Pathologie moléculaire/ADN/Anomalies de réplication de l'ADN

Les anomalies de l’initiation de la réplication

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La réplication de l’ADN, c'est-à-dire la copie à l’identique d’un brin d’ADN à partir d’un autre brin d’ADN, a lieu au cours du cycle cellulaire lors de la phase S, qui succède à la phase G1.

Les anomalies de la transition G1-S du cycle cellulaire

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Ce passage est sous le contrôle du point R, lui-même sous le contrôle de plusieurs protéines : Rb, E2F, cdk2, cdk4. En G1, Rb non phosphorylé se lie à E2F et l'inhibe. Pendant le passage cycD/cdk4 et cycE/cdk2 hyperphosphorylent Rb (4 sites de phosporylation), qui libère E2F. E2F libre forme un hétérodimère avec la protéine DP. Ensemble ils jouent le rôle de facteur de transcription et induisent des gènes cibles, permettant la progression de S.

La voie RB/E2F (ou voie de P16(INK4A)-CDK4/6-RB) joue un rôle critique dans la régulation de la réplication de l’ADN en autorisant la transition G1-S. Nous l’étudierons plus précisément dans les « anomalies du cycle cellulaire ».

Les anomalies de la fourchette de réplication

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Un des points communs entre les différents processus du métabolisme de l’ADN est la nécessité de séparer les deux brins de l’ADN bicaténaire. Cette séparation se fait dans une zone appelée « fourchette de réplication », régulée par une enzyme appelée ADN hélicase.

Hélicases

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Les hélicases ADN et ARN sont des composants essentiels de complexes multiprotéiques qui régulent la transcription de l’ADN, la réparation de l’ADN, l’épissage des ARN et la traduction de l’ARN.

Les hélicases ADN utilisent l’énergie de l’hydrolyse de l’ ATP pour jouer un rôle-clé dans la recombinaison génétique, la transcription, la réplication de l’ADN et la réparation de l’ADN. Environ, 1% des gènes eucaryotiques codent des hélicases ADN et/ou ARN.

Lors de la réplication de l’ADN, les hélicases ADN séparent les brins complémentaires de l’ADN. Ce processus de déroulement produit une contrainte mécanique de détorsion sur les brins d’ADN qui est soulagée par les topoisomérases. Plusieurs hélicases ADN opèrent ainsi en conjonction avec les topoisomérases.

La famille des hélicases RecQ est dénommée d’après leur homologie avec la protéine RecQ de la bactérie Escherichia coli, qui est une des composantes de la voie RecF de recombinaison génétique. Chez E. coli, les mutations des gènes de cette voie de réparation de l’ADN conduisent à un défaut de recombinaison conjuguée, une sensibilité accrue aux rayons UV et une augmentation de la fréquence de recombinaison illégitime de l’ADN.

Plusieurs RecQ hélicases interagissent avec les topoisomérases. RECQL3 interagit ainsi avec la topoisomérase III (TOP3), par les extrémités NH2- et COOH- de la protéine BLM (mutée dans le syndrome de Bloom).

Les topoisomérases introduisent des bris d’ADN simple-brin ou double-brin au cours du déspiralement de l’ADN, au voisinage de la fourchette de réplication. De tels bris ne sont pas considérés comme des lésions de l’ADN car ils sont réparés au fur et à mesure de leur création par l’appareil de réplication.

Les RecQ hélicases interagissent directement entre différentes protéines nucléaires impliquées dans l’intégrité génomique ou la maintenance chromosomique comme p53 (TP53), BRCA1, la topoisomérase III (TOP3), la protéine de réplication A et l’ADN polymérase.

Les déficits en hélicases RecQ

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Les déficits en hélicases RecQ sont à l’origine d’au moins trois maladies génétiques humaines causant des syndromes de prédisposition aux cancers et/ou un vieillissement prématuré.

Les hélicases RecQ sont codées par les gènes BLM, WRN et RECQ4 dont les mutations sont respectivement responsables du syndrome de Bloom, du syndrome de Werner et du syndrome de Rothmund–Thomson. Les cellules issues de patients ayant une de ces trois maladies montrent une instabilité génomique, objectivée par une élévation de la fréquence d’anomalies chromosomiques et des mutations géniques.

BLM (RECQL3) et le syndrome de Bloom

Le syndrome de Bloom est une maladie rare associant un déficit immunitaire, une Modèle:X, un nanisme harmonieux, une sensibilité cutanée aux rayons ultraviolet UV et une prédisposition aux cancers. Ces cancers sont similaires aux cancers observés chez l’adulte et surviennent en moyenne vers 24 ans.

Les cellules en culture issues de ces patients sont le siège d’une forte fréquence de recombinaisons génétiques, en particulier des échanges de chromatides sœurs, et de mutations géniques somatiques.

Ces patients présentent une mutation du gène RECQL3. RECQL3 est une sous-unité de complexe protéique BASC (BASC pour BRCA1-associated genome surveillance complex) de surveillance du génome associé à la protéine {{w|BRCA1]} .

Le complexe BASC associe RECQL3 avec de nombreuses protéines jouant un rôle suppresseur de tumeur ou impliquées dans la réparation de l’ADN.

Le complexe protéique BASC inclut les protéines MSH2, MHS6, MLH1, ATM, RECQL3, le complexe RAD50–MRE11–NBS1 et le facteur C de réplication de l’ADN. Un grand nombre des protéines de ce complexe ont un rôle de reconnaissance des lésions de l’ADN ou de structures ADN inhabituelles, suggérant que ce complexe puisse avoir un rôle de détecteur des lésions de l’ADN.

RECQL3 se lie à une sous-unité de 70 kDa d’une protéine hétérotrimérique se liant à l’ADN simple brin, la protéine de réplication A (RPAs). Cette interaction stimule l’activité hélicase de RECQL3. Les RPAs sont impliquées dans la réplication, la réparation et la recombinaison de l’ADN. Elles peuvent être détectées sur les chromosomes de la prophase méiotique et pourraient avoir un rôle dans les synapses homologues des recombinaisons chromosomiques. RECQL3 et les RPAs pourraient collaborer pour dérouler l’ADN pour faciliter les recombinaisons d’ADN durant la méiose, peut-être en résolvant les recombinaisons intermédiaires.

RECQL2 et le syndrome de Werner (WRN)

Le syndrome de Werner (WRN) est un syndrome de vieillissement précoce associant des cheveux fins et gris, une cataracte, un diabète sucré de type 2, une ostéoporose, une athérosclérose. Il s’y associe une prédisposition au cancer, moins forte que dans le syndrome de Bloom, mais favorisant la survenue de sarcomes.

RECQL2 forment des complexes avec des protéines impliquées dans la réponse cellulaire aux lésions de l’ADN et dans sa réplication. L’interaction fonctionnelle entre RECQL2 et p53 souligne le rôle des la famille des protéines RecQ (RECQLs) dans le maintien de la stabilité du génome.

RECQL4 et le syndrome de Rothmund–Thomson (RTS)

Le syndrome de Rothmund–Thomson (RTS) associe un retard de croissance, une photosensibilité avec poikilodermie, une cataracte, des cheveux gris et rares et une légère prédisposition aux cancers, principalement des ostéosarcomes.

Instabilité chromosomique

Ces trois maladies associées aux RECQLs sont caractérisées par une instabilité chromosomique. Dans le syndrome de Bloom, cette instabilité se manifeste par une fréquence 10 fois plus élevée de recombinaison homologue, en particulier des échanges réciproques de chromatides sœurs et de chromosomes homologues.

Les cellules de syndrome de Werner ne montrent pas de tels échanges de chromatides sœurs, mais elles sont l’objet de recombinaisons illégitimes et d’une haute fréquence de grandes délétions chromosomiques. L’instabilité génomique du syndrome de Rothmund-Thomson est moins bien connue, mais s’associe à une fréquence élevée d’anomalies chromosomiques.

Le complexe protéique BASC

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La détection et la réparation des bris double-brins de l’ADN reposent sur un important complexe protéique appelée BASC (pour BRCA1-associated genome surveillance complex). Beaucoup de ces composants ont un rôle de reconnaissance de l’ADN ce qui suggère que ce complexe aurait un rôle de détecteur des lésions de l’ADN.

Le complexe protéique appelée BASC (pour BRCA1-associated genome surveillance complex) est un complexe de réparation de l’ADN. Beaucoup de ces composants ont un rôle de reconnaissance de l’ADN ce qui suggère que ce complexe aurait un rôle de détecteur des lésions de l’ADN. Le complexe BASC associe de nombreuses protéines de réparation de l’ADN comme MSH2, MSH6, MLH1, ATM, NBS1, MRE11, RECQL3 (BLM), le complexe RAD50-MRE11-NBS1, le facteur C de réplication de l’ADN et la protéine BRCA1.

L’inactivation de ses composantes protéiques sont à l’origine de plusieurs maladies humaines de grande gravité, qui sont principalement des syndrome de cassure chromosomique (« maladies cassantes »), des syndromes de prédisposition aux tumeurs et des syndromes malformatifs. Les anomalies de la voie de signalisation ATM/FANC/BRCA1/BRCA2/NBS1 (ou voie de signalisation des BRCAs ou voie BRCAs-ATR-ARM)

La protéine ATM est une enzyme (sérine/thréonine protéine kianse) recrutée et activée par les bris d’ADN double-brin. Située en amont de cette voie de signalisation, elle active par phosphorylation plusieurs protéines importantes (p53, CHK2, H2AX) qui activent les checkpoints de lésion d’ADN, conduisant à l’arrêt du cycle cellulaire, à la réparation de l'ADN ou à l’apoptose cellulaire.

Les mutations inactivatrices du gène ATM (Ataxia telangiectasia mutated) entrainent une maladie appelé « ataxie-télangiectasies » associant des troubles de l’équilibre (ataxie cérébelleuse), un déficit immunitaire et une prédisposition aux tumeurs, en particulier aux lymphomes.

Les protéines FANC forment une famille de plus de 10 membres. Leurs inactivations par mutations donnent lieu à la maladie de Fanconi (ou anémie de Fanconi). Cette maladie associe une instabilité chromosomique (maladie cassante), des malformations (agénésie radiale), des proliférations tumorales hématologiques. Les protéines FANC agissent dans la réponse aux bris double-brin d’ADN en transduisant le signal de ce voie moléculaire, en aval d’ATM, au sein du complexe BASC.

=== BRCA1 et BRAC2 ===

BRCA1 est une protéine à domaine zinc finger qui participe au complexe BASC. Interagissant avec plus quarante protéines, BRCA1 s’associe entre autres à la RNA polymérase II et interagit avec les complexes histone-déacétylases par son domaine C-terminal. Elle joue un rôle clé dans la réparation des bris double-brin d’ADN, l’ubiquitination et la régulation transcriptionnelle.

Les BRCAs (BRCA1 et BRACA2) participent à la régulation de la réparation par recombinaison homologue, la régulation transcriptionnelle et, pour BRCA1, à l’ubiquitination.

BRCA1 joue ainsi un rôle essentiel dans la réparation des bris double-brin d’ADN par recombinaison homologue, le ‘non-homologous end joining’ (NHEJ) et la réparation par excision de nucléotides (système NER - nucleotide excision repair). BRCA1 joue ce rôle en interagissant avec des composantes des systèmes de réparation de l’ADN et en régulant l’expression des gènes codants les composantes des voies de réparation.

BRCA1 joue également un rôle dans l’ubiquitination des protéines. BRCA1 s’associe avec BARD1 pour former un hétérodimère RING/RING. Ce complexe RING BRCA1/BARD1 fonctionne comme une ligase de l’ubiquitine E3 qui catalyse la synthèse des chaînes de polyubiquitine.

BRCA1 est un gène de susceptibilité au cancer du sein et au cancer de l’ovaire. Les mutations de BRCA1 sont observées dans 80% des familles ayant une prédisposition aux cancers du sein et de l’ovaire, et également dans certains cas de cancers de l’ovaire sporadiques. La perte des allèles sauvages de BRCA1 chez ces individus montre que ce gène est un gène suppresseur de tumeur, inhibant la prolifération des cellules épithéliales mammaires.

L’inactivation de BRCA1 entraîne une accumulation d’anomalies chromosomiques, des anomalies du cycle cellulaire et de l’apoptose conduisant à des anomalies développementales et une prédisposition tumorale.

BRCA2

Les mutations germinales de BRCA2 entraînent également un risque accru de cancers du sein et de l’ovaire, ainsi que certaines formes d’anémie de Fanconi (FA). Par ailleurs, des mutations somatiques de BRCA2 ont été observées dans des médulloblastomes.

La protéine BLM (RECQL3 ou RECQ2) a également un rôle de reconnaissance des structures anormales de l’ADN, probablement par le biais du complexe BASC en reconnaissant des structures anormales de l'ADN. RECQ3 est ainsi capable de dérouler une série de structures anormales de l’ADN comme des bulles ou des fourches d’ADN et de permettre ainsi leur réparation.

Son inactivation est à l’origine du syndrome de Bloom (MIM.210900) qui associe un retard de croissance, une sensibilité cutanée au soleil, des anomalies pigmentaires cutanées, une instabilité chromosomique et une prédisposition aux tumeurs.

Les anomalies de la voie ARF-MDM2-TP53

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En aval de la voie ATM de signalisation des lésions de l’ADN figure la voie MDM2/p53, qui joue un rôle clé dans la stabilité génomique.

La protéine p53 est une phosphoprotéine nucléaire qui, en réponse aux lésions de l’ADN, ralentit la progression de la cellule dans les différentes étapes du cycle cellulaire et initie la mort cellulaire par apoptose si les lésions sont trop sévères. L’induction de p53 conduit à l’arrêt du cycle cellulaire en phase G1 et/ou G2, autorisant ainsi le démarrage de la réparation de l’ADN. Parallèlement, elle peut également conduire au déclenchement de la mort cellulaire par apoptose.

Pour arrêter le cycle cellulaire, P53 agit principalement par le biais de la protéine p21. P53 est ainsi requise pour le point de contrôle G1/S et est une des composantes principales du point de contrôle G2/M.

P53 déclenche également l’apoptose en induisant la transcription de gènes pro-apoptotiques comme BAX.

Les mutations germinales de TP53 sont à l'origine du syndrome de Li-Fraumeni (MIM.151623), un syndrome rare de prédisposition tumorale.

L’inactivation de p53 par des mutations somatiques est l’anomalie la plus fréquente observée dans les cellules cancéreuses et est observée dans plus de 50% des cancers sporadiques chez l’homme. 20% des mutations se concentrent sur 5 codons ‘hot spots’. La plupart des mutations surviennent dans le domaine noyau qui contient le site de liaison à l’ADN séquence spécifique (résidus 102-292), et entraînent une perte de la liaison à l’ADN. L'inactivation de p53 conduit à une instabilité génomique.

La protéine p53 peut également être inactivée par des oncoprotéines comme les protéines E6 et E7 des souches oncogènes d’HPV (Human Papilloma Virus).

Les niveaux de p53 sont régulés négativement par la protéine MDM2 selon une boucle de rétroaction. Le gène MDM2 est amplifié dans un grand nombre de tumeurs, en particulier des sarcomes comme le liposarcome, ou l'ostéosarcome. Sa surexpression inhibe la protéine p53 et favorise ainsi la prolifération cellulaire.