Réaliser un bas fourneau

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Historique

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On a la preuve que la production du fer par la méthode directe de réduction, dans des bas fourneaux débute environ 1000 ans avant l’ère chrétienne au Moyen-Orient. Cette technique se diffuse ensuite vers le Nord au centre de L’Europe par le Caucase et vers l’Ouest, à travers les Balkans vers l’Italie et l’Espagne.

500 av. J.-C., le fer est un métal commun au Nord des Alpes alors que les premiers objets en fer atteignent seulement les îles britanniques et la Scandinavie. À la période gallo-romaine, la réduction du fer était bien maîtrisée dans toute l’Europe.

Au cours du haut Moyen Âge, la qualité des produits forgés atteint des sommets. Aux Pays-Bas, vers 1480, apparaissent dans la vallée de la Meuse les premiers haut-fourneaux qui supplantent les bas fourneaux et font baisser considérablement le prix du fer (les haut-fourneaux étaient utilisés depuis plus de deux mille ans en Chine).

Les savoirs techniques associés aux bas fourneaux disparaissent d’autant plus rapidement qu’un grand nombre des secrets de fabrication se transmettaient par voie orale de maître à disciple. C’est pourquoi nous sommes dans l’ignorance du mode opératoire mis en œuvre par les habitants de notre région il y a deux mille ans, et que chaque année nous tâtonnons.

Construction du bas fourneau

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Nous avons opté pour une construction légère et très isolée. Le fait de n’utiliser aucun mortier nous permet de monter le bas fourneau très rapidement (voir schémas et photos ci-dessous).

L’empilement de briques réfractaires non scellées permet d’obtenir un carré de 33 cm intérieur sur une hauteur 60 cm. Cet ensemble de briques est surmonté de deux boisseaux de cheminée portant la hauteur à 140 cm. Le scellement des briques au mortier réfractaire n’apporte rien et impose un long temps de séchage.

L’ensemble est ceinturé de béton cellulaire de 15 cm d’épaisseur assurant une isolation suffisante pour éviter tout risque de brûlure : la température des parois est de l’ordre de 30 à 40 °C lors du fonctionnement. Enfin, par sécurité, nous cerclons le tout avec du fil de fer afin de maintenir l’ensemble.

Les deux tuyères utilisées sont placées à travers un bloc de béton cellulaire ce qui règle le problème de son calage. Il est très facile de percer ce trou dans le béton cellulaire. Une tuyère n’a pas besoin de sortir de plus d’une vingtaine de centimètres à l’extérieur du béton cellulaire. Il faut absolument prévoir un fer à béton d’une longueur supérieure de 30 cm de celle des tuyères afin de pouvoir déboucher ces dernières en cas de besoin.

La porte basse doit permettre l’écoulement de la scorie. On doit pouvoir la boucher avec un morceau de béton cellulaire.

 

Chimie du bas fourneau

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Notre bas fourneau peut être schématisé de la manière suivante :

 

La partie de la cheminée où débouchent les tuyères de ventilation est à la température maximale, de l’ordre de 1 300 °C. La température diminue régulièrement lorsqu’on se déplace vers le haut (le gueulard) ou vers le bas. Au-dessus de 800 à 900 °C, le charbon brûle avec l’oxygène de l’air pour donner du monoxyde de carbone (CO). Le minerai ainsi que le métal déjà formé sont très perméables au monoxyde de carbone. Ce dernier imprègne donc le minerai présent dans toute la cheminée et réduit (« prend » les atomes d’oxygène à) l’oxyde de fer.

Le fer ne passe pas par un stade liquide, mais reste pâteux voire solide. Si la température dépassait les 1 500 °C, il y aurait risque de fondre le métal obtenu et d’y dissoudre automatiquement une grande quantité de carbone. Le produit obtenu est alors la fonte. En Europe, à l’époque gallo-romaine, cette fonte ne pouvait ni être travaillée, ni être transformée en acier, mais les Chinois savaient déjà « convertir » la fonte.

Les réactifs de notre expérimentation

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Le minerai provient de l’ancienne mine du Val-de-Fer à Neuves-Maisons près de Nancy. À cette occasion, nous remercions les bénévoles de l’atelier Mémoire ouvrière de Neuves-Maisons qui nous fournissent chaque année le minerai nécessaire à nos expérimentations. Sur le plan géologique, il s’agit d’un minerai de type oolithique (sédiment marin de faible profondeur déposé en couches continues et relativement épaisses) appelé « minette ». La teneur en fer de ce minerai est de l’ordre de 35 % (la teneur du minerai brésilien actuellement utilisé à Pont-à-Mousson est de 65 %). Le combustible est du charbon de bois .

Il y a une dizaine d’années, les métallurgistes pensaient que la minette ne pouvait pas avoir été utilisée avant l’avènement du haut fourneau, du fait d’une trop forte teneur en phosphore. C’est Marc Leroy (laboratoire d’archéologie des métaux à Jarville) qui a montré en 1994 que la minette était utilisée dans les bas fourneaux dès l’époque gallo-romaine.

Fonctionnement du bas fourneau

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Chaque tuyère est reliée à une soufflerie. Nous utilisons un modèle d’aspirateur traîneau qui a la particularité d’éjecter l’air aspiré par le manche. On commence par réaliser un feu que nous alimentons régulièrement en charbon de bois. Il faut environ une heure pour remplir les 130 cm de hauteur avec du charbon. Parfois des fissures se forment et des gaz s’enflamment sur la périphérie sans que cela ne soit nuisible au fonctionnement. Lorsque le bas fourneau est totalement rempli de charbon porté au rouge, nous introduisons une couche de 3 cm de minerai soit environ 2 kg. Ce minerai est concassé en morceaux de la taille d’une petite noix.

Au fur et à mesure de la descente des produits dans la cheminée, nous complétons par une couche de 20 cm de charbon (entre 15 et 20 litres, soit de 2,5 à 3 kg) suivi de 3 cm de minerai, ceci jusqu’à épuisement de notre stock de charbon de bois qui, cette année, est de 80 kg.


Le métal obtenu et les scories

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Après 5 heures d’expérimentation, nous sommes à court de charbon. Nous pensons que le four pourrait fonctionner 3 heures de plus mais nous ne cherchons pas à en obtenir le maximum pour l’instant. Par la porte basse, nous perçons la poche de scorie liquide, ce qui produit un écoulement qui impressionne toujours les spectateurs. Ces derniers sont souvent persuadés que c’est le fer qui coule.

   

Nous démontons la structure de béton cellulaire dont une grande partie pourra resservir. La chaleur étant très intense, nous ne pouvons pas récupérer la dernière rangée : des coulées de scorie l’ont soudée aux briques réfractaires. Nous abattons enfin l’empilement de briques afin d’extraire les massiots.

Nous obtenons deux massiots, un à chaque sortie de tuyère, d’un poids total de 6 kg. Un massiot est une éponge de fer qui présente une partie centrale assez compacte et une périphérie formée par une dentelle de fer dans laquelle est piégée une partie de la scorie. Les scories sont un agglomérat de composés divers, dont des oxydes de fer non réduits, dans un état vitreux, ce qui explique qu’elles sont cassantes.

   

Les clichés métallographiques de la partie centrale, réalisés par M Jacques Kessler du Laboratoire de métallurgie appliquée du Lycée Loritz, ainsi que les mesures de dureté montrent que le métal obtenu est constitué de ferrite et de perlite et contient donc très peu de carbone dissous dans la structure (contrairement à ce que l’on obtient avec un haut-fourneau). Dans l’échantillon de cette année, nous n’avons pas de trace visible de phosphore, alors qu’il y en avait très peu dans l’échantillon prélevé sur le massiot obtenu en 2001.


  structure de « Widmanstäten » : dendrites de ferrite sur matières perlitiques

 

  • clair : ferrite cristallisée ;
  • sombre et contours nets : perlite ;
  • aspect gris vitreux et bords irréguliers : scories.


 

Liens externes

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