Les contraintes du milieu spatial/Fonctionnement des systèmes spatiaux

Considérons un petit robot mobile, capable de se déplacer sur un plan muni de rebords. Sa tâche est de trouver une balise infrarouge à l'aide d'un récepteur. Cette balise est composée d'un simple émetteur.

On impose arbitrairement que le déplacement du robot est aléatoire. À la mise sous tension, le robot va donc se déplacer aléatoirement et s'arrêter dès que la balise est détectée.

La probabilité que cette situation arrive est très faible. En effet, le robot a beaucoup plus de chances de rencontrer un rebord, problème qu'il ne sait pas résoudre. Soit, du fait de son déplacement aléatoire, il finira par se décoincer, soit il restera bloqué à cet endroit jusqu'à épuisement des moteurs.

La notion de « tâche secondaire » apparait ; elle est imposée par l'environnement. Dans le cas présent, la tâche secondaire consiste à éviter les bords, ce qui peut se faire en utilisant les capteurs adaptés. Une tâche principale ne peut se suffire à elle-même.

Portons maintenant l'exemple à un satellite. De même que le robot, le satellite doit effectuer une mission particulière (l'observation des étoiles, par exemple), et de nombreuses tâches secondaires. On distingue ainsi :

  • la charge utile, regroupant les instruments nécessaires à l'accomplissement de la mission : instruments optiques (capteurs CCD) pour l'observation céleste, transpondeurs pour les satellites de télécommunications...
  • la plate-forme (également appelée module de service, assurant la survie du satellite : elle fournit l'énergie, les moyens de transmission, etc, à la charge utile, installée dessus.

On appelle sous-système une unité fonctionnelle, autonome sur le plan matériel, remplissant une action.

Organisation du satellite modifier

 
Vue d'artiste du satellite Adeos II, construit conjointement par le CNES, la NASA et la NASDA (l'ex-agence spatiale du Japon) et lancé en décembre 2002 ; sa mission principale était l'observation de la Terre. 1 : Panneaux solaires orientables. 2 : Instrument Seawinds pour la mesure des vents marins. 3 : Instrument Global Imager (photographie). 4 : Revêtement isolant. 5 : Radiateurs. 6 : Tuyères de propulsion.

La masse d'un satellite varie en fonction du type de mission ; cette masse tend à être réduite au maximum en raison des coûts de lancement élevés (entre 10 000 et 3 000 $ le kilogramme, en fonction du lanceur employé[1]). Elle varie entre 1000 et 6000 kg ; cependant, de petits satellites, aux formats réduits (quelques centaines voire quelques dizaines de kilos), très prisés par les universités et les radioamateurs, se multiplient.

La durée de vie moyenne d'un satellite artificiel oscille entre 5 et 20 ans. La fin de vie peut être volontaire (arrêt programmé de la mission, souvent pour des raisons de coûts) ou due à des problèmes techniques : entre 1965 et 1990, pour les seuls satellites en orbite géostationnaire, le contact a été perdu avec 13 d'entre eux et 355 ont connu une panne grave, selon le CNES. Une communication est assurée avec le satellite pour éviter ces situations.

Interfaces externes modifier

Le satellite est contrôlé depuis le sol par le biais d'une liaison radio. Le contact sol/satellite peut être soit permanent, soit limité à certaines sections d'orbite, en raison du déplacement constant du satellite qui oblige l'installation d'une multitude d'antennes (Ground stations, GS). Les deux interfaces externes sont les télécommandes (TC) et les télémétries (TM). L'Agence Spatiale Européenne (ESA) utilise dans cette perspective son propre réseau de 9 antennes paraboliques, l'ESTRACK (European Space Tracking).

Sous le nom télécommandes sont regroupés tous les ordres envoyés au satellite. Ils déterminent ses activités, peuvent passer outre des décisions de l'ordinateur de bord et sont généralement envoyés par paquets.

Les télémétries sont envoyées par le satellite au sol et divisées en deux catégories : celles de charge utile et celles de plate-forme. Les premières ne sont autres que les données collectées par le satellite pour sa mission : dans le cas d'un télescope spatial, il s'agira par exemple de photographies. Les télémétries de charge utile contiennent des informations générales sur le statut du satellite, comme la température interne, ou encore l'état d'un instrument.

 
Les différentes interfaces externes d'un satellite artificiel.

Les différents systèmes du satellite sont reliés par un BUS numérique (aussi appelé On-Board Data Handling, OBDH). L'ordinateur central « dirige » le BUS ; les charges utiles et les sous-systèmes sont ses clients, ceux-ci ont leur propre ordinateur et peuvent avoir un BUS interne.

Les données circulant dans le BUS sont les télécommandes et les télémétries. Les télécommandes sont envoyées par l'ordinateur central aux sous-systèmes et aux charges utiles. À l'inverse, les télémétries sont envoyées par lesdits clients à l'ordinateur central. La grande majorité des communications entre l'ordinateur central et les clients passent par le BUS, bien que d'autres liens puissent exister dans des situations et configurations particulières (comme l'initialisation, l'allumage du satellite, ou pour des tâches exceptionnelles non prévues dans la mission nominale).

 
Schéma simplifié du BUS d'un satellite artificiel.

Le contrôle au sol modifier

Le contrôle au sol est permanent dès lors qu'un contact est établi avec le satellite. Il permet de s'assurer de la bonne marche des systèmes. En Europe, l'agence spatiale européenne contrôle ses sondes depuis le Centre européen d'opérations spatiales, l'ESOC (European Space Operations Centre), basé en Allemagne, à Darmstadt.

L'équipe de contrôle, souvent dédiée au satellite, dirige les premières opérations dès la séparation du satellite avec le lanceur. Ces premières opérations sont nommées LEOP, pour Launch and Early Orbit Phase (phase de lancement et de début d'orbite). Pendant cette période, les contrôleurs travaillent 24h/24 pour activer et vérifier chaque sous-système du satellite. À titre d'exemple, cette phase a duré 4 jours pour ENVISAT, un « gros » satellite d'observation de la Terre. Elle dure en moyenne 2 à 3 jours.

Par la suite, les opérations sont dites de routine : elles incluent vérification de certains systèmes critiques tous les 3 ou 4 mois, manœuvres de correction d'orbite (tous les mois en moyenne), et réparation d'éventuels instruments tombés en panne.

Les contrôleurs de l'ESOC sont chargés de recevoir les données « brutes » envoyées par le satellite — ce qui inclut une gestion des antennes au sol — et de les transmettre aux chercheurs et scientifiques. Ceux-ci les transforment en belles images dont on a l'habitude.

De plus, les scientifiques peuvent avoir besoin de données spéciales. Ils font alors une requête, qui, après examination, est effectuée par les contrôleurs : cela peut être, par exemple, un changement de l'attitude\index{Attitude} (c'est-à-dire de l'orientation) du satellite pour capturer des images sous un angle différent.

Ces scientifiques ont défini les objectifs de la mission et construit les programmes informatiques de vol plusieurs années (parfois 10 ans) avant la phase opérationnelle. Ils peuvent parfois découvrir de nouvelles choses qui seraient plus intéressantes à étudier, ou découvrent des erreurs dans les programmes. Dans ce cas, c'est aux contrôleurs de les refaire et de trouver les erreurs. Par exemple, en 2009, l'équipe de la mission Mars Express reprogrammé entièrement une des caméras, améliorant considérablement la qualité des données reçues.

En cas de problème, les contrôleurs — réunis dans la Flight Control Team (Équipe de Contrôle de Vol, FCT) — doivent récupérer le satellite. Il y a quelques années, en 2005, la sonde Mars Express, arrivée en orbite martienne, devait déployer trois grandes antennes de 20 mètres. L'équipe de contrôle craignait qu'elles se déploient trop vite, et qu'elles heurtent les panneaux solaires. Afin de minimiser leur vitesse, elles ont été refroidies... si fort que l'une d'entre elles ne voulait plus s'ouvrir ! Après discussions, il a été décidé d'orienter la sonde vers le soleil pour réchauffer l'antenne... qui s'est finalement déployée et alignée. Plus récemment, en février 2010, un des satellites de la constellation Cluster nommé Rumba a cessé d'envoyer les données collectées. L'équipe de contrôle a donc du trouver une solution pour le réparer[2].

D'autres équipes, aux tâches bien spécifiques, viennent aider la FCT : il s'agit par exemple des équipes qui calculent et définissent la trajectoire, pouvant être très complexe. L'ensemble des moyens de contrôle est appelé segment sol (Ground Segment).

Cependant, du fait de l'irrégularité des contacts, il est impossible de surveiller en permanence le satellite. Celui-ci se retrouve livré à lui-même pendant des durées qui peuvent varier de quelques heures à plusieurs jours. Il doit donc être capable de se « maintenir en vie », tout en effectuant sa mission : c'est le rôle des sous-systèmes de plate-forme. Les sous-systèmes de charge utile sont ceux chargés d'effectuer les opérations propres au satellite : dans le cas de SPOT, une série de satellites d'observation de la Terre du Centre National d'Études Spatiales (CNES), il s'agit par exemple des capteurs CCD.

Modes opérationnels d'un satellite modifier

Un satellite peut être dans différents modes de fonctionnement ; ces modes déterminent le comportement du satellite et sont adaptés aux différentes phases de vol ainsi qu'aux circonstances. En voici quelques-uns :

  • En Stand-By Mode (SBM, mode d'attente), le satellite est plus ou moins inactif. Il génère des télémétries de charge utile et est « à l'écoute » d'éventuelles télécommandes venant du sol. Ce mode est activé pendant le lancement jusqu'à la séparation avec le lanceur.
  • En Initial Aquisition Mode (IAM, mode d'acquisition initiale), le satellite doit s'initialiser et acquérir une attitude nominale. Ce mode est activé juste après la séparation avec le lanceur, mais peut aussi l'être après la détection d'une erreur grave.
  • En Normal Mode (NM, mode normal), le satellite effectue les opérations pour lesquelles il a été conçu. Un télescope spatial, par exemple, prendra des photographies. La très grande partie d'une mission se passe dans ce mode.
  • Le Safe Mode (SM, mode de sécurité) est activé si une anomalie grave est détectée. Son objectif est de conserver le satellite dans un état stable et de sécurité, tout en conservant un contact radio avec le sol.

La transition entre deux modes peut être aussi bien automatique (décidée par l'ordinateur de bord sans intervention du segment sol) ou commandée par l'équipe de contrôle.

L'exemple de l'AOCS, un sous-système modifier

 
L'architecture globale de l'AOCS.

L'AOCS (acronyme pour Attitude and Orbit Control Subsystem), en Français SCAO pour Système de Contrôle d'Attitude et d'Orbite, est chargé de maintenir le satellite dans une orientation qui lui permet d'effectuer sa mission. Dans le cas, par exemple, d'un satellite de télécommunications en orbite géostationnaire, il s'agira de maintenir les antennes fixées sur la zone à couvrir.

Dans le cas étudié, l'AOCS possède un ordinateur séparé de l'ordinateur central (dans d'autres configurations, l'AOCS est inclus dans ce dernier). L'AOCS reçoit les télécommandes de l'ordinateur de bord et lui fait parvenir les télémétries de charge utile par le biais du BUS. L'AOCS mesure régulièrement l'attitude à partir de capteurs (gyroscopes, senseurs stellaires...) afin que l'ordinateur du sous-système génère des séquences de correction d'attitude, envoyés par la suite aux actionneurs.

À cause de sa complexité, l'AOCS est souvent organisé autour d'un BUS dédié dans lequel les communications entre l'ordinateur du sous-système et les capteurs ou actionneurs prennent place.

L'AOCS génère constamment des télémétries envoyées à l'ordinateur central par le BUS. Ces télémétries contiennent généralement le statut des éléments de l'AOCS (allumé ou éteint), leur état, le mode actuel de fonctionnement, le journal (log) des télécommandes (ID des télécommandes reçues, manœuvres effectuées), la dernière estimation de l'attitude du satellite, les dernières informations données par les capteurs et les dernières commandes envoyées aux actuateurs.

L'AOCS n'utilise qu'une partie de ses éléments. En effet, ils sont, dans la plupart des cas, doublés ; c'est pourquoi moins de la moitié des équipements disponibles sont réellement employés. En effet, l'AOCS possède des systèmes de détection d'erreurs [3]. Quand il en détecte une, il peut tenter de la réparer en effectuant une reconfiguration, qui remplace l'élément problématique par sa « doublure », excluant ainsi l'anomalie. Deux types de reconfigurations sont à opposer :

  • Unit reconfiguration (UR), si l'erreur est clairement localisée sur un élément en particulier ; la reconfiguration n'a lieu que sur celui-ci ;
  • Subsystem reconfiguration (SR), si le problème n'est pas localisé ; la reconfiguration a lieu sur l'ensemble des éléments du sous-système.

La grande variété des conditions dans lesquelles un satellite doit effectuer sa mission oblige la décomposition de l'ensemble des fonctionnalités en différents modes, optimisés pour chaque situation[4].

Le passage d'un mode à l'autre peut aussi bien être décidé par le segment sol que par l'AOCS lui-même ; le segment sol peut annuler ou empêcher ces transitions automatiques.

Notes modifier

  1. Duret, Alain. « Conquête spatiale : du rêve au marché ». Éditions Gallimard, 2002. Pages 151 à 153.
  2. Teamwork, skill enable quick Cluster recovery. European Space Agency, 19 février 2010. (page consultée le 22 décembre 2010). http://www.esa.int/SPECIALS/Operations/SEMJ0FNEG5G_0.html
  3. Consulter à ce sujet l'annexe « Compléments sur l'AOCS »
  4. Une liste détaillée des différents modes de l'AOCS est disponible en annexe