Pathologie/Pathologie générale/Pathologie tumorale/Extension tumorale
Phase locale du carcinome
L'extension du carcinome au-delà de son épithélium d'origine est déterminée par une propriété spécifique et acquise des cellules tumorales : l'invasion tumorale.
À l'état normal, le seul tissu ayant cette propriété est le trophoblaste, permettant ainsi la nidation de l'embryon dans la muqueuse utérine.
Les mécanismes de l'invasion tumorale sont encore mal connus. Cependant, plusieurs d'entre eux s'associent comme la pression physique due à la croissance tumorale, la réduction de l'adhésivité et de la cohésion des cellules tumorales, leur mobilité accrue, la perte de l'"inhibition de contact", la production d'enzymes protéolytiques (collagénases, hydrolases lysosomales, activateur du plasminogène).
Envahissement d'un organe
Cette phase correspond au développement du processus cancéreux dans l'organe touché. Les cellules cancéreuses, qui ont remplacé les cellules normales du tissu, vont se multiplier, s'organiser, envahir les tissus avoisinants et entraîner un bouleversement de l'architecture de l'organe, avec remaniements de la trame conjonctive et constitution de la stroma réaction.
À partir de l'épithélium, le clone tumoral érode la membrane basale et envahit la partie adjacente du chorion. A ce stade, le carcinome est appelé "micro-invasif". Ces cancers invasifs, mais très superficiels, ont un pronostic bien meilleur que celui des cancers plus évolués de même type.
Dans le tube digestif, il est possible d'individualiser un cancer "intra-muqueux" : il s'agit d'un cancer envahissant le chorion muqueux sans franchissement de la musculaire muqueuse. Son pronostic est nettement plus favorable que celui des cancers ayant envahi les couches pariétales plus externes.
La prolifération tumorale progresse ensuite dans la profondeur du chorion de la muqueuse pour atteindre le tissu sous-jacent : sous-muqueuse colique, musculeuse vésicale, hypoderme, paroi bronchique.?
De tissu en tissu, la prolifération envahit les différents constituants de l'organe, de proche en proche, par continuité. Les tissus normaux sont ainsi progressivement remplacés par la formation tumorale. Dans un organe plein et homogène (foie, reins), elle forme une masse arrondie, unique.
Dans un organe stratifié comme le tube digestif, elle envahit plus ou moins rapidement et successivement les différents plans (muqueuse, sous-muqueuse, musculeuse), ce qui permet de classer l'extension du processus.
L'extension peut également se faire par voie canalaire, par exemple dans les carcinomes urothéliaux ou bronchiques. Les cellules tumorales peuvent envahir les vaisseaux (veines ou lymphatiques) ou les gaines nerveuses (cancer de la prostate, en particulier). Leur migration le long de ces axes peut être à l'origine de foyers tumoraux accessoires, formant des masses multiples dans l'organe intéressé.
À cette phase, la tumeur peut entraîner des manifestations cliniques par différents mécanismes :
- effet de masse (exemple : distension douloureuse d'une capsule rénale ou hépatique) - obstruction d'un canal par compression (exemple : ictère par compression du cholédoque par un adénocarcinome pancréatique) - effraction d'un canal (exemple : hématurie par envahissement des cavités pyéliques par un carcinome rénal) - envahissement d'un plexus nerveux (exemple : douleurs de l'envahissement du plexus coeliaque par un adénocarcinome pancréatique)
Extension loco-régionale au-delà de l'organe
Par contiguïté, la tumeur va envahir les organes voisins et les structures adjacentes (paroi). Elle peut ainsi s'étendre jusqu'à la peau pour réaliser un "nodule de perméation". Elle peut dépasser la séreuse adjacente à l'organe (péricarde, plèvre et péritoine) et essaimer dans la cavité correspondante (cf. infra "les voies de la dissémination métastatique").
Syndrome paranéoplasique : malgré son caractère local ou loco-régional, une tumeur peut avoir une expression générale par la sécrétion d'une substance agissant à distance par les cellules tumorales. La substance sécrétée peut être une hormone (syndrome de féminisation par une tumeur ovarienne sécrétant des œstrogènes; hyponatrémie due à la sécrétion d'hormone antidiurétique par un carcinome pulmonaire à petites cellules), une cytokine (syndrome inflammatoire due à la sécrétion d'interleukine-6 par un carcinome rénal).