Pathologie moléculaire/ADN/Réparation de l'ADN

Les différents systèmes de réparation de l'ADN

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L’ADN anormal et les produits aberrants de réplication de l’ADN doivent être réparés pour protéger la stabilité du génome et son intégrité. Le maintien de l’intégrité génomique est un enjeu crucial pour les processus vitaux. Il est assuré par plusieurs mécanismes redondants, extrêmement conservés depuis l’apparition de la vie unicellulaire, il y a 3 milliards et demi d’années.

Lorsque des mutations empêchent la réparation de l’ADN, la mort cellulaire par apoptose augmente, ainsi que le taux de renouvellement cellulaire, permettant ainsi l’élimination des cellules dont le génome est trop fortement muté.

Il existe plusieurs types de lésions de l’ADN qui peuvent être associées à différents voies de métabolisme de l’ADN.

La plus grande partie des systèmes de réparation d’ADN a évolué pour traiter les lésions de l’ADN causées par les dérivés génotoxiques du métabolisme cellulaire, comme les dérivés réactifs de l’oxygène (ROS, reactive oxygen species), les agents alkylants endogènes, la destruction oxydative des résidus désoxyribose et les ruptures simple-brin ou double-brin de l’ADN résultant des erreurs de la réplication de l’ADN.

Les mutations des gènes codant les protéines des systèmes de réparation de l’ADN peuvent conduire à une instabilité génomique et à un accroissement des mutations sur d’autres loci. Les mutations germinales des gènes codants les protéines des systèmes de réparation de l’ADN peuvent entraîner un large spectre de phénotypes pathologiques, en particulier des syndromes de prédisposition aux tumeurs. En effet, le maintien de la stabilité génomique est un élément très important de la prévention du cancer par le biais des proto-oncogènes cellulaires et des gènes suppresseurs de tumeurs.

La maintenance du génome est assurée par des mécanismes qui éliminent avec une grande fidélité les lésions de l’ADN qui surviennent spontanément, par l’action de molécules endogènes réagissant avec l’ADN ou par des erreurs intrinsèques du métabolisme de l’ADN.

La plupart des protéines impliquées dans la réparation de l’ADN sont des composantes de complexes multiprotéiques dynamiques, des facteurs de transcription, des cofacteurs de l’ubiquitination et des protéines de signalisation.

Plusieurs voies moléculaires collaborent dans la gestion de la réparation de l’ADN :

  • la réversion directe
  • la réparation des bris simple-brin
  • la réparation des bris double-brin
  • le contrôle de la réplication
  • la réparation des misappariements (mismatch repair)
  • la réparation couplée à la transcription
  • la réparation par excision de nucléotides (système NER (Nucleotide Excision Repair) ou système SOS)
  • la réparation par excision de base (système BER)

Réversion directe

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Les cellules peuvent éliminer trois types de lésions de l'ADN par réversion chimique directe. Ce mécanisme ne nécessite pas de matrice de référence, puisque le type de lésion sur lequel elle agit ne peut survenir que sur l'une des quatre bases. De tels mécanismes de réversion chimique directe sont spécifiques du type de lésion et ne nécessitent pas l'ouverture de la liaison phosphodiester de la paire de bases.

La réparation des bris simple-brin d’ADN

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Lorsque l’anomalie ne porte que sur un seul des deux brins d’ADN, l’autre brin peut servir de matrice pour restituer l’intégrité du brin lésé. Pour cela, il existe plusieurs systèmes enzymatiques d’excision des nucléotides anormaux la lésion et de substitution par un nucléotide normal, complémentaire du brin sain d’ADN. Il y a trois systèmes de réparation des bris simple-brin de l’ADN. Leurs anomalies constitutionnelles sont à l’origine de nombreux phénotypes pathologiques, associant vieillissement précoce et prédisposition tumorale.

Les anomalies du système de réparation par excision de bases

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Le système d’excision de base (système BER pour Base Excision repair) répare des lésions d’un seul nucléotide causées par l’oxydation, l’alkylation (méthylation), l’hydrolyse et la déamination. La base anormale est excisée par une DNA glycosylase et remplacée par un nucléotide normal par une ADN ligase. Dans les cellules eucaryotes, l’ADN polymérase bêta (POLB) participe à cette réparation.

Les anomalies du système BER sont à l’origine d'un ensemble de prédispositions aux tumeurs, en particulier colorectales. Il peut s’agir de mutations du gène MYH qui code une ADN glycosylase qui joue un rôle-clé dans ce système.

La réparation par excision de nucléotides (Nucleotide excision repair ou système NER)

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La réparation par excision de nucléotides (Nucleotide excision repair ou système NER) répare les lésions simple-brin de 2 à 30 bases. Ce système identifie des anomalies déformant l’hélice comme les dimères de thymine et les bris simple-brin de l’ADN. Il existe également une forme spécialisée de NER appelée réparation couplée à la transcription (système TCR pour Transcription-Coupled Repair) qui repose sur un ensemble d’enzymes réparant en priorité les gènes activement transcrits.

Les anomalies de réparation par excision de nucléotides (Nucleotide excision repair ou système NER) sont à l’origine de prédisposition tumorale, d’anomalies développementales et de neurodégénération. Dans ces maladies, la voie de réparation de l’ADN par excision de nucléotides (système NER) ne peut réparer les lésions de l’ADN induites par les UV de façon efficace. Elles sont dues à des mutations inactivatrices des gènes du groupe ERCCs (Tableau 2). Elles produisent 3 phénotypes principaux : le xeroderma pigmentosum, le syndrome de Cockayne et la trichothiodystrophie.


Les phénotypes produits par les mutations des gènes ERCCs et des gènes du système NER

- ERCC1 (MIM.126380)

  • Syndrome cerebrooculofaciosquelettique syndrome locus 4 (COFS4) (MIM.610758)

- ERCC2 (MIM.126340)

  • xeroderma pigmentosum D (MIM.278730)
  • trichothiodystrophy (TTD) (MIM.601675)
  • Syndrome cerebrooculofaciosquelettique locus 2 (COFS2) (MIM.610756)

- ERCC3 (MIM.133510)

  • xeroderma pigmentosum B/syndrome de Cockayne (MIM.610651)
  • syndrome de Cockayne
  • trichothiodystrophie (TTD) (MIM.601675)

- ERCC4 (MIM.133520)

  • xeroderma pigmentosum F (XPF) (278760)
  • xeroderma pigmentosum groupe de complémentation E (XPE) with progeroid syndrome (MIM.610965)

- ERCC5 (MIM.133530)

  • xeroderma pigmentosum G (MIM.278780)
  • xeroderma pigmentosum de type G (XPG) précoce et sévère/syndrome de Cockayne (MIM.278780)
  • syndrome de Cockayne (MIM.278780)

- ERCC6 (MIM.133540)

  • syndrome de Cockayne type B (MIM.133540)
  • Syndrome cerebrooculofaciosquelettique (COFS syndrome) (MIM.214150)
  • UV-sensitive syndrome (MIM.600630)

- ERCC8 (MIM.609412)

  • syndrome de Cockayne type A (MIM.216400)

- XPA

  • xeroderma pigmentosum A

Xeroderma pigmentosum

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Le xeroderma pigmentosum se caractérise par une sensibilité excessive de la peau au soleil, des troubles oculaires et un risque multiplié par 1000 de développer un cancer de la peau ou des yeux. La moitié des personnes atteintes ont dès le plus jeune âge une réaction cutanée excessive à l'exposition solaire (photosensibilité). La peau est sèche et épaisse avec des anomalies variées de la pigmentation, en particulier des lentigines solaires ("taches de rousseur”) importantes au niveau du visage avant l'âge de deux ans, alors que celles-ci sont rares chez les enfants. Un tiers des individus présentent des troubles neurologiques associant des pertes de l'audition, une microcéphalie, des troubles du développement et des réflexes tendineux diminués ou absents.

Il existe 6 groupes génétiques du xeroderma pigmentosum (notée de XPA à XPH) dus chacun à un gène différent. Une forme de xeroderma pigmentosum avec taux normal de réparation de l’ADN (MIM.278750) a également été décrit. Il est dû à une mutation du gène eta de l’ADN polymérase (POLH) (MIM.603968).

Syndrome de Cockayne

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Le syndrome de Cockayne (SC) est une maladie multisystémique caractérisée par un retard staturo-pondéral, une dysmorphie faciale, une photosensibilité, des troubles neurologiques progressifs et un déficit intellectuel. L'incidence annuelle du SC est proche de 1/200 000 dans les pays européens. Le spectre clinique montre une grande variabilité dans la sévérité et l'âge d'apparition des manifestations.

La première année de vie est pratiquement normale avec un poids de naissance normal. Les symptômes apparaissent au cours de la deuxième année associant : diminution de la croissance staturale et pondérale, microcéphalie, perte de la vision et de l'audition et troubles neurologiques. Le décès survient entre 10 ans et 20 ans. Les signes les plus fréquents de la maladie incluent un retard de croissance progressif, un déficit intellectuel, une ataxie cérébelleuse, une spasticité, une neuropathie périphérique démyélinisante, une rétinopathie pigmentaire, une surdité neurosensorielle et des anomalies dentaires (présence de caries). Les traits dysmorphiques incluent une microcéphalie, des oreilles larges, un nez fin et une énophtalmie. Une cataracte et une photosensibilité cutanée sont observées chez certains patients. Une lipoatrophie sous-cutanée est présente et entraîne un aspect de vieillissement cutané prématuré.

Le syndrome cerebrooculofaciosquelettique (ou syndrome COFS) est la forme extrême, prénatale du spectre clinique du syndrome de Cockayne et est caractérisé par une microphtalmie et une arthrogrypose congénitale.

Trichothiodystrophie

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Les trichothiodystrophies ont surtout une expression cutanée. Les patients ont une peau sèche et crouteuse (ichtyose) et un eczéma. Les cheveux sont anormaux et ultra-cassants.

Les trois phénotypes causés par les anomalies du système de réparation par excision de nucléotides (Nucleotide excision repair ou système NER) sont donc voisins mais assez différents. Les phénotypes associées aux anomalies des gènes ERCCs et de la réparation par excision de nucléotides ont des phénotypes très différents. La prédisposition tumorale s’observe dans le Xeroderma pigmentosum. La neurodégénération est propre au syndrome de Cockayne et à la trichothiodystrophie. Sur un plan biologique, les anomalies de réparation et de réplication de l’ADN impliquent l’ensemble du génome dans le xeroderma pigmentosum, et uniquement les gènes transcrits activement dans le syndrome de Cockayne

Le système de réparation des misappariements (DNA mismatch repair ou MMR)

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Le système de réparation des misappariements (DNA mismatch repair ou système MMR) corrige les erreurs de la réplication d’ADN et de recombinaison qui entraîne un misappariement de nucléotides normaux. Plusieurs gènes codent les protéines de ce système, comme MLH1 (3p21.3), MSH2 (2p22-p21), MSH6 (2p16), PMS1 (2q31-q33), PMS2 (7p22).

Les mutations des gènes codants les protéines du système MMR sont à l’origine de la maladie génétique la plus fréquente chez l’homme, le syndrome de Lynch. Le syndrome de Lynch ou prédisposition héréditaire au cancer colorectal sans polypose (HNPCC, Hereditary nonpolyposis colorectal cancer) est une susceptibilité augmentée de développer un cancer du côlon en général, mais également de l'endomètre utérin, de l'ovaire, de l'estomac, de l'intestin grêle, du foie, du pancréas, de l'appareil urinaire supérieur, du cerveau et de la peau. À la différence des prédispositions au cancer colique des polyposes familiales, le colon est exempt de polypes. Cette prédisposition se transmet de façon autosomale dominante. Les personnes porteuses de ce syndrome ont un risque global de 30 à 80 % de développer un cancer du colon dont les deux tiers surviennent sur le colon droit à un âge moyen de diagnostic de 44 ans. Si la mutation est présente chez un homme, il a un risque de 70% à 80% de développer un cancer colorectal avant 70 ans. Si la mutation est présente chez une femme, elle a un risque de 30 à 40% de développer un cancer colorectal, et de 30 à 40% de développer un cancer de l'endomètre utérin, avant 70 ans.

Les anomalies de ce système peuvent également être à l'origine de pseudo-neurofibromatose avec présence de tâches café-au-lait et de syndromes graves de prédisposition tumorale chez l'enfant.

La réparation des bris d’ADN double-brin

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Les ruptures d’ADN double-brin représentent la lésion la plus grave de l’ADN menaçant l’intégrité du génome des cellules exposées aux radiations ionisantes et aux radiomimétiques chimiques. En effet, les bris des deux brins d’ADN (bris double-brins) sont particulièrement dangereux pour la cellule car ils constituent un risque de réarrangement chromosomique. Les bris double-brins sont détectés, signalés aux points de contrôle moléculaires du cycle cellulaire et réparés par des complexes protéiques. Il existe deux modes de réparation des bris double-brin : la jonction terminale non-homologue (JTNH) (non-homologous end joining ou NHEJ), la réparation par recombinaison (ou réparation assistée par une matrice ou réparation par recombinaison homologue).

La jonction terminale non-homologue (JTNH)

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Le JTNH est particulièrement important avant que la cellule ait répliqué son ADN. En effet, il n’y a pas de matrice possible pour réparer par recombinaison homologue. Les eucaryotes supérieurs possèdent des soutiens variés aux voies de JTNH. Cette réparation repose sur une ADN ligase (l’ADN ligase IV), une ligase spécialisée qui joint les brins séparés en catalysant la formation d’un lien ester internucléotidique entre la colonne phosphate et les nucléotides désoxyribose. L’ADN ligase IV joint directement les deux extrémités de la cassure et forme un complexe avec la protéine XRCC4, une protéine mutée dans les xeroderma pigmentosum E (XPE) et F (XPF) (MIM.278760).

Pour guider une réparation adéquate, la JTNH s’appuie sur des séquences homologues courtes, appelées « microhomologies », présentes sur les extrémités simple-brin d’ADN à joindre. Si ces séquences sont compatibles, la réparation est adéquate. Mais ce n’est pas toujours le cas, et le JTNH peut créer des mutations lors de la réparation. Les pertes de nucléotides endommagés peuvent ainsi créer des délétions. De plus, la jonction de terminaisons non cohérentes peut entraîner des translocations.

En plus, de son rôle de maintien de l’intégrité du génome, le JTNH est nécessaire au processus de liaison des cassures double-brin qui se déroulent lors de la recombinaison V(D)J qui permet de générer la diversité des anticorps et des récepteurs T dans les lymphocytes B et T.

Les déficits en ligase IV de l’ADN donnent un tableau clinique proche des maladies cassantes (LIG4 syndrome) et un déficit immunitaire combiné sévère sensible aux radiations ionisantes (RS-SCID). Des variants polymorphiques de LIG4 ont également été décrits dans les myélomes multiples.

La réparation par recombinaison (ou réparation assistée par une matrice ou réparation par recombinaison homologue)

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La réparation par recombinaison nécessite également la présence d’une séquence identique ou quasi-identique qui joue le rôle de matrice au cours de la réparation de la cassure. La machinerie enzymatique responsable de ce type de réparation est presque identique à la machinerie responsable des recombinaisons chromosomiques (chromosomal crossover) durant la méiose. Cette voie permet au chromosome lésé d’être réparé en utilisant une chromatide sœur, après le stade G2 de réplication de l’ADN) ou un chromosome homologue. La synthèse de l’ADN le long d’un bris simple-brin par le système de réplication peut entrainer un effondrement de la fourchette de réplication et causer un bris double-brin, qui sera typiquement réparé par recombinaison.

Synthèse translésionnelle

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La synthèse translésionelle permet à la machinerie de réplication de l’ADN de passer à travers l’ADN lésé. Ce processus met en jeu des ADN polymérases spécialisés qui peuvent introduire des bases dans le site lésionnel. Certains de ses mécanismes peuvent induire des mutations, d’autres non. Pour la cellule, l’introduction de mutations par la synthèse translésionnelle est moins dangereuse que de continuer le cycle cellulaire avec un chromosome incomplètement répliqué.