Pathologie moléculaire/mitochondries

Anomalies des mitochondries modifier

Les mitochondries sont des organites cellulaires qui jouent un rôle très important dans le métabolisme cellulaire, en particulier dans la production énergétique, le métabolisme des acides gras et la détoxification.

Structure et fonction des mitochondries modifier

Les mitochondries sont des organelles cellulaires qui jouent un rôle fondamental dans le métabolisme énergétique et l’apoptose. Présentes uniquement dans les cellules eucaryotes, elles seraient issues, selon la théorie endosymbiotique, de bactéries intracellulaires, incorporées il y plus d'un milliard d’années. Leur nombre varie d'une à plusieurs milliers d’un type cellulaire à l’autre. Elles sont particulièrement nombreuses dans les cellules à forte dépense énergétique comme les cellules musculaires striées (cardiomyocytes et rhabdomyocytes).

Elles sont le principal lieu de production de l’ATP (adénosine triphosphate) et jouent ainsi un rôle-clé dans la production énergétique de la cellule. Elles sont également impliquées dans plusieurs processus cellulaires fondamentaux comme la signalisation, la différentiation cellulaire, l’apoptose, le contrôle du cycle cellulaire et de la croissance cellulaire.

Mesurant de 1 à 10 microns, elles comportent une membrane externe, un espace intermembranaire, une membrane interne, des crêtes et une matrice interne. La matrice mitochondriale contient des enzymes solubles qui catalysent l’oxydation de petites molécules organiques solubles, en particulier les pyruvates, molécules carrefours entre la glycolyse, le cycle de Krebs, la lipogenèse et la néoglucogenèse. Elles contiennent également l’ADN mitochondrial et les ribosomes mitochondriaux. Les membranes mitochondriales contiennent des aquaporines qui régulent le transport de l’eau entre l’extérieur et l’intérieur des mitochondries. Les protéines mitochondriales (qui constituent le protéome mitochondrial) varient en fonction des espèces et des types cellulaires. A titre d’exemple, 615 protéines différentes ont été identifiées dans les mitochondries des cardiomyocytes du myocarde.

Les mitochondries ont leur propre génome, proche du génome bactérien, et produisent in situ une partie de ses protéines. Cependant, un grand nombre de protéines mitochondriales sont produites par l’ADN nucléaire de la cellule et importées secondairement dans les membranes et la matrice mitochondriale.

L’ADN mitochondrial est une structure circulaire proche de l’ADN procaryote bactérien. Il code de nombreux gènes du métabolisme bactérien, en particulier des enzymes de la phosphorylation oxydative.

Les spermatozoïdes étant dépourvus de cytoplasme, l’ADN mitochondrial est transmis par les ovules. Sa transmission est donc matrilinéaire. En génétique des populations, l’étude de ses marqueurs polymorphes a permis d’étudier l’origine matrilinéaire des populations jusqu’à une hypothétique ‘Ève’ mitochondriale.

Par ailleurs, cette transmission particulière de l’ADN mitochondrial explique une importante hétérogénéité des cellules pour leur contenu mitochondrial. Cela explique que des mutations de l’ADN mitochondrial ne peuvent être portées que par certains groupes cellulaires. Ce phénomène est appelé ‘hétéroplasmie’.

Anomalies du cycle du citrate ou cycle de Krebs modifier

Le cycle de l’acide citrique (ou cycle de Krebs ou cycle TCA) se déroule dans la matrice mitochondriale. Ce cycle joue un rôle très important dans la glycolyse aérobie et le métabolisme énergétique par le biais de production de molécules d’ATP, de NADH, FADH2 et GTP, nucléosides porteuses d’énergie potentielle chimique qui entreront ensuite dans la chaîne de phosphorylation oxydative.

Au cours de ce cycle, l’acide pyruvique issu de la glycolyse est converti en acétyl-coenzyme A (acetyl CoA) en perdant un carbone avec production d’une molécule de dioxyde de carbone. L’acetyl CoA se combine ensuite à l’acide oxaloacétique (molécule à 4 carbones) pour former de l’acide citrique (à 6 carbones). Au cours du cycle de Krebs, ce dernier perd 2 carbones (pour former du CO2) et 4 électrons, dont 3 sont captés par le NAD+, réduit en NADH, et 1 par le FAD+, réduit en FADH2.

À la fin du cycle, l’acide oxaloacétique (molécule à 4 carbones) est à nouveau régénéré en acide citrique (à 6 carbones) par l’acetyl-CoA. De plus, lors d’une de ses étapes, une molécule de GTP est produite par la combinaison du GDP et d’un groupe phosphate. Au total, la glycolyse aérobie d’une molécule de glucose produit deux molécules d’acide pyruvique. Leur incorporation dans deux cycles de Krebs produit ainsi 6 molécules de NADH, 2 de FADH2, et 2 de GTP molécules.

Anomalies de la bêta-oxydation des acides gras modifier

En dehors de sa première étape qui a lieu dans le cytoplasme, la bêta-oxydation des acides gras se déroule principalement dans les mitochondries en anaérobiose, et accessoirement dans les peroxysomes pour les acides gras à très longue chaîne. Ses anomalies sont principalement à l’origine d’anomalies cardiaques et musculaires.

Anomalies de la phosphorylation oxydative modifier

La phosphorylatyion oxydative mitochondriale (ou système OXPHOS) est la voie biochimique terminale de production de l’ATP, dont le cycle de phosphorylation-déphosphorylation (ATP – ADP) est au centre de la production énergétique cellulaire.

Le système OXPHOS repose sur cinq complexes multiprotéiques, numérotées de I à V, dont les sous-unités protéiques sont codées par plus de 85 gènes mitochondriaux ou nucléaires. Cette complexité explique la grande variété des phénotypes cliniques associés aux maladies génétiques de la phosphorylation oxydative.

Le système OXPHOS est inclus dans la double couche lipidique de la membrane interne mitochondriale et est composé des cinq complexes enzymatiques multiprotéiques et de deux transporteurs d’électrons : le coenzyme Q et le cytochrome C. La principale fonction du système OXPHOS est de coordonner un flux d’électrons et de protons, à l’origine de la production d’ATP.

Ce flux d’électrons dégage de l’énergie potentielle chimique, stockée principalement sous la forme d’un gradient de protons le long de la membrane interne mitochondriale. Ce gradient est ensuite utilisée par le dernier complexe OXPHOS, le V (F1Fo-ATPase) pour générer de l’ATP à partir de l’ADP et des phosphates inorganiques.

Une petite partie des molécules d’ATP produites est utilisée par la mitochondrie pour ses propres besoins. La majeure partie de l’ATP est transportée en dehors d’elle par un transporteur d’adénine nucléotide (adenine nucleotide translocator) et utilisée dans les diverses fonctions cellulaires.

Le système OXPHOS est ainsi sous le double contrôle de l’ADN nucléaire et de l’ADN mitochondrial (ADNmt).

Seules 13 protéines OXPHOS sont codées par l’ADNmt; les autres (plus de 70) sont codées par le génome nucléaire. Il s’y ajoute une dizaine de gènes nucléaires qui régulent l’expression des gènes mitochondriaux. Pratiquement tous ces gènes ont été caractérisés au niveau de l’ADNc (partie codante du gène) et quelques-uns au niveau génomique (exons et introns). La distribution chromosomique de ces gènes est aléatoire. Leur expression est ubiquitaire mais prédomine dans les tissus à forte demande énergétique comme les muscles squelettiques ou le cœur.

Les facteurs nucléaires respiratoires NRF1 et NRF1 jouent un important rôle de régulation de gènes nucléaires impliqués dans la biogenèse de la chaîne respiratoire et le contrôle transcriptionnel des gènes OXPHOS.

La phosphorylation oxydative (ou chaîne respiratoire) est constituée d'un ensemble de protéines membranaires mitochondriales qui réoxydent les coenzymes NADH et FADH2, formes réduites produites dans différentes voies métaboliques, en particulier le cycle de Krebs.

Cette réoxydation crée un gradient transmembranaire de protons, qui va permettre la synthèse d'ATP par l' ATP synthase de la membrane mitochondriale.

Le gradient transmembranaire de protons constitue ainsi une forme de stockage de l'énergie potentielle contenue dans les coenzymes NADH et FADH2 et dérivée de l'énergie contenue dans les molécules carbonées dégradées au cours du catabolisme, principalement lors de la glycolyse et le cycle de Krebs (dans la mitochondrie).

En aérobiose, les coenzymes réduits (NADH et CoQH2) vont être réoxydés par la chaîne respiratoire des crêtes de la membrane interne mitochondriale.

Les complexes de la chaîne respiratoire

Les protéines et de coenzymes participant à la phosphorylation oxydative de la chaîne respiratoire sont groupés en 5 complexes. Les 4 premiers complexes (I, II, III et IV) interviennent dans le transport des électrons. Le cinquième (complexe V) intervient dans la synthèse d' ATP.

Ces complexes diffusent de façon indépendante au sein de la membrane interne mitochondriale. Ils sont connectés par le coenzyme Q (CoQ), un transporteur liposoluble mobile et le cytochrome C fixé à la membrane.

  • Complexe I : NADH-ubiquinone réductase
  • Complexe II : Succinate-ubiquinone réductase
  • Complexe III : Ubiquinone-cytochrome C réductase
  • Complexe IV : Cytochrome oxydase
  • Complexe V : ATP synthase

L'expulsion d'ions H+ entraîne la création un gradient de pH transmembranaire.

Les ions H+ vont revenir (dans la sens du gradient électrochimique) dans la matrice mitochondriale (ou dans le cytoplasme des bactéries) en entraînant un flux d'ions dans l'ATP synthase (complexe V) entraînant la synthèse d'ATP. Il peut aussi servir au transport de molécules contre un gradient de concentration (exemple : pompe à sodium ATP-dépendante).

Les molécules d'ATP formées sont situés dans la matrice mitochondriale. Leur passage dans le cytosol emprunte une protéine permettant de faire passer de l'ATP de la matrice mitochondriale (ANT1 ou 3) vers l’espace intermembranaire et vers le cytosol. L'ADP suit un trajet inverse.

La différence de potentiel créée en partie par le gradient de protons induit un transport 30 fois plus rapide de l'ATP par rapport à l'ADP.

Le bilan final dépend du nombre de protons pompés par les complexes I, III et IV, du nombre de protons utilisés pour synthétiser 3 ATP (une rotation complète de l'ATP synthase) ainsi que de l'utilisation d'énergie proton-motrice par la mitochondrie pour importer de l'ADP et du phosphate et pour exporter de l'ATP. Pour les mitochondries de levure, on estime que: Pour une molécule de NADH,H+, 2,5 molécules d' ATP sont produites. Pour une molécule d'ubiquinone, 1,5 molécule d'ATP est produite.

Les anomalies de la phosphorylation oxydative modifier

Les anomalies de la phosphorylation oxydative entraînent des maladies génétiques particulièrement graves, d’expression systémique et multiformes.

Appelées également ‘maladies mitochondriales’ ou ‘cytopathies mitochondriales’, les maladies de la phosphorylation oxydative sont les maladies génétiques métaboliques les plus fréquentes avec une incidence de 1 pour 10,000 naissances.

Lorsqu’un anomalie du système OXPHOS est suspectée, les investigations électrophysiologiques, biologiques et neuroradiologiques doivent rapidement conduire à la pratique d’une biopsie musculaire, qui constitue un examen clé du processus diagnostique. En effet, l’histochimie de la biochimie musculaire permet de mettre en évidence des ‘ragged red fibres’ (RRFs) et un marquage négatif de la cytochrome c oxidase (COX).

Des présentations cliniques semblables aux phénotypes des anomalies génétiques de la phosphorylation oxydative peuvent être causées par certains médicaments, comme les analogues de nucléosides, comme la zidovidune utilisée dans les traitements contre le VIH du SIDA, qui peuvent causer des myopathies avec ‘ragged red fibres’ (RRFs), littéralement fibres rouges déchiquetées.

En effet, les analogues de nucléosides après leur conversion en forme active inhibe l’AND polymérase gamma des mitochondries et induisent une deplétion de l’ADN mitochondrial et une extinction de l’expression des protéines OXPHOS codées par l’ADNmt.

Le diagnostic d’anomalies du système OXPHOS est confirmé par la mesure de l’activité enzymatique de chacun de ses complexes sur une biopsie musculaire. Elle est dans tous les cas nécessaire car des anomalies d’un ou de plusieurs complexes (déficit combiné) peuvent être observées en l’absence de fibres RRFs ou de phénotypes COX-négatifs.

Les maladies mitochondriales classiques sont à l’origine de myopathies à Ragged Red Fibers, d’acidose lactique et d’encéphalopathies. Les plus connues sont le syndrome MELAS (Mitochondriale Encephalopathie, Lactique Acidose, pSeudo-accident vasculaire cérébral – Stroke-like accident), syndrome MERRF (Myoclony Epilepsy Ragged Red Fibers).

Le syndrome de Leigh (MIM.256000) est la maladie génétique mitochondriale la plus fréquente. Précoce (moins de deux ans) et hétérogène, il se manifeste principalement par une encéphalopathie subcorticale progressive associant une atrophie optique, une ophtalmoparésie, une hypotonie, une ataxie et une dystonie. Il peut s’y associer une neuropathie et une myopathie qui permettent de le distinguer d’autres maladies cérébrales, comme une encéphalite. La plupart des patients meurent quelques années après le diagnostic. Le phénotype du syndrome de Leigh a été associé à des mutations d’une vingtaine de gènes nucléaires ou mitochondriaux à l’origine d’anomalies de pratiquement chaque étape du système OXPHOS, mais le plus souvent des complexes I et V.

Certaines mutations de gène nucléaire sont à l’origine d’autres phénotypes comme le syndrome surdité-dystonie (DDP or deafness-dystonia syndrome).

D’autres maladies mitochondriales génétiques peuvent entraîner des maladies tardives comme un diabète, une surdité neurosensorielle ou une susceptibilité à la maladie de Parkinson.

Les anomalies principales de la phosphorylation oxydative sont :

  • syndrome de Leigh
  • les encéphalopathies mitochondriales
  • le syndrome MELAS : lactic acidosis and stroke-like episodes (MELAS)
  • le syndrome MERRF : myoclonus epilepsy with ragged red fibres (MERRF)
  • le syndrome surdité-dystonie / deafness-dystonia syndrome (DDP)
  • la prédisposition à la maladie de Parkinson
  • certains diabètes sucrés
  • certaines anomalies de l'audition sensorineuronales
  • l'ataxie de Friedreich

Ataxie de Friedreich modifier

L’ataxie de Friedreich constitue un cas particulier. L’ataxie de Friedreich est une maladie autosomique récessive caractérisée par une ataxie cérébelleuse progressive avec une perte des réflexes tendineux profonds, une faiblesse pyramidale et une dysarthrie. 70% des patients développent une cardiomyopathie hypertrophique, 20% une intolérance aux hydrates de carbone et 10% un diabète sucré. Sa fréquence est de 1 pour 50 000 naissances vivantes. Cette maladie a été localisée en 9p13 et le clonage positionnel a permis d’identifier un gène (FXN) codant une protéine de 210 acides aminés, la frataxine. Celle-ci joue un rôle essentiel dans l’homéostasie du fer dans la mitochondrie. Son inactivation entraîne un blocage du système OXPHOS et la maladie de Friedreich peut donc être considérée comme une anomalie de la phosphorylation oxydative.

En effet, les mitochondries issues du myocarde d’ataxie de Friedreich montrent du déficit spécifique de l’aconitase, une enzyme du cycle de Krebs et de l’activité des complexes I à III de la chaîne respiratoire. Chaque sous-unité de ces trois complexes est associée à un agrégat fer-soufre.

Les agrégats fer-soufre sont des groupements prothétiques observés dans ces complexes et dans de nombreuses enzymes mitochondriales et cytosoliques. L’assemblage des agrégats fer-soufre nécessite l’action de protéines d’échafaudage (scaffold protein), comme la protéine ISCU, ainsi que des désulfurases cystéine, des donneurs d’ions et des protéines chaperonnes.

En plus de l’ataxie de Friedreich, des anomalies de la biogenèse des agrégats fer-soufre sont également à l’origine d’une anémie sidéroblastique avec déficit en glutaredoxin-5, une myopathie par déficit en protéine ISCU et probablement d’autres maladies encore inconnues.

Les inhibiteurs de la chaîne respiratoire modifier

Certains agents toxiques ont pour cible les différents éléments de la chaîne respiratoire. Les deux plus connus sont le cyanure de potassium et le monoxyde de carbone qui bloquent très rapidement le complexe IV dans l’ensemble des cellules et provoquent rapidement la mort par paralysie de la majeure partie de la production énergétique de l’ensemble des cellules.

Les différents inhibiteurs de la chaîne respiratoire

  • Complexe I - Les barbituriques la roténone
  • Complexe II - Les malonates
  • Complexe III - Les antimycines A
  • Complexe IV - Le cyanure, le cobalt, les azotures, monoxyde de carbone (CO)
  • Complexe V - Le DCCD, l'oligomycine, l'atractyloside

Anomalies de l’apoptose mitochondriale modifier

Les mitochondries portent une partie du système de signalisation de l’apoptose, appelée voie mitochondriale.

BCL2