Discussion:Philosophie/Nietzsche/Volonté de puissance

Sagesse de la vie

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Nous partirons, pour comprendre cette notion de Volonté de puissance, de l'idée qu'elle exprime en premier lieu une sagesse de la vie, expression par laquelle nous désignerons ici la sagesse tragique de l'existence et la description de nos comportements.

Pour justifier l'inclusion de la sagesse de la vie dans notre exposé sur la Volonté de puissance, citons tout d'abord la sagesse tragique du dionysisme que Nietzsche étudie dans La Naissance de la Tragédie.

Nietzsche moraliste

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Ensuite, par les nombreux textes qui décrivent les effets subjectifs de la Volonté de puissance, effets que Nietzsche ramene à un principe unique à l'origine, selon lui, de toutes nos motivations. Ainsi :

« ... [le] sacrifice que nous faisons à notre soif de puissance ou pour conserver au moins le sentiment que nous en avons » Le Gai Savoir, §13

dévoile-t-il le caractère hédoniste de la pensée de Nietzsche, à cette nuance près que le critère est le sentiment de notre propre puissance. Cette idée de puissance devrait être rendue de préférence en Français par le sentiment de notre propre « pouvoir » (Macht) pour bien mettre en lumière qu'il ne s'agit pas seulement d'une aspiration à dominer, mais que tout pouvoir, même modeste, que nous acquérons, est une source de plaisir : maîtriser une technique, acquérir une capacité, pratiquer un art quelconque, sont des sources du sentiment de notre pouvoir.

Mais ce sentiment de notre puissance est d'autant plus intense qu'il exige de nous des sacrifices, une domination complète de nous-même, d'où sa culmination dans le dépassement de soi-même, l'un des thèmes privilégiés de Nietzsche que l'on retrouvera dans la figure sur Surhomme.

Nous avons parlé d'hédonisme à propos de la sagesse de la vie de Nietzsche, mais cette affirmation doit être nuancée. Le plaisir que nous trouvons dans le sentiment de notre propre pouvoir fait inévitablement penser aux morales optimistes du bonheur de l'Antiquité (en particulier Aristote, mais aussi, bien sûr, Épicure), mais en faisant de la puissance le critère dernier du plaisir et de la souffrance, Nietzsche s'oppose en fin de compte aux doctrines anciennes, ce qu'il exprime ainsi :

« il n'est pas vrai que l'homme recherche le plaisir et fuie la douleur : on comprend à quel préjugé illustre je romps ici (...). Le plaisir et la douleur sont des conséquences, des phénomènes concomitants ; ce que veut l'homme, ce que veut la moindre parcelle d'un organisme vivant, c'est un accroissement de puissance. Dans l'effort qu'il fait pour le réaliser, le plaisir et la douleur se succèdent ; à cause de cette volonté, il cherche la résistance, il a besoin de quelque chose qui s'oppose à lui... »

Le plaisir et la douleur restent néanmoins des « faits cardinaux », et c'est pourquoi nous nous sommes permis de parler d'hédonisme.

Ces précisions étant faites, nous pouvons maintenant saisir les conséquences que Nietzsche tire de cette conception de la vie. L'une des plus importantes est, selon nous, que tous les comportements humains doivent être décrits selon les mêmes principes. Par exemple, un guerrier et un artiste expriment également par leurs activités une volonté de puissance. Certes, le barbare est une forme brutale et stupide de volonté de puissance (Nietzsche est loin de valoriser la violence en elle-même - l'esprit est pour lui, sous certaines conditions, l'expression la plus haute de la volonté de puissance humaine) ; mais c'est bien un sentiment de son propre pouvoir qui le motive. L'artiste n'en est de ce point de vue qu'une forme plus raffinée, plus haute, car créatrice. Dès lors, il est permis de constituer une échelle de valeurs unique qui exclut les oppositions morales du type bien/mal, pour rendre compte du fait qu'il y a en réalité une gradation entre la réalité la plus fruste de l'homme (la barbarie) et la culture, qui est donc, sous certaines conditions, le degré le plus haut de la puissance, le degré qui a le plus de valeur et qui nous procure le plus de plaisir.

C'est là l'aspect proprement immoral, ou, plus exactement, amoral, de cette théorie : posant le sentiment de puissance comme un phénomène naturel, il apparaît que, dans la barbarie comme dans la culture, c'est la même tendance à la puissance qui se manifeste, bien qu'elle puisse prendre des formes différentes liées à l'éducation des instincts. Dès lors, la morale peut être décrite également de cette manière, en la situant sur l'échelle du sentiment de puissance : les valeurs morales ne sont plus des faits fondamentaux de la conscience humaine, mais des symptômes des degrés de notre puissance.

Une culture qui exprimerait l'accroisssement de la puissance n'est ni culture militariste ni une culture d'uniformisation (ce qui s'exprime par exemple par un grégarisme moral), mais une culture qui cultive l'homme en tant qu'animal, sans en nier les instincts, mais en les spiritualisant (ce que Nietzsche nomme une divinisation des instincts, concept relativement proche de la sublimation chez Freud). Les plus hautes expressions d'une telle culture sont l'unité du style artistique (en architecture par exemple), le raffinement spirituel (développement chez les individus de capacités telles que la suspension du jugement, de la clarté du style, et de goûts correspondants, etc.).

La Volonté de puissance comme interprétation morale

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Nous terminerons cet exposé sur la Volonté de puissance par la fameuse généalogie de la morale. Elle occupe une place considérable dans l'œuvre et la pensée de Nietzsche, et même, sans doute, la toute première. À ce titre, l'interprétation de la morale comme Volonté de puissance est plus importante pour comprendre Nietzsche que la connaissance exacte de la notion même de Volonté de puissance.

Essence de la vie

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Des deux aspects que nous avons abordés ci-dessus, il est naturel de passer ensuite à une caractérisation générale de la vie en terme de Volonté de puissance. En effet, l'existence tragique s'inscrit dans ce que l'on pourrait appeler une « ontologie dionysiaque » qui est plus large que la simple existence individuelle, tandis que l'explication naturaliste de nos valeurs se fondent sur nos instincts et notre sensibilité, et renvoie donc à l'ensemble du règne animal.

La volonté de puissance est la qualité d'action de la vie, son devenir plus, mais elle n'en est pas le principe au sens classique du terme :

«  La vie (...) tend à la sensation d'un maximum de puissance ; elle est essentiellement l'effort vers plus de puissance ; sa réalité la plus profonde, la plus intime, c'est ce vouloir. »

« La vie est, à mes yeux, instinct de croissance, de durée, d'accumulation de force, de puissance : là où la volonté de puissance fait défaut, il y a déclin. »

La volonté de puissance s'interpréte à partir de la vie organique sans s'y réduire :

  • Ainsi parlait Zarathoustra, II, « De la domination de soi »
« Partout où j’ai trouvé du vivant, j’ai trouvé de la volonté de puissance ; et même dans la volonté de celui qui obéit, j’ai trouvé la volonté d’être maître. [...] Et la vie elle-même m’a confié ce secret : « Vois, m’a-t-elle dit, je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-même. [...] Et toi aussi, toi qui cherches la connaissance, tu n’es que le sentier et la piste de ma volonté : en vérité, ma volonté de puissance marche aussi sur les traces de ta volonté du vrai ! Il n’a assurément pas rencontré la vérité, celui qui parlait de la « volonté de vie », cette volonté – n’existe pas. Car : ce qui n’est pas, ne peut pas vouloir ; mais comment ce qui est dans la vie pourrait-il encore désirer la vie ! Ce n’est que là où il y a de la vie qu’il y a de la volonté : pourtant ce n’est pas la volonté de vie, mais [...] la volonté de puissance. Il y a bien des choses que le vivant apprécie plus haut que la vie elle-même ; mais c’est dans les appréciations elles-mêmes que parle – la volonté de puissance ! » »

Si l'organisme, et plus précisemment notre corps, est le point de départ de Nietzsche, son fil directeur, c'est parce nous n'avons pas de conception de l'être indépendante du fait de vivre. Être, c'est respirer, se nourir, etc. L'être, en lui-même, est un concept dénué de sens, « la dernière fumée d'une réalité qui s'évapore. » C'est pourquoi, selon Nietzsche, il est légitime de chercher d'abord ce qui peut caractériser le vivant :

  • le pouvoir interne de créer des formes
  • la non identité du vivant, dont l'unité ne peut jamais être un principe
  • la lutte interne qui hiérarchise un organisme
  • l'auto-régulation du vivant.

Essence de l'être

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Le §36 de 'Par-delà bien et mal propose d'étendre la notion de Volonté de puissance à l'ensemble de ce qui est. Il faut garder à l'esprit que Nietzsche entoure cette généralisation de nombreuses précautions, et qu'il s'agit avant tout d'une hypothèse. Nous allons maintenant examiner les arguments que Nietzsche fournit en faveur d'une telle généralisation.

Nietzsche part d'un « donné » et suppose l'existence d'une seule causalité, à titre d'hypothèse (voir §36 plus haut). Cette hypothèse est d'autant plus légitime que les dualismes causaux âme - corps et vie - matière aboutissent aux contradictions de l'idéalisme métaphysique dénoncées par Nietzsche. Néanmoins, la thèse de la volonté de puissance conduit au rejet, non seulement du vitalisme, mais aussi du matérialisme de type mécaniste. En effet, puisque ce qui caractérise le vivant doit selon lui être généralisé, alors ce que l'on nomme « matière » (Nietzsche nie l'existence de cette dernière) est également sentant et percevant, mais dans un état plus synthétique que dans le cas d'un organisme.

La formulation synthétique du résultat de cette généralistion est la suivante :

FP, XIV, 14 [121] : « La vie n'est qu'un cas particulier de la volonté de puissance, - il est tout à fait arbitraire d'affirmer que tout aspire à se fondre dans cette forme de la volonté de puissance. »
« l'essence la plus intime de l'être est la volonté de puissance. » (FP, XIV, 14 (80)).

Voyons maintenant comment cela se traduit pour notre compréhension de la réalité.

La notion de volonté de puissance désigne un devenir plus ; elle est conçue par Nietzsche comme un outil de description de la réalité. C'est en ce sens un concept métaphysique, puisqu'il qualifie l'étant en sa totalité. Ce fragment résume toute la philosophie de Nietzsche et son projet de réévaluer les valeurs traditionnelles de la métaphysique à partir d'une nouvelle perspective, ce qui doit entraîner selon lui l'abolition des valeurs idéalistes, en particulier celles du christianisme.

Si cette phrase a une apparence métaphysique, dans la mesure où elle paraît énoncer par une définition ce que c'est que l'être des choses, Nietzsche ne parle pourtant pas de ce qu'est l'être en lui-même, mais de ce qu'il en est de son intériorité. Ainsi la volonté de puissance n'est-elle pas un « fondement » ou une « substance » (ousia en grec). La volonté de puissance est une interprétation de la réalité, interprétation qui prend de multiples dimensions, telles que l'éternel retour et le surhomme. Une telle compréhension exclut principalement toute recherche d'un inconditionné derrière le monde, et de cause derrière les êtres.

La volonté de puissance n'est pas à proprement parler un devoir être : rien n'est contraint par une loi à devenir plus. Il n'y a en effet, selon Nietzsche, aucune loi dans le devenir : tout devient ce qu'il peut devenir, et cela même exprime sa volonté de puissance. On notera qu'ainsi, s'opposant au dualisme métaphysique de l'essence et de l'existence, Nietzsche interprète l'essence d'une chose (sa structure interne) comme se réalisant toute entière dans le devenir, l'existence et l'essence se confondant alors dans le même concept de volonté de puissance.

Le but de Nietzsche est de saper par ce concept les fondements de toutes les philosophies passées et de renouveler la question des valeurs que nous attribuons à l'existence. En ce sens, il n'est ni un prophète, ni un visionnaire, mais se comprend lui-même comme un précurseur.

La volonté de puissance comme interprétation de la réalité

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Puisque la Volonté de puissance est maintenant tenue pour une description de ce qui est, elle commande une manière de concevoir les choses, ce qui conduit à formuler des règles d'interprétation de l'être.

Selon Müller-Lauter, il est possible de distinguer trois sens différents de l'expression « volonté de puissance » lorsqu'elle est employée au singulier :

  • « la volonté de puissance » comme tout de la réalité, comme le nom de cette réalité. En ce sens, la Volonté de puissance est bien un concept métaphysique puisqu'il caractérise l'être de l'étant ;
  • « volonté de puissance », sans l'article « le », comme qualité. En ce sens, comme pour le sens suivant, ce concept désigne une certaine direction d'un devenir singulier ; il désigne l'accroîssement de la puissance ;
  • « une volonté de puissance », présupposant une pluralité de volontés de puissance ; même sens que ci-dessus, mais la multiplicité radicale du monde est souligné. Cela signifie que le tout, l'univers, s'il peut être considéré comme une quantité de forces fixes, n'est pas lui-même Volonté de puissance, car il ne possède pas d'unité, et, puisque ce caractère lui fait défaut, il n'a pas non plus de finalité, il ne se dirige pas vers un état final (l'univers est donc aussi nécessairement circulaire : voir : Éternel Retour).

Il ressort de cette analyse que l'on peut formuler les points de méthode suivants :

  • tout phénomène s'interpréte d'après les mêmes activités que celles du vivant : sentir, vouloir, penser, mais aussi assimiler et se reproduire ; le vivant est une spécialisation de l'inorganique.
  • tout phénomène étant l'expression d'une volonté de puissance, est composé d'actions et de réactions, c'est-à-dire qu'il est un ensemble de relations ; on peut donc en déterminer la structure, le devenir spécifique - ou « type ».
  • tout phénomène est le symptôme d'une volonté de puissance et permet d'interpréter le degré de force de cette activité relativement à la résistance qu'elle rencontre ; cette activité sera ou croissante ou décroissante.
  • croissance ou décroissance de la volonté de puissance sont les indices de la force et de la faiblesse, de l'accumulation de la puissance et de son épuisement, ou encore de la création et de la stérilité.

Synthèse

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Essayons maintenant de dire en quelques mots ce que Nietzsche entend par cette notion de Volonté de puissance.

Une volonté de puissance s'analyse alors comme une relation interne d'un conflit, comme structure intime d'un devenir, et non seulement comme le déploiement d'une puissance : Le nom précis pour cette réalité serait la volonté de puissance ainsi désigné d'après sa structure interne et non à partir de sa nature protéiforme, insaisissable, fluide. (FP XI, 40 (53)). La volonté de puissance est ainsi la relation interne qui structure une force. Elle n'est ni un être, ni un devenir, mais ce que Nietzsche nomme un pathos fondamental, qui définit la direction de la puissance, dans le sens de la croissance ou de la décroissance. Ce pathos, dans le monde organique, s'exprime par une hiérarchie d'instincts, de pulsions et d'affects, qui forment une perspective interprétative d'où se déploie la puissance et qui se traduit par exemple par des pensées et des jugements de valeur correspondants.

Problèmes soulevés

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Nietzsche ne donne aucune définition de la Volonté de puissance. Comme cette notion décrit l'essence de l'être, cette absence n'est pas nécessairement un défaut, car on peut estimer qu'au même titre que dans les cas de notions telles qu'être ou réalité, il n'est pas possible de fournir une telle définition. Toute définition de ces notions revient seulement à les illustrer par d'autres notions qui supposent l'existence, et donc ce qui est à définir.

Or, nous avons de bonnes raisons de penser que la Volonté de puissance n'échappent pas à cette difficulté, d'autant plus que l'usage même qu'en fait Nietzsche met en lumière précisément cette problématique, mais sans jamais l'expliciter :

  • décrivant ou caractérisant ce qui est, elle ne paraît pas similaire à une notion aussi générale que celle de réalité, et Nietzsche prend d'ailleurs soin d'y adjoindre d'autres notions explicatives (structure, force, etc.) qui supposent toutes la notion de réalité ; dans ce cas, il est difficile de comprendre quelle genre de réalité est la Volonté de puissance : une qualité générale, une manière d'être commune à tous les êtres, l'être-même ?
  • comme Nietzsche utilise cette notion pour toute sorte d'êtres particuliers, nous sommes justifiés à nous demander comment il peut établir une telle notion à un statut aussi général et en même aussi particulier : est-ce une intuition généralisée, mais alors selon quelle méthode ? est-ce le fruit de l'observation, une inférence à partir d'un donné, mais alors lequel ? est-ce un concept-outil permettant d'interpréter tout ce qui est, mais alors, comment pourrait-il en même temps être l'essence de l'être ?

En reprenant l'ordre de l'exposé qui précède, nous allons proposer un examen détaillé de ces questions.

En tant que sagesse de la vie

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Nous avons vu que la Volonté de puissance a beaucoup à voir avec la vie telle que nous la vivons, telle que nous la ressentons subjectivement, non seulement parce que cette notion décrit ce qui est l'impulsion fondamentale de nos actes et de nos pensées (le sentiment de notre propre pouvoir), mais également parce que la conception nietzschéenne de ce qui est se fonde sur le donné de nos instincts, donné qui se ramène à la Volonté de puissance. Le caractère intuitif de cette notion est encore plus manifeste dans le dernier aphorisme de Par-delà bien et mal qui décrit l'expérience individuelle du Génie du cœur.

À la considérer dans le seul domaine de la pure subjectivité, que nous apprend donc la Volonté de puissance ? Elle nous apprend la manière dont l'individu Nietzsche éprouvait sa propre existence, comment il voyait la vie, quelle sagesse il pensait pouvoir en tirer et comment il pensait pouvoir comprendre le comportement des autres. En tant que sagesse de la vie, elle n'est que l'expression subjective dont Nietzsche perçoit son existence. À ce titre, elle aussi enrichissante, instructive, passionnante, que nombre d'expériences humaines et de productions poétiques. Nietzsche a d'ailleurs exprimé sa vision du monde sous la forme poétique et, dans une moindre mesure, musicale. De cette manière, il a peut-être réellement contribué à « enjoliver la vie », à accroître le sentiment esthétique que l'on peut éprouver à vivre, à condition toutefois d'être sensible à ses talents artistiques.

Considérons à présent l'autre aspect de la sagesse de la vie, celui des valeurs, et, au premier chef, celui des valeurs morales. Mais elle n'est pas originale de ce point de vue (Épicure, Machiavel). Même son analyse du christianisme : Voltaire, Celse.

En dehors de ce cercle, en dehors de cette appréciation subjective et esthétique, il ne semble pas que nous puissions apprendre quoique ce soit par cette notion : elle ne saurait sortir de ce cercle sans justification, et il apparaît difficile, sinon impossible, de faire d'un donné intuitif un principe d'explication des phénomènes. C'est pourtant ce que Nietzsche prétend faire. Nous verrons plus loin comment il présente cette utilisation.

En tant qu'interprétation de la morale

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Nietzsche rejette explicitement les morales conséquentialistes, de type utilitarisme.

Venons-en à cette distinction célèbre entre le fort et le faible, au sens que nous avons exposé ci-dessus, et commençons par examiner ce qui motive Nietzsche à construire une interprétation de la morale en ces termes.

Selon Nietzsche, la morale fait appel à des réalités et à des catégories métaphysiques en ce sens qu'elles constituent un monde possédant des qualités incompatibles avec ce monde-ci, le monde du devenir[1]. Il en va par exemple ainsi du moi et de la liberté, dans la mesure où ces notions sont définies dans le but de soutenir une théorie de la volonté qui en fait une forme de causalité autonome, c'est-à-dire indépendante de la causalité naturelle. Toutes ces notions forment un monde à la fois moral et métaphysique, puisque le sujet moral est responsable de ces actes, et donc bon, dans la mesure où il n'est pas déterminé dans le devenir ; en effet, s'il était déterminé naturellement, le sujet ne serait plus un sujet, il ne serait plus à l'origine de ses actes et n'en serait pas non plus responsable. Il faut donc que, d'une certaine façon, il soit en retrait par rapport au devenir, d'une manière telle qu'il existe deux mondes antithétiques, celui des causes naturelles et celui des mobiles de la volonté. Dès lors, la morale a bel et bien besoin d'un autre monde pour être seulement possible.

Ces remarques s'appliquent bien entendu à un certain type de morales, à ce type de morales qui supposent pour être possible une forme de dualisme : il y a d'un côté le monde naturel (objet des sciences de la nature), et de l'autre un monde morale possédant des qualités totalement différentes. Mais, pour Nietzsche, toutes les morales ont été jusqu'ici de ce type. Toutes dérivent du christianisme (c'est le cas de celle de Kant à laquelle nous avons fait allusion ci-dessus), ou sont une forme primitive de christianisme (et c'est le cas, selon Nietzsche, de la morale de Platon). On pourrait objecter que Nietzsche se trompe sur ce point, car il existe des morales qui ne supposent pas le dualisme. C'est le cas de la morale épicurienne. Toutefois, si l'on examine de près l'épicurisme, on remarque que celui-ci s'efforce d'échapper aux conséquences du déterminisme par l'introduction d'atomes spécifiques constituant l'âme.

En supposant le dualisme, ce type de morales nous fait passer de la question de la nature des valeurs (le bien, le juste, etc.) à la question de la connaissance d'un certain type de réalités que l'on doit supposer pour assurer un fondement solide à la morale : la source ultime de nos valeurs morales doit être d'ordre métaphysique et nous sommes inévitablement confrontés à la question de savoir comment nous pourrions avoir accès à cette réalité. Mais, dès lors que le recourt à des entités qui dépassent notre capacité de connaître est mis en cause, il est légitime, comme le fait Nietzsche, de se demander pourquoi des personnes croient malgré cela en de telles entités, puisque justement, en récusant l'existence ou la possibilité de connaissance de telles entités, elles ne peuvent pas servir de justification réelle à ces croyances, c'est-à-dire que ces croyances :

  1. ne sont pas vraies en vertu d'une réalité qui leur correspondrait (elles sont fausses ou impossibles à établir) ;
  2. ne peuvent-être tenues pour vraies en vertu de cette même réalité (nous ne sommes pas justifiés à les tenir pour vraies).

On ne peut donc pas, pour les expliquer, recourir à ces mêmes entités, sous peine de pétition de principe : en effet, la morale suppose ces entités, il faut donc montrer leur existence et non la poser arbitrairement. Il faut alors expliquer pourquoi de telles croyances sont tenues pour vraies. La raison, comme faculté d'intuition ou de connaissance de réalités métaphysiques a déjà été écartée. Il nous reste à nous tourner vers les autres facultés humaines, telles que l'imagination ou la sensibilité, et, dans ce cas, pour expliquer l'origine de la morale, nous devons recourir à la psychologie, et considérer l'homme en tant qu'être naturel, pourvu d'instincts et d'affects, et comprendre ses croyances comme le résultat de ces derniers.

Or, le premier point que l'on peut remarquer, c'est que ces croyances ne peuvent être comprises comme des jugements de connaissance, quand bien même elles sont tenues pour telles. Il faut donc que de telles croyances soient des jugements de valeurs. De telles croyances exprimeront donc un jugement sur l'existence, et, selon Nietzsche, exprimerons la manière dont nous en sommes affectés. De ce point de vue, la croyance en un au-delà à partir duquel nous jugeons ce monde apparaît comme une croyance qui a pour fonction de nous consoler des souffrances insurmontables qui nous affligent dans ce monde-ci. Le faible est alors celui qui a besoin de ces valeurs qui condamnent l'existence, tandis que le fort trouve dans cette vie-ci tout ce dont il a besoin pour s'épanouir, et le faible éprouvera naturellement de la haine pour le fort, qui est à ses yeux l'homme méchant, haine que Nietzsche désigne par le terme de ressentiment.

Par sa théorie du ressentiment et sa psychologie des profondeurs, Nietzsche donne une analyse cohérente et convaincante des origines des valeurs humaines. En revanche, l'utilisation qu'il fait de cette psychologie sur certains sujets touchant à la culture et à la politique sont moins convaincants. Il apparaît en effet que Nietzsche construit sur cette opposition fort/faible une théorie de la culture et une politique qui ne vont pas sans contredire ses propres observations morales et qui le rapprochent, paradoxalement, de la politique telle que Platon la comprenait. Nietzsche ne cesse de rappeler que c'est la faiblesse qui a poussé l'homme à créer des expédiants, à approfondir son intériorité, sa spiritualité. L'auto-empoisonnement est même hissée par lui au rang de vertu (GS). Prenons des exemples pour illustrer ce point, avant de montrer en quoi cela contredit ses idées sur la culture et la politique.

 

Nous prendrons pour exemples les vues que Nietzsche a formulées sur le peuple juif, sur le christianisme et sur les femmes. En ce qui concerne le peuple juif, trois appréciations doivent être distinguées, sans que nous ayons besoin, pour notre propos, de rentrer dans le détail. Nietzsche admire l'Ancien Testament pour sa sublimité morale, il juge en revanche que le prêtre juif est un mélange de force et faiblesse de volonté de puissance, enfin, il admire la force de la tradition et de l'intellectualité juives à travers les âges. En ce qui concerne le christianisme, il est bien connu que Nietzsche ne cesse de le critiquer avec virulence, pourtant on remarque moins que la suprématie de l'esprit que Nietzsche réclame dans l'Antéchrist est explicitement rapprochée par lui de la hiérarchie spirituelle de l'Église. Enfin, en ce qui concerne les femmes, Nietzsche les considère comme la moitié faible de l'humanité, mais, d'un autre côté, n'en admire pas moins certaines qualités qu'il considère comme féminines.

Nous n'avons pas besoin d'aller très loin dans l'examen de ces exemples pour remarquer qu'aux yeux de Nietzsche la faiblesse n'est pas sans valeur, et que, même, sans cette faiblesse, l'humanité aurait perdu beaucoup en raffinement moral et intellectuel : on est même en droit de se demander si, selon Nietzsche lui-même, il y aurait eu la moindre lueur de génie en l'homme, sans cette faiblesse qui a besoin de s'inventer tout un monde spirituel et moral pour survivre. Au même titre que la force, la faiblesse est inventive, et un premier doute que nous pouvons formuler ici à propos de cette opposition entre deux volontés de puissance opposées est qu'il n'y a tout simplement pas de type humain dénué absolument d'une volonté de puissance créatrice. Bien plus, plus Nietzsche oppose faible et fort, et plus il se trouve acculé logiquement à distinguer deux types de volonté de puissance différentes par nature ; et c'est bien une telle distinction de plus en plus tranchée qu'il présente dans les derniers années de sa vie consciente (nous en donnons une illustration concrête ci-dessous). Or, s'il rejette le dualisme, et n'admet la Volonté de puissance que comme causalité unique, une telle opposition ne peut tout simplement pas exister : force et faiblesse ne peuvent qu'être relatives.

Cette incohérence remet fortement en cause ses idées sur la culture et la politique, et même, si notre objection est valide, les réfute. L'Antéchrist et le Crépuscule des Idoles exposent sans ambiguïté une forme de politique et culture qui doivent mener les faibles à leur perte : les faibles doivent périr, non pas qu'il s'agisse de les exterminer, mais il faut instituer des valeurs sélectives (comme l'Éternel Retour) qui devraient favoriser l'auto-supression de la faiblesse, ce qui peut par exemple se traduire par l'éloge du suicide (in CdI, et Ant de manière plus radicale). On ne saurait formuler de manière plus extrême l'opposition entre fort et faible que par cette idée d'une politique de l'avenir qui se donnerait pour but d'éradiquer toute faiblesse. Mais nos exemples ont montré que la faiblesse était la source d'une grande partie de ce qui fait notre vie morale et intellectuelle aujourd'hui. Supprimer la faiblesse, c'est supprimer une source considérable de création de valeurs. Nietzsche est conduit à opposer de manière si radicale le fort et le faible, qu'il ne semble pas envisager que c'est l'équilibre des deux qui serait, selon sa propre théorie, la condition la plus fertile, la plus prometteuse, alors que dans le même temps il milite pour une opposition tranchée entre hommes et femmes.

Le résultat sans doute le plus paradoxal de cette application de l'opposition entre force et faiblesse à la politique, est que Nietzsche est conduit à adopter des vues politiques qui ne sont pas moins normatives que celles de Platon. On peut cependant faire remarquer que Nietzsche voit en Platon un modèle du philosophe-législateur. Nietzsche, comme Platon, se propose de réguler les affects humains par le moyen de mythes (l'Éternel Retour en ce qui concerne Nietzsche), et ils ont tout deux en vue une certaine forme d'existence, le philosophe chez Platon, le Surhomme chez Nietzsche. Et la société n'est justifiée pour Nietzsche que par cette possibilité de donner naissance à des êtres supérieurs. Tous deux ont ainsi en vue un idéal impossible, mais, à la différence de Nietzsche, Platon a vue que cet idéal est impossible, qu'il appartient à un autre monde, et c'est pourquoi ni La République, ni Les Lois, malgrè leur caractère par certains aspects totalitaires, ne décrivent de cités parfaites qu'il s'agirait de réaliser. Au contraire, Nieztsche, en formulant de manière de plus en plus tranchée cette opposition de la force et de la faiblesse, est amené à vouloir expulser une forme de volonté de puissance qui fait pourtant partie intégrante de la réalité.

En tant que notion

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Nous allons maintenant aborder la notion de Volonté de puissance de manière plus théorique, en la considérant en tant qu'elle est une notion. Cela pose les questions de savoir comment Nietzsche peut parler de cette notion sans la dénaturer et jette le doute sur les descriptions de qu'il en fait en tant que « structure », « direction d'un devenir », etc, car tous ces termes supposent l'être, et cet être est censé être Volonté de puissance.

Difficulté de savoir de quoi Nietzsche parle exactement, à quoi s'applique cette notion et de ce qui la distingue d'autres notions.

  1. Comment Nietzsche en arrive-t-il à cette notion ?
  2. À quoi s'applique-t-elle et comment ?

Construction de la notion

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Nous avons déjà vu plus haut comment Nietzsche étend la Volonté de puissance à tout ce qui est : chaque être est une Volonté de puissance particulière. Mais l'extension que donne Nietzsche à cette notion pose des problèmes de méthode. On peut en effet avoir des doutes sur la légitimité de généraliser une intuition à la vie toute entière et à l'être. Examinons les différentes étapes que suit Nietzsche.

  1. Nietzsche privilégie à l'évidence un certain « donné » (PBM, § 36) pour le prendre comme point de départ de son argumentation. Mais pourquoi ce donné, et pas un autre ? Deux arguments militent ici contre Nietzsche :
    1. Contre l'évidence à laquelle Nietzsche semble faire appel, considérons les autres formes de vie : les plantes, par exemple. Le donné d'une plante serait-il aussi le monde des instincts ? Mais si ce donné dépend d'une réalité corporelle (sous peine de reconduire un dualisme), et que cette réalité corporelle est supposée être toute entière Volonté de puissance, il s'en suit que le raisonnement de Nietzsche est circulaire, et que poser un donné non seulement comme une réalité phénoménale subjective, comme être, et un acte philosophique dogmatique (il ne repose sur rien si ce n'est la décision de tenir cette réalité-ci comme plus essentielle que les autres).
    2. Ce que Nietzsche appelle donné n'est vraisemblablement qu'une partie de ce qui est. Or, Nietzsche critique la certitude cartésienne : ignorance. La méthode de Nietzsche ressemble fort à cette introspection qu'il condamne.
  2. Ce dernier point nous conduit à examiner plus largement la validité que devrait avoir une telle généralisation à l'ensemble de la réalité. erreur logique : Hume.

Un statut ontologique incertain

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En tant que notion décrivant la réalité, la Volonté de puissance a un statut ontologique, c'est-à-dire qu'elle doit nous aider à comprendre les structures du réel et, en outre, qu'elle doit faire face à toutes les difficultés que rencontrent les notions qui prétendent

Comme structure du réel

que peut bien signifier cette « compréhension » de l'intérieur des phénomènes mécaniques ? > faible pouvoir explicatif. En expliquant le réel, Nietzsche se situe dans une tradition de philosophie de la nature qui remonte à Thalès ; mais, dans le cas des Présocratiques, on peut admirer la puissance intuitive qui conduit à s'interroger sur les éléments ultimes du réel, même si ces théories sont fausses. Dans le cas de Nietzsche, on peut s'interroger sur la pertinence d'une notion qui prétend saisir l'essence de l'être à l'époque de la physique moderne : comment une spéculation pĥilosophique pourrait-elle nous apprendre quoi que ce soit de plus et de mieux que la physique ?

Problèmes ontologiques

Il y a encore plusieurs autres difficultés qui se présentent lorsque l'on s'interroge sur le type de réalité qu'est une Volonté de puissance, et, en particulier, si l'on confronte cette notion à la question des universaux. On peut en effet être intrigué à l'idée que la Volonté de puissance ne reconduirait pas l'ancienne métaphysique et qu'elle décrit en même temps ce qui est : quel peut être son statut dans ce cas ? quel genre de réalité est la Volonté de puissance ? Cela revient à demander quelle genre de description ontologique est la Volonté de puissance.

Tout d'abord, à l'évidence, c'est une notion générale, puisque chaque devenir particulier est compris par Nietzsche comme une Volonté de puissance. Mais, si tel est le cas, il faut que la Volonté de puissance soit ou bien une notion désignant une qualité de type platonicienne présente dans des êtres qu'elle qualifie, ou bien qu'elle soit une qualité immanente, ou bien qu'elle ne soit qu'une notion par laquelle nous étiquetons des réalités diverses. La première possibilité est explicitement rejetée par Nietzsche, puisqu'il s'agit du dualisme qui sépare la réalité en deux régions.

Mais on se rendra peut-être encore mieux compte de cette difficulté en rapprochant la Volonté de puissance de la « métaphysique » d'Aristote. En effet, quel est le but d'Aristote ? comprendre comment ce qui est est ce qu'il est. Or, ce qui est est par la combinaison d'une forme et d'une matière. Mais qu'est-ce donc que la structure d'une Volonté de puissance, ce que Nietzsche nomme un type, sinon une forme qui organise une matière ? Les questions de métaphysique posées par Aristote doivent donc valoir pour la métaphysique de la Volonté de puissance. Dès lors, des questions viennent naturellement à l'esprit : par exemple, qu'est-ce qui individualise une Volonté de puissance ? autrement dit, comment distinguer un être d'un autre, si ce qui le caractérise est sa Volonté de puissance et le type qu'il représente ?

Ces questions sont tout simplement ignorées par Nieztsche. Il en résulte que nous ne pouvons pas avec certitude ce qu'est la Volonté de puissance ni la compréhension qu'elle devrait nous apporter à propos de la réalité.

En tant que principe d'interprétation

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Ces difficultés à propos de la notion de Volonté de puissance considérée en elle-même nous conduisent naturellement à juger que l'interprétation et l'ontologie nietzschéennes sont en contradiction.

Il y a en effet à l'évidence un problème de cohérence dans l'idée que la Volonté de puissance serait l'essence la plus intime de l'être et, en même temps, un principe d'interprétation de ce qui est. S'il s'agit d'interpréter la réalité, alors la Volonté de puissance n'est pas ce qui est, mais suppose au contraire qu'il y a de l'être préalablement. Mais si la Volonté de puissance est bien l'essence de l'être, alors ce n'est plus une interprétation, mais une formulation dogmatique à propos de la nature de ce qui est. Si l'on maintient malgré tout que cette notion est aussi interprétation, alors il faut en arriver à une conclusion d'un idéalisme extrême, à savoir que notre interprétation est ce qui est, que nous pensons l'être même en pensant la Volonté de puissance. Sur cette voie, l'idée d'un être indépendant de nous, existant en soi, est logiquement rejetée, et c'est un rejet que l'on peut admettre, mais il s'en suit que, pensant l'être en tant que Volonté de puissance, à partir d'un donné subjectif qui est de l'ordre des instincts, c'est la totalité de l'être qui est ramenée à notre manière d'éprouver l'existence et qui est compris par elle. Il n'y a pas d'être hors de ce cercle.

Si nous renonçons à une telle énormité, il faut convenir que la Volonté de puissance n'est rien d'autre qu'une certaine d'interprétation des phénomènes, nécessairement séparée de l'essence de ces mêmes phénomènes, et le donné n'est pas une voie valable pour penser et concevoir la réalité.

Au final, trois interprétations de la volonté de puissance seraient envisageables :

ou bien nous devons soutenir que notre pensée et l'être coïncident, ce qui est la négation de toute interprétation nietzschéenne, ou bien la volonté de puissance est une intuition de ce qui est et n'est pas un principe d'interprétation, ou bien, enfin, nous devons nous résoudre à renoncer à la vision nietzschéenne de l'être et tenir la Volonté de puissance comme une théorie de la connaissance (ou de l'interprétation) qui ne nous donne aucune intuition du devenir, mais nous apprend seulement comment nous interprétons les phénomènes.

Notes pour les points qui sont à développer ailleurs

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  1. Nietzsche établit une nette distinction entre le devenir et un monde métaphysique. Question : qu'est-ce qui permet de les distinguer ? Est-ce limite ? si non (et c'est la réponse de Nietzsche), et qu'il n'y a qu'un seul monde, le problème est de comprendre ce qui peut être appelé « métaphysique » dans un monde où une telle chose n'existe pas.
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