Méditations Métaphysiques - Des choses que l'on peut révoquer en doute
Méditations Métaphysiques | René Descartes | De la nature de l'esprit humain ; et qu'il est plus aisé à connaître que le corps |
- « Dans la première méditation, je mets en avant les raisons pour lesquelles nous pouvons douter généralement de toutes choses, et particulièrement des choses matérielles, au moins tant que nous n'aurons point d'autres fondements dans les sciences, que ceux que nous avons eus jusqu'à présent. Or, bien que l'utilité d'un doute si général ne paraisse pas d'abord, elle est toutefois en cela très grande, qu'il nous délivre de toutes sortes de préjugés, et nous prépare un chemin très facile pour accoutumer notre esprit à se détacher des sens, et enfin, en ce qu'il fait qu'il n'est pas possible que nous ne puissions plus avoir aucun doute, de ce que nous découvrirons après être véritable. » (Abrégé)
Descartes commence par remarquer que depuis son plus jeune âge, il a appris bons nombres de choses qu'il sait aujourd'hui fausses mais qu'il tenait alors pour vraies. Tout ce qu'il a construit sur la base de ces erreurs ne peut donc qu'être faux, et il est donc impératif de tout reprendre à la racine. Cette première remarque, dont la formulation peut sembler d'abord anodine, contient tout le radicalisme de la méthode cartésienne : en effet, si depuis notre plus jeune âge, du fait que notre raison ne s'est pas encore développée, nous apprenons des choses dont les fondements sont pour le moins douteux, cela signifie que, sans l'examen sérieux de notre faculté de connaître, nos raisonnements sont faux ou incertains. La condition habituelle de l'homme est donc de vivre dans l'illusion du savoir.
Descartes dit avoir remis cet examen difficile à un temps où il serait en mesure de le faire ; les Méditations Métaphysiques sont l'expression que ce temps est venu de détruire toutes les opinions anciennes.
Mais par quelles opinions l'examen va-t-il pouvoir commencer ? On n'arriverait jamais à les examiner une à une pour montrer leur fausseté, la tâche est interminable. Il pourrait néanmoins suffire qu'il s'y trouve la moindre raison de douter ; mais il y a plus radical : détruire les fondements, le reste s'écroulera.
Descartes commence alors à examiner ce qui, jusqu'à présent, a été tenu par lui pour le plus certain : ce que l'on apprend des sens ou par les sens. Mais les sens nous trompent quelques fois, et la méthode recommande donc de ne plus s'y fier. Néanmoins, certains témoignages des sens paraissent vraiment solides, tel que le fait d'être là, en train d'écrire, et d'autres choses de ce genre. Or, il n'y a que les fous qui imaginent être ce qu'ils ne sont pas, faire des choses qu'ils ne font pas, etc., et le doute sur ces réalités paraît proprement insensé.
Cet état de la folie, pourtant, n'est-ce pas le nôtre dans le rêve ? Dans le rêve nous sommes parfois plus insensés que les insensés lorsqu'ils sont éveillés. C'est pourquoi, dit Descartes, il se peut très bien que je sois en train de rêver que j'écris ; et je ne trouve pas de critères certains qui me permettent de distinguer le rêve et la veille.
Supposons que nous dormons ; tout ce que nous voyons ne sera qu'illusion. Mais ce qui est alors dans nos représentations ne doit-il pas être formé à la ressemblance de quelque chose de réel ? Les parties de notre corps ne sont pas des choses imaginaires, mais existantes. Comparons avec la peinture : un peintre qui représente des êtres imaginaires ne peut pas inventer des formes absolument nouvelles ; son invention réside dans la composition et le mélange de choses qui sont réelles (même si ce n'est que la couleur). Même si les membres du corps sont imaginaires, il faut qu'il y ait des choses simples et universelles dont tout le reste (imaginaire ou réelle) soit composé. Descartes cite, comme exemple de ces choses, l'étendue, la grandeur, le temps, etc.
En conséquence, les sciences qui ont pour objets des compositions sont douteuses (physique, astronomie, médecine) mais pas les sciences qui portent sur des objets simples, même si l'on ne sait si ces objets existent ; telles sont la géométrie et l'arithmétique. En effet, que je dorme ou que je veille, je sais que 2+2 = 4. Je ne peux douter de certitudes de ce genre.
Pourtant, nous pouvons former l'idée d'un Dieu tout puissant qui nous a créés. Or, rien ne nous garantit que ce Dieu n'ait fait qu'il n'existe rien en dehors de nous de ce que nous voyons, et que nous soyons pourtant convaincu qu'il existe un ciel, une terre, etc. Bien plus, puisque nous pouvons nous tromper même dans les choses les plus simples, qu'est-ce qui empêche que nous ayons été créés en sorte de nous tromper toujours, en étant persuadés du contraire ?