Pathologie moléculaire/chromatine
Le noyau est une structure visible au centre de la cellule, limité par la membrane nucléaire. Il est le lieu de stockage de l’ADN. L’ADN y est présent sous deux formes : une forme décondensée, lorsque la cellule ne se divise pas : la chromatine; une forme très condensée, lorsque la cellule se divise.
Anomalies de la conformation de la chromatine
modifierLe génome humain contient environ 23 000 gènes qui doivent s’exprimer selon les types cellulaires et selon une chronologie précise. Les cellules régulent l’expression des gènes en enroulant l’ADN autour d’agrégats (octamères) de protéines histones globulaires pour former des nucléosomes. Ces nucléosomes d’ADN et d’histones forment la chromatine, qui est visible dans le noyau en microscopie optique ou électronique.
La chromatine est ainsi la forme dense de l’ADN dans les cellules eucaryotes. La régulation dynamique de la structure de la chromatine est une nécessité pour les fonctions nucléaires qui requièrent un accès à l’ADN, comme la réplication, la transcription et la réparation de l’ADN.
Dans les nucléosomes, de courts segments d’ADN sont enroulés de façon serrée autour de structures en disque formées de deux sous-unités de protéines histones H2A, H2B, H3 et H4. Les protéines histones sont modifiées de façon covalente par un certain nombre de réactions, comme l’acétylation ou la phosphorylation, qui régule l’interaction ADN-histone.
Les mutations des gènes codants les enzymes contrôlant ces réactions peuvent entraîner des anomalies de la structure de la chromatine et par conséquent une dérégulation de la transcription génique et des anomalies de l’expression protéique.
Les changements de structure de la chromatine influencent l’expression génique : les gènes sont inactivés lorsque la chromatine est condensée; les gènes sont exprimés lorsque la chromatine est décondensée. Cette dynamique de la chromatine est contrôlés par des états réversibles épigénétiques de méthylation de l’ADN et de modification des histones.
Les enzymes impliqués dans ces processus comprennent les méthyltransférases de l’ADN, les histones acétylases et déacétylases et la protéine MECP2 de liaison aux radicaux méthyl. Les anomalies de ces états épigénétiques sont à l’origine de phénotypes très anormaux constituant des maladies génétiques particulièrement graves.
Le syndrome de Williams-Beuren et le complexe WINAC
modifierLe syndrome de Williams-Beuren est un syndrome de délétion de gènes contigus dû à une délétion de gène contigu autour du gène de l’élastine en 7q11.23. Il est à l’origine d’anomalies neurologiques et de malformations sévères. En plus du gène de l’élastine, un des gènes délétés est le gène WSTF, qui code une des sous-unités du complexe protéique WINAC, un complexe multifonctionnel ATP-dépendant de remodelage de la chromatine.
WSTF fonctionne comme une protéine plate-forme pour l’assemblage des composantes de WINAC. Il interagit directement avec le VDR d’une façon indépendante du ligand. WINAC peut réarranger le nucléosome autour d’éléments de réponse négative ou positive pour des molécules comme la vitamine D (VDRE).
Pathologie des complexes SWI/SNF
modifierLes complexes SWI/SNF activent la transcription en remodelant les nucléosomes, augmentant ainsi l’accès des facteurs de transcription à leurs sites de liaison. Il associe plusieurs composantes comme les protéines SMARCA1, SMARCA2, SMARCA3, SMARCA4, SMARCB1 (INI1/SNF5).
Les complexes SWI/SNF remodèlent les nucléosomes et modifient la topologie de la chromatine de façon dépendante de l’ATP en perturbant l’interaction ADN-histones. Ils facilitent ainsi le glissement du nucléosome et l’accessibilité de l’ADN aux facteurs de transcription. Les complexes SWI/SNF régulent les gènes localement. Ainsi, chez la levure, par exemple, la transcription de 5% de l’ensemble des gènes serait modifiée par des mutations expérimentales de SWI/SNF. Les complexes SWI/SNF interagissent avec beaucoup de protéines jouant un rôle central dans le développement cancéreux, comme RB, p53, MYC, MLL, BRCA1, et la beta-caténine (CTTNB1). Ainsi, l’inactivation fonctionnelle du complexe SWI/SNF perturbe un grand nombre de voies de contrôle de la croissance cellulaire.
Trois de ces composantes ont été impliquées dans les maladies humaines et les tumeurs : SMARCB1, SMARCA2 et SMARCA4.
Le gène SMARCB1 code la protéine INI1/SNF5, protéine-clé régulant la structure de la chromatine. L’inactivation des deux allèles du gène SMARCB1 est à l’origine de la survenue d’une des tumeurs les plus malignes rencontres chez l’homme, la tumeur rhabdoïde maligne. Les mutations germinales dans le syndrome de prédisposition à la tumeur rhabdoïde maligne (MIM.609322) qui associe des tumeurs rhabdoïdes malignes, des tumeurs rhabdoïdes/tératoïdes atypiques (AT/RT) cérébrales et des tumeurs primitives neuroectodermiques cérébrales (cPNET), maintenant dénommées AT/RT dans ce contexte. Des mutations somatiques du gène SMARCB1 ont été retrouvées dans des formes sporadiques de ces tumeurs et dans d’autres types tumoraux.
SMARCA2: Des mutations de SMARCA4 ont été observées dans 15% des cancers du poumon.
Anomalies de l’enveloppe nucléaire
modifierStructure
modifierL’enveloppe nucléaire est constitué de la membrane nucléaire, des protéines de la membrane nucléaire et de la lamina nucléaire.
La membrane nucléaire est une double membrane lipidique séparant le contenu nucléaire du cytoplasme cellulaire, en continuité avec les membranes du réticulum endoplasmique (RE).
La membrane nucléaire est percée de nombreux pores nucléaires, permettant des échanges entre le nucléoplasme et le cytoplasme. Dans le sens cytoplasme vers nucléoplasme, il s’agit surtout de métabolites et de protéines signalisatrices ; dans l’autre sens, il s’agit d’ARN messagers, qui transmettent l’information génétique des gènes nucléaires vers les ribosomes cytoplasmiques. Les pores nucléaires ont un diamètre d'environ 120 nm, ce qui laisse passer par diffusion passive les ARNm et les protéines jusqu'à un poids de 30 kDa. Ces pores ont une structure complexe, contenant une trentaine de protéines (complexe nucléoprotéique) régulant les mouvements moléculaires ou intervenant dans le transport des protéines de large poids moléculaire (> 30 kDa).
La lamina nucléaire (ou nucléosquelette) borde l’enveloppe nucléaire sur son versant interne, nucléoplasmique. Elle est formée par un maillage dense d’un type de filaments intermédiaires (les lamines) formant une couche de 10 à 20 nm d’épaisseur, interrompue par les pores nucléaires. Les lamines sont de trois types : A, B ou C quasi-identiques. À la différence des autres filaments intermédiaires, les lamines nucléaires ont un domaine central plus long et un signal de localisation nucléaire.
Les lamines forment un réseau à maille carrée et dynamique, qui se désassemble pendant la mitose (métaphase) et se reforme en fin de mitose (télophase), par un mécanisme de phosphorylation/déphosphorylation. La lamina nucléaire permettrait la fixation de la chromatine à la périphérie du noyau et constitue un support structural pour l'enveloppe nucléaire.
Anomalies des protéines de la lamina ou « laminopathies »
modifierL’inactivation par mutation des gènes codants les protéines de la lamina est à l’origine de phénotypes très divers : dystrophies musculaires, cardiomyopathies, neuropathies et lipodystrophies (Tableau). Les mutations du gène LMNA de la lamine-A sont également à l’origine de syndromes de vieillissement précoce comme le progeria ou syndrome progéroïde d’Hutchinson-Gilford (HGPS) et certaines formes atypiques de syndrome de Werner.
Progeria de Hutchinson-Gilford
modifierLes laminopathies peuvent entraîner un vieillissement accéléré. Dans le progeria de Hutchinson-Gilford, les mutations du gène LMNA codant la lamine A/C entraînent une lipoatrophie, une résistance à l’insuline et une athérosclérose précoce. Ce vieillissement prématuré est associé à une accumulation de prélamine-A.
Par ailleurs, les mutations de l’enzyme ZMPSTE24 (MIM.606480) qui clive la prélamine A en lamine A entraînent également un syndrome de vieillissement prématuré.
Il existe un lien entre la lamine A/C et la différentiation adipocytaire par le biais de la protéine SREBP1c/ADD1