Neurosciences/La plasticité synaptique

Les synapses ne sont pas fixes et peuvent se reconfigurer : de nouvelles synapses peuvent se créer, d'autres mourir, etc. De plus, l'efficacité de celle-ci à transmettre l'influx nerveux d'un neurone à un autre peut varier. Cette efficacité synaptique est la capacité d'un neurone présynaptique à déclencher un potentiel d'action dans le neurone postsynaptique, capacité qui dépend des deux neurones, mais aussi de la manière dont ils émettent ou reçoivent les neurotransmetteurs dans la fente synaptique. L'ensemble de ces phénomènes de modification de l'efficacité synaptique s'appelle la plasticité synaptique.

Les scientifiques ont depuis longtemps distingué différents les types de plasticité selon leurs mécanismes et selon leur durée. Pour ce qui est de la durée, certaines formes de plasticité n'agissent que sur un temps très court, de quelques millisecondes à quelques minutes, guère plus. Elles n'ont pas de conséquences durables, ce qui leur vaut le nom de plasticités à court-terme. Elles n’entraînent pas d'apprentissage permanent et sont impliquées dans des phénomènes appelés habituation et sensibilisation à court-terme (à court terme, car il existe aussi une habituation et une sensibilisation de long-terme, aux mécanismes différents, mais bref). À l'opposé, d'autres formes de plasticité sont plus durables et causent des apprentissages permanents. On regroupe ces formes de plasticité dans ce qu'on appelle la plasticité à long-terme. Elle implique systématiquement des changements liés aux récepteurs synaptiques ou la formation/destruction de synapses.

Les mécanismes de la plasticité synaptique

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Comme on va le voir, il existe des types très différents de plasticité synaptique, qui se basent sur des mécanismes très différents et n'agissent pas sur la même temporalité. Dans les grandes lignes, on distingue une plasticité structurale et une plasticité moléculaire. La première entraîne la création ou la destruction de synapses : de nouvelles synapses se créent, des synapses inutilisées meurent, des dendrites se développent, des axones se rétractent ou grandissent, etc. La seconde est liée aux neurotransmetteurs et aux récepteurs synaptiques. Elle modifie la synthèse des neurotransmetteurs ou leur émission, ainsi que le nombre de récepteurs synaptiques ou des récepteurs de recapture.

La plasticité moléculaire : neurotransmetteurs et récepteurs

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La plasticité moléculaire peut agir soit sur les neurones post-synaptiques, soit sur les neurones pré-synaptiques. Les mécanismes en question sont rapidement résumés dans le tableau ci-dessous.

Mécanismes de la plasticité synaptique moléculaire
Neurone pré ou post-synaptique Mécanismes de la plasticité synaptique moléculaire
Neurone pré-synaptique Émission des neurotransmetteurs Charge des vésicules synaptiques
Efficacité de la fusion des vésicules synaptiques
Efficacité de la recapture
Neurone post-synaptique Sensibilité aux neurotransmetteurs Efficacité de la transduction du signal
Ajout/retrait de récepteurs synaptiques

Pour ce qui est des neurones post-synaptiques, la plasticité synaptique implique une variation de la sensibilité aux neurotransmetteurs. Deux mécanismes principaux permettent cela : soit la transduction du signal devient plus efficace, soit le nombre de récepteurs synaptiques varie. La première possibilité, la moins courante, est un changement dans la transduction du signal, les voies de signalisation devenant plus ou moins sensibles selon la situation. Les mécanismes à l'origine de cette altération de la transduction sont spécifiques à la voie de transduction considérée et il est difficile de donner des généralités dessus, ce qui fait que nous n'en parlerons pas plus que cela. La seconde possibilité est une modification du nombre de récepteurs synaptiques. Le nombre de récepteurs peut augmenter ou diminuer, rendant le neurone plus ou moins sensible au neurotransmetteur. Par exemple, le neurone peut se désensibiliser suite à une stimulation répétée, en réduisant le nombre de récepteurs synaptique. Ou à l'inverse, il peut se sensibiliser à un neurotransmetteur en ajoutant des récepteurs à sa surface.

Au niveau pré-synaptique, les mécanismes sont un peu plus divers.

  • En premier lieu, le neurone peut augmenter la charge des vésicules synaptiques, en augmentant ou réduisant la quantité de neurotransmetteurs qu'elles contiennent. Le neurone émet alors plus de neurotransmetteurs par vésicule, et donc plus de neurotransmetteurs tout court.
  • Une autre possibilité est de synthétiser plus d'enzymes qui favorisent la fusion des vésicules avec la membrane axonale. Les neurotransmetteurs sont alors émis plus rapidement par le neurone et la synapse se sature plus vite.
  • Une dernière possibilité est une modification du système de recapture, les récepteurs de recapture pouvant voir leur nombre augmenter (ou diminuer). La recapture est alors plus (moins) efficace, ce qui fait que la synapse se vide plus de ses neurotransmetteurs (moins vite). Les neurotransmetteurs peuvent alors agir plus longtemps (ou au contraire moins longtemps).

La plasticité synaptique structurale

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Enfin, on peut citer les mécanismes qui impliquent la formation ou la destruction de nouvelles synapses. De tels processus sont regroupés sous le nom de 'plasticité synaptique structurale. Nous verrons les processus de synaptogenèse dans quelques chapitres, dans les chapitres sur le développement du système nerveux.

Mécanismes de la plasticité synaptique moléculaire
Mécanismes de la plasticité synaptique structurale
Neurone pré-synaptique Ajout/retrait de boutons synaptiques
Neurone post-synaptique Ajout/retrait d'épines dendritiques
Neurones post-synaptique et pré-synaptique Formation de nouvelles synapses ou destruction de synapses existantes

La plasticité à court-terme

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La plasticité à court terme influence l'efficacité des synapses, mais l'effet ne dure pas au-delà de la seconde ou de quelques minutes. Elle entraîne une modification de l'efficacité des synapses, qui dépend de l'activité antérieure du neurone pré-synaptique. Plus le neurone pré-synaptique a été actif peu de temps auparavant, plus la synapse verra son efficacité augmentée ou diminuée. Notons que l'efficacité de la synapse peut augmenter ou diminuer, selon la situation. Cela permet de distinguer deux catégories générales de plasticité à court-terme : la dépression à court-terme et la facilitation à court-terme. La dépression à court-terme, aussi appelée fatigue synaptique, fait que le neurone présynaptique devient de moins en moins excitable à force de stimulations successives, il se fatigue à chaque potentiel d'action. À l'inverse, la facilitation à court-terme rend les neurones présynaptique et postsynaptique de plus en plus excitable à chaque fois qu'ils émettent un nouveau potentiel d'action.

Précisons que la plasticité à court-terme n'implique que des mécanismes de plasticité moléculaire, mais pas de plasticité structurale.

Dépression à court terme (fatigue synaptique) Facilitation à court terme
Description Réduction de l'efficacité de la synapse après l'émission d'un ou plusieurs potentiels d'action présynaptique Augmentation de l'efficacité de la synapse après l'émission d'un ou plusieurs potentiels d'action présynaptique
Neurone concerné Pré-synaptique
Cause et origine Réduction de la probabilité d'émission de neurotransmetteur par le neurone présynaptique Augmentation de la probabilité d'émission de neurotransmetteur par le neurone présynaptique
Précisons que le terme "facilitation synaptique de court-terme" est souvent utilisé pour désigner un sous-type particulier de facilitation (la facilitation de paires d'impulsion), ce qui fait que la terminologie change quelque peu suivant les sources.

Ces deux formes de plasticités ont lieu en même temps dans chaque synapse, mais elles se distinguent par des vitesses et des constantes de temps différentes, ce qui fait que l'une ou l'autre peut prendre le dessus en fonction de l'historique du neurone présynaptique. Ainsi, une synapse peut être dominée par les effets de la fatigue synaptique, alors qu'une autre sera dominée par la facilitation. Les synapses dominées par la fatigue synaptique tendent à ne pas laisser passer les trains de potentiels d'action à haute fréquence. Si le neurone pré-synaptique émet des potentiels d'action à une fréquence élevée, la synapse se fatiguera vite et cessera de transmettre les potentiels d'action. Pour les synapses dominées par la facilitation, c'est l'inverse : elles transmettent mieux les suites de potentiels d'action à haute fréquence : leur transmission sera facilitée par la haute fréquence de décharge.

Les différents types de plasticité synaptique de court-terme

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On vient de voir que la plasticité de court-terme peut grossièrement se subdiviser en deux types principaux, fatigue et facilitation, selon un critère d'excitation/inhibition. Mais ce critère n'est pas le seul possible et on peut aussi utiliser des critères autres, comme le mécanisme causal ou la durée du phénomène, pour distinguer différentes formes de plasticité. Si la fatigue synaptique semble être un seul et unique phénomène, sans sous-types distinguables, ce n'est pas le cas pour la facilitation. Les scientifiques ont aujourd'hui établi l'existence de plusieurs sous-types de facilitation à court terme, qui se différencient par leur durée et leurs mécanismes. Il n'existe pas qu'un seul mécanisme qui explique à lui seul les résultats expérimentaux et les scientifiques sont obligés de faire intervenir plusieurs mécanismes distincts.

En tout, on compte trois sous-types de facilitation synaptique distincts, qui portent les noms de facilitation de paires d'impulsion, augmentation synaptique de court-terme et potentialisation post-tétanique. Elles ne sont pas causées par les mêmes mécanismes moléculaires, mais ceux-ci sont encore mal connus et ne permettent pas de les distinguer clairement. La différence principale est une échelle de temps différente : l'augmentation met à peine quelques secondes avant que les effets se fassent sentir, alors que la potentialisation met quelques minutes à se mettre en place. Voyons maintenant les différents sous-types de facilitation synaptique de court-terme.

La facilitation de paires d'impulsion (paired pulse facilitation en anglais) fait qu'un neurone postsynaptique a tendance à voir son excitabilité électrique augmenter après avoir émis un potentiel d'action auparavant. Ce phénomène fait qu'un potentiel d'action favorise l'apparition du suivant, raison pour laquelle de nombreux potentiels d'action surviennent par paires (ce qui explique le nom de facilitation de paires d'impulsion). L'effet est cependant de courte durée et ne dure guère plus de quelques millisecondes.

La potentialisation post-tétanique et l'augmentation à court terme apparaissent quand le neurone présynaptique est émet une salve prolongée de potentiel d'action, de haute fréquence. Suite à une stimulation longue de haute-fréquence, le neurone présynaptique devient bien plus excitable qu'avant. Ce phénomène dure de quelques secondes à quelques minutes, ce qui est une durée particulièrement longue pour de tels phénomènes ! Cette durée permet de distinguer potentialisation/augmentation de la facilitation de paires d'impulsion. Entre quelques secondes/minutes d'un côté et quelques millisecondes de l'autre, on se doute que les deux phénomènes n'ont pas les mêmes mécanismes. Par contre, il est difficile de séparer potentialisation post-tétanique et augmentation, tant les deux phénomènes se ressemblent. La différence est surtout une question de durée : entre 1 et 10 secondes pour l'augmentation, plus de 10 secondes pour la potentialisation post-tétanique.

Les mécanismes de la plasticité synaptique de court-terme

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Les scientifiques débattent encore des mécanismes respectifs de chaque forme de plasticité, surtout pour ce qui est de la facilitation. Mais le cas de la fatigue synaptique semble être assez bien compris. Dans ce qui va suivre, nous allons voir les mécanismes à l'origine de chaque type de plasticité. Nous allons commencer par voir l'origine de la dépression, puis voir ce qu'il en est pour la facilitation. Nous allons surtout nous attarder sur les différents types de facilitation, mais sans en dire beaucoup. Il faut dire que les mécanismes de la facilitation sont mal compris et que la recherche doit encore progresser sur ce sujet.

La fatigue synaptique est due au fait qu'après une forte activité synaptique répétée, le neurone présynaptique perd sa capacité à déclencher des potentiels postsynaptiques excitateurs ou inhibiteurs. Pour être plus précis, le neurone présynaptique émet de moins en moins de vésicules avec la succession des potentiels d'action. Les chercheurs ont identifié deux mécanismes qui peuvent causer un tel comportement. Rappelons que la quantité de neurotransmetteurs libérés dépend du nombre de vésicules prêtes à fusionner avec la membrane, mais aussi de la probabilité que cette fusion ait lieu. Cela fait deux mécanismes possibles pour la fatigue : une pénurie de vésicules synaptiques, ou une réduction de la facilité avec laquelle elles fusionnent avec la membrane. À l'heure actuelle, on pense qu'une pénurie en vésicules mécanisme est la cause principale de la fatigue synaptique, les autres mécanismes étant supposés secondaires, pour ne pas dire négligeables. Ce qui fait que dans la suite du cours, nous confondrons fatigue synaptique et déplétion en vésicule synaptique induite par l'activité neuronale.

La déplétion en vésicules fait qu'à force d'émettre des neurotransmetteurs, il n'y a presque plus de vésicules synaptiques dans l'axone. Chaque émission libère environ 5% du stock axonal total de neurotransmetteur, ce qui fait qu'une salve de potentiels d'action peut rapidement épuiser le stock. Pour être plus précis, il faut rappeler l'existence de la zone active et de la zone de réserve. Les vésicules prêtes pour l'émission sont stockées au contact de la membrane du neurone, dans ce qu'on appelle la zone active. Plus à l'intérieur du neurone, on trouve des vésicules de réserve qui sont mobilisées pour remplir la zone active quand elle se vide. La fatigue synaptique a lieu quand la zone active s'est vidée de ses vésicules, mais que la zone active n'a pas encore été mobilisée. Le neurone n'a plus de vésicules dans sa zone active, mais en a encore dans sa zone de réserve. Simplement, les vésicules n'ont pas eu le temps de migrer de la réserve vers la membrane neuronale. Notons que ce mécanisme n’apparaît que si le neurone présynaptique est stimulé à une fréquence suffisante. Si la fréquence de stimulation est assez faible, le neurone peut reconstituer les stocks de vésicules synaptique entre deux potentiels d'action. Ce qui explique pourquoi la fatigue synaptique ne s'observe que pour des stimulations de haute/moyenne fréquence (plus de 1 Hz pour la plupart des neurones).

 
Mécanismes de la fatigue synaptique

Pour la facilitation synaptique à court terme, on sait que toutes sont liées au métabolisme intracellulaire du Calcium. L'entrée de Calcium a une action directe sur la libération des vésicules, ainsi qu'une action indirecte. L'action directe du Calcium sur la libération des vésicules expliquerait la facilitation de paires d'impulsion, alors que l'action indirecte expliquerait potentialisation et augmentation.

La facilitation de paires d'impulsion serait liée à la persistance dans le neurone de Calcium résiduel suite à un potentiel d'action. Ce Calcium résiduel est libre, dans le sens où il n'est pas séquestré (lié à des protéines) et peut se déplacer dans le neurone, ce qui lui permet d'atteindre la zone active (la zone où se trouvent les vésicules synaptiques. Ce faisant, ce Calcium libre peut favoriser la libération de vésicules synaptiques. Plus le neurone présynaptique émet de potentiels d'action, plus du Calcium s'accumule à l'intérieur et plus la libération de vésicules synaptiques est facilitée. Le neurone présynaptique devient capable de libérer de plus en plus de neurotransmetteurs et d'émettre de plus en plus facilement des potentiels d'action, ce qui fait que la synapse devient donc de plus en plus efficace.

Le mécanisme décrit dans le paragraphe précédent est considéré actuellement comme l'explication la plus probable pour la facilitation de paires d'impulsion. Mais pour la potentialisation et l'augmentation, les mécanismes sont bien moins connus. Si l'entrée de Calcium dans le neurone a son rôle à jouer, il semblerait que son action passe par une voie indirecte qui agit sur divers protéines. Le Calcium, une fois entré dans le neurone, se lie à diverses protéines, ce qui active ou désactive certaines voies métaboliques. Les protéines en question sont assez diverses, mais certaines sont liées au métabolisme du Calcium et/ou à la libération des neurotransmetteurs. Les voies métaboliques dépendantes du Calcium s'activent donc suite à l'entrée de Calcium dans le neurone. Plus l'entrée de Calcium est importante, plus les voies métaboliques sont activées fortement. Pour résumer, certaines protéines localisées dans l'axone s'activent et deviennent de plus en plus efficaces au fur et à mesure que le Calcium s'accumule dans le neurone. Le résultat est un changement du fonctionnement du neurone, qui donne naissance à la potentialisation post-tétanique et à l'augmentation. Précisons que ce processus demande d'atteindre une concentration intra-neuronale assez élevée de Calcium pour avoir lieu, ce qui n'a lieu que suite à une salve prolongée de potentiel d'action. Ce qui explique pourquoi on n'observe potentialisation et augmentation qu'après une salve prolongée de haute-fréquence, et non après un seul potentiel d'action. Pour résumer, après une salve de potentiels d'action, le neurone contient suffisamment de Calcium pour que des protéines s'activent et deviennent plus efficaces qu'à l'accoutumée. L'action de ces protéines entraîne une libération plus aisée des vésicules synaptiques.

 
Mécanismes de la facilitation synaptique de court-terme

Les mécanismes de la fatigue et de la facilitation synaptique sont résumés dans le tableau ci-dessous.

Mécanisme impliqué
Fatigue synaptique Déplétion en vésicules synaptiques
Facilitation à court terme Facilitation de paires d'impulsion Entrée de Calcium dans le neurone Facilite la fusion des vésicules
Augmentation à court terme Activation et sensibilisation de voies de signalisation spécifiques
Potentialisation à court terme

La plasticité synaptique à long-terme

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Au-delà de la plasticité à court terme, qui n'est pas durable, on trouve des modifications de l'efficacité synaptique qui durent plusieurs jours, mois, voire années, quand ce n'est pas définitif. Ces changements sont évidemment impliqués dans des processus comme l'apprentissage, la mémorisation, le développement, et tout ce qui permet au cerveau d'apprendre quelque chose de nouveau, de s'adapter au monde extérieur. Pour faire simple, la majorité des phénomènes de plasticité synaptique sont des variantes de ce que l'on appelle la règle de Hebb : si deux neurones émettent des influx nerveux à peu près en même temps, la synapse qui les relie se renforce.

Les mécanismes de la plasticité synaptique à long-terme

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La plasticité synaptique à long-terme est la seule à impliquer une plasticité structurale. Modifier la morphologie d'une synapse ne se fait pas en quelques minutes. Cela prend du temps, plusieurs minutes, plusieurs jours, ce qui est incompatible avec la plasticité de court-terme. Par contre, une plasticité à long-terme a de bonnes chances d'impliquer la formation de nouvelles synapse, la création d'épines dendritiques, de boutons axonaux, etc. Cependant, il ne faut pas croire que la plasticité moléculaire ne joue pas, bien au contraire. Au niveau moléculaire, la plasticité à long-terme implique des modifications permanentes des récepteurs synaptiques.

En premier lieu, on observe un ajout ou un retrait de récepteurs synaptiques sur la membrane des neurones. Précisons que le nombre de récepteurs synaptiques augmente ou diminue sur la membrane du neurone post-synaptique. Nous en avions parlé rapidement dans le chapitre sur les récepteurs synaptique, et avions parlé de ce phénomène, dit de downregulation si le nombre de récepteurs diminue, et d'upregulation si le nombre de récepteurs synaptiques augmente. Un neurone down- ou up-régule ses récepteurs quand il est régulièrement soumis à des doses trop fortes ou au contraire trop basses de neurotransmetteurs.

Par exemple, prenons le cas des récepteurs à la dopamine. Plus un neurone est soumis à de fortes doses de dopamine, plus il réduira le nombre de ses récepteurs à la dopamine. Ce faisant, le neurone devient moins sensible à la dopamine. C'est en partie pour cette raison que les médicaments qui augmentent la quantité de dopamine synaptique deviennent de moins en moins efficaces avec le temps. On dit qu'ils entraînent l'apparition d'une tolérance, qui se développe en quelques jours, le temps que les récepteurs à la dopamine disparaissent de la surface des neurones dopaminergiques.

Mais ce mécanisme d'insertion/retrait de récepteur n'est pas le seul à jouer. Les récepteurs eux-mêmes peuvent devenir plus efficace, par un changement de forme. Certains récepteurs peuvent être phosphorylés (la phosphorylation correspond à l'ajout d'un groupe phosphate à une protéine), ce qui les rend beaucoup plus efficaces. Pour simplifier, les récepteurs non-phosphorylés ne sont pas actifs et restent dans un état quiescent, formant. Une fois phosphorylés, ils deviennent actifs et capables de fonctionner normalement. La phosphorylation permet d'activer des récepteurs autrefois inactifs, qui servaient de récepteurs de réserve.

Ces modifications, moléculaires et structurales, proviennent de modifications dans la traduction des gènes du neurone en protéines. Certains gènes s'exprimeront beaucoup plus qu'avant ou commenceront à être traduits en protéines une fois que l'effet de la plasticité a fait son effet. Cette modification sur l'ADN du neurone est déclenchée par une cascade de réactions chimiques qui commencent par l'activation de certains récepteurs synaptiques dans des conditions particulières. Il s'agit plus précisément de récepteurs couplés à des protéines G.

Les sous-types principaux de plasticité synaptique à long-terme

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Mais étudier ce qui se passe entre deux neurones ne suffit pas à décrire complètement la plasticité synaptique. Les circuits neuronaux sont souvent assez complexes, et il n'est pas rare que plusieurs neurones pré-synaptiques sont connectés à un même neurone post-synaptique. La transmission d'un potentiel d'action d'un neurone présynaptique à un neurone post-synaptique a souvent des conséquences sur les autres neurones pré-synaptiques. Et cela vaut aussi pour la plasticité synaptique, bien que les conséquences dépendent de la forme de plasticité étudiée. À ce stade, il faut faire la distinction entre plasticité homosynaptique et hétérosynaptique.

La différence entre les deux se voit quand un neurone pré-synaptique émet des neurotransmetteurs, alors que les autres sont inactifs. Avec la plasticité homosynaptique, les modifications ne se propagent pas aux synapses inactives proches. Ainsi, si deux neurones émettent des potentiels d'action en même temps, les autres neurones connectés sur le neurone postsynaptique ne sont pas touchés par la plasticité. Les autres neurones présynaptiques inactifs reliés au même neurone postsynaptique ne sont pas concernés par cette plasticité. La plasticité hétérosynaptique à long terme est simplement l'inverse de la plasticité homosynaptique : les modifications de l'efficacité synaptique se transfèrent aux autres neurones présynaptiques connecté au neurone postsynaptique, même s'ils sont inactifs.

 
Plasticité homosynaptique.
 
Plasticité hétérosynaptique.

La plasticité homosynaptique

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La plasticité homosynaptique fait que la plasticité ne se propage pas d'une synapse pré-synaptique à une synapse voisine inactive. On connaît plusieurs formes principales de plasticité homosynaptique : la potentialisation/dépression à long-terme et la plasticité par modulation temporelle. Nous détaillerons la potentialisation/dépression dans la suite du chapitre, mais parlerons assez peu de la modulation temporelle, assez mal connue actuellement.

La plasticité homosynaptique se caractérise par une propriété de spécificité : la plasticité est spécifique à la synapse activée. L'activation d'une synapse entraine sa fortification, mais n'a pas d'effet sur les autres synapses avoisinantes. Les mécanismes à l'origine de la plasticité synaptique sont donc localisés dans la synapse activée, dans un bouton dendritique spécifique. Mais la spécificité n'est pas la seule propriété de la plasticité homosynaptique. Il faut aussi citer l'associativité et la coopératitivité, qui se manifestent quand plusieurs neurones pré-synaptiques émettent des potentiels d'actions en même temps.

Imaginons qu'un neurone post-synaptique reçoive une faible stimulation sur une de ses synapses, insuffisante pour induire des phénomènes de plasticité. Si la stimulation est isolée, alors aucun phénomène de plasticité ne se mettra en marche et la synapse restera telle quelle. Mais si la faible stimulation a lieu en même temps qu'une forte stimulation sur une autre synapse, alors tout change. La forte stimulation aura des effets secondaires sur la première synapse, sur laquelle on verra l'apparition de phénomènes de plasticité synaptiques. Ceux-ci n'auraient pas eu lieu sans la forte stimulation associée, mais ont bien lieu avec. On a donc un effet d'associativité entre synapses : de faibles stimulations s'associent à de fortes stimulations pour faire apparaître la plasticité. Une telle propriété est appelée la propriété d'associativité. Sur le principe, l'associativité est simple à comprendre : le neurone postsynaptique ayant été pré-activé par d'autres neurones, cette activité influencera la liaison avec les autres neurones présynaptiques activés en accord avec la règle de Hebbs. Précisons que ce mécanisme se serait à l'origine de certains phénomènes d'apprentissage par conditionnement, encore que ce n'est qu'une supposition.

Une dernière propriété est la propriété de coopération. Pour la comprendre, rappelons que la plasticité a lieu quand on stimule un neurone post-synaptique. Reste que l'on peut stimuler un neurone de plusieurs manières, suivant le nombre de synapses activées. Il est évident qu'activer une seule synapse n'aura pas le même effet que l'activation de plusieurs (toutes choses égales par ailleurs). Mais tout cela est modulé par l'intensité du stimulus envoyé par chaque synapse : une synapse peut envoyer un stimulus à haute fréquence (tétanique, très efficace), ou un stimulus à faible fréquence (peu efficace). La coopération nous dit que l'intensité des stimulus peut compenser leur nombre. Le neurone post-synaptique réagit de la même manière si on lui envoie un fort stimulus sur une seule synapse, que quand plusieurs synapses sont activées avec des stimulus faibles.

La plasticité hétérosynaptique à long terme

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Pour la plasticité hétérosynaptique à long terme, le cas le plus étudié à l'heure actuelle est celui d'un réflexe de l'aplysie, un petit animal très étudié dans les recherches sur les bases neurologiques de la mémoire. Ce réflexe peut être sensibilisé, c'est à dire que les réponses réflexes seront renforcées après la présentation d'une sensation (un stimulus) précise. Le réflexe étudié chez l'aplysie est celui de la rétractation du siphon, qui permet d'aspirer l'eau sous le ventre de l'animal : le ventre se contracte quand on appuie sur le siphon. Mais si on envoie un choc électrique sur la queue de l'animal, ce réflexe devient beaucoup plus fort qu'auparavant.

Le circuit neural responsable de ce comportement est illustré ci-dessous. Comme vous le voyez, les neurones de la queue ont une synapse axone-axone (axoaxonique) avec les neurones sensoriels du siphon. Lorsque le neurone de la queue émet des potentiels d'action, ceux-ci seront transformés en sérotonine pour traverser la synapse. Cette sérotonine est captée par l'axone des interneurones et des neurones sensoriels du siphon et entraîne des modifications durables de la synapse du neurone du siphon : celle-ci libérera un plus grand nombre de neurotransmetteurs de façon durable, et transmettra donc plus facilement les potentiels d'action entre siphon et neurones moteurs. D'où la sensibilisation.

 
Voie réflexe du siphon - aplysie

La potentialisation/dépression à long-terme

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La potentialisation à long terme et la dépression à long terme sont des formes de plasticité homosynaptique à long-terme. La potentialisation se caractérise par une augmentation de l'efficacité d'une synapse, alors que la dépression en réduit l'efficacité. Dépression et potentialisation ont lieu dans les mêmes synapses, suivant les conditions. En général, un train d'impulsion de haute fréquence induit une potentialisation, alors qu'un train de faible fréquence induit une dépression synaptique. La fréquence d'émission par le neurone pré-synaptique module donc la plasticité synaptique.

 
Potentialisation et dépression à long-terme : effet de la fréquence.

Il existe deux grands types de potentialisation/dépression à long-terme : une forme précoce et une forme tardive. Elles ont souvent lieu l'une après l'autre, la forme précoce précédent la forme tardive. Mais elles se basent sur des mécanismes foncièrement différents. La première n'implique par la synthèse de protéine, mais agit simplement sur des récepteurs déjà existants. À l'opposé, la forme tardive se caractérise par une forte production de nouvelles protéines et l'activation de certains gènes. Elle a la capacité de changer la forme de la synapse, en ajoutant des épines dendritiques, contrairement à la forme précoce.

 
Remodelage des épines dendritiques induit par la plasticité synaptique, dont la potentialisation/dépression à long-terme tardive.

Les mécanismes de la potentialisation à long-terme

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Mécanismes de la potentialisation à long-terme précoce.

Le cas le plus étudié est celui de la potentialisation/dépression à long-terme précoce. Les formes précoces se traduisent par un nombre accru ou diminué de récepteurs synaptiques sur le neurone postsynaptique, ainsi que par une phosphorylation de récepteurs quiescents. Dans les deux cas, cela modifie la quantité de récepteurs synaptiques actifs sur le neurone post-synaptique, le rendant plus ou moins sensible à de futures stimulations par les neurotransmetteurs

Si des récepteurs actifs sont ajoutés, on a une potentialisation à long terme : le neurone deviendra de plus en plus sensible à de futures stimulations. Dans le cas contraire, on obtient une dépression à long terme : le neurone devient moins sensible vu qu'il y a moins de récepteurs actifs. Dans les deux cas, la création/destruction et la phosphorylation des récepteurs est activée par la réception de neurotransmetteurs. Les émissions de potentiel d'action à haute fréquence ont tendance à causer une potentialisation, alors que les émissions à faible fréquence déclenchent plus des dépressions à long terme.

Cette forme de plasticité dépend uniquement des récepteurs NMDA, pas des autres récepteurs glutaminergiques. D'ordinaire, un ion magnésium qui se lie au récepteur et en bouche le canal ionique. Mais si la tension à la surface du neurone dépasse -60 mV (neurone déjà stimulé), l'ion magnésium dégage du pore : le canal ionique fonctionne alors normalement et laisse rentrer du calcium dans la cellule. La soudaine entrée de calcium entraîne de nombreuses réactions chimiques en chaîne, dont l'étape finale va activer certains gènes. Cette activation génétique favorise la production de récepteurs glutaminergiques AMPA et leur insertion dans la membrane du neurone. De plus, cela modifie la conformation des récepteurs AMPA, augmentant leur perméabilité au calcium de manière durable. Ces récepteurs permettent au calcium de pénétrer plus facilement le neurone.

 
Avant potentialisation par LTP.
 
Après potentialisation par LTP.
 
Mécanismes de la potentialisation à long-terme tardive.

Il existe aussi une forme tardive de potentialisation/dépression à long-terme, qui suit la potentialisation/dépression précoce et implique des mécanismes distincts. Elle se caractérise par la modification de la morphologie de la synapse, avec la formation de nouvelles épines dendritiques (potentialisation) ou leur destruction (dépression). Grâce à elle, le neurone change de forme, changer la forme des épines dendritiques, en former de nouvelles, etc.

Contrairement à la forme précoce, elle implique la synthèse de nouvelles protéines, et même l'activation de gènes bien précis. La potentialisation à long-terme tardive a lieu quand les récepteurs du glutamate de type NMDA, AMPA et/ou métabotropes s'ouvrent en grand nombre. L'entrée de Calcium dans le neurone active alors certaines voies métaboliques dépendantes de protéines kinases spécifiques.

Les protéines en question sont principalement des protéines-kinases A, C, la CamKI et la PI-3k. Ces voies métaboliques activent alors la protéine ERK, qui phosphoryle des protéines très diverses. En premier lieu, elle active des protéines liées au cytosquelette, ce qui entraîne des changements morphologiques. Ensuite, elle active divers voies de signalisation, favorisant la création de protéines particulières. Enfin, elle phosphoryle des protéines nucléaires, ce qui active la synthèse de gènes spécifiques, notamment des gènes de type CREB. Tous ces changements se traduisent par des changements dans la morphologie de la synapse, d'où l'apparition d'une potentialisation à long-terme.

L’étiquetage synaptique

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On vient de voir que la potentialisation se traduit par l'ajout de récepteurs membranaire, leur phosphorylation et des changements morphologiques liés à l'activation de certains gènes. En théorie, ces changements devraient se faire dans l'ensemble du neurone post-synaptique. Toutes les synapses devraient subir les changements induits par la potentialisation (même chose pour la dépression). Mais ce n'est pas le cas : les synapses inactives ne sont pas touchées, les synapses actives le sont un petit peu (propriété d'associativité). Expliquer un tel phénomène n'est pas chose facile et l'on ne dispose pas de certitudes à ce sujet. Cependant, une hypothèse assez influente nous donne une explication assez convaincante.

L'hypothèse en question est celle de l'étiquetage synaptique. Elle dit que les protéines responsables de la plasticité synaptique sont fabriquées dans le soma du neurone, non loin du noyau, ou du moins pas dans l'axone. Les protéines sont alors transportées vers les synapses, et arrivent uniquement à la synapse de destination. La potentialisation à long-terme marque la synapse, ce marquage permettant d'identifier la synapse à laquelle sont destinées les protéines transportées. Les protéines circulent sur le cytosquelette, mais elles s’arrêtent seulement sur les synapses marquées. Notons que cette hypothèse permet d'expliquer la sélectivité de la plasticité (les synapses inactives ne sont pas touchées), mais aussi l'associativité (les synapses actives sont toutes touchées). L'associativité est liée au fait que toutes les synapses actives sont marquées, peu importe leur niveau d'activation.

 
Étiquetage synaptique - schéma.

La plasticité par modulation temporelle (Spike-timing-dependent plasticity)

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Là où potentialisation/dépression ne tient pas compte de qui a émis un potentiel d'action en premier, la plasticité par modulation temporelle (Spike-timing-dependent plasticity aussi abrévié STDP) prend en compte le fait qu'un des deux neurones émet avant l'autre. Pour le dire simplement, c'est une forme de plasticité qui peut donner une potentialisation ou une dépression à long-terme, selon que le neurone pré-synaptique s'active avant ou après le neurone post-synaptique.

Les types de Spike-timing-dependent plasticity

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Il existe plusieurs formes distinctes de STDP, que nous allons appeler STDP standard, inverse, et celle des neurones inhibiteurs GABAergiques de l’hippocampe.

Voyons en premier lieu la STDP classique, standard. Avec elle, si le neurone présynaptique émet un potentiel d'action avant le neurone postsynaptique, la synapse se renforce. Dans le cas contraire, la synapse s'affaiblit.

 
STDP standard (symétrique).

Quelques rares synapses fonctionnent suivant le principe inverse, à savoir que la dépression est induite quand le potentiel pré-synaptique arrive avant le potentiel post-synaptique et la potentialisation dans le cas inverse. Mais ces synapses sont bien plus rares que les autres. Cette forme de STDP est appelée la STDP inverse.

 
STDP inverse.

On a observé, chez certains neurones bien précis (les neurones inhibiteurs GABergiques de l'hippocampe) ont un comportement encore différent : peu importe que le potentiel pré-synaptique ait lieu avant ou après le potentiel post-synaptique, la synapse montre une dépression si le potentiel pré-synaptique a lieu dans la fenêtre temporelle et une potentialisation en-dehors.

 
STDP des neurones inhibiteurs GABergiques de l'hippocampe.

La fenêtre temporelle du STDP

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Il existe une fenêtre temporelle dans laquelle une salve de potentiels pré-synaptique engendre une dépression/potentialisation. L'effet est nul en dehors de cette fenêtre temporelle, ce qui veut dire que si un potentiel d'action pré-synaptique a lieu trop avant ou trop après le potentiel post-synaptique, il ne se passe rien : ni dépression, ni potentialisation à long-terme. À l'intérieur de la fenêtre, plus les potentiels d'action pré- et post-synaptiques sont rapprochés, plus la dépression/potentialisation est intense. Par exemple, un potentiel pré-synaptique qui arrive 5 millisecondes avant un potentiel post-synaptique engendrera une potentialisation bien plus forte qu'un potentiel qui arriverait 20 millisecondes avant. Fait étrange, sur la plupart des synapses testées, l'amplitude de la potentialisation est supérieure à celle de la dépression. Dit autrement, la potentialisation est plus efficace, plus intense que la dépression, toutes choses égales par ailleurs.

La fenêtre temporelle est d'environ 40 millisecondes, ce qui signifie qu'un potentiel pré-synaptique doit avoir lieu 40 ms avant ou après un potentiel post-synaptique pour avoir le moindre effet. Suivant les neurones, la fenêtre est symétrique ou asymétrique. Par fenêtre symétrique, on veut dire qu'elle est la même pour la dépression et la potentialisation, là où une fenêtre asymétrique a une durée différente pour la potentialisation et la dépression. Par exemple, les neurones excitateurs de l'hippocampe (une aire cérébrale liée à la mémoire) semblent avoir une fenêtre symétrique. Mais les neurones du cortex semblent avoir une fenêtre bien plus large pour la dépression que pour la potentialisation.

 
STDP asymétrique.

Les modulateurs de la STDP

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Précisons que le choix entre dépression et potentialisation dépend d'un principe plus complexe que le timing d'arrivée. L'effet serait par exemple dépendant de la fréquence des paires pre-post/post-pre. Par exemple, l'étude de Sjöström et de ses collègues, parue dans la revue Neuron en 2001, montrent que les paires post-pre induisent une dépression à faible fréquence, mais une potentialisation pour des hautes fréquences. Il dépendrait aussi de la localisation de la synapse par rapport au soma (le petit bulbe au centre du neurone) : les synapses éloignées du soma seraient particulièrement propices à la dépression synaptique, alors que celles proches du soma seraient plus propices à la potentialisation. Pour le moment, tenons-nous-en au principe simplifié suivant : potentialisation si le potentiel pré-synaptique a lieu avant le post-synaptique, dépression s'il a lieu après.

Précisons qu'un seul potentiel d'action pré-synaptique n'induit généralement pas de dépression/potentialisation notable. Le nombre exact de potentiels nécessaires varie selon que l'on parle de la potentialisation ou de la dépression. Pour simplifier les explications, on note pre-post une situation où un ou plusieurs potentiels pré-synaptique sont suivis par l'émission d'un potentiel post-synaptique. Et inversement, on note post-pre une situation où un potentiel post-synaptique est émis avant les potentiels pré-synaptiques. Pour donner un ordre de grandeur, il faut quelques paires pre-post pour induire une potentialisation, alors que la dépression n'est induite que pour plusieurs dizaines de paires post-pre. Le nombre exact varie cependant selon le neurone considéré : les neurones de telle aire cérébrale n'auront pas les mêmes nombres que ceux d'une autre aire cérébrale.

L'application d'antagonistes du GABA semble renverser la STDP sur certaines synapses. Là où une synapse STDP ordinaire subit une potentialisation pour un stimulus pre-post et une dépression pour un stimulus post-pre, la même synapse traitée avec l'antagoniste GABAergique subit une dépression pour un stimulus pre-post et une potentialisation pour un stimulus post-pre. De même, la présence de certains neurotransmetteurs (dopamine) modulerait l'amplitude de la STDP.

Le mécanisme de la STDP

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Le mécanisme de la plasticité par modulation temporelle est encore mal connu, mais une hypothèse simplificatrice postule l'implication des récepteurs NMDA du glutamate. Les antagonistes des récepteurs NMDA bloquent complètement la STDP, ce qui montre que ces récepteurs sont à l'origine de la STDP. L'effet est présent uniquement sur les neurones post-synaptique : l'inactivation des récepteurs post-synaptiques supprime la STDP, alors que la même inactivation ciblée sur le neurone pré-synaptique n'a pas le moindre effet.

Rappelons que les récepteurs NMDA sont des canaux ioniques qui laissent rentrer du calcium. Ils sont bouchés par un ion magnésium dans des conditions physiologiques normale, mais la dépolarisation de la membrane fait sauter cet ion. Pour que la STDP ait lieu, il faut que le neurone post-synaptique se dépolarise au niveau de la synapse considérée, afin de faire sauter l'ion magnésium. Le potentiel pré-synaptique libère alors du glutamate dans la synapse, ce qui active les récepteurs NMDA. Vu qu'ils ont été débouchés par la dépolarisation préalable, les canaux s'ouvrent et laissent rentre du calcium dans le neurone, ce qui déclenche les réactions à l'origine de la plasticité synaptique.

La dépolarisation a lieu au niveau du soma et se propage ers la synapse, en remontant les dendrites. La STDP demande donc un potentiel d'action rétrograde, qui remonte la dendrite après avoir été créé au niveau du soma. De tels potentiels rétrogrades existent, comme nous l'avons vu il y a quelques chapitres. Nous savons que de tels potentiels rétrogrades s'atténuent assez rapidement et ne vont pas vraiment loin sur la dendrite.

En savoir plus

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