Neurosciences/Les récepteurs sensoriels

On a vu dans les chapitres précédents que les neurones sensoriels peuvent réagir à des stimulus très divers. Par exemple, ils peuvent réagir à des signaux chimiques, qu'il s'agisse de molécules odorantes, sapides, voire des hormones ou même des neurotransmetteurs. Pour cela, ils possèdent des récepteurs synaptiques à leur surface qui réagissent avec la molécule en question. Les neurones ne sont pas les seules cellules à réagir ainsi à des signaux chimiques : les cellules du foie, des poumons, du cœur, et bien d'autres font pareil. D'autres neurones utilisent un mécanisme similaire pour réagir de la même manière à des signaux non-chimiques. Par exemple, les neurones de la rétine peuvent générer un potentiel d'action en réaction à de la lumière. Sans eux, on ne pourrait pas voir que ce soit : le système nerveux ne peut pas interpréter ce que l'on voit que parce qu'il y a eu traduction en influx nerveux. De manière générale, tout stimulus sensoriel doit être traduit en potentiels d'action pour être compris par le cerveau : c'est vrai pour tous les sens, aussi bien pour la vision que pour l’ouïe ou l'odorat. Pour cela, les neurones possèdent sur leur surface des récepteurs sensoriels, semblables aux récepteurs synaptiques, mais qui réagissent à un stimulus sensoriel.

Dans ce chapitre, nous allons voir ces récepteurs sensoriels. Mais avant toute chose, faisons une petite remarque assez importante : le terme récepteur sensoriel a deux sens distincts, mais assez proches. Sa première acceptation sert à désigner les neurones qui réagissent à des stimulus sensoriels. Par exemple, un neurone de la rétine qui réagit à la lumière est, formellement, un récepteur sensoriel. Mais le terme récepteur sensoriel désigne aussi les molécules situées à la surface de ces neurones, qui traduisent un stimulus sensoriel en ouverture de canaux ioniques. Par exemple, les neurones de la rétine contiennent des molécules de rhodopsine, des récepteurs aux protéines G qui réagissent à la lumière : ces dernières sont aussi qualifiées de récepteurs sensoriels. Cette précision étant faire, nous allons pouvoir aborder les différentes molécules qui traduisent les signaux sensoriels en potentiels d'action. Nous allons d'abord voir les molécules de l'odorat et du goût, qui sont sensibles à des molécules présentes dans les aliments ou l’environnement. Ensuite, nous allons voir les cellules sensibles à la lumière, utilisées pour la vision. Les récepteurs auditifs et autres seront certainement abordés dans une prochaine révision de ce cours.

Les récepteurs olfactifs et gustatifs

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L'odorat et le goût sont deux sens qui partagent un même point commun : ils permettent de détecter la présence de certaines molécules dans l'air ou dans les aliments. Ces molécules vont être perçues par certains neurones, localisés dans le nez ou la langue, grâce à des récepteurs spécialisés. Les récepteurs olfactifs sont les récepteurs de l'odorat, alors que les récepteurs gustatifs sont ceux du goût. Ils se lient tous deux à des molécules odorantes ou gustatives, ce qui enclenche l'ouverture de canaux ioniques. Par exemple, quand une molécule odorante est mise au contact d'un récepteur olfactif, elle déclenche une cascade de modifications chimiques dans le neurone, ce qui finit par créer un potentiel d'action (un influx nerveux).

Les récepteurs olfactifs

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Les odeurs sont perçues par des récepteurs olfactifs situés sur la surface de neurones localisés dans le nez. On pourrait croire que chaque récepteur réagit à une molécule précise, ou au moins à une classe de molécules donnée. Mais ce n'est pas le cas : non seulement chaque récepteur réagit à des molécules très diverses et variées, mais de plus une même molécule odorante peut activer plusieurs types de récepteurs différents. Autant dire que classer les récepteurs selon l'odeur qui les active n'a pas forcément de pertinence. À la place, les récepteurs olfactifs sont classés selon leur structure chimique.

La classification des récepteurs olfactifs

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Chez les vertébrés, les récepteurs olfactifs sont tous des récepteurs couplés à une protéine G de la classe A. Ils sont accompagnés de récepteurs annexes, qui sont des récepteurs aux protéines G de classe B ou C, comme les récepteurs des phéromones, quelques récepteurs pour les acides aminés, etc. Chez les insectes, les récepteurs olfactifs ne sont pas des récepteurs couplés à des protéines G, bien qu'ils aient une structure chimique semblable. En fait, ce sont des récepteurs inotropes, qui laissent entrer du Calcium dans le neurone.

Les premières classifications distinguaient deux types de récepteurs olfactifs, chez les vertébrés. Les récepteurs de type I sont ceux qu'on trouve chez les poissons, alors que ceux du type II ne se trouvent que chez les mammifères terrestres. Cela indiquait que les récepteurs de type I captent les molécules solubles dans l'eau, alors que ceux du type 2 captent les molécules volatiles, qui se dispersent dans l'air. La répartition était : récepteur de type I pour les animaux aquatiques, de type II pour les animaux terrestres. Mais des observations ultérieures ont montré que cette subdivision n'est pas parfaite. Quelques récepteurs de type I ont été trouvés chez des mammifères, ce qui fragilise la classification. Par contre, les mammifères marins n'ont pas le moindre récepteur de type I, censé être pour les animaux aquatiques. Le dauphin, animal aquatique, possède des récepteurs de type II.

Il y a quelques décennies, les chercheurs ont découvert des récepteurs qui ne ressemblent ni à des récepteurs de type 1, ni à des récepteurs de type 2. Cela a amené les chercheurs à revoir les anciennes classifications, qui conservent les anciens types I et II, mais qui ajoutent de nouveaux types et une nouvelle organisation. La nouvelle classification distingue les récepteurs de type 1 et 2, qui n'ont rien à voir avec les récepteurs de type I et II. Les anciens récepteurs de type I et II appartiennent aux nouveaux récepteurs de type 1, la classe 2 étant pour les récepteurs qui ne rentrent pas dans l'ancienne classification type I et II. À l'intérieur du type 1, on trouve plusieurs sous-types, nommés  ,  ,  ,  ,  ,  . Les récepteurs de type I correspondent aux récepteurs   et  , alors que ceux de type II correspondent au type  . Le type 2 de la nouvelle classification comprend 5 sous-types distincts nommés  ,  ,  ,  ,  .

Type 1 Type 2
Type I Type II
                     

Les mammifères possèdent uniquement des récepteurs de type   et  , mais pas les autres types. Les récepteurs  ,  ,   et   sont présents sur les animaux aquatiques, à l’exception des mammifères marins, mais pas sur les animaux terrestres. Le groupe   n'existe que sur les vertébrés.

Les gènes des récepteurs olfactifs

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Il existe un grand nombre de gènes qui codent les récepteurs olfactifs, chaque gène codant exactement un récepteur. La structure de ces gènes olfactifs (les gènes des récepteurs olfactifs) est la même pour tous les gènes. Quelques séquences de régulations sont suivies par un intron, puis par le gène proprement dit. Le gène est composé d'une séquence ininterrompue de plusieurs milliers de bases/codons, qui code la protéine d'un seul bloc, suivis par une séquence STOP de polyadénylation. On ne retrouve pas d'intron au beau milieu de la séquence codant le gène proprement dit, chose qui est pourtant courante.

Les gènes en question sont dispersés dans l'ensemble du génome, sur plusieurs chromosomes. Chez l'humain, tous les chromosomes, à l'exception du chromosome 20 et du chromosome Y, contiennent un ou plusieurs gènes de récepteur olfactif. De plus, les gènes olfactifs sont regroupés en groupes de quelques dizaines de gènes olfactifs, placés les uns à la suite des autres. Les gènes d'un même groupe sont similaires, dans le sens où ils diffèrent par quelques paires de bases les uns des autres, guère plus.

Si l'évolution a permis la multiplication des gènes olfactifs, elle a aussi désactivé certains gènes olfactifs devenus inutiles. Si la plupart des gènes olfactifs sont bel et bien traduits en protéines réceptrices, d'autres sont des vestiges de l'évolution et ne semblent pas pouvoir être traduits en protéines. Ces gènes désactivés sont appelés des pseudo-gènes, leur nom indiquant qu'ils ne correspondent par vraiment à des gènes proprement dits, bien qu'ils fassent partie d'un patrimoine génétique. Pour donner quelques chiffres, les primates ont environ 400 pseudo-gènes dans leur génome, et certains rongeurs en ont plusieurs milliers. Chez les insectes, le nombre de pseudo-gènes sont très faibles, en regard avec leur faible nombre de gènes olfactifs.

La variabilité des récepteurs olfactifs

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Le nombre de récepteurs olfactifs différents varie beaucoup selon l'espèce. Par exemple, les humains disposent d'environ 400 récepteurs olfactifs différents, alors que les rongeurs en ont près de 1200, la vache en a 2129, les poissons entre 40 et 140, etc. Les biologistes estiment que pas moins de 3 à 5% des gènes des mammifères sont des gènes olfactifs (environ 3% des gènes chez l'humain). Une telle diversité est égalée seulement par la diversité des gènes immunitaires, ce qui prouve l'importance des sens chimiques pour les mammifères. Signalons cependant que les gènes olfactifs ne sont nombreux que chez les vertébrés. Les invertébrés ont un nombre de récepteurs olfactifs un peu plus faible, à peine quelques dizaines chez certaines espèces. On dénombre environ 60 gènes olfactifs chez la mouche drosophile, 170 pour l'abeille.

Précisons que beaucoup de gènes olfactifs sont des pseudo-gènes. Chez l'homme, on estime que près de la moitié sont des pseudo-gènes. Chez les rongeurs, le taux est plus faible, de l'ordre de 20% environ. De manière générale, les primates récents ont beaucoup de pseudo-gènes. Expliquer une si grande présence de pseudo-gènes chez les primates est encore un problème pour les chercheurs. On peut supposer que c'est lié à l'acquisition de la vision trichromatique chez les primates, qui a fait passer l'odorat au second plan. Mais rien n'est encore certain.

Outre la variabilité entre espèces, les récepteurs olfactifs varient beaucoup selon l'individu. Un exemple bien connu chez les humains est celui des récepteurs à l'androsténone, une molécule odorante dérivée de la testostérone, qui n'est perçue que chez une minorité de la population. Environ 50% des humains ne peuvent pas percevoir l'odeur d'androsténone, même si la molécule est présentée à de fortes concentrations. Par contre, les sujets restants sont modérément ou extrêmement sensibles à l'androsténone. Elle procure, chez 15% des sujets, une sensation d’odeur assez agréable, légèrement sucrée. Les 35% restants sont encore plus sensibles et ressentent une odeur désagréable d'urine ou de sueur. Et cela vaut aussi pour d'autres molécules, l'androsténone étant un cas classique, mais pas le seul.

La variabilité des gènes olfactifs provient de deux sources différentes : la présence de plusieurs allèles pour un même gène, la présence de copies d'un même gène. Commençons par la présence de copies d'un même gène. Il n'est pas rare qu'un gène olfactif soit présent en plusieurs exemplaires dans le génome. Selon certaines études, environ 15 à 30% des gènes et pseudo-gènes sont présents en plusieurs exemplaires. Fait intéressant, les copies d'un gène ne sont pas dispersées dans le génome, mais sont tous placés dans un même groupe. Mieux : le gène et ses copies forment une sorte de chapelet, une suite de gène identiques placés les uns à la suite des autres. Cela semble indiquer que les gènes olfactifs sont capables de se dupliquer, par un mécanisme tel que la copie se trouve juste à la suite du gène originel. Nous y reviendrons dans ce qui suit.

Outre la variabilité génétique liée aux copies, les gènes olfactifs ont en général plusieurs allèles. Dans le détail, chaque gène olfactif peut subir des modifications qui ajoutent, retirent ou remplacent des paires de bases. De telles substitutions de bases, les SNP (Single Nucleotide Polymorphism), vont transformer un gène en un de ses allèles. L’occurrence des SNP est particulièrement fréquent chez les gènes olfactifs, au point qu'il n'est dépassé que par le polymorphisme des gènes immunitaires ! La plupart des SNP sont de type faux-sens, à savoir qu'elles remplacent une paire de base par une autre, sans fabriquer un codon STOP. Le récepteur olfactif obtenu avec une mutation faux-sens est alors légèrement différent de l'original, ce qui fait qu'il n'est pas exactement sensible aux même odeurs. Les SNP de type non-sens, qui entrainent l'apparition d'un codon STOP au beau milieu d'un gène, sont aussi possibles. Ces dernières tendent à désactiver les gènes olfactifs, à les transformer en pseudo-gènes (des gènes qui ne codent pas une protéine et qui n'ont pas d'effet physiologique notable). Il n'est pas rare qu'un même gène olfactif ait des allèles fonctionnels, et d'autres qui sont des pseudo-gènes. Notons que les pseudo-gènes olfactifs sont conservés : il n'y a pas de sélection qui favorise la réduction du nombre de pseudo-gène.

 
Illustration des différents types de Single Nucleotide Polymorphism.

Les mutations faux-sens participent donc à la variabilité de l'odorat entre individus d'une même espèce. Les allèles d'un gène vont coder des récepteurs suffisamment différents pour ne pas réagir exactement pareil aux odeurs. Ils peuvent se comporter à l'identique, mais ce n'est pas toujours le cas. Souvent, les deux variantes du récepteur ont une sensibilité presque identique, mais réagissent différemment pour quelques molécules précises. Par exemple, la variabilité des récepteurs à l'androstérone, mentionnée plus haut, provient justement de mutations faux-sens. La sensibilité à l'androstérone est liée aux variantes alléliques d'un seul gène : le gène OR7D4. Dans le même genre, la sensibilité à l'acide isovalérique est liée aux mutations du seul gène OR11H7P. Mais ces exemples sont des cas extrêmes, rarement rencontrés. Dans la plupart des cas, la mutation d'un récepteur a peu d'impact. Il faut dire que chaque molécule active plusieurs types de récepteurs différents. Cette redondance réduit les déficits observés suite à la mutation d'un seul récepteur.

L'évolution des gènes olfactifs

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La structure commune des gènes olfactifs, le grand nombre d’allèles des gènes olfactifs, la répartition en groupes des gènes dans les chromosomes, la présence de multiples copies de gènes dans les groupes : tous ces phénomènes seraient liés à l'origine même des gènes olfactifs. L'évolution des gènes olfactifs est liée à deux phénomènes qui agissent de concert : la duplication des gènes, et l'apparition de mutations de type SNP. Tout semble indiquer que les gènes d'un même groupe se sont formés par duplication d'un gène ancestral, chaque copie ayant muté progressivement de son côté. Ce phénomène n'est pas rare : il arrive fréquemment que certains gènes se dupliquent, les deux copies étant voisines les unes des autres. À force de duplication, un gène ancestral aurait fini par donner un groupe de plusieurs gènes voisins. À ce phénomène, il faut ajouter les modifications qui sont survenues sur les copies du gène ancestral. Des mutations aléatoires ont modifié chaque copie, certains gènes ont fusionné, d'autres se sont désactivés, etc. Chaque copie du gène ancestral a ainsi évolué indépendamment des autres, donnant naissance à un nouveau récepteur olfactif. Dans le détail, les gènes olfactifs se seraient formés par rétrotransposition, un processus génétique qui déplace/copie un gène en plusieurs exemplaires dans le génome. Les copies auraient accumulé des mutations, donnant naissance à un nouveau gène olfactif, là où le gène original serait resté tel quel.

Les récepteurs des phéromones

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Certains animaux peuvent détecter des phéromones, des molécules particulières impliquées dans le comportement sexuel, le marquage du territoire, et d'autres fonctions utiles pour la survie. Ces phéromones sont en quelque sorte des odeurs particulières, qui engendrent une réaction automatique chez l'animal qui les perçoit. Elles sont émises par un individu afin d'influencer le comportement d'un autre individu, généralement en déclenchant un comportement instinctif. Par exemple, l'odeur de l'urine d'un chat lui permet de marquer son territoire, de dire à un autre membre de son espèce de dégager d'ici de plus vite possible parce que son territoire c'est chez lui et qu'il devient très méchant face à des inconnus. D'autres phéromones permettent de déclencher un comportement reproducteur, comme une parade nuptiale chez certains insectes. D'ordinaire, ces phéromones sont transportées par des liquides et non par l'air.

La perception des phéromones est différente de l'olfaction, ces deux sens étant indépendants. Ce ne sont pas les mêmes structures anatomiques qui captent et analysent des phéromones et les odeurs. Déjà, les structures cérébrales qui s'occupent des odeurs et des phéromones ne sont pas les mêmes, bien qu'elles soient assez proches. De plus, les phéromones ne sont pas perçues par l'épithélium nasal proprement dit, mais par une zone précise de la cavité nasale : l'organe voméronasal, ou organe de Jacobson. Celui-ci contient quelques neurones sensoriels, dont les récepteurs captent les phéromones. Et ces récepteurs aux phéromones, aussi appelés récepteurs voméronasaux, sont très différents des récepteurs olfactifs ! Ce sont tous des récepteurs aux protéines G, comme les récepteurs olfactifs.

Les récepteurs voméronasaux sont classés en plusieurs types principaux : les récepteurs V1R et V2R sont les plus anciens à avoir été découverts, les récepteurs V3R sont plus récents et moins bien connus. Les récepteurs V1R sont les plus courants. Ils sont présents chez la majorité des espèces vertébrées, mais leur nombre dépend fortement de l'espèce. Pour donner quelques chiffres, on ne trouve que 7 récepteurs de ce type chez le chien, encore moins chez l'homme, 150 chez la souris et près de 450 chez l'opossum. On en trouve près de 150 chez la souris, qui sont classés en 15 sous-classes. Précisons que certaines de ces sous-familles sont absentes chez le rat (et inversement), ce qui montre tout change selon l'espèce. On observe la même chose pour les récepteurs V2R, si ce n'est que l'on ne les trouve pas chez les mammifères. Contrairement à ce qu'on observe pour les récepteurs V1R, assez nombreux chez les mammifères, assez rares sont les mammifères qui ont des récepteurs V2R. On peut enfin citer les récepteurs à peptide formylé, qui sont un troisième type de récepteurs voméronasaux. Ils sont beaucoup moins connus que les deux types précédents.

Les récepteurs gustatifs

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Le gout des aliments est capté par des récepteurs sensoriels situés sur les neurones des bourgeons du gout : les récepteurs gustatifs. Chaque récepteur du gout réagit à une saveur particulière. Vous le savez peut-être, les humains peuvent percevoir plusieurs saveurs, les plus connues étant les gouts salé, sucré, amer, acide. À ces derniers, il faut ajouter la perception de l'umami, la saveur du glutamate et de ses dérivés, qui est clairement moins connu que les autres. Naturellement, il existe des récepteurs différents pour le sucré, le salé, l'amer, l'acide et l'umani.

Comme pour l'odorat, la perception du gout varie grandement selon les individus et ces variations sont fortement liées à la quantité de récepteurs gustatifs. Certaines personnes sont d'ailleurs insensibles à certaines molécules, voire à certaines saveurs, parce qu'elles n'ont pas les récepteurs nécessaires. Par exemple, le saccharose est perçu à des degrés divers entre les individus : certains y sont très sensibles, d'autres beaucoup moins, rares sont ceux qui y sont insensibles. Et quelques travaux ont montré une corrélation avec des modifications dans un récepteur du gout sucré. De même, on sait que la perception gustative du phénylthiocarbamide dépend de l'individu, en raison de la présence ou absence d'un récepteur, assez rare chez l'humain. De plus, la présence de ce récepteur est héritable, transmise à la descendance.

Les récepteurs du salé et de l'acide

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Le salé et l'acide sont un peu à part, vu qu'ils ne sont pas perçus par des récepteurs, mais par des canaux ioniques. En effet, le salé et l'acide sont présents dans les aliments sous la forme d'ions : ions sodium et chlore pour les molécules de sel, ions H+ pour l'acide. Ils ne peuvent donc pas se lier à des récepteurs sensoriels, du fait de leur petite taille. La sensation acide est vraisemblablement perçue par des canaux H+, encore inconnus à ce jour, alors que la sensation salée l'est par des canaux sodium. Lors de la mastication, les aliments salés ou acides vont disperser des ions Na, Cl ou H+ dans la salive, ce qui permettra à ces ions d'atteindre les neurones gustatifs. Ces ions vont traverser des canaux ioniques placés à la surface de ces neurones : leur concentration dans le neurone va donc augmenter. Si la concentration en ions change beaucoup trop, le neurone va réagir en déclenchant des potentiels d'action.

 
Canal ionique au sodium des épithéliums (ENaC).

La sensation salée est liée à plusieurs canaux ioniques, qui forment autant de voies de perception différentes de la sensation salée. Le plus important est clairement le canal au sodium des épithéliums (abréviation ENaC), un canal ionique présent dans la bouche, mais aussi dans les reins et dans quelques autres organes. Le canal ENaC est perméable au sodium et au lithium, mais pas aux autres ions. Il est formé par l'assemblage de trois à quatre protéines initiales, appelées protéines alpha, bêta, gamma et delta. Chacune d'entre elle est codée par un gène, ce qui fait un total de quatre gènes nommées SCNN1A, SCNN1B, SCNN1D et SCNN1G. Son implication dans la gustation a été établie par des expériences utilisant un diurétique : l'amiloride. Ce diurétique est connu pour supprimer partiellement la sensation salée et il n'a pas fallu longtemps pour que les scientifiques fassent le lien avec sa méthode d'action : ce diurétique bloque complétement le canal ENaC, qui reste fermé tant qu'il fait son effet. Par contre, la sensation salée n'est pas abolie suite à l'absorption d'amiloride, mais seulement réduite, ce qui indique que d'autres canaux ioniques peuvent prendre le relai de l'ENaC. Mais ceux-ci ne sont pas connus avec certitude et la recherche a encore quelques avancées à faire à ce sujet.

Les récepteurs du sucré et de l'amer

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Seul le sucré, l'umani et l'amer ont de vrais récepteurs dédiés. Ces récepteurs gustatifs sont en petit nombre chez l’être humain : une petite cinquantaine, contre plusieurs milliers pour l'odorat. Il s'agit pour la plupart de récepteurs couplés à des protéines G, dont l'activation ouvre des canaux ioniques au calcium, sodium et potassium. Dans les grandes lignes, on peut séparer les récepteurs gustatifs en deux classes, respectivement nommées TAS1R et TAS2R. Les premiers sont les récepteurs du gout sucré et de l'umani, les seconds ceux de l'amer. Ces deux classes de récepteurs sont elles-mêmes subdivisées en sous-classes de récepteurs.

Classe de récepteur Saveur percue Molécules perçues
TAS1R Saveur sucrée
  • Sucres naturels : glucose, fructose, saccharose.
  • Sucres artificiels : édulcorants.
Saveur umani
  • Glutamate et ses dérivés (saveur umani)
  • Autres acides aminés et protéines : glycine, tryptophane, ...
TAS2R Amer
  • Toxines variées ;
  • Naringine (donne sa saveur au pamplemousse) ;
  • Caféine ;
  • Quinine ;
  • ...
 
Récepteurs TAS1R.

Les récepteurs TAS1R regroupent les récepteurs du sucré et ceux de la saveur umani. De manière générale, les récepteurs TAS1R se lient aux sucres, mais aussi à d'autres acides aminés, comme le glutamate, la glycine, ou le tryptophane, ainsi qu'à de rares protéines végétales. Autant dire que leur spectre de perception est assez large, loin de se limiter au sucré. Ils se forment à partir de trois protéines nommées TAS1R1, TAS1R2 et TAS1R3. Chacune d'entre elle est codée par un unique gène, qui portent les mêmes noms que les récepteurs qu’ils codent : on parle ainsi des gènes TAS1R1, TAS1R2 et TAS1R3. La combinaison de la protéine TAS1R3 avec une protéine TAS1R1 ou TAS1R2 forme un récepteur, ce qui donne deux possibilités.

  • Les récepteurs TAS1R2+3, formés par combinaison des protéines TAS1R2 et TAS1R3, sont des récepteurs du sucré.
  • Les récepteurs TAS1R1+3, quant à eux, se lient au glutamate et captent la saveur umani.

Les récepteurs TAS1R2+3 captent la sensation de sucré en se liant aux molécules de glucose, de fructose et d'autres molécules glucidiques assimilées. Ils se lient notamment aux trois sucres principaux que sont le glucose, le fructose et le saccharose. Ils peuvent aussi se lier à des sucres artificiels, utilisés comme édulcorants : saccharine, aspartame, sucralose, stévia, et bien d'autres. Chose intéressante, certaines espèces n'ont pas de protéine TAS1R2 fonctionnelle, ce qui fait qu'elles sont incapables de percevoir le gout sucré, leurs récepteurs TAS1R2 dysfonctionnant. Parmi ces espèces, on peut citer les félins, qu'il s'agisse des chats ou des lions, des léopards, des tigres ou des jaguars. Cela explique pourquoi les chats ne sont pas attirés par les sucreries... Les mammifères marins sont aussi dans ce cas. On peut remarquer que les espèces concernées sont toutes des espèces au régime carnivore exclusif, un régime pauvre en sucres.

Classe de récepteur Nom des récepteurs Saveur perçue Molécules perçues
TAS1R TAS1R2+3 Saveur sucrée
  • Sucres naturels : glucose, fructose, saccharose.
  • Sucres artificiels : édulcorants.
TAS1R1+3 Saveur umani
  • Glutamate et ses dérivés (saveur umani)
  • Autres acides aminés et protéines : glycine, tryptophane, ...

Les récepteurs TAS2R, ceux de l'amer, sont beaucoup plus nombreux, au point qu'on en a découvert 64 à l'heure où j'écris ces lignes! Pas étonnant donc que les molécules qui donnent une sensation amère soient assez variées. Des molécules très différentes donnent la même sensation amère, même si elles n'ont pas de ressemblances chimiques. Cela va de la caféine qui donne son gout au café, en passant par la naringuine du pamplemousse, la quinine, le potassium, etc. Certains ne sont pas présents chez les humains, ainsi que d'autres espèces, qui n'expriment pas tous les 64 récepteurs existants. Par exemple, les humains ne possèdent que 43 récepteurs gustatifs. De manière générale, les récepteurs présents sur les neurones gustatifs varient grandement selon les espèces. Toutes les espèces n'ont donc pas les mêmes sensations gustatives, certaines percevant des molécules alors que d'autres n'en sont pas capables. Comme pour les récepteurs TAS1R, chaque récepteur TAS2R est codé par un gène unique, qui porte le même nom que le récepteur qu'il code. La perception de l'amer a pour but de nous protéger contre les aliments potentiellement toxiques, ce qui explique que l'amer a souvent mauvais gout.

Les voies de transduction du sucré, de l'amer et de l'umami (récepteurs TAS1R et TAS2R)

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Après avoir vu les deux types de récepteurs, TAS1R et TAS2R, il est temps de passer aux voies de transduction (ce qui se passe dans la cellule quand le récepteur est activé). Qu'il s'agisse des récepteurs de l'amer ou du sucré, leur réaction entraine à peu-près les mêmes réactions intracellulaires. Comme dit plus haut, les récepteurs gustatifs métabotropes sont des récepteurs aux protéines G. Dans les neurones gustatifs, la protéine G est de la gustducine. Quand la molécule sapide se lie au récepteur, la gustducine se dissocie, se brise en deux fragments. L'un de ces fragments (la partie alpha de la gustducine) se détache du récepteur et enclenche plusieurs séries de réactions chimiques particulières. La principale est celle de l'AMP cyclique, la seconde passe par l'intermédiaire de l'enzyme DAG, et une troisième voie passe par l'enzyme IP3. Les trois voies finissent de la même manière : elles entrainent une augmentation de la concentration en calcium dans le neurone, ce qui induit la fusion des vésicules synaptiques avec la membrane du neurone, et donc la libération de neurotransmetteurs.

La voie de l'IP3 est mal connue, mais on suppose qu'elle mobilise les réserves intracellulaires de calcium. Les deux autres voies entrainent l'activation de Phosphorylase Kinase : une Phosphorylase Kinase A (PKA) pour la voie de l'AMPc, une Phosphorylase Kinase C (PKC) pour la voie DAG. Ces deux Phosphorylase Kinases accrochent un groupe phosphate aux canaux ioniques potassium. Une fois phophorylsé ainsi, les canaux potassium se ferment, ce qui entraine une augmentation de la quantité de potassium dans le neurone. La tension de la membrane neuronale augmente donc, ce qui peut dépolariser le neurone. La dépolarisation ouvre les canaux voltage-dépendant du calcium, ce qui permet une entrée de calcium dans le neurone. Ces trois voie sont décrites dans le schéma ci-dessous.

 
Fonctionnement des récepteurs TAS1R du sucré.

Les photorécepteurs

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Les récepteurs visuels sont des récepteurs qui réagissent non pas à des molécules, mais à la lumière. Ils ouvrent des canaux ioniques quand ils absorbent de la lumière (un ou plusieurs photons, pour être précis). Ils se démarquent des récepteurs précédents, qui réagissaient à des signaux chimiques : un récepteur synaptique réagit à une molécule de neurotransmetteur, un récepteur olfactif à une molécule odorante, un récepteur gustatif à une molécule dans un aliment, etc. Il va de soi que le fonctionnement des récepteurs visuels est donc assez différent, un peu à part des récepteurs précédents. Les récepteurs visuels sont parfois appelés des photorécepteurs, terme qui est aussi utilisé pour décrire certains neurones rétiniens.

Les molécules photoréceptrices

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Toutes les molécules que nous allons voir sont des récepteurs aux protéines G assez particuliers. Elles sont dérivées de la vitamine A, et plus précisément de sa forme appelée le rétinal. Pas étonnant donc qu'un manque de vitamine A se traduit par des troubles de la vision (surtout de nuit) : ce manque empêche la formation de photorécepteurs dans les cellules de la rétine. Plus précisément, ces molécules sont composées d'une molécule de rétinal à laquelle on aurait soudé une molécule d'opsine (une protéine). L'opsine est le récepteur aux protéines G, alors que le rétinal sert de capteur de lumière. Il existe différents types d'opsine, cinq en tout, ce qui donne cinq photorécepteurs différents. Dans le détail, ces cinq récepteurs sont classés en trois types : la rhodopsine, les trois iodopsines et la mélanopsine. Nous allons voir ces cinq molécules dans ce qui suit.

La rhodopsine

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Molécule de rhodopsine

Le photorécepteur le plus connu est sans conteste la rhodopsine, une molécule de 248 acides animés de long, présente aussi bien dans les bâtonnets que dans les cônes. La rhodopsine est un récepteur couplé à une protéine G un peu spécial : au lieu d'être activé par un neurotransmetteur ou une variation de voltage, il est activé par la lumière. Son activation entraine la dissociation d'un intermédiaire, la GMPc, ce qui enclenche l’ouverture de canaux ioniques perméables au sodium et au calcium. Le processus exact de phototransduction sera vu dans la prochaine section, aussi nous ne nous attarderons pas plus sur celui-ci. Comme tous les récepteurs couplés aux protéines G, la rhodopsine possède 7 domaines transmembranaires. Il existe plusieurs versions de la rhodopsine, les toutes premières étant apparues chez les bactéries. Cette bactériorhodopsine utilise la lumière pour générer un gradient de photons à travers la membrane des bactéries. Les versions présentes dans les yeux animaux est totalement différente.

Les iodopsines

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Ce diagramme montre quelles sont les fréquences absorbées par les différents photorécepteurs, rhodopsine et iodopsines comprises.

Il faut noter que la rhodopsine est sensible uniquement à la luminosité de manière générale, chose qui ne permet pas la perception des couleurs. Elle est présente dans certaines cellules, utilisées pour voir la nuit, situation où la perception des couleurs est secondaire. La vision de jour se base sur d'autres pigments, des protéines de la classe des iodopsines, chimiquement semblables à la rhodopsine. Elles sont formées en combinant une molécule d'opsine avec une molécule de rétinal, comme pour la rhodopsine, sauf que l'opsine en question est différent. Chez les humains, les opsines présentes dans l'iodopsine sont au nombre de trois, ce qui donne trois iodopsines différentes qui différent par leur opsine. Ces trois opsines réagissent à des couleurs différentes, respectivement au rouge, au vert ou au bleu. Elles portent les noms d'erythrolabe pour le rouge (photopsin I + retinal), de chlorolabe pour le vert (photopsin II + retinal), et de cyanolabe pour le bleu (photopsin III + retinal). Chez les animaux, d'autres photorécepteurs sont disponibles et permettent de voir les infrarouges, les ultraviolets, ou d'autres couleurs.

La mélanopsine

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Enfin, il nous faut mentionner l'existence d'un troisième type de photorécepteur : la mélanopsine. Il s'agit, encore une fois, d'une molécule formée par combinaison d'une opsine avec un rétinal. La mélanopsine est présente sur des neurones particuliers, qui ne servent pas pour la vision en tant que tel. Les neurones à mélanopsine sont impliqués dans le cycle veille-sommeil et les réflexes de la pupille, mais pas dans la vision. Mais nous reviendrons sur ce sujet dans quelques chapitres et plus précisément dans le chapitre sur les rythmes circadiens. Toujours est-il que la mélanopsine est sensible à la lumière bleue.

La phototransduction

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La transduction de la lumière en potentiel d'action est un processus qui implique plusieurs intermédiaires. La génération du potentiel d'action a lieu au niveau d'un canal ionique, qui s'ouvre suite à toute une série de réactions chimiques assez complexes. Les pigments photorécepteurs ne sont pas combinés avec un canal ionique (ce ne sont pas des récepteurs ionotropes), et il faut un intermédiaire entre le canal ionique et le pigment photorécepteur. En réalité, il y a plusieurs intermédiaires, mais le principal est clairement la Guanosine MonoPhosphate Cyclique (GMPc). Elle agit sur des canaux ioniques au sodium, en les ouvrant. Le canal sodium s'ouvre quand trois molécules de GMPc se lie à lui.

Dans l'obscurité, la concentration en GMPc est maximale et le neurone a ses canaux sodium ouverts : le sodium rentre dans le neurone comme dans un moulin. L'entrée d'ions sodium est compensée par l'expulsion d'ions potassium, jusqu’à atteindre un point d'équilibre électrochimique. Une fois exposé à la lumière, la production de GMPc est fortement réduite. La teneur en GMPc n'est plus suffisante pour garder les canaux sodium ouverts, ce qui fait qu'ils se ferment. Les ions sodium étant chargés positivement, cela fait moins d'entrée de charges positives dans le bâtonnet et donc une augmentation des charges négatives. Le résultat est que le neurone se polarise donc encore plus qu'il ne l'était déjà : sa tension devient encore plus négative qu'à l'obscurité.

Le processus d'activation des photorécepteurs est le même pour toutes les molécules d'opsines, mais nous allons l'aborder dans le cas particulier de la rhodopsine. Ce qui va être vu sera aussi valable pour les autres photorécepteurs. Dans ces molécules, le rétinal peut exister sous deux formes, nommées trans et cis. Lorsque la rhodopsine absorbe un photon, le rétinal passe de la forme cis à la forme trans, ce qui déclenche l'activation du récepteur à la protéine G. La molécule, devenue instable, va alors se scinder en deux : une molécule d'opsine, et une molécule de rétinal de forme trans. Cette réaction catalyse la fabrication d'une molécule appelée transducine, qui elle-même catalyse la dégradation de la GMPc. Cette réaction est extrêmement efficace : l'absorption d'un seul photon permet de dissocier plusieurs milliers de molécules de GMPc, ce qui permet d’empêcher l'entrée de plusieurs millions d'ions sodium.

 
Déroulement de la phototransduction.

Comme dit plus haut, la rhodopsine se scinde en opsine et rétinal : elle est dégradée au fur et à mesure de son utilisation et doit être régénérée. Diverses réactions chimiques vont permettre de reformer de la rhodopsine à partir de ces deux molécules. Pour cela, une cascade de réaction chimiques vont retransformer la vitamine A trans en forme cis. Cette forme pourra se lier à la molécule d'opsine pour reformer de la rhodopsine. La rhodopsine est régénérée assez lentement, en environ une demi-heure.

 
1415 Retinal Isomers

Les récepteurs "tactiles" : thermorécepteurs, mécano-récepteurs et autres

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Dans ce qui précède, on a vu les récepteurs sensoriels de la vision, de l'odorat et du goût. Mais il faut aussi citer les récepteurs pour les autres sens, et notamment ceux du toucher. Outre les récepteurs olfactifs, gustatifs et visuels, le corps humain dispose d'un grand nombre de récepteurs aux fonctions très variées. Certains sont spécialisés dans la perception de la température, d'autres qui sont sensibles à la pression, d'autres sont sensibles aux vibrations, d'autres sont impliqués dans la perception du froid, etc. Les récepteurs sont souvent nommés suivant ce qu'ils perçoivent : on parle de thermorécepteurs pour les récepteurs sensibles à température, de mécano-récepteurs pour les récepteurs sensibles à la pression et/ou aux vibrations, et de nocicepteurs pour la douleur. Dans ce qui va suivre, nous allons voir ces récepteurs.

Les récepteurs de type Transient Receptor Potential channel

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La plupart des récepteurs annexes appartiennent à une classe de molécules : les Transient Receptor Potential channel, abréviés TRP. Ce sont des canaux ioniques, perméables au calcium, au magnésium et au sodium. La classification des TRP est assez compliquée, avec de nombreuses sous-classes, avec les sept classes principales suivantes : canoniques (TRPC), vanilloïdes (TRPV), ankyrine (TRPA), melastatine (TRPM), polycystine (TRPP), mucolipine (TRPML), No mécanorécepteurs (no mechanoreceptor potential C - NOMPC, TRPN). L'ensemble regroupe non seulement des récepteurs tactiles, mais aussi quelques photorécepteurs, des récepteurs gustatifs et bien d'autres récepteurs aux fonctions variées. Autant dire que résumer les TRP à des récepteurs tactiles est clairement faux, tant il en existe un grand nombre avec des fonctions physiologiques variées. Par exemple, le récepteur TRMP5 est un récepteur gustatif impliqué dans la perception du sucré, de l’umami et de l'amer.

Les thermorécepteurs de type TRP sont des récepteurs qui captent des températures trop fortes ou trop froides. Typiquement, ce sont des canaux ioniques qui s'ouvrent au-delà ou en dessous d'un seuil de température qui dépend du récepteur. Parmi la classe des récepteurs TRP, il en existe 9 qui s'ouvrent ou se ferment selon la température : les récepteurs vanilloïdes TRPV1 à TRPV4, les récepteurs malastatine TRPM2, TRPM4, TRPM5 et TRPM8, et le récepteur ankyrine TRPA1. Mais l'implication de ces récepteurs dans la sensation de température est apparemment limitée à six d'entre eux, dont quatre pour le chaud et 2 pour le froid.

La sensation de chaud est perçue par les récepteurs TRPV1 à TRPV4, alors que la sensation de froid est le fait des récepteurs TRPM8 et TRPA1. Les premiers s'ouvrent au-delà d'un seuil thermique assez élevé, ce qui les rend capables de percevoir la sensation de chaleur. C'est l'inverse pour les récepteurs du froid, qui s'ouvrent quand la température descend en dessous d'un seuil assez bas. Les 4 thermorécepteurs TRPV1 à TRPV4 s'ouvrent dans un intervalle de température qui varie selon le récepteur : TRPV4 s'ouvre dans un intervalle de 27 à 34 °C, TRPV3 s'ouvre dans un intervalle de 33 à 39 °C, TRPV2 s'ouvre pour une température supérieure à 52°C et TRPV1 s'ouvre au-delà de 43°C. Le récepteur TRPM8 s'ouvre pour des températures comprises entre 8 et 25°C, alors que le TRPA1 s'ouvre pour des températures inférieures à 17°C.

 
Activation de quelques TRP par la température ou certaines molécules.

Outre une température trop forte/faible, certains récepteurs TRP réagissent à des molécules bien précises, comme le menthol ou la capsaïcine. Par exemple, le canal TRPV1 s'ouvre suite à la liaison de certaines molécules pimentées comme la capsaïcine (la molécule qui donne son goût au piment) et à l'isothiocyanate d'allyle (qui donne son goût à la moutarde, au raifort et au wasabi). Ce qui explique la légère sensation de brûlure que cause l'ingestion du piment ou du wasabi ! Comme quoi, ce thermorécepteur est aussi celui qui donne son goût aux aliments pimentés et épicés, ce qui en fait aussi un récepteur gustatif. Comme autre exemple, on pourrait citer le récepteur TRPM8, qui est sensible aux molécules de menthol, qui donnent son goût frais à la menthe.

 
Activation du canal TRPV1 par divers stimulus : chaleur, capsaïcine, pH élevé, etc.