Les suites et séries/Les opérations sur les limites de suites

Il est intéressant de regarder quelle est la limite d'une somme de deux suites, ou de leur produit. Dans une telle condition, on peut dire si la limite de la somme converge ou diverge selon le comportement des deux suites. Pour les suites qui convergent, le résultat est plutôt simple : la limite de la somme est la somme des limites, idem pour le produit ou le quotient.. Pour deux suites et qui convergent respectivement vers et , leur somme converge vers , leur différence vers , leur produit vers et leur quotient vers . Le résultat pour les suites divergentes est assez compliqué, mais le résultat diverge dans la plupart des cas, sauf dans quelques cas où le résultat n'est pas connu qui portent le nom de formes indéterminées. Dans les tableaux qui suivent, ces formes indéterminées seront notées "F.I".

Les comparaisons entre suites modifier

Le résultat d'une comparaison entre deux suites n'est pas forcément conservée lors du passage à la limite. Tout dépend de la comparaison considérée. Précisément, il faut faire la différence entre les inégalités strictes, à savoir   et  , et les inégalités non-strictes, à savoir  ,   et  .

Le passage à la limite des inégalités strictes entre suites modifier

Le passage à la limite ne conserve pas les inégalités strictes entre suites. Il suffit de considérer les deux suites suivantes pour ce convaincre du fait que le passage à la limite ne conserve pas les inégalités strictes :

 

Leur limite est 1 pourtant pour  .

Comme autre exemple, on peut citer les deux suites   et  . On a bien  , mais ces deux suites ont la même limite (ici, 0).

Pour les inégalités strictes, on peut prouver les relations suivantes :

  • Si  , alors  .
  • Si  , alors  .

En clair, une inégalité stricte entre deux suites se transforme en une inégalité non-stricte lors du passage à la limite. Par contre, le sens de l'inégalité ne s'inverse pas. Si une suite est inférieure à une autre, impossible que sa limite soit supérieure (et réciproquement).

On peut démontrer les deux relations suivantes de la même manière. Dans ce qui suit, nous allons faire la démonstration pour  .


Démonstration

Notons   et   les limites respectives   et  . On pose aussi  . Vu que   converge vers  , alors il existe un rang   au-delà duquel on a :  . Même chose pour la suite  , où on a un rang   au-delà duquel  . Dans ce qui va suivre, nous allons seulement utiliser les inégalités suivantes :

 , pour  .
 , pour  .

Si on suppose que  , on a :

 

En combinant les trois inégalités précédentes, on trouve :

 

En simplifiant, on trouve que :

 

On a alors :  .

On voit que le passage d'une inégalité stricte à une inégalité non-stricte se fait dans la toute dernière étape, et est lié à  .

Le passage à la limite des inégalités non-strictes entre suites modifier

Les inégalités larges (non-strictes) sont conservées lors du passage à la limite. On a alors :

  • Si  , alors  .
  • Si  , alors  .
  • Si  , alors  .

Ces relations sont connues sous le nom de théorème de prolongement des inégalités larges (sous entendu, entre deux suites et lors d'un passage à la limite).

Ces trois relations peuvent se démontrer par un raisonnement par l'absurde assez simple.

Les résultats d'opérations sur les suites modifier

Voyons maintenant comment se comporte la limite lorsque l'on effectue une opération sur deux suites. Les résultats sont donnés pour des suites divergentes et convergentes notées   et  .

Multiplication d'une suite par un réel modifier

Le résultat du produit d'une suite avec un réel est assez trivial à établir. Tout dépend si la suite diverge ou converge :

  • Dans le cas d'une suite convergente   de limite  , la limite du produit   a pour limite  . En clair, la limite du produit est le produit des limites.
  • Dans le cas d'une suite divergente, le produit avec un réel ne change rien : la suite diverge toujours et sa "limite" reste la même si elle en a une. Une suite qui diverge vers   continuera à diverger ainsi après multiplication par un réel.

Par contre, il faut faire attention quand le réel   est négatif : le signe de la limite peut changer.

       
         
     


Démonstration

Prenons une suite convergente   et   une constante réelle ou complexe. Nous voulons prouver que :

 

Notons   la limite de la suite  . Pour prouver l'égalité plus haut, il faut trouver un rang   tel que :

 

Du fait des propriétés des valeurs absolues, on a :

 

Si la constante C est non-nulle, l'inégalité précédente peut se reformuler comme suit :

 

Or, vu que la suite   converge, l'égalité précédente est toujours respectée au-delà d'un certain rang. La division par C ne change pas grand chose, vu que l'on peut prendre epsilon aussi petit que l'on souhaite.

Notons que la démonstration ne vaut pas si  , mais ce cas est trivial et donne une suite nulle, qui converge par définition.

L'inverse d'une suite modifier

Prenons une suite   dont on connait la limite  . On peut calculer la limite de l'inverse de cette suite  , si elle existe. On peut se retrouver face à trois situations, selon que la limite tend vers zéro, tend vers un nombre fini non-nul, ou tend vers l'infini.

Limite de la suite Limite de l'inverse
   
   
   

Somme et différence de deux suites modifier

Additionner deux suites donne des résultats assez différents selon les suites   et  . En effet, l'addition de deux suites convergentes ne donnera pas le même résultat que l'addition de deux suites divergentes, ou qu'une suite divergente avec une convergente.

Le cas le plus simple est de loin l'addition de deux suites convergentes   et   qui convergent respectivement vers   et  . Leur somme   converge vers   : la limite d'une somme est égale à la somme des limites


Démonstration

Prenons deux suites convergentes   et  . Nous voulons prouver que :

 

Notons   la limite de la suite   et   la limite de la suite  . Pour prouver l'égalité plus haut, il faut trouver un rang   tel que :

 

Du fait de l'inégalité triangulaire, on a :

 

Vu que les deux suites convergent, on peut toujours trouver un rang tel que   et  . On a alors :

 

Ce qui se réécrit, après quelques simplifications :

 

Cette inégalité n'est autre que la définition du fait que   converge vers  .

Ce principe est cependant remis en question quand une des deux suites   et   diverge : la somme des suites va elle aussi diverger. Dans le cas où une des suites   et   n'a pas de limite, alors la somme   ne peut pas avoir de limite. Le cas le plus simple à étudier est celui où la suite divergente tend vers   ou  . Dans ce cas, la suite diverge aussi vers  , à une exception près : celui où une des suite tend vers   et l'autre vers  . Dans ce dernier cas, on ne sait pas si les deux infinis se compensent (donnant un zéro), ou si l'un des deux infini l'emporte sur l'autre. Le résultat de la somme ne peut donc pas être connu avec certitude, tout du moins sans techniques particulières : c'est une forme indéterminée.

    (resp.  )
     
  (resp.  )        
      FI
    FI  
Avec ce qui vient d'être dit, on peut démontrer que les relations suivantes sont équivalentes :
 
 
Pour le dire en mots, dire que la suite   converge vers L est équivalent à dire que la suite   converge vers 0.

Produit de deux suites modifier

Maintenant, étudions la limite du produit de deux suites.

Si les deux suites convergent, alors leur produit converge lui aussi.


Démonstration

On veut prouver que :

 

Dit autrement, on veut prouver qu'il existe un rang N tel que :

 , avec   la limite de   et   la limite de  .

Le terme de gauche peut se reformuler comme suit :

 

On peut alors choisir le rang N tel que   et  . En combinant cela avec la formule précédente, on a alors :

 

Réorganisons les termes et factorisons epsilon :

 

Par définition, on a   et  , ce qui donne :

 

Ce qui se simplifie en :

 

Cette expression n'est autre que la définition  .

Si une des deux suites diverge, on a droit soit à un résultat indéterminé, soit à une suite divergente. Quand on multiplie deux suites qui divergent, la suite résultat diverge elle aussi. Même chose quand une suite divergente est multipliée avec une suite convergente dont la limite est non-nulle. Mais les problèmes surviennent quand une des deux suites converge vers zéro. Dans ce cas, on ne sait pas si c'est le zéro ou l'infini qui l'emporte. Le résultat est alors ce qu'on appelle une forme indéterminée. Nous reparlerons de ces formes indéterminée plus bas, mais pour résumer : la suite peut converger ou diverger suivant le cas étudié. Le résultat exact peut se calculer, mais cela demande de reformuler le quotient d'une manière ou d'une autre.

    (resp.  )
     
  (resp.  )        
    FI
    FI  

N'oublions pas que les limites/infinis peuvent avoir un signe, ce qui se transmet par la multiplication et le passage à la limite. En tenant compte des signes des limites et des infinis, le tableau précédent devient :

    (resp.  )
         
  (resp.  )          
     
    FI
      FI    
         

Quotient de deux suites modifier

Le quotient de deux suites est un peu plus compliqué que le produit de deux suites. Pour le calculer, on prend en compte le fait que  . On peut donc appliquer les formules sur la limite d'un produit de suite, ce qui donne :

 

Il y a trois possibilités pour le calcul de l'inverse, suivant que la suite inversée tend vers zéro, une limite finie non-nulle ou l'infini (vers  , vers 0 ou vers  .

  • Si la suite diviseur converge vers  , alors le quotient converge comme la suite divisée.
  • Si la suite diviseur converge vers zéro, alors le quotient diverge, sauf dans le cas   qui est une forme indéterminée.
  • Si la suite diviseur diverge, alors le quotient converge vers zéro, sauf dans le cas   qui est une forme indéterminée.

Pour résumer, on fait donc face à neuf cas différents, du moins si on ne tient pas compte des signes.

    (resp.  )
     
  (resp.  )        
    FI
    FI

En tant compte des signes, le tableau précédent devient :

    (resp.  )
           
  (resp.  )            
         
      FI    
         
          FI
         

Les formes indéterminées modifier

Les formes indéterminées surviennent quand on se retrouve devant un calcul impossible en tentant de calculer le produit ou la somme de deux limites. Par exemple, vous pouvez essayer de diviser deux suites qui divergent : vous vous retrouvez à diviser l'infini par lui-même. Le résultat est alors indéterminé et la suite quotient peut aussi bien diverger que converger ! Voici les sept formes indéterminées possibles :

Formes indéterminées
             

Lever l'indétermination modifier

Le seul moyen de trouver la vraie valeur d'une forme indéterminée est de reformuler le calcul, en utilisant des techniques spéciales comme le changement de variable. Pour donner un exemple simple, nous allons prendre l'exemple de la suite définie par :

 

Les deux suites :   et :   divergent toutes les deux, ce qui fait que la limite est la suivante :

 

Une solution pour lever l'indétermination est de simplifier la fraction initiale :

 

On voit alors immédiatement que la suite converge vers :