Le noyau atomique/L'émission et la capture de nucléons

Dans ce chapitre, nous allons aborder les situations où un noyau absorbe ou émet un nucléon. On peut les classer en plusieurs types, qui sont décrits ci-dessous.

  • La capture d'un nucléon correspond à l'absorption d'un nucléon isolé par un noyau. Le nombre de masse augmente d'une unité, Z augmentant si le nucléon est un proton.
    • La capture de proton est un cas particulier de fusion nucléaire (deux noyaux fusionnent pour n'en former qu'un seul), où un noyau fusionne avec un noyau d'hydrogène.
    • La capture de neutron est un cas particulier de fusion nucléaire, où un noyau fusionne avec un neutron isolé.
  • L'émission d'un nucléon se traduit par l'émission d'un ou plusieurs nucléons par le noyau.
    • L'émission d'un proton peut être vue comme un cas particulier de fission nucléaire (un noyau qui se casse en deux), où l'un des noyaux résultant est un noyau d'hydrogène.
    • L'émission d'un neutron, quant à elle, ne peut pas être vue comme un cas particulier de fission nucléaire (un neutron isolé n'est pas un noyau).
Proton Neutron
Émission Émission protonique Émission neutronique
Capture Capture protonique Capture neutronique

L'émission de nucléons

modifier

L'émission de nucléons se traduit par la réduction du nombre de masse du noyau d'au moins une unité. Le noyau peut émettre soit un nucléon (un proton ou un neutron), soit en émettre deux à la fois. S'il n'émet qu'un seul nucléon, on parle d'émission simple. S'il en émet deux à la fois, on parle de double émission. Les doubles émissions sont rares, bien plus que les émissions simples (déjà elles-mêmes peu fréquentes). Le nucléon émis peut être un proton ou un neutron :

  • Avec une émission de proton, à la fois A et Z sont réduits d'une unité.
  • Avec une émission de neutron, A est réduit d'une unité alors que ce n'est pas le cas de Z.
Avec l'émission d'un neutron, le noyau est transformé en un de ses isotopes.

Énergétique de l'émission d'un nucléon

modifier

Le noyau est plus stable après avoir émis un proton ou un neutron, ce qui veut dire qu'il a perdu de l'énergie. Cette énergie, libérée par la réaction, se répartit entre le proton et le noyau final. L'application de la conservation de la quantité de mouvement nous permet de déterminer comment se fait cette répartition (le raisonnement est similaire à celui donné dans la section sur la radioactivité alpha). On trouve alors les deux équations suivantes, avec   et   l'énergie cinétique et la masse du noyau final, et   et   celles du proton/neutron émis.

 
 

On a alors :

 

Le mécanisme de l'émission de nucléons

modifier

L'émission d'un nucléon regroupe plusieurs phénomènes différents, dont les mécanismes ne sont pas les mêmes.

  • Dans le premier cas, l'émission est spontanée. Le noyau peut être excité, mais il est la plupart du temps dans son état d'énergie minimale. Pour une émission spontanée, il faut que le noyau ait un excès ou un déficit de neutrons/protons et l'émission lui permet de s'en débarrasser. C'est pourquoi on parle d'émission radioactive de nucléon.
  • Le second cas est celui d'une fission nucléaire (un noyau qui se casse en deux) qui laisse échapper un nucléon. Certains isotopes se fragmentent en noyaux plus simples, en émettant un neutron lors de la fission. Il existe la même chose avec la fusion nucléaire (deux noyaux fusionnent en un noyau plus gros). Deux noyaux qui fusionnent peuvent donner naissance à un noyau excité, qui se désintègre en émettant un nucléon. Ces deux types d'émission nucléique sont appelée émission nucléique induite par une fission/fusion. En général, les noyaux avec beaucoup de neutrons par rapport aux protons émettent des neutrons, alors que ceux avec un excès de protons émettent des protons.
  • Le troisième type d'émission nucléique fait suite à une désintégration bêta, qui laisse un noyau dans un état excité (surchargé en énergie). L'excès d'énergie est supérieur à l'énergie nécessaire pour éjecter un nucléon, et sert donc à éjecter un neutron ou un proton du noyau. On parle alors d'émission bêta-retardée. Ce cas de figure est de loin le plus courant : plus de 160 noyaux capables d'émission retardée ont été identifiés à ce jour, contre moins de 47 pour le second phénomène.
  • Avec le dernier mécanisme, l'émission d'un nucléon est induite par l'absorption d'un photon gamma : le noyau passe en état excité et se désexcite en émettant un nucléon. Ce phénomène est appelé la photodésintégration, ce qui signifie désintégration radioactive induite par un photon. Un exemple est la transformation du Deutérium en Protium suite à l'absorption d'un photon gamma :
 

L'émission radioactive de nucléons a lieu pour des noyaux en excès ou déficit de protons/neutrons. Un noyau qui possède un excès en neutron va en éjecter un ou deux de son noyau, tandis qu'un noyau avec un excès de protons va en expulser un ou deux de son noyau. Vu que seul un ou deux nucléons sont évacués du noyau, on se doute que ces noyaux sont très proches de la situation d'équilibre, approximativement Z = N. Sur le graphique Z-N, ils sont très proches de la limite de stabilité, la droite qui identifie les noyaux stables dans la vallée de stabilité. Cependant, l'émission d'un nucléon est un processus assez rare. Il faut dire qu'un noyau avec un excès de protons/neutrons peut s'en débarrasser par radioactivité bêta.

Le mécanisme qui se cache derrière l'émission radioactive (spontanée) d'un nucléon est l'équivalent de la radioactivité alpha, mais pour un nucléon seul. D'ailleurs, les théories qui expliquent l'émission de nucléons sont les mêmes que celles qui rendent compte de la radioactivité alpha. Pour les résumer, le nucléon est préformé dans le noyau, où il s'y déplace comme bon lui semble. Il s'échappe du noyau quand il acquiert une énergie cinétique suffisante, qui surpasse l'attraction nucléaire.

L'émission d'un proton est censée être plus probable : sa charge entraîne une répulsion électrostatique, qui le propulse plus facilement que le neutron.

Les sources de neutrons et de protons

modifier

Certaines expériences en physique nucléaire et en physique des particules ont besoin d'une source de neutron stable. Par source de neutrons, on désigne quelque chose qui émet des neutrons, peu importe par quel mécanisme. Les sources de neutrons sont utilisées en-dehors des expériences de physique, en médecine dans certains appareils d'imagerie médicale, dans l'industrie, etc. Si le terme est assez général, elles ne fonctionnent pas toutes de la même manière. Certaines utilisent la fission, d'autres l'émission bêta-retardée, etc.

Les sources de nucléons à particules alpha

modifier

Les premières sources de neutrons à avoir été inventées utilisaient du Béryllium. L'isotope stable du Béryllium, le Beryllium-9, possède un neutron assez peu lié au reste du noyau (son énergie de liaison est d'à peine 1,7 MeV). Si on fait fusionner ce noyau avec une particule alpha, il forme un atome de Carbone stable en émettent un neutron. La réaction nucléaire en question est la suivante :

 

Si on couple du Béryllium-9 avec une source de particule alpha, on obtient une source de neutrons. SI on veut de plus que la source assure un débit régulier, il faut que la source de particules alpha ait une longue demi-vie, comme du  , du  , du  , du  , ou du  . Mais si le débit est régulier, l'énergie des neutrons émis n'est pas si stable et varie grandement d'un neutron à l'autre. C’est lié au fait que les énergies des particules alpha sont assez dispersées, qu'elles sont ralenties de manière stochastique en parcourant un solide (ici, le Béryllium et la source), et quelques autres raisons.

Un mécanisme similaire permet de créer des protons très énergétiques, en remplaçant le béryllium par de l'Azote-14. En bombardant de particules alpha de l'Azote-14, ce dernier absorbe la particule alpha et se désintègre en Oxygène-18 en émettant un proton. Les réactions sont les suivantes :

 
 
 
Production de protons par bombardement d'azote par des particules alpha.

Les sources de nucléons par photodésintégration

modifier

Une autre possibilité est d'utiliser la photodésintégration. L'avantage de cette technique est que l'énergie des neutrons est plus simple à contrôler, vu qu'il existe des sources de lumière qui délivrent une énergie/intensité assez stable/constante. Pour cela, on peut encore une fois utiliser du Béryllium-9, que l'on couple à une source constante de rayons gamma. La source de rayons gamma est parfois du  , qui émet des particules gamma de 2,76 MeV. Le Béryllium absorbe ces rayons gamma et se désintègre en Béryllium-8. L'énergie du neutron émis est d'environ 0.8 MeV. La réaction est la suivante :

 

Les générateurs de protons/neutrons

modifier

On peut aussi utiliser la fission ou la fusion de certains isotopes. Par exemple, cela fonctionne avec le  , qui émet 4 neutrons par fission. Mais de telles réactions sont difficiles à contrôler. Induire une fission ou une fusion demande d'avoir un accélérateur de particules ou un réacteur nucléaire à disposition. Les générateurs de neutrons sont des sources de neutrons qui contiennent un accélérateur de particule qui induit la fusion de deux noyaux. Les plus simples font fusionner des isotopes de l'hydrogène, comme du deutérium et du tritium. Les réactions en question sont les suivantes, avec D pour le deutérium et T pour le tritium :

 , le neutron émit a une énergie de 14.1 MeV.
 , le neutron émit a une énergie de 2.5 MeV.

La capture de nucléons

modifier

La capture d'un nucléon a lieu quand un nucléon isolé rentre dans un noyau atomique et fusionne avec lui. Par contre, les captures de nucléons peuvent être annulées par photodésintégration : le noyau absorbe un photon et passe en état excité instable, avant de désintégrer en émettant un nucléon. La concentration en noyaux formés par capture de nucléon dépend des apports mais aussi des pertes. Les apports dépendent seulement de la fréquence des captures, les pertes sont causées par les photodésintégrations. Les deux processus sont favorisés par la température, ce qui fait qu'il existe une température optimale où les noyaux formés par capture sont les plus abondants.

La capture d'un proton est plus difficile que celle d'un neutron, en raison de la répulsion électrostatique. Le proton est repoussé par le noyau et ne peut le toucher qu'au prix d'un apport d'énergie assez important, alors que le neutron n'a pas ce problème, vu qu'il n'est pas chargé et donc non-soumis à la répulsion électrostatique du noyau. La conséquence est que la capture protonique ne s'observe que dans des environnements très chauds, où les protons ont une énergie cinétique très importante. Plus l'environnement est chaud, plus les captures protoniques sont fréquentes.

Il faut noter que la capture protonique transforme un noyau d'un élément chimique en un autre. Ce qui n'est pas le cas avec la capture neutronique, qui transforme le noyau en un de ses isotopes. Le noyau obtenu après fusion a un nucléon de plus que le noyau initial : son nombre de masse augmente, et son nombre atomique peut aussi changer lors de la capture d'un proton.

  • Avec la capture d'un proton, un noyau voit A et Z augmenter tous d’une unité.
  • Avec la capture d'un neutron, le noyau voit son nombre de masse A augmenter d'une unité, alors que Z reste le même.

Les réactions nucléaires induites par capture neutronique

modifier

La capture d'un neutron donne naissance à un nucléide instable qui se désintègre rapidement, pour éliminer l'énergie apportée par la fusion. Pour cela, le noyau peut émettre un photon gamma, émettre un nucléon (de préférence le même que celui absorbé), ou fissionner (c'est à dire qu'il éclate en plusieurs noyaux séparés). Selon la méthode de désintégration/fission du noyau, on distingue plusieurs réactions :

  • La réaction (n, ) : le noyau capture un neutron, puis subit une désintégration gamma.
 
  • La réaction (n,p) : le noyau capture un neutron, puis émet un proton.
 
  • La réaction (n,2n) : le noyau capture un neutron, puis en émet plusieurs. La réaction la plus courante est la réaction (n,2n) où le noyau émet deux neutrons différents - c'est celle-ci qui est mise en équation ci-dessous. Il arrive plus rarement que le noyau émette non pas deux, mais 3, 4, 5 ... bref : plusieurs neutrons.
 
  • La réaction (n, ) : le noyau capture un neutron, puis subit une désintégration alpha.
 
  • La réaction (n,f) : le noyau capture un neutron, puis subit une fission (il se casse en deux noyaux plus petits).
 

Les réactions en chaine : bombes atomiques et réacteurs nucléaires

modifier

La réaction (n,2n) est de loin la plus intéressante, vu que l'une d'entre elle est utilisée dans les réacteurs nucléaires pour produire de la chaleur et de l’électricité. Il s'agit de l'exemple classique de la fission induite de l'Uranium-235. Quand celui-ci capture un neutron, il se transforme en Uranium-236 instable, qui fissionne. Le résultat de la fission est un noyau de Barium-141, un noyau de Krypton-32 et deux à trois neutrons. Les neutrons émis lors de cette fission peuvent eux aussi être capturés par des noyaux environnants, et le processus recommence. Au final, on obtient une suite de réactions en chaîne qui s'auto-entretiennent.

 
Fission nucléaire de l'Uranium 235.
 
Fission en chaîne d'Uranium-235.

La réactivité

modifier

Le comportement de la réaction en chaîne peut se résumer avec un paramètre appelé la réactivité, noté  . Grossièrement, c'est un paramètre qui dit si la réaction s'emballe exponentiellement, reste stable comme dans un réacteur, ou ralentit jusqu'à finir par cesser complètement.

  • Si  , la réaction s'emballe exponentiellement ;
  • Si  , la réaction est stable ;
  • Si  , la réaction ralentit progressivement et cesse après un certain temps.

Pour comprendre ce qu'est la réactivité, nous devons introduire le concept de génération de neutron. Pour cela, partons d'une situation où N neutrons sont émis par désintégration de l'Uranium : c'est la première génération de neutrons. Sur ces n neutrons, certains vont être absorbés par des noyaux d'Uranium, d'autres non. Ceux absorbés vont entraîner une désintégration et entraîner l'émission de nouveaux neutrons : ces neutrons forment la seconde génération de neutrons. Et ainsi de suite : certains de ces neutrons vont être absorbés par l'Uranium et donner naissance à de nouveaux neutrons, de troisième génération, etc. Plusieurs générations de neutrons vont se succéder ainsi, chacun étant créée par un ensemble de désintégrations. La réactivité est définie par la différence entre nombre de neutrons produit lors d'une génération et nombre de neutrons produits à la génération suivante. Si on note   le nombre de neutrons de génération  , on a :

 

Si on suppose qu'il est constant (ce qui est souvent une bonne approximation, on trouve rapidement que :

 , avec   le nombre de neutrons émis en première génération.

Si  , le nombre de neutrons augmente ou diminue exponentiellement (en suivant une loi de puissance, pour être précis). Mais si  , le nombre de neutrons (et donc de désintégrations) reste stable.

Bombes atomiques et réacteurs nucléaires

modifier

Les réactions en chaîne sont utilisées dans les bombes atomiques, mais aussi dans les réacteurs nucléaires. La différence tient dans la réactivité : supérieure à 1 pour une bombe nucléaire, égale ou légèrement inférieure à 1 pour un réacteur nucléaire.

Si le matériau atteint une certaine masse, appelée masse critique, on a   et le nombre de neutrons augmente exponentiellement. Chaque désintégration donne plusieurs neutrons, qui sont absorbés par des atomes d'Uranium, qui eux-mêmes donnent plusieurs neutrons et ainsi de suite. Le nombre de désintégrations augmente alors de manière exponentielle avec le temps, qui ne s’arrête qu'une fois tout l'Uranium consommé. Chaque désintégration libère de l'énergie, ce qui fait que la réaction en chaîne entraîne une énorme production d'énergie incontrôlée. Ce n'est ni plus ni moins ce qui se passe dans une explosion nucléaire.

 
Diagramme d'un réacteur nucléaire thermique, qui montre le combustible nucléaire, le matériau modérateur et les barres de contrôle.

Un réacteur nucléaire utilise l'énergie des désintégrations de l'Uranium pour chauffer de l'eau. Un réacteur nucléaire utilise le même principe que la réaction en chaîne, sauf qu'on limite le nombre de désintégrations pour éviter qu'il ne croisse exponentiellement. Pour cela, on doit faire en sorte que la quantité de neutrons en circulation reste plus ou moins constante : chaque neutron donne naissance en moyenne à un neutron, qui lui-même donne naissance à un nouveau neutron et ainsi de suite. En clair, sur les deux neutrons émis par une désintégration de l'Uranium, l'un doit être retiré de la circulation et ne doit pas interagir avec un atome d'Uranium. Tout cela implique de retirer des neutrons de la circulation et les absorber. Pour ceci, on utilise des matériaux absorbants qui absorbent des neutrons. Ainsi, on garantit que le nombre de neutrons n'augmente pas exponentiellement, ce qui calme la réaction en chaîne. L'absorption des neutrons n'est autre qu'une réaction de capture neutronique de type (n, ) entre le matériau modérateur et le neutron. Comme matériau absorbant, on utilise de l'Hydrogène pour les neutrons rapides, et du Cadmium pour absorber les neutrons "lents" :

 
 

En outre, le réacteur fait aussi en sorte que la plupart des neutrons soit ralentis. Les neutrons lents sont appelés de neutrons thermiques et ont une énergie cinétique inférieure à 0,025eV et une vitesse inférieure à 2 190 m/s. Il faut dire que les neutrons lents ont plus de chance de fusionner avec des atomes d'Uranium, contrairement aux neutrons rapides. Soit ils quittent le réacteur trop rapidement pour interagir avec l'Uranium, soit ils ne déclenchent pas de fission après capture. Le ralentissement des neutrons s'effectue avec un matériau dit modérateur, sur lequel les neutrons vont se cogner. À chaque collision, le neutron va céder une partie de sa vitesse à l'atome qu'il cogne, ce qui va le ralentir. Au fur et à mesure des collisions, le neutron va progressivement ralentir, jusqu’à devenir un neutron thermique.

Les processus R, S, P et RP

modifier

Dans un autre registre, la capture de neutrons et de protons est impliquée dans la formation de certains éléments chimiques plus lourds que le Fer. En effet, tous les éléments plus lourds que le Fer, avec plus de nucléons, sont instables. Ils tendent à se désintégrer par radioactivité ou par fission en noyaux plus légers. Cela explique pourquoi ces éléments sont rares, mais pose un problème. En effet, une quantité infinitésimale de ces éléments a été synthétisée après le Big-Bang et leur quantité devrait avoir diminuée depuis à cause des désintégrations. Mais si on fait le compte, les éléments lourds sont bien plus nombreux que ce que les calculs nous disent. La seule explication est que ces éléments lourds se sont synthétisés après le Big-Bang, par des mécanismes encore assez mal compris. On ne sait pas très bien où a lieu cette synthèse : dans les supernovas, dans les étoiles massives, dans les centres galactiques, ailleurs ? Par contre, on sait que leur synthèse est réalisée par des réactions de capture de nucléons, appelées processus R, S, P et RP.

Les processus S et R sont des processus de capture de neutrons, alors que les processus P et RP sont des processus de capture de protons. Les processus de capture neutronique (S et R) donnent des noyaux très riches en neutrons, bien éloignés de la ligne de stabilité. Même chose pour les processus de capture protonique (P et RP), qui donnent des noyaux riches en protons, avec peu de neutrons.

Une autre différence tient dans la vitesse des captures, le temps d'attente entre deux captures. On distingue ainsi les processus où deux captures successives sont temporellement éloignées et ceux où les captures s’enchaînent rapidement.

  • Pour les processus R et RP, les captures de nucléons s’enchaînent suffisamment rapidement pour que les noyaux obtenus n'aient pas le temps de se désintégrer entre deux captures. Cela se produit quand le flux de nucléons est très important, ce qui signifie qu'il faut une source de nucléons très active. La source a donc une température très élevée, de plusieurs millions de degrés au minimum. On suppose que ces réactions peuvent avoir lieu dans les supernovas, durant lesquelles les flux de particules sont certes très brefs (quelques secondes) mais sont aussi très intenses.
  • Pour les processus S et P, les nucléons sont absorbés lentement et les noyaux obtenus ont le temps de se désintégrer entre deux captures. Ici, le flux de nucléons est plus lent, moins soutenu, ce qui signifie que la source de nucléons a une température bien plus basse.

La distinction entre processus lents et rapide est de première importance et explique les résultats différents entre les deux processus. Pour les processus lents P et S, certains noyaux formés ne sont pas stables et subissent très souvent des désintégrations bêta. Le processus d'ajout de nucléons se poursuit alors sur un noyau différent, produit par désintégration bêta. Cela n'arrive pas aussi fréquemment avec les processus rapides R et RP, pour lesquels les désintégrations bêta sont plus rares (mais elles existent). Les deux processus peuvent partir du même élément, mais donner des éléments très différents.

Vitesse de capture\Nucléon capturé Neutron Proton
Lente Processus S (Processus de capture neutronique lent - slow neutron-capture process) Processus P (Processus de capture protonique rapide - slow proton-capture process)
Rapide Processus R (Processus de capture neutronique rapide - rapid neutron-capture process) Processus RP (Processus de capture protonique rapide - rapid proton-capture process)

Un exemple est celui du processus S, un processus de capture de neutrons, illustré ci-dessous. On voit qu'il commence à l'Argent, mais que diverses désintégrations bêta lui permette de créer des noyaux de Cadmium, d'Indium, d’Étain, d'Antimoine, et ainsi de suite.

 
Processus-S de l'Argent à l'Antimoine.
 
Partie finale du processus-S.