L'oubli et ses mécanismes

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Le mécanisme de récupération des informations en mémoire est simplement l'activation diffusante, vue il y a quelques chapitres. Mais ce mécanisme n'est pas parfait : il arrive souvent que l'on oublie. Mais pourquoi oublie-on ? Si l'on met de côté les troubles organiques de la mémoire, les raisons proviennent de l'organisation de la mémoire déclarative.

Trace decay

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Première théorie : les informations s'effacent progressivement de la mémoire si elles ne sont pas utilisées. Le seul moyen pour éviter cela serait la répétition, et le rappel fréquent. Avec cette théorie, l'information oubliée n'est plus disponible : elle n'existe plus. Mais cette théorie est très difficile à tester expérimentalement. Si le sujet n'arrive pas à se rappeler de quelque chose, il se peut qu'il ne l'aie pas oublié, mais que les indices de récupération ne soient tout simplement pas suffisants pour entraîner son rappel.

Encodage

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Nombreux sont les psychologues qui pensent que l'oubli provient aussi d'un raté du processus de rappel, comme quand on a un mot sur le bout de la langue. Pour eux, le problème n'est pas la présence de l'information en mémoire, mais son accessibilité. L'information est en mémoire, simplement, l'activation n'arrive pas jusqu'au concept à rappeler, ou n'est pas suffisante pour générer un rappel. L'oubli peut donc venir d'une mémorisation mal faite, qui n'a pas suffisamment associé l'information dans le réseau sémantique : les indices de récupération ne sont pas suffisants pour activer le concept à rappeler.

Interférences

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Il existe une dernière cause pour l'oubli : les phénomènes d'interférences. Ils surviennent quand l'apprentissage d'une information empêche le rappel d'une autre. Celles-ci apparaissent quand plusieurs informations sont reliées à un même indice de récupération : ces items entrent en compétition pour le rappel, diminuant leurs chances de rappel respectives. Mais d'autres protocoles expérimentaux sont allés plus loin, et ont cherché à savoir si l'ordre de présentation des informations jouait sur l'interférence. Selon l'ordre d’apprentissage des informations interférentes, on distingue deux types d'interférences : pro-active, et rétroactive.

Dans l'interférence pro-active, d'anciennes connaissances empêchent la mémorisation de nouvelles idées. C'est ce qui explique que quelqu'un qui a appris l'anglais aura plus de mal à apprendre l'italien, par exemple. Pour mettre cet effet en évidence, on peut utiliser diverses expériences. Déjà, on peut remarquer que plus une liste de mots est longue, plus le taux de rappel diminue. Une liste de 50 mots sera rappelée à 50 %, tandis qu'une liste de 100 mots ne sera rappelée qu'à 25 %. Mais ce n'est pas une preuve d'interférence. Autre expérience : on prend deux groupes de cobayes, auxquels on fait apprendre des listes de mots. Le premier groupe doit apprendre deux listes : une liste A, et une liste B. Le second groupe doit se contenter d'apprendre la liste B. Pour limiter les biais, on fait en sorte que les cobayes aient un temps de repos entre l'apprentissage de chaque liste, et on décale le rappel.

Groupe Jour 1 Jour 2 Jour 3
Groupe 1 Apprentissage de la première liste Apprentissage de la seconde liste Rappel de la seconde liste
Groupe 2 Rien Apprentissage de la seconde liste Rappel de la seconde liste

Dans ces conditions, on remarque que le groupe qui a du apprendre deux listes a des résultats nettement moins bons : on passe de 70 à 40 % ! De plus, rajouter des listes à apprendre augmente encore l'effet : rajouter un troisième jour diminue l'efficacité à 25 %. Et ainsi de suite. Et cette conclusion se généralise dans d'autres expériences, qui ont montré que cet effet ne marche pas que pour des listes de mots.

On trouve aussi l'interférence rétroactive, où de nouvelles connaissances forcent l'oubli des anciennes. Pour mettre cet effet en évidence, on peut utiliser une expérience toute simple : on prend deux groupes de cobayes, auxquels on fait apprendre des listes de mots. Le premier groupe doit apprendre deux listes : une liste A, et une liste B. Le second groupe doit se contenter d'apprendre la liste B. Pour limiter les biais, on fait en sorte que les cobayes aient un temps de repos entre l'apprentissage de chaque liste, et on décale le rappel.

Groupe Jour 1 Jour 2 Jour 3
Groupe 1 Apprentissage de la première liste Apprentissage de la seconde liste Rappel de la première liste
Groupe 2 Apprentissage de la première liste Rien Rappel de la première liste

Dans ces conditions, le second groupe a un taux de rappel nettement moins bon. L'apprentissage de la seconde liste a interféré avec la première. Et cette conclusion se généralise dans d'autres expériences, qui ont montré que cet effet ne marche pas que pour des listes de mots. Toutefois, l'effet voit son intensité varier suivant la situation. L'effet est très faible quand les listes de mots à apprendre sont très différentes. De plus, l'effet est beaucoup plus fort si les mots des différentes listes sont conceptuellement proches. À l'inverse, rassembler des mots de la même catégorie dans la même liste diminue fortement l'interférence. Bilan : la similarité, et la proximité sémantique des concepts joue sur leur interférence.