Philosophie/Une brève introduction/Spécificité de la philosophie

La philosophie possède de nombreux points communs avec d'autres activités humaines qui proposent, comme elle, des réflexions ou des conceptions générales touchant notre existence et nos actions, l'existence du monde et le sens que l'on peut lui donner. Comparer et distinguer la philosophie de ces autres activités ne nous permettra pas de la définir, mais nous pouvons tenter de délimiter par cette méthode une sphère propre de la philosophie ou de mieux saisir la nature de l'activité de questionnement philosophique.

La philosophie et le bon sens modifier

Sagesse du sens commun modifier

La sagesse est un art de vivre ; elle exprime des préceptes pour la conduite de la vie. C'est ce que fait également la philosophie, et bien vivre est l'un de ses buts, sinon le seul. Mais la sagesse est aussi l'expression du sens commun, du bon sens (dont chacun est normalement pourvu) : elle est alors une sagesse de l'expérience immédiate portant sur des choses contingentes, et elle ne peut se fonder sur un savoir, mais seulement sur l'opinion et la croyance. La sagesse populaire est de ce fait parfois incohérente et les proverbes contradictoires. Cette sagesse n'est pas infaillible, et elle ne répond pas à toutes nos questions ; elle nous met dans l'embarras. La sagesse du bon sens n'est donc pas ce que l'on vise par l'activité philosophique, mais l'embarras qu'elle suscite est certainement la voie vers une sagesse plus haute.

L'opinion modifier

Nous avons vu plus haut que le philosophe possédait un certain genre d'opinion. On a une opinion quand on pense que quelque chose est vrai, sans en avoir la certitude. C'est une croyance dont la certitude subjective est insuffisante. En ce sens, il n'y a pas d'opinion philosophique, car l'affirmation philosophique est censée pouvoir exhiber ses raisons.

Philosophie, mythes et religion modifier

Le mythe et la philosophie ont un point commun : ces discours donnent un sens au monde dans lequel nous vivons.

Mais il y a des oppositions :

  • la philosophie se base sur la logique et la connaissance rationnelle, le mythe a un caractère merveilleux, inexplicable même pour les causes qu'il invoque, comme les forces surnaturelles ;
  • la philosophie suppose que l'on adhère à une doctrine seulement par la force des arguments, le mythe est une croyance, l'adhésion se fait en l'absence de preuve ;

Philosophes et sophistes modifier

Philosophie et science modifier

La philosophie a un certain rapport à la connaissance, et elle est même comprise en premier lieu comme le savoir même. Mais c'est le cas également pour la science devenue indépendante de la philosophie. S'agit-il alors du même genre de connaissance, ou y a-t-il une connaissance spécifique à la philosophie, ou la science interdit-elle que la philosophie puisse prétendre être elle aussi une connaissance ?

Liens entre la philosophie et la science modifier

À l'origine de la philosophie, il était possible à un homme d'embrasser l'ensemble des connaissances scientifiques. Les philosophes sont alors aussi de grands scientifiques, ou inversement (Thalès, Aristote, par exemple). La science est pour certains philosophes, tel Platon, la condition de la sagesse. Cette union entre sagesse et science durera des siècles. Au XVIIè siècle, Spinoza présentera sa pensée sous une forme déductive proche des mathématiques.

Points communs modifier

  • Rejet de l'opinion
  • Rejet de ce qui n'est pas démontré
  • Usage de la raison
  • Utilisation d'abstractions
  • Recherche du vrai
  • Discours sans clôture

Ce qui les distingue modifier

  • La science s'occupe de faits, la philosophie de valeurs (morale)
  • La science est quantitative, la philosophie qualitative
  • Croyances rationnelles/certitudes scientifiques

Y a-t-il des questions propres à la philosophie ? modifier

  • Le problème des fins de l'action
  • Le problème des fins de la connaissance
  • Le problème de la valeur et des normes

En tant que la philosophie porte sur des valeurs, on peut encore admettre cette conception d'Aristote, selon laquelle le sage prescrit, mais ne reçoit pas de prescription.

On peut très bien remettre en cause cette comparaison de la science et de la philosophie. La science, par exemple, a une réalité tangible pour le sens commun, dans la mesure où elle nous est souvent très utile. Il peut paraître aberrant de rapprocher science et philosophie sous ce rapport, car il est évident que l'utilité immédiate de la philosophie est nulle, et on peut affirmer que la philosophie ne mène à rien. Néanmoins :

« En essayant de prouver que finalement « on aboutit tout de même à quelque chose », on ne fait qu'accroître et fortifier la méprise régnante, qui consiste dans l'opinion préconçue que la philosophie peut être estimée selon les critères courants auxquels on se refère pour juger si une bicyclette est utilisable, ou si les bains d'une station thermale sont efficaces. » (Heidegger, Introduction à la métaphysique)