme de la communication entre le nouveau puits et les travaux de 765 01 furent terminés. Aussitôt, une équipe de reconnaissance munie d'appareils Draeger et dirigée par l'ingénieur du Corps des Mines emprunta ce passage et visita la taille de Gros Pierre de 765 à 715; dans le bouveau de retour d'air à ce niveau, elle se heurta au feu non loin des puits. Au cours de cette expédition, l'équipe rencontra 5 morts à 765, 3 survivants et 2 morts à 715; survivants et morts furent remontés entre 16 h 30 et 19 h 45. De son côté, l'équipe dirigée par le directeur des travaux redescendit au P. J et constata vers 15 heures la disparition du bouchon de fumée à 170 m. À cet étage, elle visita la salle de pompe mais il faisait tellement chaud dans la salle, il y avait tellement de fumée qu'on ne voyait absolument rien. N'ayant pas pu pénétrer au fond de la salle, le directeur des travaux et les deux sauveteurs décidèrent de descendre plus bas, à la seconde salle de pompe de 390, pensant que le pompier s'y trouvait. À cet étage, ils parvinrent à traverser toute la salle jusqu'à la communication vers le puits d'air qui était en feu. Ils ne trouvèrent personne. Ils reprirent la cage et poursuivirent leur descente. Ils recueillirent alors, vers 16 h 30, à l'envoyage du P. J à 715, 3 survivants abrités dans un wagonnet qu'ils avaient renversé. Après avoir remonté les 3 survivants, la même équipe repartit à nouveau à 715, pour explorer la communication entre les P. J et II. Au-delà des portes obturatrices l'incendie était très intense. Vers 17 h 30, toujours par le P. J., le directeur des travaux put atteindre la profondeur de 800 m, mais il fut obligé de remonter à cause de la température trop élevée. Pendant ce temps, une autre équipe descendue par le nouveau puits avec un délégué à l'inspection des mines remontait la taille d'Ahurie à 765. Cette équipe ramena 1 mort vers 21 heures. Dès ce moment, l'étage 765-715 était entièrement reconnu sauf le tronçon livré aux flammes où devaient se trouver les corps des 13 personnes manquantes de cet étage (9). (9) Les corps de ces victimes ont été retrouvés et remontés en janvier 1957.

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Vers 21 heures également, on parvint à descendre dans le P. I jusqu'au niveau de 880 m, niveau en· dessous duquel le guidonnage était brûlé et se consumait encore localement; on ne parvint pas à prendre pied à 835, où la chaleur était trop forte. Vers 21 heures 30, on découvrit le corps du pompier à 170 et on le remonta aussitôt. Vers 22 heures, on entreprit la confection de barrages pour obturer toutes les communications en feu entre les Puits I et II, afin de protéger le P. I, seul accès disponible vers les travaux souterrains. Ce travail se poursuivit toute la nuit et fut terminé le lendemain, 9 août, à 5 h 30. On commença, d'autre part, et en même temps, le percement d'une communication entre le nouveau puits et les travaux à 835 m, de manière à contourner l'envoyage du P. II en feu. Ce travail nécessita la remonte du plancher de travail au ni· veau convenable, le percement d'une maçonnerie en claveaux en béton, le recarrage d'une vieille communication, le percement d'un autre mur en claveaux. Ce travail fut poursuivi sans désemparer jusqu'au vendredi 10 août à 23 heures. Entre 17 et 19 heures, le 8 août 1956, des appels radiophoniques furent lancés par l'Institut national belge de radiodiffusion, afin que tous ceux qui disposaient d'extincteurs se rendent au siège sinistré avec le matériel disponible. Mais ces extincteurs s'avérèrent inutilisables vu la nature du sinistre. Nous reviendrons plus bas sur les opérations de sauvetage qui furent toutes décidées de commun accord avec la Direction du Charbonnage, l'Admi· nistration des Mines et les Directeurs de Charbon· nages voisins, particulièrement versés dans la question des incendies des mines. Il importe, dès maintenant, de rappeler ici même les dangers de l'oxyde de carbone et des hautes températures.

34.4 Les dangers de l'oxyde de carbonne

L'oxyde de carbone est un gaz incolore, inodore, insipide; sa densité est de 0,967. Il agit souvent brutalement pour provoquer la mort des hommes occupés dans les travaux qu'il envahit. La proportion d'oxyde de carbone qui, dans l'air, peut présenter pour l'homme un danger im· médiat est très difficile à préciser. Plus que pour toute autre intoxication, il faut tenir compte de la susceptibilité individuelle, des efforts physiques exercés, des circonstances de temps et de lieu, dans lesquelles l'empoisonnement s'est produit, toutes circonstances influençant directement la quantité de CO finalement absorbée.

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L'oxyde de carbone exerce une action particulière sur l'organisme humain. Il transforme progressivement en carboxyhémoglobine, l'hémoglobine du sang. Il met finalement dans l'impossibilité de jouer le rôle vital qui lui est dévolu, une fraction plus ou moins importante de cette hémoglobine. L'oxyde de carbone n'est pas un poison de la cellule vivante car il agit uniquement en supprimant la propriété qu'a l'hémoglobine de fixer l'oxygène. En un mot, le CO détermine de l'anoxhémie et amène la mort par asphyxie progressive. Par ailleurs, quoique l'affinité du CO pour l'hémoglobine soit environ 250 fois plus grande que celle de l'oxygène pour l'hémoglobine (HB), la combinaison HB + CO n'est heureusement pas indestructible lorsqu'elle s'est formée dans le sang. Lorsque l'intoxiqué est soustrait à l'atmosphère qui contient des doses toxiques de CO et lorsque l'oxygène peut pénétrer en abondance dans les alvéoles pulmonaires, la réaction est réversible. Le mécanisme de l'intoxication et de la désintoxication pourrait se schématiser comme suit: ce qui veut dire qu'il existe un équilibre entre l'oxyhémoglobine et l'oxyde de carbone d'une part, l'hémoglobine oxycarbonée et l'oxygène d'autre part. Mais, il ne faut pas oublier que lorsque 60% environ de l'hémoglobine du sang sont transformés en HB CO (carboxyhémoglobine) l'organisme humain est en danger de mort rapide, si pas immédiate. Les figures 33 et 34 résument les effets de l'oxyde de carbone sur l'organisme humain en fonction du temps. Enfin, l'intoxication peut se présenter sous plusieurs formes dont les plus importantes en ce qui nous concerne, sont l'intoxication massive et l'intoxication aiguë. L'intoxication massive provoque presque toujours la mort subite. L'intoxication aiguë est caractérisée par une violente céphalée frontale avec nausées, parfois vomissements, hallucinations auditives et visuelles. Dans les cas graves, la face, d'abord pâle, devient rouge carmin, la peau est livide ou présente des plaques rosées, il y a souvent perte de connaissance pour aboutir finalement au coma et à la mort. Dans les cas plus favorables, le retour à la vie a lieu avec rétrocession des symptômes. En résumé, on peut retenir que des quantités même très minimes d'oxyde de carbone sont dangereuses. Une teneur de 0,02 % peut déjà, après peu d'heures, faire apparaître un commencement d'intoxication: maux de têtes, nausées, étourdisse-

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ments, sommeil. Par une teneur de 0,06 %, les maux de têtes commencent en moins d'une heure et l'évanouissement se produit en moins de deux heures. Une concentration de CO de 0,1 % provoque l'évanouissement et la mort plus rapidement. Enfin, si la concentration est encore plus élevée, l'intoxication se produit naturellement toujours plus vite, l'évanouissement est presque immédiat et la mort suit à bref délai.

34.5 Conséquences d'un incendie souterrain On distingue dans la littérature technique minière deux espèces de combustion dénommées « feux» et « incendies ».

Le «feu» est engendré par une combustion spontanée. Dans certaines couches, en effet, sous l'action d'agents externes, le charbon et le stérile peuvent donner lieu à un échauffement progressif. La température augmente et une combustion s'amorce. On connaît dans notre pays des couches sujettes aux «feux ».

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Par opposition au feu, 1'« incendie» est une combustion généralement vive de toute substance quelconque. Il y a dans cette distinction autre chose qu'une question de mots. Les feux et les incendies présentent des différences essentielles quant à l'évolution, le danger et les techniques d'extinction. Tous deux dégagent évidemment de l'oxyde de carbone mais dans des proportions différentes. Alors que dans le cas d'un feu Je personnel a presque toujours le temps d'évacuer les travaux avant d'être intoxiqué, il n'en est pas toujours de même dans le cas d'un incendie. Si l'incendie se produit dans le retour d'air d'un chantier, d'un quartier ou d'un siège, le personnel se trouvant en amont du foyer dans le sens du courant d'air aura comme dans le cas du feu presque toujours le temps de se sauver. Par contre, si l'incendie se produit dans l'entrée d'air d'un quartier ou d'un siège, le problème est différent. Il se complique encore davantage lorsque l'incendie débute dans le puits d'entrée d·air en aval d'autres entrées d'air comme ce fut le cas à Marcinelle.

34.6 Equipement des centrales de sauvetage.

Le Charbonnage du Bois de Cazier est, en tant que mine grisouteuse, affilié à la Station Centrale de sauvetage de Marcinelle qui constitue le dépôt d'appareils respiratoires communs à la plupart des mines du Bassin de Charleroi. Ce dépôt est équipé d'appareils respiratoires à circuit fermé du type Draeger 160/ A et 170/400, c'est·à·dire avec provision d'oxygène et dispositif de régénération de l'air expiré. Les « Draeger » 160/ A ont une capacité de charge suffisante pour permettre de séjourner de manière continue pendant deux heures dans une atmosphère irrespirable. Le dernier modèle Draeger, le plus moderne, portant le n° d'identification 170/400, permet de séjourner dans les mêmes conditions pendant 4 heures. Les sauveteurs «guides» du siège St. Charles avaient été entraînés régulièrement au port de ces appareils respiratoires afin de pouvoir, en cas de sinistres, piloter les sauveteurs «professionnels» dans les travaux souterrains.

34.7 Dangers des sauvetages aux hautes températures.

L'incendie ne présente pas seulement du danger par son dégagement d'oxyde de carbone, mais toute combustion vive entraîne généralement un dégagement de gaz chauds, en plus de son rayonnement intense, ce qui complique considérablement le travail des équipes de sauveteurs.

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La physiologie et la pathologie du travail aux températures élevées ont comme base notre homéothermie et la nécessité de perdre des calories représentant le métabolisme basal, ainsi que celle" produites lors des contractions musculaires. L'étude de nos moyens naturels de défense contre l'hyperthermie permet de préciser l'importance relative des divers facteurs caractérisant les conditions climatiques des atmosphères surchauffées. On admet qu'un travail continu reste possible tant que la valeur de la somme 0,9 til + 0,1 tR (10) ne dépasse pas 33 à 34" C; il (levient très difficile lorsque cette valeur est comprise entre 34 et 3.')° C. Il est impossible au-delà de 3.5° C. Compte tenu de ces considérations on a pris en Belgique une marge de sécurité supplémentaire de 3° C et admis que la durée de travail ne peut rester normale que lorsque la somme 0,9 t]l + 0,1 t" est égale ou inférieure à 31 ° C. En Allemagne, en ne tenant compte que de t(h) les conseils adressés aux sauveteurs sont les suivants : Si th29° < 31°C :pas de danger 29° t< h < 31°C :prudence 31° th < 33°C : n'avancer que s'il y a des vies humaines à sauver th > 33°C : Se retirer lentement L'aspect physiologique du problème a permis de comprendre les manifestations pathologiques à craindre chez les sauveteurs travaillant dans des températures élevées. Parmi ces manifestations, on peut retenir les deux plus importantes: le coup de chaleur et l'épuisement dû à la déshydratation. 347.1 Coup de chaleur Il est dû à l'absence de mise en branle des mécanismes de thermo-régulation. Si le sujet ne sait plus transpirer par suite de la valeur élevée du degré hygrométrique de l'air, la température de son corps s'élève progressivement amenant des manifestations nerveuses d'irritabilité puis de prostrations avec délire. 347.2 Déshydratation Cette forme d'épuisement ne survient qu'à la suite de sudations abondantes. L'organisme hu-

(10) th= temperature humide ts= température seche

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main n'est toutefois pas économe de son eau. La lutte contre l'hyperthermie se poursuit en effet presque jusqu'au bout, sans égard pour la déshydratation. Or, la perte d'eau entraîne une diminution de la masse sanguine avec augmentation de la viscosité du sang, ce qui accroît encore le travail cardiaque. Une perte de liquide correspondant à 4 ou 5 % du poids du corps, soit 3 à 3,5 litres pour un homme de 70 kg, cause déjà des phénomènes désagréables, céphalées, vertiges et difficulté de la marche, puis tendances syncopales, avec accélération cardiaque. Ici, le repos ne suffit pas à faire disparaître les symptômes qui ne cèdent qu'à l'ingestion de boissons. Si aucune boisson n'est donnée, la déshydratation progresse et lorsque la perte d'eau atteint 10 à 14 % du poids corporel, les mécanismes de thermo-régulation fléchissent brusquement et la température s'élève immédiatement entraînant une mort rapide.

34.8 Poursuite des opérations de sauvetage après Ie 8 août 1956 et principales constatations effectuées au cours des opérations.

Dans ce paragraphe nous relatons jour après jour la suite des principales opérations de sauvetage, afin de faire ressortir les constatations effectuées au cours de ces opérations (Il). Dans le paragraphe 34.3, nous avons déjà relaté la succession des évènements au cours de la première journée. A partir du 9 août, les opérations furent poursuivies comme suit: Le 9 août 1956 Après achèvement des barrages entre P. 1 et P. II, aux niveaux de 170, 330, 390, 650 et 715 ainsi qu'aux niveaux désaffectés de 500 et 690, une équipe de reconnaissance conduite par le directeur des travaux et munie d'appareils à circuit fermé pénètre dans le niveau de retour d'air général de 835 m jusqu'à la recoupe de 4 Paumes, découvre deux morts et détecte une teneur mortelle en CO, Elle constate que l'envoyage du P. Il est éboulé à la suite d'un incendie paraissant éteint à ce moment. Entre 10 et 16 heures, plusieurs descentes dans le P. 1 sont tentées en vue d'atteindre le niveau (11) Au cours des travaux de sauvetage, bien des personnes se sont offertes spontanément. ou ont offert le matériel dont elles disposaient en vue de porter secours au personnel prisonnier de la mine. Toutps ces offres qui étAient empreintes d'une ~énérosité rcmarquahle. ont été examinées avec le plus grand soin, Bon nomhre d'entre elles n'ont cependant pas pu être retenues car elles étaient inutilisahles dans le cas pflrticulier d'un sauvetage minier suite à un incendie souterrain.

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de 907, mais sont chaque fois arrêtées par une nappe de vapeur à haute température. Entre 16 et 18 heures, la cage du P. 1 est remplacée par une cagette plus légère afin de soulager la machine d'extraction. Cette demière, marchant à simple trait, doit, en effet, fournir un effort plus grand que lorsqu'il y a compensation par l'autre cage et le moteur électrique risque de brûler. Une tentative effectuée vers 18 heures pour atteindre le niveau de 907 par la cage est interrompue par un déplacement d'air violent avec irruption de fumées et poussières survenu dans l'envoyage de 835. Cette manifestation assez subite et de très courte durée est attribuée à des éboulements très importants dans le P. II ou peut-être à un coup de grisou dans les travaux. Aussi décide-t-on de garder les arrières des sauveteurs par la construction de deux barrages isolant le P. 1 des travaux du niveau de 835. Durant cette opération, plusieurs autres manifestations semblables sont perçues et retardent l'achèvement de ces barrages, lesquels ne seront terminés que le 10 août, vers 12 h 45. Ces barrages, en effet, ne peuvent être construits que par des hommes porteurs d'appareils respiratoires à circuit fermé, moyennant repli de tous les travailleurs, à chaque translation de l'unique cagette du P. 1. L'arrosage des deux puits se poursuit. Pendant la nuit, on installe entre la surface et la cagette du P. 1 une liaison radiophonique dont les appareils (12) ont été amenés par le Directeur du poste central de Secours des Houillères des Bassins du Nord et du Pas de Calais. Ce dernier était arrivé dans le courant de l'après-midi (3). A 11 heures 15, il est fait appel au Directeur (13) de la Centrale de Sauvetage d'Essen et à son laboratoire mobile pour analyse complète des gaz, afin d'obtenir rapidement les résultats d'analyses d'échantillons d'air, échantillons que l'on escompte devoir prendre de plus en plus nombreux étant donné la progression prévue des travaux de sauvetage. (12) Ces appareils sont des prototypes français non encore agréés en Belgique. En France,ils ne sont encore utilisés actuellement qu'à titre expérimental. Ces appareils ont rendu de très grands services au cours du sauvetage. (13) Le Directeur du poste central de Secours des Houillères du Nord el du Pas de CAllais et le Directeur de la CRntrale de Sauvetage d'Essen ont tous deux déclaré que même s'ils étaient arrivés sur les lieux immédiatement après avoir eu connaissance de la catastrophe, ils n'auraient pas pu sauver une seule des personnes présente au fond, en plus de celles qui ont été sauvées le 8 août 1956

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A 16 heures, après achèvement des barrages de 835, et réparation du guidonnage, une inspection du P. J révèle une importante venue d'eau au niveau de 877, eau tiède jaillissant de certaines potelles de la maçonnerie du puits. L'eau ne peut provenir que du P. II; on en conclut qu'il s'est produit dans ce puits un bouchon étanche sous 870 et on décide d'arrêter l'arrosage du P. II. A 18 heures, le conducteur des travaux du poste de nuit parvient à descendre jusque 907 dans une nacelle suspendue sous la cage. A 20 heures arrive le Directeur de la Centrale d'Essen. La Direction du Charbonnage et l'Administration des Mines continuent à tenir des réunions fréquentes où les problèmes multiples et complexes sont débattus et le programme de travail arrêté. Ce Comité est assisté de directeurs de charbonnages particulièrement compétents ainsi que des deux experts étrangers. II est présidé par le Directeur général des Mines. Toutes les décisions y sont prises à l'unanimité après échanges de vues. A 22 h 30, une équipe descend dans le P. J, à l'aide d'une nacelle suspendue par des chaînes de 27 m à la cage, qui ne peut descendre sous 880 m où le guidonnage est interrompu; cette équipe ne peut prendre pied à l'envoyage de 907, à cause de la température élevée (température sèche et humide > 40" C), des bouffées de gaz chauds viennent du P. II et descendent dans le P.I., l'envoyage est tres endommagé.

Le 11 août 1956

Dès percement de la communication entre le nouveau puits et les travaux au niveau de 835, un méthanomètre enregistreur est installé sur le plancher de travail à 835 dans le nouveau puits pour surveiller d'une façon continue la teneur en CH, du retour d'air à 835 m, au niveau levant de Gros Pierre. Dès la mise en route de l'appareil enregistreur on constate de 3 en 3' que la teneur en CH4 du retour d'air général de 835 reste voisine de 2 %' Par la nouvelle communication ouverte au P. III, on remonte de 835 les deux corps découverts le 9 août 1956. La matinée et l'après-midi voient de nombreuses tentatives pour prendre pied à 907 m. La chaleur et la manipulation difficile de la nacelle rendent ces tentatives infructueuses malgré les gros efforts consentis. Aussi décide-t-on de procéder au ~lIi,lonnagp de la passe lŒO-907 et ,le refroidir

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l'envoyage en augmentant la vitesse du ventilateur dont la dépression passera de 60 à 108 mm le 12 août 1956 dans les premières heures.

Le 12 août 1956 Jusque 11 heures, on travaille à l'aménagement des abords immédiats de l'envoyage de 907 m, dans un air très chaud pollué de bouffées de fumées venant du P. II. Dans le courant de l'après-midi, on atteint l'emplacement d'une écurie marqué d'un éboulement très important. Dans la soirée, on entame la construction d'un barrage protecteur, en laine de verre, entre P. II et P. 1 afin d'assainir l'atmosphère. Pendant ce temps, un coupe-feu de 4 m de longueur a h{> cr{>é dans le bouveau de retour de 715 m.

Le 13 août 1956. A 7 heures, la pénible besogne de l'aménagement du barrage protecteur de 907, qui s'est poursuivie toute la nuit est terminée et permet la prospection du niveau de retour d'air de 835 avec une sécurité relative pour les sauveteurs. A 9 heures. cette équipe a atteint la tête d'une communication montante servant de rechute d'air; elle rencontre de nombreux morts; divers travaux sont effectués pour faciliter le passage des corps par le nouveau puits et le premier corps, difficilement identifiable, est remonté à 23 h 25.

Le 14 août 1956 Cette journée est consacrée à la remonte de 53 corps du niveau de 835· Ces corps se trouvaient tout au long du retour d'air, c'est-à-dire dans la voie de Gros Pierre à 835 et le plan incliné de rechute d'air. Un certain nombre de corps se trouve dans une voie en déséquipement et constituant « cul de sac» à la tête de cette rechute. Ces corps ne sont pas facilement identifiables ~t la mort est attribuée à l'intoxication par le CO; aucun corps ne porte de brûlure. Leur position semble indiquer un exode vers les puits d'une part et vers le « cul de sac» d'autre part. Pendant ce temps, à 907, on répare l'éboulement de l’écurie.

Le 15 août 1956. Arrivent en renfort 5 équipes de sauvetage du Bassin de Campine, comprenant 64 sauveteurs et 6 ingénieurs.

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La remonte des corps de 835 s'achève; à 10 h 15, 29 corps sont remontés, ce qui porte à 85 le total des corps remontés de 835. Une équipe d'hommes particulièrement entraînés au port du Draeger tente de relier le niveau de 835 à celui de 907, mais est arrêtée par un gros éboulement au pied de la voie inclinée d'évacuation reliant ces deux niveaux. Elle rapporte de nombreux échantillons d'air. On continue ensuite la prospection des galeries au niveau de 835; ces deux reconnaissances ne découvrent plus de victimes.

Le 16 août 1956 Des équipes prélèvent de nombreux échantillons d'air au niveau de 835. La discussion des résultats des analyses amènera le Comité technique à faire modifier les résistances des circuits d'aérage par le jeu de portes. Durant toute la journée, on travaille au soutènement dans les nombreux et importants éboulements s'échelonnant dans le bouveau d'entrée d'air, sur 200 m de longueur entre le puits 1 et la tête du long plan 975-907 m. Ce travail se fait par les sauveteurs munis de masques filtrants à CO; la température de l'atmosphère dépasse 30°. De plus, une expédition reconnaît l'évolution d'ailleurs stationnaire, du feu à 715 m.

Le 17 août 1956 De 907, dans des conditions dangereuses, on parvient à atteindre deux fois au cours de la journée le niveau de 975 à l'aide d'un cuffat pendu sous la cage; la cage sinistrée est sur le berceau détruit de la balance; ce berceau est surmonté d'un tas de poutres et de matériaux divers. TI y a d'énormes dégâts dans l'envoyage de 975. Tout le guidonnage et son soutien sont détruits entre 907 et 975 et on décide de les remplacer. De brusques déplacements d'air au niveau de 835 et une aggravation de la situation grisoumétrique à ce niveau amènent le Comité technique à faire modifier le régime d'aérage de certains quartiers de ce niveau.

Le 18 août 1956 De 907, on a progressé dans les éboulements et on a atteint le pied du plan incliné 907·975 où un éboulement très important barre la route vers l'envoyage à 975. D'autre part, une équipe particulièrement entraînée, partie de 835, atteint par des communications longues et difficiles, la voie d'Ahurie en dé.

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foncement à 975, où un mur de chaleur et de fumées l'arrête. On continue le guidonnage sous 907, prospecte l'étage 765-715 et effectue des prises d'échantillons dans les communications 975-907-835, ce qui permet de contrôler l'évolution de l'incendie.

Le 19 août 1956 On poursuit les travaux de guidonnage et on achève de réaliser la liaison 907-835, par le déblaiement d'éboulements. On progresse dans les éboulements vers l'envoyage de 975, à partir du pied du bouveau montant 975-907. Le régime d'aérage est modifié pour tenter de chasser les fumées rencontrées la veine à 975, dans Ahurie défoncement. On constate un effritement de la maçonnerie du P. 1 sous les niveaux de 835 et de 907, par des venues d'eau.

Le 20 août 1956 Jusque 13 heures, on continue les mêmes travaux en même temps qu'on prélève de nombreux échantillons d'air pour analyses, mais la situation du puits s'étant aggravée avec des venues d'eau plus importantes, on interrompt les travaux et on tente de remettre en marche la pompe d'exhaure au niveau de 170 m.

Le 21 août 1956 On parvient à ce résultat dès les premières heures et on reprend le percement des éboulements à l'envoyage de 975, toujours à partir du pied du bouveau montant 975-907, tandis qu'on achève le guidonnage du puits jusqu'au niveau de 975. On peut alors accéder par le P. 1 dans l'envoyage de 975 et on relève une situation des lieux, notamment celle des câbles électriques sectionnés, de la conduite d'huile de la balance également sectionnée. Ces ruptures se situent à peu près à hauteur de la couronne de l'envoyage; la poutrelle P, côté Nord, est tombée et s'appuie encore par son extrémité levant dans la potelle d'encastrement. Les dégâts sont importants dans l'envoyage et dans le puits au niveau de 975. L'état des lieux est photographié sous des angles multiples. A ce niveau, l'accès au P. II est interdit par un gros éboulement. Durant la journée, on continue, à partir du pied du bouveau montant 975-907, à percer les éboulements qui interdisent l'accès aux bouveaux d'entrée d'air et de retour d'air à 975 m. La voie de 8 Paumes extrême levant à 907 est prospectée et le cadavre du recarreur qui y tra-

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vaillait est découvert non loin de son lieu de travail.

Le 22 août 1956 Par des prises régulières d'échantillons, notamment aux retours de 4 Paumes à 907 et Anglaise sous 907, on surveille l'évolution d'une combustion ralentie sous ces niveaux. Les efforts se concentrent sur les travaux de déblaiement des éboulements à 975, d'une part vers le bouveau d'entrée d'air, où la température dé· passe 60° C, et vers l'envoyage du P. II où le puits est éboulé sur 6 m de hauteur. En empruntant une vieille communication dans Léopold de 975 à 1035, une équipe de sauveteurs atteint la première fois le niveau de 1035. Vers 23 h 30, par la même communication très exiguë, trois expéditions d'hommes particulièrement sélectionnés, sont lancées vers 1035 m pour visiter tous les travaux, actuels ou anciens, susceptibles d'abriter des hommes, notamment les culsde-sac tels que bouveaux en creusement, voies en désameublement, etc.

Le 23 août 1956 Ces trois équipes remontent après mISSIOn accomplie; elles n'ont pas découvert de vivants, mais de nombreux morts dans les galeries d'entrée d'air. Une inscription a été relevée sur une bèle en bois dans la galerie Gros Pierre Levant à 1035, à 100 m au levant de la recoupe de la couche par le bouveau : «Nous reculons pour les fumées vers 4 Paumes. Nous sommes à peu près 50. Il est 1 h 15. Gonet ». Ces équipes ont rencontré un air en général non pollué, sauf quelques accumulations locales de grisou. Aux envoyages de 1035 m, la hauteur d'eau est de 0,80 m à 1 m et la nappe s'étend sur une longueur de 200 m. Deux expéditions sont encore lancées à 1035 et retrouvent 25 cadavres. Au total, on estime le nombre de cadavres retrouvés à une centaine et on abandonne complètement l'espoir de retrouver encore des vivants. Les opérations de sauvetage ont été poursuivies par la suite sans désemparer pour retrouver les dernier corps disparus et remonter les corps repérés. Le tableau de l'annexe 6 donne la liste des victimes de la catastrophe. En face de chaque nom, nous avons indiqué : le numéro de la médaille (qui correspond généralement, au numéro de la lampe),

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la fonction de l'intéressé son lieu d'affectation. et l'endroit où il a été retrouvé. Le plan topographique, reproduit fig. 19, permet, grâce à une légende appropriée, de voir pour chaque ouvrier, l'endroit où il était occupé le 8 août 1956, dans les travaux souterrains et l'endroit où son corps a été retrouvé après la catastrophe. Jusqu'à présent, certains corps n'ont pas encore pu être identifiés. Ils sont représentés au plan en question par les lettres N.I. = non identifiés.

348.1Constatations médicales

Des nombreux examens médicaux des victimes, il résulte ce qui suit: L'état des corps était sensiblement différent suivant l'étage duquel ces corps ont été remontés. Les corps remontés de 835 étaient gonflés, ils présentaient des boursouflures de la peau avec du liquide et ils avaient une attitude caractéristique, une attitude de lutteur, dite attitude en « chien de fusil », c'est-à-dire la tête retirée en arrière, les bras repliés, les jambes pliées et les pieds en extension vers le bas. Cette attitude semble indiquer que ces corps ont été soumis à une température relativement élevée: elle est due à la contraction et à la rétraction des muscles. Il y a tout lieu de croire que ces corps ont été soumis à haute température après la mort, car aucun signe de brûlures n'a été constaté avant la mort. Il a été procédé à l'autopsie de deux corps de 835, choisis dans lieux propres, suivant les indications des sauveteurs. On a pris un corps de chaque groupe. On n'a relevé aucun signe de brûlure des voies respiratoires, ce qui semble indiquer que la respiration avait cessé au moment où des fumées chaudes sont arrivées à cet endroit. Ces corps ont donc subi des actions de chaleur après la mort. À l'autopsie et à la section des muscles, on a constaté que ces derniers avaient un aspect rosé saumon, vraiment la couleur du saumon caractéristique de l'intoxication à l'oxyde de carbone. Médicalement parlant, ces ouvriers sont morts intoxiqués par l'oxyde de carbone. À l'étage de l 035, la cause de la mort est la même, intoxication par l'oxyde de carbone. Mais, à cette étape, les corps étaient plutôt desséchés. Il ne faut toutefois pas oublier qu'on les avait aspergés d'une solution astringente contenant du sulfate de cuivre et d'autres antiseptiques. Parmi ces corps, un certain nombre (une petite minorité) présentait des lésions traumatiques, des fractures, des effondrements de la boîte crânienne. Au niveau de ces fractures on n'a constaté aucun

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signe qui puisse permettre d'établir que ces fractures soient survenues avant la mort. Des fractures non ouvertes ont été incisées et on n'a trouvé aucun signe d'hématome, c'est-à-dire d'épanchement sanguin. Lorsque la fracture survient chez le vivant, il y a, du fait de la vascularisation importante de la moelle osseuse, un écoulement sanguin assez notable. Ces fractures sont donc survenues après la mort. Sur un des corps on a même trouvé une lésion arrondie, vraiment de projection avec un morceau de charbon incrusté dans la plaie. Mais, cette plaie n'avait pas saigné. Sur deux corps on a constaté au moment de leur identification, que les cheveux étaient plus crépus et semblaient avoir été brûlés. Néanmoins, en coupant dans la calotte crânienne, on a remarqué que le cuir chevelu n'était pas brûlé. Les vêtements non plus n'étaient pas brûlés; sur le corps même il n'y avait pas de signe de brûlure. Il est possible que ces corps aient été léchés par des flammes après la mort, car les brûlures n'étaient pas rouges, même lorsqu'on lavait la peau. En outre, des incisions systématiques des masses musculaires des corps qui ont été remontés de l'étage de 1035 ont été pratiquées. Chaque fois, la même couleur rose-saumon caractéristique de l'intoxication par l'oxyde de carbone a été observée. En résumé, on peut dire que l'oxyde de carbone est intervenu d'une façon systématique pour entraîner la mort de tout le personnel. Médicalement il n'est pas possible de donner l'heure approximative de la mort. Cependant, un fait est intéressant à observer. Les ouvriers de l'étage de 835 ont tous été retrouvés avec leurs bidons pleins et leur tartines. Ils n'ont consommés ni liquide ni tartines, sauf un qui venait d'assez loin et qui avait l'habitude de manger avant de descendre dans le fond. Par contre, les ouvriers de 1035 avaient 1/3 à 1/2 flacon vide. Cela prouve que les hommes de 1035 ont pu boire, tandis que ceux des étages supérieurs n'ont pas pu le faire. Si médicalement, il est difficile de préciser l'heure de la mort d'après l'état de la nourriture et de la boisson, on peut supposer que les hommes de 835 ont été assez rapidement foudroyés sur place, tandis qu'il est vraisemblable d'admettre que les hommes de 1035 aient survécu quelques heures avant d'être foudroyés. En effet, nous ne savons pas quelle température a régné dans les travaux souterrains peu de temps après l'accident. Mais nous savons que la perte de poids du corps humain à une température de 42-43" est de l'ordre de deux kilos en trois heures. Si les hommes avaient été vivants dans cette haute température ils auraient dû consommer la quantité de liquide qu'ils avaient

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avec eux. Nous avons vu au paragraphe 347.2 ci-dessus qu'une perte en poids de 5 % était irréversible et que, par conséquent, un homme ne pourrait résister à la soif sans compenser la quantité de liquide qu'il a perdu. N'ayant pas consommé toute leur boisson, il est vraisemblable que les hommes de 1035 n'ont pas survécu longtemps.

348.2 Constatations d'ordre technique.

Nous avons déjà reproduit au paragraphe 22 . .5 par les figures 5 à 14, l'état de toutes les communications entre puits, telles qu'elles ont été découvertes au cours du sauvetage après les dégradations qu'elles avaient subies lors de l'incendie. Les éboulements constatés sont la conséquence d'une part de la combustion de certains éléments du garnissage ou du soutènement lui-même, et d'autre part, du décollement des roches dû aux effets thermiques d'échauffement et de refroidissement. L'incendie ne s'est pas, en effet, localisé à l'envoyage de 975, mais il a progressé dans toutes les directions aussi bien par le puits de retour d'air que par le puits d'entrée d'air où on a retrouvé le guidonnage interrompu sous la cote de 880 mètres. Les trois portes de la communication entre puits à 975 ont été entièrement calcinées et l'envoyage du P. Il, au même niveau s'est éboulé sur une hauteur de 6 m environ. Dans le bouveau de retour d'air de 975, on a remarqué que le ventilateur aérex était déplacé vers le P. Il de 0,95 m. La carcasse et les aubes du ventilateur ne sont pas déformées. Elles ont subi l'effet d'un feu violent de même que les moteurs électriques d'entraînement. Les câbles électriques qui les alimentent étaient protégés contre toute détérioration possible, par des tuyaux. Le long de ce bouveau Sud, on observe aussi des traces de combustion sur les éléments en bois du soutènement ou du garnissage et ce, sur une longueur de 100 m environ. Au delà de ce point, dans le bouveau, vers les travaux, on ne trouve plus de traces de combustion. Plus loin, dans la voie de tête de la taille 2 de Gros Pierre levant, on rencontre sur une faible longueur (environ 50 mètres) un début de combustion des fascines. Cette combustion est légère et la galerie qui est revêtue de cadres T.H. est intacte. On retrouve un phénomène analogue dans la même voie, 800m plus avant environ, c'est-à-dire à proximité de la tête de la taille 2 de Gros Pierre.

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C'est dans la voie levant de Gros Pierre, à 1035, au pied de l'incliné conduisant à la voie de base de la taille 2 de Gros Pierre qu'on a retrouvé les corps ayant subi des blessures «post mortem ». A cet endroit, dans l'incliné et dans la voie de base de la taille 2, on a constaté des dégâts mécaniques plus importants. Au pied de l'incliné, existait une porte à 2 battants, obturatrice qui a été entièrement arrachée. Une lampe électrique portative a été sectionnée en deux morceaux au niveau supérieur du pot dans lequel est logé l'accumulateur. Trois rames de berlaines vides sont déraillées en tête de l'incliné dans la voie de base de la taille. Quelques chariots, arrêtés au pied de la taille semblent avoir été beaucoup moins secoués. De légères traces de combustion sont apparentes entre les fronts des tailles 1 et 2. Les chevaux qui effectuaient le transport dans la voie de base de la taille sont tous descendus dans la voie de Gros Pierre à 1035 où ils sont morts asphyxiés. Sur les rames de berlaines, dans cette même voie, on observe également des couches de poussières adhérant aux faces orientées vers le levant des caisses des berlaines. Il semble qu'à cet endroit, un souffle se soit produit, conséquence d'un coup de grisou qui serait survenu après la catastrophe, car nous savons d'après ce qui a été dit ci-dessus que, dès le 10 août 1956, le P. II était obstrué complètement vers la profondeur de 880 m réduisant considérablement la ventilation de l'étage de 1035.

3.5 ÉTAT DU PUITS N° 1 (OU PUITS D’ENTRÉE D'AIR)

D'une visite du puits d'entrée d'air effectuée par la plupart des membres de la commission et de l'examen du registre du puits, il résulte ce qui suit: Le revêtement en maçonnerie est en très bon état. Il n'y a aucune brèche de recarrage. Le guidonnage est excellent, il ne présente aucun défaut. Il ne manque aucun boulon aux éclissages des guides et aux joints obliques des deux demi-traverses centrales des solives. Les guides sont très rigides et les traverses qui les supportent sont bien potelées. L'usure des guides est insignifiante et il est impossible à quiconque qui est du métier de soupçonner un seul guide de ne pas répondre à une sécurité totale de translation. Quelques traverses centrales présentent un peu d'usure, par suite du battement des câbles d'extraction inévitable dans un puits de cette profondeur, mais aucune solive ne peut être soupçonnée d'insuffisance, Quant aux câbles électriques, cordons de sonneries et canalisations de toutes espèces, ils sont so-

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lidement fixés de part et d'autre des solives centrales et aux extrémités de celles-ci. Il y a plusieurs joints de dilatation dans les canalisations lourdes. Le flambage de ces canalisations n'est pas à craindre. Pour toute l'année 1955, on a remplacé 15 solives et 3 guides. En 1956 jusqu'à fin juillet, on a remplacé 26 solives et 4 guides. Il y a lieu d'ajouter qu'au cours des dix dernières années, il n'y a eu aucun accident de puits dû à l'état de la maçonnerie ou à l'état du guidonnage et ayant donné lieu à chômage. Il n'y eut que quelques incidents sans chômage au cours de cette période. On peut en conclure que le puits d'entrée d'air, quoique de section exiguë, était en bon état.

3.6 FORMATION PROFESSIONNELLE DU PERSONNEL

36.1 Initiation des encageurs du fond et taqueurs de surface.

L'encageur de l'envoyage de 975 est entré au charbonnage du Bois de Cazier, le 14 novembre 1952. Il fut tout d'abord expérimenté au métier de mineur comme manœuvre puis il se forma au métier de foreur. Au début de l'année 1954, il fut désigné comme «ravaleur de bois» au poste d'après-midi, c'est-à-dire chargé de la descente du matériel dans les puits. Au début de février 1956, le directeur et le conducteur des travaux lui proposèrent la place d'encageur à l'étage de 975 en ayant soin de solliciter au préalable son accord. Il accepta l'offre qui lui était proposée car il connaissait tous les signaux. Dès ce moment, le conducteur Je mit au courant de son nouveau travail. Le surveillant d'envoyage demeura à ses côtés pendant une quinzaine de jours afin de l'initier il ses nouvelles fonctions. Dès qu'il vit qu'il était bien formé, Je surveillant le laissa progressivement seul à sa besogne. A cette époque, on extrayait déjà les produits aux deux étages de 975 et 765 par le Puits n°1 L'aide-encageur qui travaillait à 975 le jour de l'accident avait été adjoint à l'encageur depuis le début de juin 1956. Cet homme pensionné et revenu au charbonnage pour reprendre du service avait été encageur pendant 17 ans à l'étage de 907. En cas d'absence de l'encageur, l'aide-encageur ou le surveillant faisait fonction d'encageur.

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Le taqueur de la surface était occupé à ce poste depuis environ trois ans au charhonnage du Bois-de-Cazier. Quant aux tireurs ou taqueurs de surface, ils sont généralement initiés de la manière suivante pendant 1 mois à 1 mois et demi: on les laisse tout d'abord observer le travail pendant la première semaine et apprendre les signaux, ensuite pendant la seconde semaine on les laisse encager sans donner de signaux au machiniste. Enfin, pendant la troisième semaine on leur laisse extraire quelques cages - encagement et transmission de signaux - et pour parachever la formation pendant les deux semaines suivantes on les laisse travailler normalement en présence d'un tireur expérimenté.

36.2 Degré de formation des sauveteurs belges.

Selon les Directeurs des centrales de sauvetage étrangères, ayant participé aux travaux à Marcinelle, les sauveteurs belges étaient bien entraînés. Ils l'ont d'ailleurs démontré dans les travaux qu'ils ont exécutés. Ils étaient en nombre suffisant. Ils étaient même à un moment donné trop nombreux, puisqu'on ne pouvait poursuivre qu'un chantier à la fois et qu'on ne pouvait y utiliser qu'un nombre limité de sauveteurs. Durant toutes les opérations de sauvetage, on n'a jamais manqué de sauveteurs. D'ailleurs, il avait été convenu qu'en pareil cas on pourrait faire appel aux centrales de sauvetage étrangères. Ce cas ne s'est jamais présenté. Au Bois de Cazier, des centaines d'ingénieurs et sauveteurs ont porté des appareils respiratoires pendant des milliers d'heures, sans accident, ni incident et cependant en ce qui concerne les travaux de sauvetage on peut déclarer que les travaux de Marcinelle peuvent être rangés parmi les plus difficiles qu'on puisse rencontrer. Cela démontre que l'entraînement et la formation des sauveteurs belges étaient bon. Si l'état de formation, l'esprit d'activité et de camaraderie des sauveteurs n'avaient pas été aussi bons, il n'aurait pas été possible d'exécuter les travaux de sauvetage dan les condition difficile qui ont régné à Marcinelle.