Neurosciences/Le vieillissement du système nerveux

Dès la fin de l'âge adulte, le cerveau subit des modifications assez importantes. La plupart est due à l'expérience, le système nerveux pouvant apprendre à tout âge. Mais d'autres, plus subtiles, proviennent des processus de vieillissement du cerveau. Dès 20 à 25 ans, on observe une légère baisse des performances cognitives, qui reste cependant extrêmement subtile : baisse de l'efficience mnésique, ralentissement léger de la pensée, perception plus difficile et identification perceptive plus lente, etc. Le processus de vieillissement cérébral ne devient cependant visible qu'à la fin de la vie, dans le grand âge. Il est rare que les jeunes adultes, ou les personnes de 40 à 50 ans montrent une baisse des performances cognitives ou mnésiques, sauf en cas de maladies dégénératives précoces. Le vieillissement du cerveau est donc lent, sauf dans le grand âge. Il est temps d'aborder le vieillissement cérébral dans ce chapitre.

Le vieillissement normal modifier

Pour parler du vieillissement cérébral, il est d'usage de faire la distinction entre vieillissement normal et vieillissement pathologique. Le second fait référence au vieillissement lié à des maladies pathologiques comme Alzheimer ou Parkinson, tandis que le premier fait référence au vieillissement sans maladies cérébrales liées à l'âge. Cependant, la distinction entre les deux peut parfois être assez difficile à faire. Le vieillissement normal s'accompagne en effet de pertes de mémoire, de manifestations comportementales et d'une baisse des fonctions intellectuelles. Les mécanismes liés au vieillissement, comme la production de certaines protéines, sont aussi courants dans le vieillissement normal que dans la maladie d'Alzheimer.

La réduction de la taille du cerveau modifier

Avec le développement, le cerveau voit naturellement sa taille augmenter, du moins dans les limites de la boite crânienne. Les processus de synaptogenèse, entraînant la naissance de synapses, d'axones et de dendrites, vont naturellement augmenter la masse du cerveau. Il en est de même pour les processus de neurogenèse. L'augmentation du poids du cerveau qui en découle est essentiellement concentrée sur les premières années de vie, et atteint une valeur plateau vers 3 à 5 ans. Le poids du cerveau augmente alors très lentement durant l'adolescence et le début de la vie adulte, avant de diminuer légèrement au-delà.

 
Poids du cerveau en fonction de l'âge.

Toutes les aires du cerveau ne vieillissent pas à la même vitesse : certaines sont plus atteintes par l'âge. Cela se traduit par des modifications de comportement, et/ou une baisse des performances dans certaines tâches. Les capacités cognitives liées à l'attention et à la concentration sont touchées : la mémoire de travail diminue, le langage se fait plus difficile, la vigilance diminue, etc. La motricité et les performances sensorielles tendent aussi à diminuer progressivement : les aliments perdent leur goût, les mouvements sont plus lents et plus rares, l’audition est moins bonne, etc. Les autres troubles, comme des troubles du comportement (apathie, retrait social, émoussement émotionnel léger) arrivent généralement plus tard, quand le cortex frontal (sous le front) commence à perdre en volume.

Les aires cérébrales en charge de la mémoire sont parmi les plus fragiles, ce qui explique le fait que la mémoire décline lentement avec l'âge. L'atrophie touche plus fortement l'hippocampe, une aire cérébrale chargée de mémoriser les souvenirs récents. Il n'est donc pas étonnant que le déclin mnésique lié au vieillissement touche surtout les souvenirs récents, les souvenirs anciens étant bien conservés. Il faut cependant signaler que les troubles mnésiques sont assez variables suivant les individus : certains vieillards d'un âge avancé gardent une mémoire de jeune homme, tandis que d'autres personnes du même âge auront des déficits plus ou moins marqués, sans que l'on sache réellement quelle est l'origine d'une telle disparité.

La diminution de la taille du cerveau est pour partie liée à la perte de substance blanche, à savoir une réduction du nombre de synapses, d'axones et de dendrites, mais aussi à la perte de volume des neurones qui rétrécissent.

Le vieillissement des neurones modifier

 
Modifications des neurones avec l'âge.

Contrairement à l'idée reçue, il n'y a pas de perte massive des neurones lors du vieillissement non-pathologique. La perte de neurones est en effet très légère avec l'âge. Par contre, les neurones tendent à devenir plus petits, car leur soma (corps cellulaire) diminue en taille.

De plus, avec l'âge, les axones conduisent moins bien l'influx nerveux : les gaines de myéline qui entourent les axones se dégradent et se réduisent progressivement. La figure de droite résume graphiquement ces changements.

Le vieillissement moléculaire modifier

Avec le vieillissement, on observe des modifications de la chimie du cerveau. Par exemple, la production de certains neurotransmetteurs chute avec l'âge, sans compter que certains récepteurs synaptiques deviennent plus rares. Par exemple, la dopamine se fait de plus en plus rare avec le vieillissement, ce qui est en partie responsable d'une baisse de la mobilité et de l'attention chez le vieillard. Et la dopamine n'est pas la seule concernée : la sérotonine et le glutamate sont aussi concernés, de même que l'acétylcholine.

D'autres modifications se traduisent par l'accumulation de molécules dans le cerveau âgé. Le premier cas, est l'accumulation de dégénérescences neurofibrillaires à l'intérieur des neurones. Celles-ci sont des amas de protéine Tau, une protéine est présente dans tous les neurones, quel que soit l'âge. Il s'agit d'une protéine qui fait partie du cytosquelette, à savoir le squelette cellulaire, un ensemble de protéines agencées en charpente, qui permet à la cellule de garder sa forme (entre autres). La dégradation de ce cytosquelette entraîne des problèmes divers : les substances produites par le noyau ne sont plus transportées à destination via le cytosquelette, le neurone est plus fragile, etc.

On peut aussi citer l'accumulation de plaques microscopiques, composée d'une protéine : la bêta-amyloïde. Ces plaques séniles sont une caractéristique du vieillissement, qu'il soit normal ou pathologique : tous les cerveaux, même ceux d'une personne âgée saine, contiennent de telles plaques. La bêta-amyloïde qui constitue ces plaques se forme quand une molécule de la membrane des neurones est décomposée par diverses enzymes. Cette molécule, l'APP, tapisse la membrane des neurones, sans que l'on sache vraiment pourquoi. Sa fonction est encore débattue à l'heure actuelle. Quoi qu’il en soit, divers enzymes vont découper cette molécule en trois morceaux : la bêta-amyloïde est l'un d'eux.

 
Amyloid-plaque formation-big

Le vieillissement pathologique modifier

Le vieillissement pathologique provient de maladies neurodégénératives, les plus connues étant la maladie d'Alzheimer et la démence à corps de Levy. Ces maladies se traduisent par une démence, à savoir une diminution des capacités intellectuelles et des pertes de mémoires, parfois accompagnées par des manifestations psychiatriques (dépression, apathie, ou autre). Précisons que pour un médecin, démence n'est pas synonyme de la maladie mentale (contrairement à son usage dans le langage courant). Lors du vieillissement pathologique, on observe une mort des neurones dans certaines régions du cerveau, qui touche autant la matière grise que la matière blanche. Suivant les zones touchées, les symptômes peuvent être très différents et les tableaux cliniques assez spécifiques.

Les démences liées à l'âge peuvent avoir plusieurs origines, les plus courantes étant d'origine vasculaire (AVC). Ces démences proviennent d'une accumulation progressive de dommages d'origine vasculaires : ce sont les démences vasculaires. Les vaisseaux sanguins du cerveau peuvent se boucher (donnant alors une ischémie) ou se briser, causant des dommages localisés dans le cerveau. Un AVC ou une hémorragie cérébrale entraînent techniquement des démences, du moins dans la plupart des cas. La démence apparaît le plus souvent immédiatement après un AVC ou une hémorragie cérébrale importante, un seul évènement suffisant alors pour causer une démence visible et importante. Dans d'autres cas, la démence provient de l'accumulation de petites hémorragies ou ischémies de petite importance. Cela arrive quand les vaisseaux sanguins subissent une maladie qui tend à les boucher ou à les fragiliser. Mais ces évènements ne sont pas spécifiques au grand âge, aussi seront-ils vus plus en détail dans un chapitre à part.

À côté des démences vasculaires, les démences moléculaires sont caractérisées par l'accumulation de protéines ou de molécules particulières dans le cerveau. Les démences sont classées en plusieurs grands types en fonction de la molécule qui s'accumule dans le cerveau. Les trois molécules principales impliquées dans les démences sont la protéine tau, l'amylose et l'alpha-synucléine, ce qui permet de distinguer trois types principaux. Les amyloses se traduisent par l'accumulation dans les tissus de plaques séniles. Les tauopathies impliquent une accumulation de protéine Tau, sous la forme de dégénérescences neurofibrillaires. Et enfin, les synucléinopathies sont causées par l'accumulation d'alpha-synucléine. Notons que des maladies très différentes peuvent se caractériser par l'accumulation de la même molécule. Par exemple, il existe plusieurs synucléopathies, les plus connues étant la maladie de Parkinson, la démence à corps de Lewy et l'atrophie multisystématisée. De même, il existe près d'une vingtaine de tauopathies très différentes les unes des autres.

À noter que tauopathies, synucléopathies et amyloses ne sont pas exclusives et certaines maladies en sont un mélange. Par exemple, la maladie d'Alzheimer est à la fois une tauopathie et une amylose. Même chose pour la démence à corps de Lewy, qui est à la fois une synucléopathie, une amylose et une tauopathie. Par contre, la maladie de Parkinson est une synucléopathie pure, dans le sens où elle n'est pas associée à un amylose ou une tauopathie.

Maladie Synucléopathie Tauopathie Amylose
Maladie d'Alzheimer X X
Maladie de Benson
Tauopathie primaire liée à l'âge X
Dégénérescence cortico-basale
Paralysie supranucléaire progressive
Maladie de Parkinson X
Atrophie multi-systèmatisée
Démence à corps de Lewy X X X

Notons que suivant la maladie, les accumulations de protéines n'ont pas la même forme et n'ont pas lieu au même endroit. Par exemple, prenons le cas des tauopathies. Suivant la maladie, la protéine tau s'accumule dans des aires cérébrales différentes : cortex temporal médian pour Alzheimer, mésencéphale dans la paralysie supranucléiare progressive. La protéine peut aussi s'accumuler et former des agrégats, qui ont des formes différentes suivant la maladie : les touffes gliales de la paralysie supranucléaire progressive, ne ressemblent pas aux corps de Pick de la maladie de Pick, ni aux dégénérescences neurofibrillaires de la maladie d'Alzheimer.

Détail important : pour certaines maladies, on ne sait pas très bien si l'accumulation des protéines malformées est une cause ou une conséquence. Il existe bien des cas particuliers pour lesquels on a identifié un rôle causal de l'accumulation des protéines malformées. C'est le cas par exemple pour la démence fronto-temporale avec syndrome parkinsonien liée au chromosome 17, qui est causée par une mutation du gène qui code la protéine Tau. D'autres protéinopathies à transmission familiales sont dans ce cas. Mais pour la plupart des autres démences moléculaires, il est possible que l'accumulation des protéines malformées soit une conséquence et non une cause, même si rien n'est moins sûr. Certes, l'accumulation de protéines malformées doit endommager les neurones et aggraver la démence, mais il se peut que ce soit un processus secondaire et non la cause primaire.

La Tauopathie primaire liée à l'âge modifier

La première maladie que nous allons voir est particulièrement méconnue, sans doute parce qu'elle a été identifiée récemment. Nous allons la voir en premier car elle est plus simple à comprendre que les autres maladies neurologiques liées à l'âge et que les démences. Les symptômes sont plus simples, plus contraints, la pathologie et la physiologie sont aussi plus simples, et j'en passe. Pour résumer rapidement, il s'agit d'une maladie qui ressemble à la maladie d'Alzheimer, mais qui est moins sévère et bien moins handicapante, au point d'être parfois difficile à distinguer du vieillissement normal. Cette maladie s'appelle la tauopathie primaire liée à l'âge, mais nous allons utiliser l'acronyme PART, qui veut dire Primary Age-Related Tauopathy.

Il s'agit d'une forme pure de tauopathie, ce qui veut dire que de la protéine tau s'accumule dans le cerveau sous la forme de plaques séniles. Ni protéine amyloïde, ni alpha-synucléine ne s'accumule dans le cerveau des patients. De fait, la PART est souvent comparée à la maladie l'Alzheimer : on observe une accumulation de plaques séniles dans les deux maladies, mais la maladie d'Alzheimer se distingue par l'accumulation de dégénérescences neurofibrillaires absentes dans la PART. De plus, dans la PART, l'accumulation des plaques séniles est circonscrite au lobe temporal médian et à l'hippocampe, mais ne se propage pas au reste du cerveau. À l'opposé, dans la maladie d'Alzheimer, les plaques séniles et les dégénérescences neurofibrillaires commencent par s'accumuler dans le lobe temporal médian, mais elles finissent par se propager dans tout le cerveau, y compris le néocortex. La propagation est donc plus restreinte dans la PART, comparé à Alzheimer.

On peut donc voir la PART comme un demi-Alzheimer, bien que ce soit encore en débat. En tout cas, même si les causes de la PART ne sont peut-être pas les mêmes que pour Alzheimer, il y a quelques ressemblances au niveau de la physiologie et de la pathologie, ce qui se ressent au niveau des symptômes. Au niveau clinique, les patients ont des troubles de la mémoire qui vont de légers à modérés, souvent associés à des troubles de l'intellect et de la cognition générale. L'intensité des symptômes varie énormément suivant les patients et va de légers symptômes subtils à une véritable démence qui n'a rien à envier à Alzheimer. Certains patients sont quasiment normaux avec des déficits très légers et assez subtils. D'autres ont des symptômes mnésiques modérés moins intenses que ceux observés dans un Alzheimer constitué, quelques troubles cognitifs, mais leur personnalité est préservée et leur comportement est normal. Enfin, d'autres sont des patients sévèrement atteints et ont une véritable démence amnésique.

Comparé aux patients Alzheimer, les patients PART sont plus vieux quand les symptômes apparaissent, et vivent plus longtemps, avec moins de problèmes dans leur vie quotidienne. La PART touche une minorité de patients. On estime que pour les patients de 80 ans ou plus, 20% des patients sont atteints de PART alors que les 80% restants sont atteints d'Alzheimer à des degrés divers.

Les démences fronto-temporales modifier

Les démences fronto-temporales proviennent d'une dégénérescence du cortex cérébral dans le lobe temporal et le lobe frontal. Le lobe temporal prend en charge la mémoire et le langage, notamment la mémorisation du sens des mots et des connaissances. Son atrophie se traduit donc par des difficultés de compréhension du langage, une perte du sens des mots, une perte des connaissances acquises, le tout sans troubles de la "mémoire" (les souvenirs sont préservés). Le lobe frontal, quant à lui, prend en charge l'attention, les capacités intellectuelles, la régulation des émotions et la personnalité. Il existe plusieurs grands types de démences de ce type, certains faisant consensus :

  • La variante comportementale, caractérisée par une atrophie du cortex frontal prédominante. Elle se traduit par un changement de la personnalité : le patient devient apathique, plus impulsif, a du mal à prendre des décisions, s'énerve plus facilement, voit ses émotions s'émousser et se réduire en intensité. Il a aussi du mal à organiser ses pensées, à réfléchir. La mémoire et le langage restent conservés, aucun déficit n'étant réellement évident dans les débuts de la maladie.
  • L'aphasie progressive primaire se traduit par un dysfonctionnement du cortex temporal, donnant des déficits du langage et des troubles de mémoire des connaissances. Il en existe deux types :
    • la version fluente se traduit par des déficits de compréhension du langage. Les souvenirs sont conservés, mais les connaissances et le sens des mots disparaissent progressivement. Elle porte le nom de démence sémantique.
    • La version non-fluente se traduit par des déficits dans la production du langage, alors que la compréhension est préservée. Les patients ont des difficultés à se rappeler des mots, à les utiliser, à produire des phrases longues et/ou complexes, la grammaire est atteinte, de même que la syntaxe. Elle porte le nom d'aphasie fluente primaire progressive, ou encore variante agrammatique.

La démence fronto-temporale est en réalité un regroupement de maladies différentes aux causes diverses. Certaines sont des tauopathies, mais d'autres n'en sont pas. Historiquement, la première démence de ce type a été découverte par Pick, d'où le nom de maladie de Pick autrefois donné à toutes les démences fronto-temporales, mais aujourd'hui réservé à certains cas bien précis. Celui-ci observa l'apparition de boules de protéines Tau visibles en dehors des neurones, boules appelées corps de Pick. Il a longtemps été cru que toutes les démences fronto-temporales étaient toutes des maladies de Pick, mais il est rapidement apparu que ce n'était pas le cas : divers patients atteint de démence fronto-temporale n'ont pas de corps de Pick, ni même de protéine Tau dans leur cerveau. Certes, la majorité (plus de 90%) des malades ont bien une tauopathie, reste à expliquer les 10%. D'autres protéines seraient impliquées dans ces variantes, mais peu est connu à l'heure actuelle. Certaines variantes tauopathiques semblent se transmettre dans certaines familles, ce qui indique une origine partiellement génétique à ce syndrome. La plupart seraient liées une mutation sur le chromosome 17, chromosome qui contient les gènes qui codent la protéine Tau. D'autres mutations, comme la mutation GRN et CHMP2B donnent des syndromes identiques, bien que l'origine génétique soit différente. Nous reviendrons sur ces démences dans les chapitres sur le langage et la mémoire.

La maladie d'Alzheimer modifier

La maladie d'Alzheimer est une maladie dont la cause est encore très mal comprise et les traitements encore peu performants. Son symptôme principal, le plus connu du grand public, est la perte de mémoire, la plainte mnésique, l'oubli pathologique. Ce symptôme est celui qui apparaît en premier dans la plupart des cas, quelques cas pouvant faire exception. Par la suite, divers troubles cognitifs se font jour : troubles du langage, de l’attention, des capacités de raisonnement ou de la pensée. Plus tard, quand la maladie se fait plus intense, divers troubles comportementaux se font jour : dépression, apathie, agitation, psychose, etc. Comme on le voit, ces symptômes ressemblent aux effets du vieillissement normal, ce qui fait que la distinction peut être assez difficile à faire pour un œil non-averti. Certains proches peuvent ainsi confondre un oubli bénin typique du vieillissement avec un possible Alzheimer. De même, certaines pathologies psychiatriques peuvent mimer Alzheimer chez le sujet âgé. Par exemple, il est particulièrement facile de confondre un syndrome dépressif avec Alzheimer, si la dépression est assez intense

 
Progression de la maladie d'Alzheimer.

La maladie entraîne une mort des neurones et une disparition de la substance blanche (axones, dendrites). Cette disparition se fait progressivement et s'installe dans la durée. Les débuts de la maladie se traduisent par une faible perte neuronale, tandis que les stades finaux de la malade laissent une faible partie du cerveau intacte et entraînent de forts déficits. La mort neuronale commence bien avant que les symptômes se fassent sentir, ceux-ci devenant évidents quand la mort neuronale est bien avancée. Les premières zones touchées sont les zones dédiées à la mémoire, situées sous les tempes : hippocampe, cortex temporal et entorhinal. Par la suite, la maladie progresse au-delà du cortex temporal et finit par toucher tout le cerveau.

Les zones lésées par les premiers stades de la maladie sont des zones riches en neurones acétylcholinergiques, la maladie entraînant donc une perte de la transmission de l'acétylcholine dans le cerveau. C'est de cette observation qu'est venue l'idée de donner aux malades des médicaments qui augmentent la quantité d'Acth dans le cerveau des malades. Divers inhibiteurs de l'acétylcholinostérase (l'enzyme qui dégrade l'acétylcholine, pour rappel) sont et ont été utilisés dans cette optique. Mais ces médicaments ne servent qu'à masquer temporairement les symptômes, sans compter que leur efficacité est très faible et peu convaincante.

 
Cerveau sans (gauche) et avec Alzheimer (droite).

La maladie d'Alzheimer est techniquement une tauopathie, à savoir une maladie caractérisée par l'accumulation de masse de protéine Tau, formée par dégradation du cytosquelette neuronal. Mais la maladie d'Alzheimer se caractérise aussi par l'accumulation de plaques séniles dans le cerveau, ce qui en fait techniquement une amylose. L’apparition des plaques séniles est le marqueur d'Alzheimer qui apparaît en premier, suivi par les dégénérescences neurofibrillaires, puis les symptômes de la maladie elle-même. Quand les symptômes apparaissent, il se peut que les plaques séniles se soient accumulées depuis plusieurs années dans le cerveau du malade. On peut détecter la présence de ces molécules avec une ponction lombaire, avant même l'apparition des symptômes. Quand des plaques séniles sont observées dans le résultat de la ponction lombaire, le patient a plus de 60% de chances de déclarer une démence dans les années qui suivent. Leur absence est par contre un très bon pronostic. Ces observations peuvent faire penser que la maladie d'Alzheimer serait causée par l'apparition de ces plaques, mais ce n'est pas encore certain.

 
Age d'apparition de la maladie d'Alzheimer.

L'âge de déclaration de la maladie est généralement tardif, les cas les plus précoces apparaissant vers 50/60 ans, les plus tardifs apparaissant vers 70/80 ans. Dans les grandes lignes, les chercheurs font la différence entre Alzheimer précoce et Alzheimer tardif. Les deux formes seraient causées par des mécanismes légèrement différents, potentiellement liés à des particularités génétiques. Il faut noter que les patients atteints de trisomie 21 (syndrome de Down) sont atteints de formes précoces d'Alzheimer, qui se déclarent dès 40 ans, parfois moins. Mais cette forme d'Alzheimer semble être quelque peu différente des autres formes précoces. La probabilité d'être atteint d'Alzheimer augmente avec l'âge : si 10% des personnes de 60 ans sont affectées, plus du quart des personnes de 85 ans sont atteintes par la maladie. L'évolution est inéluctable, une fois la maladie déclarée : il n'y a pas de possibilité de rémission et aucun traitement efficace ne permet de guérir la maladie.

Les formes familiales de la maladie apparaissent avant 50 ans, vers 40 ans, parfois moins (15 ans, par exemple). Plus de la moitié des cas précoces de la maladie d'Alzheimer sont causés par ces formes familiales. Il s'agit de maladies génétiques, transmises de parent à enfant. Ces formes ne se distinguent pas des autres, si l'on met de côté l'âge ou la cause : les symptômes sont les mêmes, les conséquences sur le cerveau aussi. Il existe trois types différents identifiés de formes familiales, qui se distinguent par le gène touché : le gène presenilin 1 pour la première forme, le gène presenilin 2 pour la seconde forme et une dernière forme touchant le gène de production de l'APP. Le premier gène, le presenilin1, est localisé sur le 14e chromosome, le presenilin2 est sur le premier chromosome, alors que le gène APP est localisé sur le 21e chromosome.

La maladie de Benson (atrophie corticale postérieure) modifier

La maladie de Benson, aussi appelée atrophie corticale postérieure (Posterior cortical atrophy) est une maladie neurodégénérative très rare qui ressemble à la maladie d'Alzheimer, à la différence qu'elle touche principalement les aires visuelles du cerveau. La maladie est d'ailleurs qualifiée par certains scientifiques de "variante visuelle de la maladie d'Alzheimer". Au niveau moléculaire, elle se traduit par l'accumulation de plaques séniles et de dégénérescences neurofibrillaires, tout comme la maladie d'Alzheimer, mais l'accumulation ne se fait pas dans les mêmes régions du cerveau. Ce sont surtout les lobes occipital et pariétal qui sont touchés, non pas les aires temporales et limbiques. En conséquence, les symptômes de la maladie ne sont pas les mêmes : les malades se plaignent de troubles visuels divers, ainsi que de troubles cognitifs liés à la vision.

Les patients atteints ont des troubles de la reconnaissance visuelle pour à peu près tout : pour reconnaître des objets (agnosie visuelle), pour reconnaître les lieux (désorientation spatiale) et pour reconnaître les visages (prosopagnosie). Les patients ont aussi du mal à lire et écrire, la lecture étant très difficile pour eux, du fait de leurs difficultés à reconnaître les lettres et les mots. Les patients décrivent une vision floue quand ils lisent, voient les lettres bouger, disparaître ou apparaître aléatoirement, etc. Ils ont aussi des troubles de l'utilisation d’outils (apraxie d'origine visuelle), ce qui n'est pas étonnant : utiliser des outils et faire des mouvements complexes demande de voir ce que l'on fait correctement. Typiquement, ils ont du mal à écrire, à dessiner, à s’habiller, à conduire, à se raser, à utiliser des clés et à faire un enchaînement d'actions (simples ou complexes) de manière générale. Les troubles du langage, de la mémoire, de l'intellect et du comportement sont plus rares et s'ils surviennent, ce n'est que dans les stades tardifs de la maladie, sans compter qu'ils restent de faible intensité. Des hallucinations visuelles sont assez courantes, surtout dans les stades avancés de la maladie.

Fait étrange, les symptômes se déclarent plus tôt que pour la maladie d'Alzheimer. Les patients commencent à développer les symptômes vers 50-60 ans et leurs symptômes s'aggravent progressivement avec le temps. Certains patients décrivent rétrospectivement des altérations de la vision assez subtiles vers leurs 40 ans, qui préfigurent l'entrée dans la maladie. Mais ce prodrome n'est pas bien défini et n'a pas encore de valeur diagnostique. Le diagnostic de la maladie est compliqué aux stades peu avancés, mais assez facile quand les symptômes sont assez francs. Quand les symptômes sont assez faibles (pas d'agnosie ni d'apraxie manifeste), les médecins peuvent penser à des troubles de la vision et renvoyer leurs patients devant un ophtalmologue (ce qui est assez logique vu la rareté de la maladie). Mais quand l'agnosie et l'apraxie apparaissent, il devient évident que les symptômes sont d'origine neurologique. L'usage de l'imagerie médicale permet alors un diagnostic un peu plus simple, d'autant plus que leur apparition progressive n'est pas commune. À l'heure actuelle (2020), il n'y a pas encore de critères diagnostics établis qui fassent consensus dans la communauté médicale. Il faut dire que le très faible nombre de cas et la grande variété des symptômes est un obstacle diagnostic majeur.

La maladie de Parkinson modifier

La maladie de Parkinson est une maladie identifiée pour la première fois en 1817 par Sir James Parkinson (qui donna son nom à la maladie). C’est une synucléopathie qui entraîne la mort de neurones dans la substance noire (pour rappel, un noyau mésencéphalique dopaminergique) et plus précisément dans la substance pars compacta (pour rappel, une subdivision anatomique de la substance noire). Vu que la substance noire est un noyau dopaminergique, on déduit que les déficits parkinsoniens peuvent être compensés par des médicaments dopaminergiques. C'est d'ailleurs ainsi que l'on traite la maladie : avec de la lévodopa (un précurseur de la dopamine), des agonistes dopaminergiques, des inhibiteurs de la COMT ou de la monanime-oxydase (pour rappel, des enzymes qui dégradent la dopamine), etc. Les neurones de la substance noire innervent les ganglions de la base, une structure anatomique impliquée dans la motricité, les émotions et la cognition. Aussi, le dysfonctionnement de la substance noire entraîne une altération du fonctionnement de ces ganglions de la base. Cela entraîne des troubles moteurs, connus du grand public et qui servent pour le diagnostic (tremblements, ...), mais ceux-ci ne sont pas les seuls symptômes observables avec la maladie de Parkinson.

Au niveau moteur, la maladie de Parkinson se traduit par une triade de symptômes, présents chez la plupart des patients : rigidité musculaire, akinésie (inhibition motrice généralisée) et tremblements. Cette triade est connue sous le nom de triade motrice parkinsonienne. Le grand public pense souvent que la maladie se traduit systématiquement par des tremblements, mais on sait depuis 1865 que beaucoup de patients n'en ont pas ! Ces tremblements sont de plus des tremblements dit de repos, à savoir qu'ils s'observent uniquement quand le muscle observé ne bouge pas et disparaissent lors des mouvements. Ils sont assez lents et à faible fréquence, et s’aggravent sous l'effet d'émotions fortes ou du stress.

Outre les symptômes moteurs, un parkinsonien a souvent des déficits cognitifs, tel des problèmes de mémoire, des difficultés à se concentrer ou à réfléchir, une idéation ralentie, des difficultés à organiser ses pensées. Le ralentissement psychique est notamment assez marqué, au même titre que le ralentissement moteur. Le patient a aussi une certaine tendance à mal inhiber ses pensées et paroles. De manière générale, ces troubles sont le signe d'un mauvais contrôle du cortex frontal par les ganglions de la base. Dit dans un langage scientifique, ces troubles sont formellement des troubles des fonctions exécutives, à savoir les capacités de traitement de l'information qui nous permettent de planifier, inhiber ou organiser nos idées. La mémoire en elle-même n'est pas touchée, mais le cerveau a du mal à agir sur son contenu, que ce soit pour récupérer des informations ou les enregistrer.

La sphère affective est aussi fortement touchée par la maladie de Parkinson. La majorité des parkinsoniens est en effet souvent atteinte de dépression, la dépression commençant avant l'apparition des symptômes moteurs. De plus, la plupart des parkinsoniens est atteinte d'une forme assez spéciale de "dépression", appelée apathie dans le corps des neurologues. Cette apathie se traduit essentiellement par une perte de motivation, une difficulté à initier des actions quelconques. Tout se passe comme si la difficulté à initier des actions ne touchait pas que la sphère motrice, mais aussi la sphère affective. Le patient n'a pas envie de faire grand-chose, perd ses centres d'intérêts, est démotivé, ne fait rien. Il arrive aussi que le patient ne ressente plus de plaisir : des activités autrefois intéressantes ou amusantes ne lui font plus rien. Ce symptôme, l'anhédonie, est très fréquent dans la majorité des cas d'apathie parkinsonienne. Il est intéressant de noter que ces deux symptômes, apathie et anhédonie, sont ces symptômes cardinaux de la dépression. Cependant, une dépression voit ces symptômes couplés à d'autres symptômes : tristesse, problèmes de sommeil, d'appétit, ralentissement psycho-moteur. Quoi qu’il en soit, il est difficile de distinguer les symptômes qui relèvent de la dépression de ceux qui sont causés par la maladie, ces symptômes étant communs aux deux conditions. Seule la tristesse est caractéristique de la dépression.

Les causes de la maladie de Parkinson ne sont pas claires, mais des facteurs génétiques et environnementaux sont impliqués. Si la plupart des formes de Parkinson apparaissent sans raison génétique connue, il existe quelques formes de Parkinson causées par des mutations génétiques d'un seul gène. Ces formes génétiques sont souvent d’apparition rapide et touchent essentiellement des sujets jeunes (40 ans environ), là où les autres formes de Parkinson apparaissent chez le sujet âgé. Ces formes familiales sont cependant rares : moins de 15% des patients parkinsoniens sont atteints par ces formes génétiques. À noter que les gènes impliqués ont tous un rapport avec la survie des neurones ou le fonctionnement des récepteurs dopaminergiques.

Les médicaments anti-parkinsoniens corrigent assez bien les symptômes moteurs, psychiatriques et cognitifs : l'akinésie s'atténue, les tremblements cessent, la rigidité se fait moindre, la dépression ou l’apathie diminuent, les patients recouvrent leurs capacités intellectuelles, etc. Tous ces médicaments compensent le déficit de dopamine dans le cerveau en augmentant la production de dopamine, ou en limitant sa recapture ou sa dégradation. Dans le premier cas, le traitement consiste à apporter un précurseur de la dopamine, la lévodopa, qui est transformé en dopamine dans le cerveau. Il est aussi possible de réduire la dégradation de la dopamine en utilisant des inhibiteurs des enzymes qui dégradent la dopamine, à savoir la COMT et la monoamine-oxydase.

À noter qu'il existe des maladies neurologiques dont les symptômes ressemblent à ceux de la maladie de Parkinson. Tel est le cas des maladies que nous allons aborder dans les sections suivantes, à savoir : la paralysie supra-nucléaire progressive, l'atrophie multi-systématisée, la dégénérescence cortico-basale ou la démence à corps de Lewy. Ces maladies se manifestent par un syndrome parkinsonien auquel on aurait ajouté d'autres symptômes. Ces maladies sont désignées sous le nom de syndromes parkinsoniens atypiques, ou encore de Parkinson+ (ce qui trahit leur symptomatologie).

L'atrophie multi-systématisée modifier

L'atrophie multi-systématisée (abrévié AMS) est une maladie neurodégénérative assez rare et peu connue du grand public, qui appartient aux syndromes parkinsoniens atypiques. Il s'agit d'une synucléopathie, au même titre que Parkinson ou que la démence à corps de Lewy. Si on connaît mal sa cause, dans l'état actuel des connaissances, on sait cependant qu'elle se caractérise par un dysfonctionnement des cellules gliales et plus précisément des oligodendrocytes. Lorsqu'on étudie ceux d'un patient AMS, on observe l'accumulation d'agrégats d'alpha-synucléine dans leur cytoplasme. La maladie se caractérise aussi par une perte neuronale dans certaines zones spécialisées du cerveau : le tronc cérébral, les ganglions de la base (et surtout le striatum) et le cervelet. On suppose que la mort des neurones est liée à l'atteinte des oligodendrocytes par la synucléine, mais on ne sait pas très bien quel est le lien exact entre ces deux phénomènes. On suppose que la maladie entraîne une mort des oligodendrocytes, une réduction de la gaine de myéline axonale et une mort neuronale diffuse réactionnelle.

Les symptômes de la maladie sont assez variés et la maladie se présente sous diverses manières chez les patients. Dans les grandes lignes, elle associe divers symptômes, dont ceux qui servent pour le diagnostic sont les suivants :

  • un syndrome parkinsonien, typique d'une atteinte des ganglions de la base au niveau de la substance noire ou du striatum ;
  • un syndrome cérébelleux caractérisé par des troubles de l'équilibre et de la coordination des mouvements (ataxie), liés à l'atteinte du cervelet ;
  • des troubles des fonctions végétatives regroupés sous le terme de dysautonomie (incontinence urinaire avec troubles de l'érection, hypotension orthostatique, sudation excessive, constipation et paralysie gastrique, ...) et de la motricité volontaire (syndrome pyramidal) liés aux lésions du tronc cérébral.

Autrefois, les neurologues ont identifié trois maladies qu'ils pensaient distinctes et qui s'exprimaient par un ensemble de symptômes précédents : l'atrophie olivo-ponto-cérébelleuse, le syndrome de Shy-Drager et la dégénérescence sriato-nigrique. Le premier était caractérisé par un syndrome cérébelleux prédominant couplé à des troubles végétatifs, avec une présentation assez atypique. Le second syndrome associait des troubles végétatifs prédominants à des syndromes parkinsonien, pyramidal et cérébelleux. Enfin, le troisième se caractérise par un syndrome parkinsonien prédominant, causé par une dégénérescence combinée de la substance noire et du striatum (d'où le nom de dégénérescence striato-nigrique). Avec le temps, la communauté scientifique s'est aperçue que ces trois syndromes étaient en réalité des présentations différentes d'une même maladie, l'atrophie multi-systématisée. De nos jours, on ne distingue que deux sous-types d'AMS : une variante AMS-P avec les troubles parkinsoniens au premier plan et une variante AMS-C où le syndrome cérébelleux est prédominant. L'AMS-P correspond peu ou prou à la dégénérescence striato-nigrique, alors que l'AMS-C correspond à l'atrophie olivo-ponto-cérébelleuse. Le syndrome de Shy-Dager n'est plus vraiment considéré comme un sous-type pertinent, mais il est parfois utilisé quand les symptômes dysautonomiques prédominent et qu'on ne sait pas quel sous-type exprime le patient.

Il n'y a pas encore de traitement curatif pour cette affection, comme pour toutes les maladies neurodégénératives. Le traitement est essentiellement symptomatique et vise à réduire les troubles parkinsoniens et cérébelleux, ainsi que les troubles végétatifs. Le patient est mis sous levodopa, pour corriger le syndrome parkinsonien, et il répond initialement généralement bien au traitement. Mais l'efficacité du traitement est cependant temporaire et finit pas disparaître très rapidement. Le traitement du syndrome cérébelleux est plus difficile, vu qu'il est insensible à la plupart des médicaments du système nerveux connus à ce jour. La kinésithérapie et la rééducation sont très importantes, notamment pour éviter les chutes ou les accidents.

La démence à corps de Lewy modifier

La démence à corps de Lewy est une maladie intermédiaire entre Alzheimer et Parkinson, que ce soit au niveau des symptômes ou des lésions cérébrales. Il s'agit à la fois d'une synucléopathie et d'une tauopathie similaire à Alzheimer. Précisément, elle se caractérise par la présence dans le cerveau d'amas microscopiques qui contiennent de la protéine Tau et de l'Alpha-Synucléine, amas qui portent le nom de corps de Lewy. Outre ces corps de Lewy, on trouve en parallèle une accumulation de plaques séniles, souvent retrouvée chez les patients.

Les symptômes sont similaires à ceux de la maladie d'Alzheimer et de la maladie de Parkinson, sauf qu'ils sont réunis sur le même patient : le syndrome parkinsonien est associé à un syndrome Alzheimer constitué d'une démence avec troubles intellectuels et mnésiques, parfois à des troubles du comportement. Le patient subit aussi, dans 75% des cas, des hallucinations visuelles, qu'il peut ou non confondre avec une perception réelle. L'expression de ces symptômes est cependant assez variable selon les patients, d'où une difficulté de diagnostic assez importante. Les troubles de l'attention et de l’intellect arrivent généralement en premier, suivi par les troubles moteurs parkinsoniens et les troubles mnésiques typiques d'Alzheimer

Les traitements de la maladie sont grosso-modo les mêmes que ceux utilisés pour soigner Parkinson et Alzheimer : lévodopa et agonistes dopaminergiques pour le syndrome parkinsonien et quelques cholinergiques pour la démence. À noter que les patients atteints sont intolérants aux antipsychotiques (pour rappel, ces médicaments réduisent la quantité de dopamine dans le cerveau, ce qui aggrave les syndromes parkinsoniens). Ceux-ci aggravent les crises de délires/hallucinations, sans compter que les effets secondaires sont particulièrement forts et peuvent aller jusqu’à un syndrome malin des neuroleptiques ou une catatonie sévère. Il arrive que les patients reçoivent de tels traitements pour calmer les troubles neuropsychiatriques induits par la maladie (délires, crises psychotiques, hallucinations visuelles), quand celle-ci n'est pas encore diagnostiquée.

La paralysie supra-nucléaire progressive modifier

La paralysie supra-nucléaire progressive (PSP) est une maladie neurodégénérative de la classe des syndromes parkinsoniens atypiques. Elle se caractérise par des troubles oculomoteurs (i.e des mouvements des yeux) couplés à des problèmes d'équilibre, un syndrome parkinsonien et des troubles cognitifs similaires aux démences fronto-temporales. Les troubles oculomoteurs commencent par toucher les mouvements verticaux des yeux, qui deviennent plus laborieux et posent divers problèmes pour lire, pour regarder un film, ... Avec le temps, les mouvements verticaux des yeux se paralysent progressivement, ce qui donne un symptôme appelé ophtalmoplégie supra-nucléaire (ophtalmoplégie signifie paralysie oculaire, le terme supra-nucléaire indique la localisation des lésions qui causent cette paralysie oculaire). La maladie peut aussi s'exprimer par un syndrome parkinsonien, ainsi que par des troubles cognitifs qui vont d'assez légers à beaucoup plus sévères selon les patients. Les symptômes obligatoires sont les troubles oculomoteurs et de l'équilibre, et forment à eux deux le syndrome de Richardson. Celui-ci est cependant un signe tardif, c'est à dire qu'il apparaît rarement en début de maladie. La PSP commence par d'autres troubles, sur lesquels vient s'ajouter ensuite le syndrome de Richardson, chose qui est parfois source de mauvais diagnostic initial. Les autres symptômes exprimés permettent de distinguer plusieurs sous-types de la PSP.

  • La première variante se caractérise par un syndrome de Richardson isolé.
  • La PSP avec parkinsonisme exprime un syndrome parkinsonien, qui répond mal, voire pas du tout, à la lévodopa et aux autres traitements.
  • La PSP avec akinésie pure et freezing de la marche se caractérise par un syndrome parkinsonien atypique, où les tremblements et la rigidité musculaire sont absents (du moins, au début de la maladie).
  • La PSP avec aphasie progressive non-fluente se traduit par une aphasie progressive non-fluente, les signes moteurs de la PSP apparaissant tardivement.

La PSP est une tauopathie qui apparaît lors du grand âge, vers 60-70 ans, parfois plus tard. Elle se caractérise par des anomalies dans le fonctionnement des astrocytes, l'accumulation de protéine tau dans le cerveau, ainsi qu'une mort neuronale assez localisée. Les lésions cérébrales induites par la maladie se trouvent dans le tronc cérébral, les ganglions de la base, le cortex cérébral, le cervelet et dans quelques autres aires cérébrales à des degrés divers. Les ganglions de la base sont souvent les plus touchés, comme dans la maladie de Parkinson, ce qui donne un syndrome parkinsonien assez visible. Les différents types de PSP proviennent du fait que toutes les aires cérébrales touchées le sont à des degrés divers chez le patient. Par exemple, ceux dont les ganglions de la base sont plus sévèrement touchés vont exprimer un PSP avec parkinsonisme. De même, ceux avec une forte atteinte du néocortex, dans les lobes temporal et frontal, vont exprimer une PSP avec aphasie progressive non-fluente.

La dégénérescence cortico-basale modifier

La dégénérescence cortico-basale (DCB) est une maladie neurodégénérative très rare, qui se manifeste par un syndrome parkinsonien atypique. Elle touche à peine 5 personnes sur 100 000 et démarre entre 60 et 80 ans. Il s'agit d'une tauopathie qui atteint surtout les ganglions de la base et le cortex cérébral (surtout les régions frontales et pariétales). On devine donc qu'elle va s'exprimer par un syndrome parkinsonien (atteinte des ganglions de la base), d'une démence (atteinte corticale) et d'une apraxie - difficulté d'utilisation des objets (régions frontales et pariétales). Ces symptômes principaux, que sont le syndrome parkinsonien atypique et la démence, sont complétés par toute une constellation de symptômes neurologiques divers. D'ordinaire, on trouve des myoclonies (crises épileptiques particulières), des signes sensoriels et des troubles du tonus musculaire (dystonie). Au début de la maladie, le syndrome parkinsonien est surtout présent d'un côté du corps, mais il devient souvent bilatéral avec l'évolution de la maladie.

Les théories du vieillissement cérébral modifier

Divers théories visent à rendre compte du vieillissement cérébral, notamment pour ce qui d'expliquer quelles sont les aires cérébrales qui résistent le mieux au vieillissement. On pourrait notamment citer les modèles HAROLD, PASA, et bien d'autres. Nous allons voir ceux-ci dans ce qui suit. Nous ne détaillerons cependant pas les études qui ont mené à ces théories. Sachez juste que ces théories visent à rendre compte des patrons d'activation cérébrales lors de diverses tâches cognitives. En clair, ces théories visent à interpréter les résultats provenant des études de neuro-imagerie. La seule exception est la dernière théorie, celle de la réserve cérébrale. Mais laissons cela à plus tard.

Le modèle PASA modifier

Le modèle PASA (Posterior-anterior shift in aging) est né de diverses observations en neuro-imagerie. Celles-ci montrent que l'activité cérébrale montre des patrons différents suivant l'âge. Chez les sujets jeunes, les portions postérieures du cerveau (celles situées à l'arrière du cerveau), sont moins actives lors de certaines tâches. Mais pour des mêmes tâches, les sujets âgés activent plus les aires postérieures, en défaveur des aires antérieures (localisées à l'avant du cerveau). Il se pourrait que ce changement soit lié à un processus de compensation. Les aires antérieures, liées aux processus sensoriels, perdraient en efficacité au fil du temps. Les aires frontales s'activeraient en plus pour compenser la baisse d'efficacité des aires antérieures.

Le modèle CRUNCH modifier

Le modèle CRUNCH (Compensation-Related Utilisation of Neural Circuit Hypothesis) provient essentiellement d'études sur le fonctionnement de la mémoire à court-terme (la mémoire de travail), une forme de mémoire limitée à quelques secondes, capable de mémoriser un nombre limité d'items (7 +/- 2 items, selon la légende). Cette théorie postule que le cerveau des personnes âgées, devenu moins efficient, doit compenser ses déficits. Pour cela, le cerveau active certaines aires cérébrales bien plus fort que chez les sujets jeunes. De plus, des aires supplémentaires sont recrutées, aires qui ne sont pas utilisées chez les jeunes dans les tâches étudiées. Toujours est-il que ce modèle postule que ces mécanismes compensatoires fonctionnent jusqu'à un certain point. Les tâches les plus faciles gardent ainsi un niveau de performance similaire à celui des jeunes, les mécanismes de compensation fonctionnant parfaitement. Par contre, les tâches plus difficiles voient une baisse de performance quand les mécanismes de compensation sont dépassés.

La théorie de la réserve cognitive modifier

Tous les individus ne sont pas égaux face aux dommages cérébraux, notamment ceux du vieillissement cérébral. On sait que certaines personnes récupèrent mieux après un AVC, ou conservent une bonne partie de leurs capacités suite au vieillissement. Certains patients semblent même n'avoir aucun déficit visible alors que leur cerveau a été fortement touché par le vieillissement. Pour donner un exemple, on peut citer l'étude de Katzman, Aronson et Fuld P, nommée "Development of dementing illnesses in an 80-year-old volunteer cohort.". Dans celle-ci, les auteurs relatent le cas de 10 femmes sans déficits cognitifs, dont l'autopsie montra qu'elles étaient pourtant atteintes d'une maladie d'Alzheimer particulièrement avancée ! Et cette observation est loin d'être isolée : d'autres études ont montré que les dégâts observés dans le cerveau ne sont pas vraiment corrélés aux déficits cognitifs ou comportementaux.

De nos jours, on rend compte de ces observations en faisant appel à la notion floue, bien qu'utile, de réserve. Celle-ci dit que les sujets peuvent avoir une sorte de réserve, quelque chose qui permettrait de compenser les lésions cérébrales. Divers mécanismes permettent d'expliquer en quoi consiste cette réserve, mécanismes qui permettent d'identifier deux formes de réserves : une réserve passive et une réserve active.

La réserve passive a la première à avoir été postulée, dans l'étude mentionnée plus haut, portant sur les 10 femmes étudiées. Les chercheurs pensaient que ces femmes ne montraient pas de déficit parce que leur cerveau était plus gros que la normale. La mort neuronale laisse ainsi suffisamment de neurones et de synapses pour ne pas laisser transparaître de déficits évidents. Il faudrait qu'un certain seuil de mort neuronale soit présent pour que des déficits se manifestent. Il est alors postulé que le vieillissement ait lieu à un rythme presque identique entre les personnes, le taux de mort neuronale étant similaire chez les sujets sains. Ce n'est que quand un certain seuil de neurones/synapses restant est atteint que les déficits se manifestent. Dans ce cas, le nombre initial de neurones et de synapses est l’élément qui détermine le délai avant l'apparition des troubles.

La réserve active, aussi appelée réserve cognitive, est plus floue à comprendre. Elle explique le fait qu'à dommages similaires, des patients différents peuvent avoir des performances cognitives très différentes, de très bonnes pour les uns à très mauvaises pour d'autres. Il s'agit d'une forme de réserve basée sur des stratégies compensatrices : les patients avec une bonne réserve peuvent résoudre une tâche avec un grand nombre de stratégies cognitives, plus élevé que chez les patients avec une mauvaise réserve. Ainsi, si la stratégie principale ne peut être utilisée par manque de ressources cognitives ou à cause d'une lésion, les patients avec une bonne réserve vont pouvoir régler le problème avec des stratégies alternatives, là où ceux avec une faible réserve ne réussiront pas.

On sait que les personnes qui ont un niveau d'éducation scolaire élevé ont des déficits retardés, ceux-ci apparaissant plus tard que chez les sujets moins éduqués. Il existe aussi une corrélation similaire avec l'intelligence ou la cognition dans les années préscolaires. Cela ne ralentit pas la vitesse du vieillissement cérébral, qui a lieu au même rythme chez tous les sujets. Mais une réserve cognitive plus élevée à la base permet au seuil d'être atteint plus tard. Il est clair que cette réserve n'est cependant pas infaillible. Il est supposé, avec de fortes présomptions, que la réserve retarde l'apparition des déficits cognitifs sans pour autant les empêcher. Une fois que les déficits apparaissent, ceux-ci sont nettement plus soudains chez les personnes avec une forte réserve.