Neurosciences/Le maintien de la posture et le tonus musculaire

Peut-être avez-vous déjà entendu le terme "tonus musculaire", sans trop savoir ce qu'il signifie. Dans le langage commun, tonus est synonyme d'énergie, de vigueur. Cette signification intuitive est parfaitement applicable au tonus musculaire : il définit en quelque sorte l'énergie, la vigueur des muscles. Il va de soi que ce tonus musculaire est dépendant du contrôle moteur des muscles. Dans ce chapitre, nous allons voir à la fois le maintien de la posture et le tonus musculaire. Le choix de voir ces deux sujets dans un seul chapitre est assez facile à comprendre : le tonus musculaire est très important pour l'équilibre, le maintien de la posture : sans lui, nos muscles ne pourraient pas garder notre corps en position debout.

Le tonus musculaire modifier

Le tonus musculaire correspond à l'état de contraction plus ou moins permanent des muscles, qui leur sert à lutter contre la gravité. En effet, les muscles sont tous légèrement contractés en permanence, y compris lors du sommeil. Ce n'est que quand on perd connaissance (lors de certains comas, notamment), ou lors de certains troubles moteurs, que ce tonus disparaît. On s'en rend alors compte assez facilement, en essayant de bouger le bras ou la jambe du patient : celle-ci n'oppose alors aucune résistance si le tonus a disparu.

Les circuits réflexes du tonus modifier

Le tonus musculaire est maintenu en partie par divers réflexes, les deux plus importants étant le réflexe myotatique et le réflexe tendineux de Golgi. Ces deux arcs réflexes sont commandés par des récepteurs proprioceptifs situés dans les muscles ou les tendons. Les récepteurs sensoriels en question sont des propriocepteurs, soit des fuseaux neuromusculaires (des propriocepteurs localisés dans le corps musculaire), soit des organes tendineux de Golgi (des propriocepteurs localisés dans les tendons). Ces propriocepteurs sont sensibles à l'étirement d'un muscle ou à sa contraction.

Le réflexe myotatique contracte un muscle quand celui-ci est soumis à un étirement non-volontaire. Il est pris en charge par un arc réflexe qui fait intervenir les fuseaux neuromusculaires, des fibres musculaires modifiées qui renseignent le système nerveux sur l'état de contraction/étirement d'un muscle. Ils émettent des axones en direction d'un motoneurone situé dans la moelle épinière, qui fait synapse sur le même muscle que le fuseau neuromusculaire concerné. Lorsque le muscle s'étire, le fuseau neuromusculaire s'active, ce qui excite le motoneurone en réaction. Le motoneurone commande alors une contraction/étirement du muscle en question, de manière à contrecarrer le mouvement du muscle. Ainsi, si un muscle s'étire, le circuit réflexe va automatiquement compenser cet étirement en commandant une contraction (et inversement).

Mais le réflexe myotatique ne suffit à lui seul à rendre compte du tonus musculaire. En effet, ce réflexe est un réflexe médullaire, qui passe par la moelle épinière, sans passer par le cerveau. Or, le tonus musculaire est aussi commandé au moins en partie par le cerveau, sans quoi la motricité volontaire ne serait pas possible. Outre ces circuits réflexes, le cerveau émet des axones en direction des motoneurones de la moelle épinière, par l'intermédiaire des faisceaux pyramidal/extrapyramidal. Chaque motoneurone est donc innervé par le fuseau neuromusculaire et par les axones provenant du cerveau, rarement un seul des deux. Mais outre cette double commande des motoneurones, le réflexe myotatique est modulé par un autre mécanisme. En effet, les fuseaux neuromusculaires sont innervés par des motoneurones dits gamma, qui règlent leur sensibilité. Ceux-ci permettent de régler le tonus musculaire voulu, celui de base : plus le motoneurone gamma émet de potentiels d'action, plus le tonus musculaire de base sera élevé.

 
Commande des motoneurones de la moelle épinière par le cerveau et par les fuseaux neuromusculaires. Ici, l'exemple pris est celui d'un muscle de la jambe. On voit que le motoneurone est commandé à la fois par le faisceau pyramidal (tractus pyramidalis) et par l'arc du réflexe myotatique spinal.

Outre le réflexe myotatique, il faut aussi parler du réflexe tendineux de Golgi. Ce réflexe est un peu l'inverse du réflexe myotatique, dans le sens où ils se manifestent dans des situations opposées. Là où le réflexe myotatique protège le muscle contre un étirement involontaire, le réflexe tendineux de Golgi protège contre une contraction trop importante. Et plus précisément, il empêche un muscle de déployer une force trop importante. 9Il permet aussi de répartir la force sur plusieurs fibres musculaires dans le muscle. Si le muscle est soumis à une contraction/tension trop importante, ce réflexe inhibe la contraction du muscle. Il prend naissance dans les corps tendineux de Golgi, qui sont pour rappel des propriocepteurs situés entre le muscle et le tendons. Ceux-ci émettent des axones en direction d'interneurones inhibiteurs localisés dans la moelle épinière, qui eux-mêmes font synapse avec les motoneurones alpha qui commandent la contraction du muscle.

Les troubles du tonus musculaire modifier

Le tonus musculaire dépend fortement de l'intégrité des voies descendantes, ainsi que des aires cérébrales motrices. Diverses pathologies peuvent entrainer des troubles du tonus musculaire : section de la moelle épinière, maladie de Parkinson, etc. Par exemple, on a vu que les malades de Parkinson sont atteints d'une raideur qui les handicapent dans leurs déplacements. Formellement, cette raideur est en partie causée par un tonus musculaire plus important que la normale. Leur tonus musculaire est alors trop important par rapport au tonus d'un sujet sain : on parle alors d'hypertonie. L'hypertonie est à opposer à l'hypotonie, caractérisée par un tonus diminué par rapport à la normale.

Hypertonie et hypotonie sont souvent confondues avec les paralysies spastiques et plastiques, qui sont, pour rappel, deux formes de paralysies qui se traduisent par des anomalies du tonus musculaire qui associent hypotonie/hypertonie avec d'autres symptômes. La différence entre les deux provient du lieu de la lésion : un dysfonctionnement des motoneurones inférieurs entraine une paralysie flasque alors qu'une atteinte des motoneurones supérieurs cause une paralysie spastique. En général, l'hypotonie d'un muscle a lieu quand le réflexe myotatique ne fonctionne plus, et ne peut plus contracter les muscles, qui perdent tout tonus. Le circuit du réflexe myotatique est alors endommagé, soit parce que les motoneurones sont dysfonctionnels, soit parce que les fibres proprioceptives Ia sont lésées. L'hypertonie implique une lésion des motoneurones gamma : ceux-ci ne peuvent plus commander la contraction de base, qui devient alors insensible à toute commande provenant du système nerveux central. Le tonus musculaire ne peut plus être modulé par le système nerveux central, et garde sa valeur non-commandée, valeur qui est hypertonique.

On pourrait croire que la spasticité est la seule forme d'hypertonie, mais il n'en est rien. En réalité, il faut aussi citer l'hypertonie extra-pyramidale, aussi appelée rigidité ou raideur. La différence est que la spasticité est une hypertonie causée par une lésion du faisceau pyramidal, alors que la rigidité est causée par une lésion extra-pyramidale. La rigidité se caractérise par une contraction constante des muscles, qui est indépendante de la vitesse. Là où une spasticité se traduit par un tonus qui s'oppose activement aux mouvements des bras/jambes, la rigidité donne une résistance passive. Plus précisément, la contraction (le tonus) est dépendant de la vitesse imposée au bras/jambes dans le cas de la spasticité, alors qu'elle est totalement indépendante dans le cas de la rigidité. Cette dernière est typique dans la maladie de Parkinson, ce qui pousse à croire que la rigidité provient d'une atteinte des ganglions de la base.

Les postures lésionnelles modifier

 
Position de décérébration.

D'autres anomalies du tonus peuvent s'observer lors de lésions corticales ou sous-corticales : ce sont les positions de décortication et de décérébration. Ces deux positions sont clairement de mauvais signe, surtout qu'elles ne s'observent que suite à des lésions assez graves, souvent lors des comas. Elles peuvent s'observer lors d'un processus expansif (tumeur ou hémorragie), consécutif à une hémorragie cérébrale : elles sont alors signes qu'un engagement est en cours, au niveau du tronc cérébral. En clair, c'est le signe que le patient a son pronostic vital engagé.

La position de décortication s'observe suite à des lésions sous-corticales, qu'elles soient télencéphaliques ou diencéphaliques. Elle se traduit par une légère flexion du tronc et des membres supérieurs (main, bras), alors que les membres inférieurs sont stables ou légèrement étirés (surtout aux extrémités). L'apparition de cette position signifie que les lésions se localisent au-dessus du mésencéphale.

La position de décérébration s'observe quant à elle quand le tronc cérébral est lésé. Cette position est approximativement l'inverse de la position de décortication : les membres supérieurs sont légèrement étirés et ont tendance à tourner sur eux-mêmes en direction des avant-bras. Les membres inférieurs sont légèrement étirés eux aussi, cependant.

Le maintien de la posture modifier

 
Centre de gravité et posture debout.

Garder l'équilibre est une chose assez complexe, mais relativement simple : le cerveau doit contrôler la position du centre de gravité du corps. Le centre de gravité du corps est simplement le centre du corps, l'endroit où l'on peut concentrer son poids et sa masse sans que cela change son comportement. Le cerveau doit juste faire en sorte que le centre de gravité du corps soit situé au-dessus de la base du corps, son polygone de sustentation. Celui-ci est la surface du sol délimité par les points sur lesquels notre corps "appuie". En clair, ce polygone est grosso-modo délimité par les deux pieds, du moins approximativement. Si le centre de gravité est situé à la verticale du polygone de sustentation, alors on ne tombe pas : le corps est en équilibre. Ce n'est que lorsque le centre de gravité sort de ce polygone qu'une chute a lieu. Garder l'équilibre demande que votre cerveau commande des muscles, appelés muscles posturaux. Cette commande doit être suffisamment rapide, sans quoi le sujet peut tomber. Ces muscles doivent conserver un tonus minimal nécessaire pour conserver la station debout : ce tonus minimal est appelé le tonus de repos, ou tonus postural.

Les aires cérébrales impliquées dans l'équilibre modifier

On a vu il y a quelques chapitres l'existence du système vestibulaire, qui permet de mesurer toute information en lien avec l'équilibre. On a vu que ces informations sont envoyées aux noyaux vestibulaires, qui eux-mêmes font synapse avec les aires cérébrales liées au maintien de la posture. Sans compter que la proprioception joue aussi un grand rôle dans le maintien postural. La commande des muscles posturaux doit être très rapide, ce qui fait que de nombreux réflexes sont impliqués dans le maintien de la posture. Ces réflexes font intervenir les noyaux vestibulaires et proprioceptifs, qui innervent directement la moelle épinière. Ces réflexes sont complémentés par d'autres voies parallèles, qui impliquent le cervelet, les aires motrices corticales et/ou des noyaux du tronc cérébral. L'action de ces aires cérébrales permet aux muscles de conserver le tonus postural.

 
Aires cérébrales chargées de l'équilibre

Le noyau rouge modifier

 
Position du noyau rouge.

Le noyau rouge est une structure du mésencéphale, qui donne naissance au faisceau rubrospinal de la moelle épinière. Son nom est lié à sa couleur rougeâtre, liée à la teneur en Fer de ses neurones. Du point de vue de l'évolution des espèces, le noyau rouge est la structure la plus ancienne en charge de l'équilibre ou de la locomotion. Les premiers animaux à disposer d'un noyau rouge sont apparemment certains reptiles et quelques poissons, dont les raies semblent être les cas les plus anciens. Chez ces animaux "peu évolués", le maintien de la posture est pris en charge par la moelle épinière, ainsi que par le noyau rouge. Chez les vertébrés plus évolués, le cervelet a pris de plus en plus d'importance par rapport au noyau rouge, avec lequel il travaille cependant de concert. Enfin, chez les primates, l'influence des aires corticales est devenue prédominante, avec l'implication secondaire du cervelet. Le noyau rouge a une influence nettement diminuée, potentiellement vestigiale. Chez les humains, le faisceau rubrospinal est si réduit qu'il n'innerve que les membres du haut du corps (les bras, avant-bras, mains, ...), alors qu'il innerve tous les membres chez les espèces plus anciennes.

Anatomiquement, le noyau rouge est composé de deux sous-noyaux : un noyau parvocellulaire composé de petites cellules (parvo = petit) et un noyau magnocellulaire composé de grosses cellules (magno = gros). Suivant les espèces, ces deux noyaux vont être plus ou moins développés. Par exemple, on observe un développement plus important du noyau parvocellulaire chez les primates, alors qu'il reste petit chez les autres espèces. On observe l'inverse pour le noyau magnocellulaire, qui est très développé chez les vertébrés "inférieurs", alors qu'il a une taille en déclin chez les primates. On peut remarquer que le noyau magnocellulaire est la source du faisceau rubrospinal, ce qui signifie qu'il est le seul à être impliqué dans l'équilibre et/ou la locomotion. On peut interpréter la réduction de la taille du noyau magnocellulaire comme le déclin du contrôle postural par le noyau rouge : les aires corticales et les voies pyramidales le remplacent. Le noyau rouge magnocellulaire serait conservé comme voie de secours en cas de lésion des voies pyramidales, comme semblent le suggérer quelques expériences sur des gibbons. Les fonctions de l'autre noyau sont moins claires, ce qui fait qu'il est difficile d'interpréter son développement.

La formation réticulée modifier

La formation réticulée est la source du faisceau reticulo-spinal, un des quatre faisceaux extra-pyramidaux de la moelle épinière. De nombreux neurones de la formation réticulée innervent les motoneurones de la moelle épinière par l'intermédiaire du faisceau réticulo-spinal. Un bon exemple est celui des noyaux du Raphé du bulbe rachidien, qui innervent directement la moelle épinière, mais ceux-ci sont loin d'être les seuls. Quoi qu'il en soit, les motoneurones innervés par la formation réticulée sont des motoneurones alpha et gamma, ce qui signifie qu'elle commande le tonus musculaire aussi bien directement (motoneurones alpha) qu'indirectement (motoneurones gamma). L'innervation des motoneurones gamma sert essentiellement à contrôler les réflexes myotatiques, d'où une influence indirecte, là où l'innervation des motoneurones alpha permet une commande directe du tonus musculaire.

Pour simplifier, le faisceau réticulo-spinal est divisé en deux faisceaux plus petits : un faisceau réticulo-spinal médian, et un faisceau réticulo-spinal latéral. Les différences entre les deux sont à la fois anatomiques et fonctionnelles. Au niveau anatomique, le faisceau latéral nait dans le bulbe rachidien alors que le faisceau médian prend naissance dans le mésencéphale et le pont de Varole. Le premier transmet les innervations inhibitrices, à savoir qu'ils réduisent l'intensité du réflexe myotatique. Leur action est de diminuer la lutte contre la gravité. Le faisceau médian a une utilité exactement inverse : il transmet les influx nerveux activateurs, ceux qui favorisent la lutte contre la gravité. Ceux-ci augmentent l'intensité du réflexe myotatique spinal et vont aussi augmenter la lutte contre la gravité des muscles.

 
Formation réticulée et posture.

Le vestibulocervelet modifier

Nous avons vu dans le chapitre précédent que le cervelet est subdivisé en plusieurs sections fonctionnelement indépendantes : le vestibulocervelet, le spinocervelet et le cérébrocervelet. Si les deux derniers n'ont aucun rapport avec l'équilibre, ce n'est pas le cas du premier. Le vestibulocervelet est en effet relié aux noyaux vestibulaires, duquel il reçoit des afférences et vers lequel il émet des éfférences. Le vestibulocervelet est aussi relié à la formation réticulée, sur laquelle il a une influence certaine.

 
Vestibulocervelet.

Les troubles neurologiques de l'équilibre (ataxies) modifier

Toute lésion ou tout dysfonctionnement des aires cérébrales mentionnées plus haut entraine des troubles de l'équilibre variés. Pour simplifier, ces troubles de l’équilibre sont appelés des ataxies, bien que ce ne soit pas le bon terme à utiliser. Le terme "ataxie" désigne, à la base, tout trouble de la coordination des mouvements volontaires. Mais les ataxies s'expriment le plus souvent, pour ne pas dire tout le temps, par des troubles de l'équilibre et de la marche, ce qui fait qu'on fait souvent la confusion entre "ataxie" et "troubles de l'équilibre/de la marche". Mais dans les faits, l'ataxie peut aussi dégrader la parole, les mouvements oculaires, ou bien d'autres formes de motricité. Mais dans cette section, nous allons nous concentrer sur l'ataxie en tant que trouble de la marche ou de la posture.

Les syndromes ataxiques modifier

L'ataxie désigne tout trouble de l'équilibre, de la posture, ou de la marche. Elle peut s'exprimer pour la station debout, pour la marche/course, ou lors des mouvements volontaires de manière générale. Si on regarde les symptômes ataxiques, on peut classer les ataxies selon plusieurs types génériques :

  • L'ataxie statique altère la station debout du patient, mais ne dégrade pas la marche/course, ni les mouvements volontaires ;
  • L'ataxie locomotrice désigne tout trouble de la marche et/ou de la course, sans altération de la posture ou des mouvements volontaires ;
  • L'ataxie cinétique altère la coordination des mouvements volontaires, sans retentir sur la station debout.

Évidemment, dans la réalité, ces trois formes pures d'ataxie ne suffissent pas à décrire tous les cas rencontrés en clinique. Par exemple, beaucoup de patients ont des troubles à la fois pour la station debout et la marche, ce qui fait qu'ils ont à la fois une ataxie statique et une ataxie locomotrice. Ces cas de double ataxie, où une ataxie statique est combinée à une autre forme d'ataxie (locomotrice ou cinétique), sont regroupés dans ce qu'on appelle les ataxies stato-cinétiques.

Les ataxies selon leur cause modifier

Les causes des ataxies sont nombreuses, mais elles peuvent se classer en deux types : les ataxies d'origine sensitive, où la cause vient d'un problème sensoriel, et les ataxies d'origine motrice, où c'est la commande des muscles posturaux qui est en cause. Ces deux causes font que les symptômes sont légèrement différents : les ataxies d'origine motrice présentent des symptômes purement moteurs qu'on ne retrouve pas avec les ataxies d'origine sensitive. Par exemple, la présence de troubles de l'articulation, des mouvements oculaires anormaux, où encore des anomalies de certains réflexes, n'est possible que pour les ataxies motrices. De plus, pour les ataxies sensorielles, les troubles sont accentués quand on demande au patient de fermer les yeux, le patient utilisant l'information que lui envoient ses yeux pour corriger sa posture ou sa démarche. Cela se voit moins avec les ataxies purement motrices, où le patient perçoit correctement sa posture et garde son sens de l'équilibre : ouvrir ou fermer les yeux a certes un impact, mais pas aussi visible qu'avec les ataxies sensitives.

Les ataxies d'origine sensitive peuvent se classer en deux grands sous-types, sur lesquelles nous allons passer rapidement : les ataxies vestibulaires proviennent d'un trouble de l'équilibrioception, les ataxies sensorielles sont la conséquence d'un trouble de la proprioception. Pour les ataxies motrices, on peut en distinguer plusieurs grands types : les ataxies cérébelleuses sont causées par un trouble du cervelet et les ataxies frontales sont causées par des lésions du cortex frontal. Elles s'accompagnent généralement d'autres troubles moteurs, comme un défaut de coordination général, des troubles de la parole et de l'articulation, des mouvements oculaires anormaux, etc. Du moins, c'est le cas pour les ataxies cérébelleuses, mais c'est déjà moins fréquent pour les ataxies frontales.

L'ataxie vestibulaire : Les troubles de l'équilibrioception sont causés par des maladies qui touchent les noyaux vestibulaires et/ou l'oreille interne. Outre l'ataxie, on sait que ces troubles sont accompagnés de vertiges, de nausées et de vomissements. Le point principal est qu'ils entraînent des vertiges, ce qui se répercute sur la marche et la posture : c'est cela qui cause l'ataxie. L'ataxie vestibulaire qui en résulte peut causer des chutes, des difficultés à marcher, etc. Fait important, l'ataxie est à la fois statique et locomotrice, mais ne présente pas de caractère cinétique : la posture et la marche sont troublés, mais pas les autres mouvements volontaires. Pour ce qui est de l’ataxie statique, les patients ont tendance à chuter, presque toujours du même côté, ce qui est encore plus marqué quand on demande au patient de fermer les yeux. De plus, si on lui demande de tendre ses doigts en face de lui, yeux fermés, les doigts ont tendance à dévier, toujours du même côté. Pour l'ataxie locomotrice, le patient a tendance à dévier d'un côté lors de la marche, avec encore une fois une aggravation lors de la fermeture des yeux.

L'ataxie proprioceptive est causée par des troubles de la proprioception. Elle entraîne à la fois une ataxie statique, une ataxie locomotrice et une ataxie cinétique. Pour l'ataxie statique, le patient a tendance à tomber, mais des deux côtés et sans préférence particulière pour un côté. Pour l'ataxie locomotrice, la démarche ressemble à grandes enjambées : le patient jette son pied devant lui et le pose brutalement en posant le talon. Tout se passe comme s'il ne savait pas où est le sol devant lui et qu'il essayait d'être le plus prudent possible. En fait, le patient ne ressent pas sa jambe, ou du moins il ne sait où elle est, et doit composer avec ce manque.

L'ataxie frontale est aussi appelée apraxie de la marche et de la posture ou encore ataxie de Burns. Elles se caractérisent par une ataxie statique et locomotrice, mais sans symptômes cinétiques particuliers. Pour les problèmes de statique, le patient exprime divers symptômes : il a tendance à chuter en arrière (rétropulsion) que ce soit spontanément ou suite à un déséquilibre provoqué, le moindre déséquilibre suffit à faire tomber le malade, le polygone de sustentation est élargi, le malade n'arrive plus à contrôler les mouvements de son tronc, il se tourne "en bloc" d'une façon très rigide. Au niveau locomoteur, on observe les symptômes suivants : le patient a du mal à initier les mouvements de marche, les pieds restent collés au sol et rampent pour avancer.

Les ataxies cérébelleuses sont, comme leur nom l'indique, causées par un dysfonctionnement du cervelet. Elles sont souvent accompagnées par d'autres symptômes qui forment le syndrome cérébelleux : des troubles des mouvements oculaires (nystagmus), de l'articulation (dysarthrie), de la voie (dysphonie), de la déglutition (dysphagie), hypotonie, dysmétrie, etc. On peut distinguer plusieurs sous-types, selon le lobe cérébelleux touché : une lésion du vestibulocervelet cause une ataxie statique, une lésion du spinocervelet cause une ataxie locomotrice, alors que les lésions du cérébrocervelet causent une ataxie cinétique. L'ataxie du vestibulocervelet se caractérise par un élargissement du polygone de sustentation et des chutes plus ou moins fréquentes, avec un équilibre assez mauvais. Pour l'ataxie du spinocervelet, elle ne manifeste par une démarche altérée, qui ressemble à celle d'un homme ivre. Enfin, l'ataxie du cérébrocervelet est purement cinétique, sans trop de problèmes de statique. Dans les faits, les trois sous-types sont souvent exprimés en même temps par le patient.