Droit du travail/La négociation collective

En raison d’une conception centralisée du droit, l’essentiel du droit du travail jusqu’en 1982 était constitué de lois et règlements. (1981 élection de François Mitterrand.) C’est avec les lois Auroux de 1982, que l'on voit s’épanouir la négociation collective en France. Elle est confortée par un dispositif législatif ces dernières années et en particulier des dispositions relatives aux processus de négociation de lois de 2004. La convention collective est un accord conclu entre un employeur ou un groupement d’employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives de salariés en vue de créer des normes collectives relatives aux conditions d’emploi et de travail ainsi que des garanties sociales.

On réserve le terme de convention à des accords très vastes. L’accord porte sur un domaine plus réduit qui vise parfois à compléter une convention collective. Il y a différentes catégories de conventions collectives : les accords nationaux interprofessionnels, les conventions ou accords de branche (secteur d’activité), les conventions d’entreprise.

Est-ce que cette convention a une dimension réglementaire ou plutôt celle d'un contrat ? Elle a un statut hybride, emprunte des traits au règlement en ce qu’elle institue des règles juridiques applicables à une collectivité dont chacun des membres n’est pas signataires de cette convention et une dimension contractuelle car elle a des obligations synallagmatiques incombant aux syndicats ou employeurs signataires. Si un employeur ne la respecte pas, le syndicat signataire pourra assigner celui ci devant le Tribunal d'instance.

Ordonnance du 01.12.05 « la simplification du droit dans le domaine d’élection des institutions représentatives du personnel » L.423-4 comporte un nouvel alinéa « dans chaque entreprise a défaut d’accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales intéressées, le caractère d’établissement distinct est reconnu par l’autorité administrative » L.433-2 al 9 reprend cette phrase.

Les règles applicables à toutes les conventions et accords collectifs modifier

la conclusion des conventions et accords collectifs modifier

Les acteurs modifier

La capacité à conclure modifier

C’est l’employeur qui va conclure dans l’entreprise. À l’échelle de la branche, ce sont les groupements d’employeurs, il n’y a pas d’exigence de représentativité pour les employeurs. Pour les syndicats de salariés, il faut pour pouvoir conclure qu’ il soit représentatif. Il n’y a pas de difficultés quand le syndicat est affilié à une des 5 centrales. En revanche, les autres syndicats non affiliés en cas de contestation doivent établir la preuve de la leur représentativité à l’échelon de la négociation (L. 2121-1 du Code du travail).

Conditions de validité modifier

Avant la loi du 04.05.2004 il était possible à un seul syndicat représentatif même minoritaire de conclure seul un accord collectif. Désormais, il faut atteindre un certain seuil fixé par le Code du travail. S'agissant d'une convention de branche ou d'un accord collectif, ce seuil est fixé à l'article L. 2232-6 du Code du travail. Pour signer une convention ou accord collectif, il faut donc avoir recueilli un suffrage minimum des salariés.

Le contenu de ces conventions modifier

a. Le respect de l’ordre public absolu

Certaines règles ne supportent aucun aménagement conventionnel car elles font partie de l’ordre public absolu. La notion d'ordre public est consacrée à l'article L. 2251-1 du Code du travail.

b. L’ordre public social

Il est possible d’aménager de façon plus favorable des dispositions prévues par la loi ou règlement. Ce principe interdit de conclure des accords collectifs qui soient défavorables eu égard les normes législatives et réglementaires. Mais depuis la loi de 2004, il y a des dérogations à cette interdiction.

Les dérogations modifier

Si les acteurs sociaux peuvent compléter la loi dans un sens plus favorable, il arrive que des aménagements collectifs non seulement ne puissent être clairement favorable mais aussi nettement défavorables aux salariés. Depuis cette loi de 2004, 14 sujets de négociation peuvent donner lieu à des accords plus défavorables prévues par des normes supérieures.

La mise en œuvre de ces conventions et accords collectifs modifier

L’effet obligatoire modifier

Cet effet obligatoire (L. 2262-4 du Code du travail) a une dimension particulière, un employeur qui ne respecte pas ses obligations peut voir sa responsabilité contractuelle engagée. Si certaines clauses lient les signataires, d’autres engagent l’employeur à l’égard de tous les salariés concernés par l’accord. Un accord collectif doit permettre à un syndicat non signataire de désigner des délégués syndicaux supplémentaires tel que l’accord l’a prévu. Ils peuvent agir en justice mais aussi pour le compte des salariés bénéficiaires de l’accord.

L’application des normes conventionnelles modifier

Les employeurs soumis modifier

Si un employeur signe un accord d’entreprise, il est logique que les normes créées s’imposent à lui. Mais quand l’accord est plus vaste que l’entreprise, c'est à dire d'un niveau supérieur, il suffit que l’employeur soit adhérent à une organisation d’employeurs signataires pour que l’accord s’applique à son entreprise. Il faut distinguer pour les accords de branche ou de façon plus large les accords dépassant le cadre de l’entreprise, les accords étendus et ordinaires. L’accord étendu signifie qu’un arrêté ministériel est intervenu pour rendre obligatoire un accord à toutes les entreprises correspondant au champ d’application visé par l’accord. Même si une entreprise n’est pas adhérente du groupement d’employeurs signataires, l’accord lui est néanmoins applicable.

L’activité et le lieu modifier

Ce sont des critères essentiels pour voir si une convention s’applique à l’entreprise (L. 2222-1 du Code du travail). Quand le champ d’application est plus large que l’entreprise, ce sera l’activité dominante de l’entreprise qui permettra de déterminer si la convention est applicable ou pas. Quand celle-ci est d’application régionale, départementale ou municipale, ce sera en principe le lieu du siège social qui déterminera son application. C’est l’activité dominante de l’entreprise "globalement" qui servira de critère sauf dans le cas d'un établissement pour lequel l'activité exercée est radicalement différente de celle principale.

Parfois des entreprises font application volontairement d’une convention collective alors qu’en principe celle ci n’est pas tenue d’en faire application modifier

Cette application volontaire peut contenir un panachage entre une convention obligatoire et une autre facultative. Toutes les dispositions obligatoires s‘appliqueront sauf celles plus favorables contenues dans la convention collective d’application volontaire.

Les relations entre conventions et contrat de travail modifier

Lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention, ou accord collectif de travail, ces clauses s’appliquent au contrat de travail sauf disposition plus favorable. Pour apprécier si telle ou telle clause du contrat de travail est plus avantageuse, on procède par une analyse globale par groupe d’avantages ayant le même objet et la même cause.

La convention collective ne s’incorpore pas dans le contrat de travail. Si un salarié est engagé alors qu’une convention collective est applicable, que celle ci est dénoncée par l’employeur et remplacée par une autre, le principe est que la première convention collective ne peut plus être invoquée par le salarié.

L’extension ou l’élargissement des conventions collectives modifier

Les définitions modifier

a. L’extension

C’est un acte par lequel une convention ou un accord est rendu obligatoire pour tout les employeurs et par conséquent pour tous les salariés compris dans le champ d’application de cette convention (L. 2261-15 du Code du travail).

b. L’élargissement

C’est l’acte par lequel une convention ou un accord, déjà étendu, est rendu obligatoire hors de son champ d’application d’origine. On parle alors d’élargissement géographique et professionnel.

La procédure d’extension ou d’élargissement modifier

Elle s’engage soit à l’initiative du ministre du travail, soit à l’initiative d’une organisation représentative dans la branche d’activité considérée. La commission nationale de la négociation collective donne un avis (L. 2272-1). Puis le ministre ordonne une enquête et si elle se révèle positive, il prend un arrêté d’extension eu élargissement qui est publié au JO.

L’application dans le temps de la convention ou de l’accord modifier

Le point de départ modifier

Quand les formalités de publicité de la convention sont réalisés, elle s’applique immédiatement y compris au contrat en cours. Et elle met fin aux usages contraires au terme de la convention même si ces usages étaient plus favorables aux salariés.

La fin modifier

Les conventions collectives peuvent être à durée déterminée ou pas.

Lors que la convention est à durée déterminée, son terme ne peut excéder 5 ans (L. 2222-4).

Les règles consécutives à la dénonciation modifier

L'employeur souhaitant mettre fin aux effets d'une convention doit procéder à sa dénonciation. Selon l'article L. 2261-9 du Code du travail, cette dénonciation suppose le respect d'un préavis de 3 mois. Tous les signataires doivent être avertis de cette dénonciation.

a. L’effet de la dénonciation

L'effet varie selon les auteurs de la dénonciation. Si une partie des syndicats signataires dénoncent la convention, elle reste applicable aux salariés.

Les syndicats ne pourront plus se prévaloir des dispositions qui les concernent. Si on procède à une dénonciation par la totalité des salariés alors la convention cesse d’être applicable. Si une partie des signataires patronaux ou si les signataires syndicaux représentatifs pour une fraction du champ d’application de la convention dénoncent cette convention alors c’est le champ d’application de la convention qui sera réduit.

b. La dénonciation déclenche une procédure destinée à protéger les intérêts des salariés en obligeant les parties à engager une nouvelle négociation.

Pendant le temps de la négociation, l’ancienne convention survit et si la négociation n’aboutit pas les avantages individuels acquis par chaque salarié sont maintenus.

Les articles L. 2261-10 et L. 2261-11 du Code du travail prévoient les modalités pour engager les nouvelles négociations et les conséquences sur les effets de la convention dénoncée selon que cette dénonciation émane de l'ensemble ou d'une partie seulement des signataires. D'une part, les négociations doivent s’engager à la demande d’une des parties intéressées dans les 3 mois suivant la date de la dénonciation. D'autre part la convention ou l’ accord dénoncé continuent de produire leurs effets jusqu’à l’entrée en vigueur de la convention ou de l’accord de substitution ou à défaut du nouvel accord ou convention, l’ancienne convention continuera de produire ses effets pendant une durée de 12 mois à compter de l’expiration du préavis.

Lorsque l’accord n’a pas été remplacé par un accord de substitution, les salariés conservent les avantages individuels acquis à l’expiration du délai de survie de l’ancienne convention.

La Cour de cassation définit une avantage individuel acquis comme celui qui au jour de la négociation procurait au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel.

Les avenants modifier

Sans être dénoncé, une convention collective peut être modifiée ou complétée. Bien souvent la convention et l’accord collectif de travail prévoit les formes selon lesquelles et l’époque à laquelle ils pourront être renouvelés ou révisés. On utilise la technique des avenants.

Les règles spécifiques à chacun des types de conventions ou accords modifier

Les conventions de branche, accords professionnels et interprofessionnels modifier

Une obligation de négocier modifier

L.132-12 al 1 : les partenaires sociaux qui sont liés par une convention de branche doivent se réunir une fois par an pour négocier sur les salaires et au moins une fois tous les 5 ans pour réviser les grilles de classification.

Cette règle suppose qu’il existe déjà dans la branche, une convention de branche.

Le principe majoritaire appliqué à la conclusion d’une convention de branche modifier

L.132-2-2 prévoit deux façons de s’assurer que les signataires d’une convention de branche soient bien majoritaires.

Un accord de branche peut prévoir les conditions d’une représentation majoritaire des salariés appartenant à cette branche modifier

On parle alors d’accord électoral. Il faut deux conditions et le choix de deux règles.

a. L’accord électoral ne doit pas avoir fait lui-même l’objet d’une opposition de la majorité des syndicats représentatifs dans son champ d’application.

b. Cet accord électoral doit avoir fait l’objet d’un arrêté d’extension pour toutes les entreprises entrant dans son champ d’application. Lorsque ces deux conditions sont remplies, on choisit la règle de majorité.

c. La représentation majoritaire (L. 132-2-2) Soit on organise une élection périodique auprès de tous les électeurs salariés de la branche soit en tenant compte des résultats au dernières élections au comité d’entreprise ou, à défaut, des élections des délégués du personnel. Quand un mode est retenu, aucun accord dans la branche ne peut être valablement conclu si les syndicats signataires ne représentent pas la majorité calculée en tenant compte des résultats obtenus par l’une ou l’autre méthode. Le consentement majoritaire est devenu une des conditions de validité de l’accord.

En l’absence d’accord électoral étendu modifier

Les accords de branches peuvent être conclus par une ou plusieurs organisations représentatives mais ces mêmes accords peuventt être contestés par une majorité d’ opposition représentée par une majorité en nombre des syndicats représentatifs dans la branche. Elle doit s’exprimer dans les 15 jours de la notification de l’accord (L. 132-2-2 I).

Les conventions et accords d’entreprise modifier

Les conditions générales de la négociation modifier

Le cadre de la négociation modifier

Le cadre est l’entreprise mais l’article L. 132-19 al 2 permet la négociation à l’échelle d’un établissement ou de plusieurs établissements.

Les parties à la négociation modifier

- Le principe : les employeurs et syndicats représentatifs sont signataires et parties de la négociation. Dans chaque délégation syndicales, l’acteur principal est le délégué syndical mais la représentation syndicale peut être complété par des salariés ordinaires invités par les syndicats. (L.132- 20 al 3 est un temps rémunéré pour le salarié).

- Des alternatives légales à la carence syndicale. Depuis la loi 04 mai 2004 ; l’article L.132- 26 permet à un accord de branche d’autoriser la négociation avec d’autres personnes que les représentants syndicaux quand il n’y a pas de représentation syndicale. Il est possible aux représentants du comité d’entreprise de conclure des accords d’entreprise. Quand il n’y a pas de représentation du personnel dans l’entreprise, l’accord de branche peut autoriser un ou plusieurs salariés expressément mandaté par une organisation syndicale représentative au plan national à conclure des accords d’entreprise.


L’objet de la négociation modifier

Les termes sont librement fixés et sont à la disposition des parties. (L. 132- 5-2) prévoit que l’accord applicable à l’entreprise peut organiser et la négociation peut être proposée par les organisations syndicales.

Des dérogations possibles aux normes supérieures. Il peut y avoir des dérogations au code du travail. Dans certaines conditions, les accords d’entreprise peuvent prévoir des dérogations au minima imposés dans le code du travail en matière de salaire (L.132-24), de durée du travail (L. 212-2), en matière d’emploi précaire (L.122-3-4). Il peut aussi être négociés des dérogations aux conventions de branche dans l’entreprise. Il est possible de prévoir des dérogations aux conventions de branche dans nombreux domaines, toutefois certains termes de négociation ne peuvent donner lieu à des accords plus défavorables que ceux conclu à un niveau plus élevé. Il s’agit selon l’art L. 132- 23 des minima en matière de salaires, des classifications, de la protection sociale complémentaire et de la mutualisation des fonds destinés à la formation professionnelle.

Les conditions de majorité modifier

Quand un accord de branche fixe les règles de majorité applicable à une convention d’entreprise. Cet accord peut retenir l’une des deux majorités suivantes :

- La majorité d’adhésion ou de consentement : (L.132-2-2 III) soit la convention d’entreprise est signée par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentative ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d’entreprise ou du à défaut des délégués du personnel. Si les organisations syndicales de salariés signataires ne satisfont pas à la condition de majorité évoquée, il est possible d’organiser un référendum dans l’entreprise pour faire approuver le texte négocié.

- La majorité de consensus ou résultant de l’ absence d’opposition. Cela signifie que la conclusion de la convention d’entreprise est subordonnée à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au dernières au premier tour des élections du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel.

En l’absence d’accord de branche, l’art L. 132-2-2 III : pour qu’un accord d’entreprise en l’absence d’accord de branche puise être valablement conclu par une organisation syndicale représentative, il faut qu’il n’y ait pas d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des élections du comité d’entreprise ou à défaut des délégués personnel.

la négociation annuelle obligatoire modifier

Le cadre de la négociation (L. 132-27) modifier

Il prévoit que dans les entreprises comportant des établissement distincts, la négociation annuelle peut avoir lieu soit à l’échelle de l’entreprise soit au niveau de chaque établissement à la condition que les syndicats représentatifs ne s’y opposent pas.

La règle modifier

Chaque année dans les établissements où existe une ou des sections syndicales, l’employeur doit engager une négociation sur les salaires effectifs, la durée effective et l’organisation du temps de travail. Depuis la loi 02.08.1989, la négociation doit aussi porter sur la gestion de l’emploi. Depuis la loi du 19.02.2001, l’épargne salariale doit aussi faire l’objet d’une négociation.

Le régime juridique modifier

l’employeur doit être chaque année à l’initiative de cette négociation. Il doit présenter un calendrier de négociation. Pendant le temps de la négociation, l’employeur ne peut pas prendre de mesures unilatérales concernant les matières négociées. L. 153-2 sanctionne l’employeur en cas de non-respect de l’obligation de négocier.