Bonheur, morale, et philosophie épistolaire

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Dégager le sens de ce questionnement à partir d'exemples. (travail réalisé en classe en groupes)

les passions:Définitions et précisions terminologiques

Écoutez cette présentation. Comment cette auteure définit-elle les passions? Comment cela se rattache-t-il au sujet?

Réponses élèves 4 GROUPES
groupe 1 groupe 2 groupe 3 groupe 4
  • Œuvres utilisées

Présentation d'Elisabeth

Auteur(s) : ANTOINE-MAHUT Delphine, DEL PRETE Antonella producteur : Université Ouverte des Humanités , ENS de Lyon / ENSMEDIA Réalisateur(s) : BOUDIN Sébastien

LA MUSIQUE BAROQUE ET L'EXPRESSION DES PASSIONS : ESQUISSE THÉORIQUE.

Intervention de Frédéric de Buzon

On a été frappé depuis longtemps par le fait que deux auteurs contemporains qui ne se connaissent nullement, René Descartes et Giulio Caccini, ont eu en commun une définition de la fin de la musique, celle de représenter, voire de provoquer des passions. Le fait que cette expression des passions, qui paraît culminer au XVIIe siècle italien dans les madrigaux de Monteverdi, et plus généralement dans le style représentatif à la naissance de l'opéra, figurant la colère, le désespoir, l'amour, la haine, le désir etc., soit aisément identifiable par l'auditeur ne dispense pas d'une réflexion plus théorique sur les moyens mis en œuvre dans cette expression et cette identification : comment savons-nous qu'une musique est triste ou gaie ? D'où vient ce qu'un poète et théoricien appelait sa « secrète énergie » ? Il s'agit d'une question classique, nullement limitée à la période baroque, qui est encore aujourd'hui discutée par de nombreux musicologues contemporains dans les domaines musicaux les plus divers.

Le propos de cette intervention est d'examiner brièvement la situation du problème au début du XVIIe siècle, à partir de l'évocation de questions théoriques tels qu'elles se posent au moment d'un renouveau sans précédent des modes de rationalité philosophique et des moyens d'expression artistique. Il sera organisé à partir de la recherche des éléments musicaux auxquels est attribuée une fonction affective dans son rapport avec un texte: rythme et mesure, hauteur, modes, accents, timbre, à travers l'évocation de quelques moments de théorie ou de critique, par exemple de Pontus de Tyard, de Mersenne, ou de Descartes. On terminera sur un problème paradoxal avec lequel Descartes s'explique au tout début et à la toute fin de sa carrière philosophique, à savoir que l'on peut reconnaître une pièce de musique comme triste et néanmoins éprouver de la joie à l'entendre : preuve que ce n'est pas exactement la même chose que de représenter et de provoquer des passions.

la tour de Sénèque
Lucilius

Les objectifs de ce wiki :

Étudier en groupe Les Lettres entre Descartes et Élisabeth

Travail de recherche avec les élèves

S'initier aux Humanités Numériques

Réaliser un wikilivre collectif sur les diverses thématiques


[1]Lectures de quelques lettres de Sénèque à Lucilius sur ce lien

Présentation des exercices

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Travail en groupe

On abordera en groupe cette question du rapport de la morale et du bonheur à partir des lettres de Descartes à Elisabeth

RECHERCHES À RÉALISER pour les TRANSPOSER SUR UN WIKI

Présenter la Princesse Élisabeth avec qui Descartes échange des lettres à propos de divers sujets, mais en particulier du bonheur
Présenter le contexte historique de ces lettres.
Réaliser un ebook sur la maladie et le bonheur. Rechercher dans le texte de Descartes les occurrences de la maladie. Quelles sont selon son analyse de la VIe partie du Discours de la Méthode, les conditions physiques du bonheur ? Pourquoi est-il urgent de développer la technique ?
Repérer les passages où Descartes confronte morale et bonheur. Que reproche-t-il au mot « bonheur » ? À ce propos il parle d'hésitation, de choix sans réflexion. Expliquer en quoi le contentement est le résultat d'un choix volontaire et réfléchi.

Introduction à la problématisation philosophique de la question

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Descartes est pris entre plusieurs traditions :

- la tradition antique des stoïciens et d’Épicure et son Jardin

- la chrétienté qui voit dans la charité, une générosité morale source de bonheur

- le théâtre tragique et ses héros qui défend une autre conception de la générosité - ou tragi-comique comme Le Cid de Corneille

- l'humanisme de Rabelais, Montaigne, La Boétie

Qu'est-ce qui peut rendre l'homme « malheureux » ?

Les fausses conceptions du bonheur

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BONHEUR ET HASARD

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Quelle différence introduit Descartes entre les grandes âmes et les âmes vulgaires ?


Mais il me semble que la différence qui est entre les plus grandes âmes et celles qui sont basses et vulgaires, consiste, principalement, en ce que les âmes vulgaires se laissent aller à leurs passions, et ne sont heureuses ou malheureuses, que selon que les choses qui leur surviennent sont agréables ou déplaisantes ; au lieu que les autres ont des raisonnements si forts et si puissants que, bien qu'elles aient aussi des passions, et même souvent de plus violentes que celles du commun, leur raison demeure néanmoins toujours la maîtresse, et fait que les afflictions même leur servent, et contribuent à la parfaite félicité dont elles jouissent dès cette vie. Car, d'une part, se considérant comme immortelles et capables de recevoir de très grands contentements, puis, d'autre part, considérant qu'elles sont jointes à des corps mortels et fragiles, qui sont sujets à beaucoup d'infirmités, et qui ne peuvent manquer de périr dans peu d'années, elles font bien tout ce qui est en leur pouvoir pour se rendre la fortune favorable en cette vie, mais néanmoins elles l'estiment si peu, au regard de l'éternité, qu'elles n'en considèrent quasi les événements que comme nous faisons ceux des comédies. Et comme les histoires tristes et lamentables, que nous voyons représenter sur un théâtre, nous donnent souvent autant de récréation que les gaies, bien qu'elles tirent des larmes de nos yeux ; ainsi ces plus grandes âmes, dont je parle, ont de la satisfaction, en elles-mêmes, de toutes les choses qui leur arrivent, même des plus fâcheuses et insupportables. Ainsi, ressentant de la douleur en leur corps, elles s'exercent à la supporter patiemment, et cette épreuve qu'elles font de leur force leur est agréable; ainsi, voyant leurs amis en quelque grande affliction, elles compatissent à leur mal, et font tout leur possible pour les en délivrer, et ne craignent pas même de s'exposer à la mort pour ce sujet, s'il en est besoin. Mais, cependant, le témoignage que leur donne leur conscience, de ce qu'elles s'acquittent en cela de leur devoir, et font une action louable et vertueuse, les rend plus heureuses, que toute la tristesse, que leur donne la compassion, ne les afflige. Et enfin, comme les plus grandes prospérités de la fortune ne les enivrent jamais, et ne les rendent point plus insolentes, aussi les plus grandes adversités ne les peuvent abattre ni rendre si tristes, que le corps, auquel elles sont jointes, en devienne malade.


Étude en groupe de la lettre du 18 mai 1645


LES PLAISIRS DU CORPS

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Madame, Je me suis quelquefois proposé un doute : savoir s’il est mieux d’être gai et content, en imaginant les biens qu’on possède être plus grands et plus estimables qu’ils ne sont, et ignorant ou ne s’arrêtant pas à considérer ceux qui manquent, que d’avoir plus de considération et de savoir, pour connaître la juste valeur des uns et des autres, et qu’on devienne plus triste. Si je pensais que le souverain bien fût la joie, je ne douterais point qu’on ne dût tâcher de se rendre joyeux, à quelque prix que ce pût être, et j’approuverais la brutalité de ceux qui noient leurs déplaisirs dans le vin, ou les étourdissent avec du pétun.

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Mieux vaut ne pas connaître la juste valeur des uns et des autres : pourquoi l'imagination se trouve-t-elle ici valorisée ?... Pour être finalement rejetée ?
  • Quelle est la source de nos illusions ?



Mais je distingue entre le souverain bien, qui consiste en l’exercice de la vertu, ou (ce qui est le même), en la possession de tous les biens, dont l’acquisition dépend de notre libre arbitre, et la satisfaction d’esprit qui suit de cette acquisition. C’est pourquoi, voyant que c’est une plus grande perfection de connaître la vérité, encore. Mais lorsqu’on peut avoir diverses considérations également vraies, dont les unes nous portent à être contents, et les autres, au contraire nous en empêchent, il me semble que la prudence veut que nous nous arrêtions principalement à celles qui nous donnent de la satisfaction ; et même, à cause que presque toutes les choses du monde sont telles, qu’on les peut regarder de quelque côté qui les fait paraître bonnes, et de quelque autre qui fait qu’on y remarque des défauts, je crois que, si on doit user de son adresse en quelque chose, c’est principalement à les savoir regarder du biais qui les fait paraître le plus à notre avantage, pourvu que ce soit ...


Pourquoi Descartes insiste-t-il sur les excès ? À quelle science appartient la mesure ?

La vertu morale est un exercice avant que d'être une théorie : expliquer

Quel est le critère de l'action bonne ?

À quel domaine renvoie « l'adresse » ? Expliquer en quoi la morale est un savoir-faire et que les actions humaines ne sont pas scientifiquement établies.

En quoi la satisfaction personnelle vaut-elle mieux ? Ce n'est pas de l'égoïsme. Pourquoi ?

Expliquer cette étonnante conclusion :

la prudence veut que nous nous arrêtions principalement à celles qui nous donnent de la satisfaction ; et même, à cause que presque toutes les choses du monde sont telles, qu’on les peut regarder de quelque côté qui les fait paraître bonnes, et de quelque autre qui fait qu’on y remarque des défauts, je crois que, si on doit user de son adresse en quelque chose, c’est principalement à les savoir regarder du biais qui les fait paraître le plus à notre avantage, pourvu que ce soit ...

La logique de l'excès

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Les plaisirs tels la beuverie ou la drogue mènent-ils au bonheur ?

Regarder : DU MONDE VISIONNAIRE Fonds Eric Duvivier Un film d'Henri Michaux, réalisé par Eric Duvivier. Musique Gilbert Amy. Ce film se propose de montrer les types d’images, et leurs façons spéciales d’apparaître et de disparaître, qu’un sujet quelconque, soumis à l’action de certaines substances psychotropes, voit défiler en son imagination avec une clarté extrême et sans l’intervention de sa volonté. Deux genres de visions, dont on a ici accusé les différences plutôt que les ressemblances, correspondent donc à deux hallucinogènes.

À Noter l'importance de l'imagination et de l'illusion qui jouent contre la vérité pour parvenir à la joie. Il y a là quelque chose de surprenant, du moins du point de vue moral. La joie est excessive, à la recherche de la démesure - d'où l'emploi des superlatifs dans ce début de texte. À titre d'exemple, boire et se droguer sont des chemins faciles pour y parvenir. Qualifiant les adeptes de ce type de plaisirs « d'abrutis », on comprend très vite que Descartes désapprouve ces excès car impropres à l'homme raisonnable.


Du droit civil, je veulx que tu saiches par cueur les beaulx textes et me les confere avecques philosophie. Et, quand à la congnoissance desfaictz de nature, je veulx que tu te y adonne curieusement : qu'il n'y ayt mer, riviere ny fontaine, dont tu ne congnoisse les poissons ; tous les oyseaulx de l'air, tous les arbres, arbustes et fructices des forestz, toutes les herbes de la terre, tous les metaulx cachez au ventre des abysmes, les pierreries de tout Orient et Midy, rien ne te soit incongneu. Puis songeusement revisite les livres des medicins Grecs, Arabes et Latins, sans contemner les Thalmudistes et Cabalistes, et par frequentes anatomies, acquiers toy parfaicte congnoissance de l'aultre monde, qui est l'homme. Et, par lesquelles heures du jour commence à visiter les sainctes lettres : premierement, en Grec, le Nouveau Testament et Epistres des Apostres, et puis, en Hebrieu, le Vieulx Testament. Somme, que je voy un abysme de science. Car, doresnavant que tu deviens homme et te fais grand, il te fauldra yssir de ceste tranquillité et repos d'estude, et apprendre la chevalerie et les armes pour defendre ma maison, et nos amys secourir en tous leurs affaires contre les assaulx des malfaisans. Et veux que, de brief tu essaye combien tu as proffité, ce que tu ne pourras mieulx faire que tenent conclusions en tout sçavoir, publiquement, envers tous et contre tous, et hantant les gens lettrez qui sont tant à Paris comme ailleurs. Mais parce que, selon le saige Salomon, sapience n'entre poinct en ame malivole et science sans conscience n'est que ruine de l'ame, il te convient servir, aymer et craindre Dieu, et en luy mettre toutes tes pensées et tout ton espoir, et par foy formée de charité, estre à luy adjoinct, en sorte que jamais n'en soys désamparé par peché. Aye suspectz les abus du monde. Ne metz ton cueur à vanité, car ceste vie est transitoire, mais la parolle de Dieu demeure eternellement. Soys serviable à tous tes prochains et les ayme comme toy mesmes. Revere tes precepteurs ; fuis les compaignies des gens esquelz tu ne veulx point resembler, et, les graces que Dieu te a données, icelles ne reçoipz en vain. Et, quand tu congnoistras que auras tout le sçavoir de par delà acquis, retourne vers moy, affin que je te voye et donne ma benediction devant que mourir. Mon filz, la paix et grace de Nostre Seigneur soit avecques toy. Amen. De Utopie. ce dix septiesme jour du moys de mars.

Ton père, GARGANTUA "



Il y a d'autres excès. L'érudition par exemple. Lire La lettre à Elisabeth du 3 novembre 1647 et comparer avec le texte ci-dessus de Rabelais : Pantagruel 8. Quel est le risque avec l'érudition ? Constituer un dossier sur cette thématique


La juste mesure

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La juste mesure : en quoi les mathématiques sont-elles un modèle pour la morale?

Même si on ne possède pas toutes les connaissances du fait d'un entendement fini, que propose Descartes dans ce texte ? La connaissance peut-elle tout?

Expliquer la différence entre action et connaissance à partir de cette phrase dans le texte suivant : Mais on devrait plutôt se repentir, si on avait fait quelque chose contre sa conscience, encore qu’on reconnût, par après, avoir mieux fait qu’on n’avait pensé : car nous n’avons à répondre que de nos pensées ; et la nature de l’homme n’est pas de tout savoir, ni de juger toujours si bien sur-le-champ que lorsqu’on a beaucoup de temps à délibérer


Lire ce passage de la lettre de Descartes du 6 octobre 1645
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Ainsi, lorsque Votre Altesse remarque les causes pour lesquelles elle peut avoir eu plus de loisir, pour cultiver sa raison, que beaucoup d’autres de son âge, s’il lui plaît aussi considérer combien elle a plus profité que ces autres, je m’assure qu’elle aura de quoi se contenter. Et je ne vois pas pourquoi elle aime mieux se comparer à elles, en ce dont elle prend sujet de se plaindre, qu’en ce qui lui pourrait donner de la satisfaction. Car la constitution de notre nature étant telle, que notre esprit a besoin de beaucoup de relâche, afin qu’il puisse employer utilement quelques moments en la recherche de la vérité, et qu’il s’assoupirait, au lieu de se polir, s’il s’appliquait trop à l’étude, nous ne devons pas mesurer le temps que nous avons pu employer à nous instruire, par le nombre des heures que nous avons eues à nous, mais plutôt, ce me semble, par l’exemple de ce que nous voyons communément arriver aux autres, comme étant une marque de la portée ordinaire de l’esprit humain. Il me semble aussi qu’on n’a point sujet de se repentir, lorsqu’on a fait ce qu’on a jugé être le meilleur au temps qu’on a dû se résoudre à l’exécution, encore que, par après, y repensant avec plus de loisir, on juge avoir failli. Mais on devrait plutôt se repentir, si on avait fait quelque chose contre sa conscience, encore qu’on reconnût, par après, avoir mieux fait qu’on n’avait pensé : car

nous n’avons à répondre que de nos pensées ; et la nature de l’homme n’est pas de tout savoir, ni de juger toujours si bien sur-le-champ que lorsqu’on a beaucoup de temps à délibérer.


Quelles sont les limites de la constitution humaine ?

En quoi l'observation construit-elle un savoir ? À quelle science renvoie ici Descartes ? Pourquoi le regret est inutile ?

Expliquer les difficultés de la liberté face au choix. Pourquoi la morale ne peut-elle prendre appui sur la connaissance ? (.à ce propos voir ce qu'écrit Descartes dans Le discours de la Méthode à propos de l'âne de Buridan)


Comment faire le bon choix ? Satisfaction et contentement.

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Au reste, encore que la vanité qui fait qu’on a meilleure opinion de soi qu’on ne doit, soit un vice qui n’appartient qu’aux âmes faibles et basses, ce n’est pas à dire que les plus fortes et généreuses se doivent mépriser ; mais il se faut faire justice à soi-même, en reconnaissant ses perfections aussi bien que ses défauts ; et si la bienséance empêche qu’on ne les publie, elle n’empêche pas pour cela qu’on ne les ressente. Enfin, encore qu’on n’ait pas une science infinie, pour connaître parfaitement tous les biens dont il arrive qu’on doit faire choix dans les diverses rencontres de la vie, on doit, ce me semble, se contenter d’en avoir une médiocre des choses plus nécessaires, comme sont celles que j’ai dénombrées en ma dernière lettre. En laquelle j’ai déjà déclaré mon opinion, touchant la difficulté que Votre Altesse propose : savoir si ceux qui rapportent tout à eux-mêmes ont plus de raison que ceux qui se tourmentent pour les autres. Car si nous ne pensions qu’à nous seuls, nous ne pourrions jouir que des biens qui nous sont particuliers ; au lieu que, si nous nous considérons comme parties de quelque autre corps, nous participons aussi aux biens qui lui sont communs, sans être privés pour cela d’aucun de ceux qui nous sont propres. Et il n’en est pas de même des maux ; car, selon la philosophie, le mal n’est rien de réel, mais seulement une privation ; et lorsque nous nous attristons, à cause de quelque mal qui arrive à nos amis, nous ne participons point pour cela au défaut dans lequel consiste ce mal ; et quelque tristesse ou quelque peine que nous ayons en telle occasion, elle ne saurait être si grande qu’est la satisfaction intérieure qui accompagne toujours les bonnes actions, et principalement celles qui procèdent d’une pure affection pour autrui qu’on ne rapporte point à soi-même, c’est-à-dire de la vertu chrétienne qu’on nomme charité. Ainsi on peut, même en pleurant et prenant beaucoup de peine, avoir plus de plaisir que lorsqu’on rit et se repose. Et il est aisé de prouver que le plaisir de l’âme auquel consiste la béatitude, n’est pas inséparable de la gaieté et de l’aise du corps, tant par l’exemple des tragédies qui nous plaisent d’autant plus qu’elles excitent en nous plus de tristesse, que par celui des exercices du corps, comme la chasse, le jeu de la paume et autres semblables, qui ne laissent pas d’être agréables, encore qu’ils soient fort pénibles ; et même on voit que souvent c’est la fatigue et la peine qui en augmente le plaisir. Et la cause du contentement que l’âme reçoit en ces exercices, consiste en ce qu’ils lui font remarquer la force, ou l’adresse, ou quelque autre perfection du corps auquel elle est jointe ; mais le contentement qu’elle a de pleurer, en voyant représenter quelque action pitoyable et funeste sur un théâtre, vient principalement de ce qu’il lui semble qu’elle fait une action vertueuse, ayant compassion des affligés ; et généralement elle se plaît à sentir émouvoir en soi des passions, de quelque nature qu’elles soient, pourvu qu’elle en demeure maîtresse.

Questions
Si les représentations, au sens de préjugés n'ont pas leur place dans la connaissance - Descartes déploie le doute à ce propos- le philosophe justifie les représentations en un autre sens. Lequel?
" le contentement qu’elle a de pleurer, en voyant représenter quelque action pitoyable et funeste sur un théâtre, vient principalement de ce qu’il lui semble qu’elle fait une action vertueuse". À quelle analyse d'Aristote s'oppose ici Descartes
" au lieu que, si nous nous considérons comme parties de quelque autre corps, nous participons aussi aux biens qui lui sont communs, sans être privés pour cela d’aucun de ceux qui nous sont propres." Quelles conséquences politiques se dégage de la position morale de Descartes ?
Quel rapport entretiennent la morale et le contentement ?
Dans cet extrait du 3 novembre 1645, Descartes rattache le contentement à l'estime d'autrui et à l'ami qui est unique :


Il m'arrive si peu souvent de rencontrer de bons raisonnements, non seulement dans les discours de ceux que je fréquente en ce désert, mais aussi dans les livres que je consulte, que je ne puis lire ceux qui sont dans les lettres de Votre Altesse, sans en avoir un ressentiment de joie extraordinaire; et je les trouve si forts, que j'aime mieux avouer d'en être vaincu, que d'entreprendre de leur résister. Car, encore que la comparaison que Votre Altesse refuse de faire à son avantage, puisse assez être vérifiée par l'expérience, c'est toutefois une vertu si louable de juger favorablement des autres, et elle s'accorde si bien avec la générosité qui vous empêche de vouloir mesurer la portée de l'esprit humain par l'exemple du commun des hommes, que je ne puis manquer d'estimer extrêmement l'une et l'autre

La passion de générosité

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Pour approfondir expliquer ce paragraphe : en quoi la générosité est-elle la condition du contentement de n'importe qui quel que soit sa condition sociale ?

Comparer avec la générosité selon Corneille. Le terme de "noble" a-t-il le même sens ?

Construire une problématique de la "générosité" à partir de la définition du Littré


 

Comment la générosité peut être acquise

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«

Et il faut remarquer que ce qu'on nomme communément des vertus  sont des habitudes en l'âme qui la disposent à certaines pensées, en sorte qu'elles sont différentes de ces pensées, mais qu'elles les peuvent produire, et réciproquement être produites par elles. Il faut remarquer aussi que ces pensées peuvent être produites par l'âme seule, mais qu'il arrive souvent que quelques mouvements des esprits (1 les fortifient, et que pour lors elles sont des actions de vertu et ensemble des passions de l'âme ainsi, encore qu'il n'y ait point de vertu à laquelle il semble que la bonne naissance contribue tant qu'à celle qui fait qu'on ne s'estime que selon sa juste valeur, et qu'il soit aisé à croire que toutes les âmes que Dieu met en nos corps ne sont pas également nobles et fortes (ce qui est cause que j'ai nommé cette vertu générosité, suivant l'usage de notre langue, plutôt que magnanimité, suivant l'usage de l'École (2 où elle n'est pas fort connue) ; il est certain néanmoins que la bonne institution sert beaucoup pour corriger les défauts de la naissance, et que si on s'occupe souvent à considérer ce que c'est que le libre arbitre, et combien sont grands les avantages qui viennent de ce qu'on a une ferme résolution d'en bien user, comme aussi, d'autre côté, combien sont vains et inutiles tous les soins qui travaillent les ambitieux, on peut exciter en soi la passion et ensuite acquérir la vertu de générosité, laquelle étant comme la clef de toutes les autres vertus et le remède général contre tous les dérèglements des passions, il me semble que cette considération mérite bien d'être remarquée.

»
— René Descartes, Traité des passions (1649), Éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1953, pp. 773 et 795.1. Il s'agit des « esprits animaux », particules très subtiles qui circulent dans nos nerfs.2. L’enseignement de la philosophie scolastique, étudiée au Moyen Âge à l'université.


Le Cid Acte I sc 8

Percé jusques au fond du cœur D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle, Misérable vengeur d’une juste querelle, Et malheureux objet d’une injuste rigueur, Je demeure immobile, et mon âme abattue Cède au coup qui me tue. Si près de voir mon feu récompensé, Ô Dieu, l’étrange peine ! En cet affront mon père est l’offensé, Et l’offenseur le père de Chimène ! Que je sens de rudes combats ! Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse : Il faut venger un père, et perdre une maîtresse : L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras. Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme, Ou de vivre en infâme, Des deux côtés mon mal est infini. Ô Dieu, l’étrange peine ! Faut-il laisser un affront impuni ? Faut-il punir le père de Chimène ? Père, maîtresse, honneur, amour, Noble et dure contrainte, aimable tyrannie, Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie. L’un me rend malheureux, l’autre indigne du jour. Cher et cruel espoir d’une âme généreuse, Mais ensemble amoureuse, Digne ennemi de mon plus grand bonheur, Fer qui causes ma peine, M’es-tu donné pour venger mon honneur ? M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ? Il vaut mieux courir au trépas. Je dois à ma maîtresse aussi bien qu’à mon père : J’attire en me vengeant sa haine et sa colère ; J’attire ses mépris en ne me vengeant pas. À mon plus doux espoir l’un me rend infidèle, Et l’autre indigne d’elle. Mon mal augmente à le vouloir guérir ; Tout redouble ma peine. Allons, mon âme ; et puisqu’il faut mourir, Mourons du moins sans offenser Chimène. Mourir sans tirer ma raison ! Rechercher un trépas si mortel à ma gloire ! Endurer que l’Espagne impute à ma mémoire D’avoir mal soutenu l’honneur de ma maison ! Respecter un amour dont mon âme égarée Voit la perte assurée ! N’écoutons plus ce penser suborneur, Qui ne sert qu’à ma peine. Allons, mon bras, sauvons du moins l’honneur, Puisqu’après tout il faut perdre Chimène. Oui, mon esprit s’était déçu. Je dois tout à mon père avant qu’à ma maîtresse : Que je meure au combat, ou meure de tristesse, Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu. Je m’accuse déjà de trop de négligence : Courons à la vengeance ; Et tout honteux d’avoir tant balancé, Ne soyons plus en peine, Puisqu’aujourd’hui mon père est l’offensé, Si l’offenseur est père de Chimène [2]

Le bon usage de la liberté condition morale du contentement

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L'amitié pour Descartes est un exemple de contentement moral

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Vous trouverez dans ce Dossier sur l'amitié (cliquer) de quoi compléter la recherche

Que permet la correspondance épistolaire ?

En quoi est-ce différent d'un livre ?

Comment s'y exprime la Princesse ? Met-elle en avant sa position sociale ?

Quel est le rapport que La Princesse veut établir avec le philosophe ? Expliquer "et particulièrement pour moi".

Quel est le sens du "je" dans la lettre d'Elisabeth ? Est-ce le même que celui de Descartes?

Pour vous aider lire la Réponse de Descartes à Elisabeth :

J'ai quasi peur que Votre Altesse ne pense que je ne parle pas ici sérieusement ; mais cela serait contraire au respect que je lui dois, et que je ne manquerai jamais de lui rendre. Et je puis dire, avec vérité, que la principale règle que j'ai toujours observée en mes études et celle que je crois m'avoir le plus servi pour acquérir quelque connaissance, a été que je n'ai jamais employé que fort peu d'heures, par jour, aux pensées qui occupent l'imagination, et fort peu d'heures, par an, à celles qui occupent l'entendement seul, et que j'ai donné tout le reste de mon temps au relâche des sens et au repos de l'esprit ; même je compte, entre les exercices de l'imagination, toutes les conversations sérieuses, et tout ce à quoi il faut avoir de l'attention. C'est ce qui m'a fait retirer aux champs ; car encore que, dans la ville la plus occupée du monde, je pourrais avoir autant d'heures à moi, que j'en emploie maintenant à l'étude, je ne pourrais pas toutefois les y employer si utilement, lorsque mon esprit serait lassé par l'attention que requiert le tracas de la vie. Ce que je prends la liberté d'écrire ici à Votre Altesse, pour lui témoigner que j'admire véritablement que, parmi les affaires et les soins qui ne manquent jamais aux personnes qui sont ensemble de grand esprit et de grande naissance, elle ait pu vaquer aux méditations qui sont requises pour bien connaître la distinction qui est entre l'âme et le corps


*Quel lien Descartes établit-il entre l'amitié et la morale ?
  • Quelle différence ce texte fait-il entre l'amitié et le copinage?


Comparer avec le texte de Madame de Sévigné extrait d'un ensemble de Lettres choisies puis Les trois Discours de Pascal sur la condition des Grands

Mme de Sévigné : À Paris, lundi 15 décembre 1670.Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande, la plus petite, la plus rare, la plus commune, la plus éclatante, la plus secrète jusqu’à aujourd’hui, la plus brillante, la plus digne d’envie ; enfin une chose dont on ne trouve qu’un exemple dans les siècles passés : encore cet exemple n’est-il pas juste [1] ; une chose que nous ne saurions croire à Paris, comment la pourrait-on croire à Lyon ? une chose qui fait crier miséricorde à tout le monde ; une chose qui comble de joie madame de Rohan et madame d’Hauterive[2] ; une chose enfin qui se fera dimanche, où ceux qui la verront croiront avoir la berlue ; une chose qui se fera dimanche, et qui ne sera peut-être pas faite lundi. Je ne puis me résoudre à la dire, devinez-la, je vous le donne en trois ; jetez-vous votre langue aux chiens ? Hé bien ! il faut donc vous la dire : M. de Lauzun épouse dimanche au Louvre, devinez qui ? Je vous le donne en quatre, je vous le donne en dix, je vous le donne en cent. Madame de Coulanges dit : Voilà qui est bien difficile à deviner ! c’est madame de la Vallière. Point du tout, madame. C’est donc mademoiselle de Retz ? Point du tout ; vous êtes bien provinciale. Ah ! vraiment, nous sommes bien bêtes, dites-vous : c’est mademoiselle Colbert. Encore moins. C’est assurément mademoiselle de Créqui. Vous n’y êtes pas. Il faut donc à la fin vous le dire : il épouse, dimanche, au Louvre, avec la permission du roi, mademoiselle, mademoiselle de mademoiselle, devinez le nom ; il épouse Mademoiselle, ma foi ! par ma foi ! ma foi jurée ! Mademoiselle, la grande Mademoiselle, Mademoiselle, fille de feu Monsieur[3], Mademoiselle, petite-fille de Henri IV, mademoiselle d’Eu, mademoiselle de Dombes, mademoiselle de Montpensier, mademoiselle d’Orléans, Mademoiselle, cousine germaine du roi ; Mademoiselle, destinée au trône ; Mademoiselle, le seul parti de France qui fût digne de Monsieur. Voilà un beau sujet de discourir. Si vous criez, si vous êtes hors de vous-mêmes, si vous dites que nous avons menti, que cela est faux, qu’on se moque de vous, que voilà une belle raillerie, que cela est bien fade à imaginer ; si enfin vous nous dites des injures,nous trouverons que vous avez raison ; nous en avons fait autant que vous. Adieu ; les lettres qui seront portées par cet ordinaire vous feront voir si nous disons vrai ou non. DE Mme DE SÉVIGNÉ À M. DE COULANGES.


1 Anquetil croit que madame de Sévigné veut parler ici de Marie, sœur de Henri VII, roi d’Angleterre, et veuve de Louis XII, qui se remaria, trois mois après la mort du roi, au duc de Suffolk, qu’elle avait aimé avant d’être reine de France.

2 Marguerite, duchesse de Rohan, princesse de Léon, fille unique du duc de Rohan, célèbre dans l’histoire de nos guerres de religion, se maria par inclination, en 1645, avec Henri Chabot, simple gentilhomme sans fortune. Madame d’Hauterive, fille du duc de Villeroi, veuve du comte de Tournon et du duc de Chaulnes, se maria en troisièmes noces à Jean Vignier, marquis d’Hauterive, et depuis ce mariage son père ne voulut plus la voir.

3 Gaston de France, duc d’Orléans, frère de louis XIII.


  Organiser une correspondance philosophique entre deux classes


{{Cadre|titre=La question de la maladie|contenu=Madame, Mon voyage ne pouvait être accompagné d'aucun malheur, puisque j'ai été si heureux, en le faisant, que d'être en la souvenance de Votre Altesse ; la très favorable lettre, qui m'en donne des marques, est la chose la plus précieuse que je pusse recevoir en ce pays. Elle m'aurait entièrement rendu heureux, si elle ne m'avait appris que la maladie qu'avait Votre Altesse, auparavant que je partisse de La Haye, lui a encore laissé quelques restes d'indisposition en l'estomac. Les remèdes qu'elle a choisis, à savoir la diète et l'exercice, sont, à mon avis, les meilleurs de tous, après toutefois ceux de l'âme, qui a sans doute beaucoup de force sur le corps, ainsi que montrent les grands changement que la colère, la crainte et les autres passions excitent en lui. Mais ce n'est pas directement par sa volonté qu'elle conduit les esprits dans les lieux où ils peuvent être utiles ou nuisibles ; c'est seulement en voulant ou pensant à quelque autre chose. Car la construction de notre corps est telle, que certains mouvements suivent en lui naturellement de certaines pensées : comme on voit que la rougeur du visage suit de la honte, les larmes de la compassion, et le ris de la joie. Et je ne sache point de pensée plus propre pour la conservation de la santé, que celle qui consiste en une forte persuasion et ferme créance, que l'architecture de nos corps est si bonne que, lorsqu'on est une fois sain, on ne peut pas aisément tomber malade, si ce n'est qu'on fasse quelque excès notable, ou bien que l'air ou les autres causes extérieures nous nuisent ; et qu'ayant une maladie, on peut aisément se remettre par la seule force de la nature, principalement lorsqu'on est encore jeune. Cette persuasion est sans doute beaucoup plus vraie et plus raisonnable, que celle de certaines gens, qui, sur le rapport d'un astrologue ou d'un médecin, se font accroire qu'ils doivent mourir en certain temps et par cela seul deviennent malades, et même en meurent assez souvent, ainsi que j'ai vu arriver à diverses personnes. Mais je ne pourrais manquer d'être extrêmement triste, si je pensais que l'indisposition de Votre Altesse durât encore ; j'aime mieux espérer qu'elle est toute passée; et toutefois le désir d'en être certain me fait avoir des passions extrêmes de retourner en Hollande. Je me propose de partir d'ici, dans quatre ou cinq jours, pour passer en Poitou et en Bretagne, où sont les affaires qui m'ont amené ; mais sitôt que je les aurai pu mettre un peu en ordre, je ne souhaite rien tant que de retourner vers les lieux ou j'ai été si heureux que d'avoir l'honneur de parler quelquefois à Votre Altesse. Car, bien qu'il y ait ici beaucoup de personnes que j'honore et estime, je n'y ai toutefois encore rien vu qui me puisse arrêter. Et je suis, au-delà de tout ce que je puis dire, etc.

Le bonheur selon Sénèque

Ces lettres n'ont pas la tonalité des Lettres de Descartes et Elisabeth. Quel est le rapport établi par Sénèque avec son correspondant ? Il lui prête plusieurs visages : lesquels ?

Qui est Lucilius ?

|LETTRE LXXXV. Que le sage s’interdise même les passions les plus modérées. Je t’avais ménagé ; j’avais omis tout ce qui restait encore de trop difficile à démêler, satisfait de te donner comme un avant-goût de ce que disent les nôtres pour établir que la vertu à elle seule suffit à remplir toutes les conditions du bonheur. Tu veux que je réunisse tous les arguments soit de notre école, soit imaginés pour nous persifler : si je l’entreprenais, au lieu d’une lettre je ferais un livre, moi qui témoigne à tout instant que ce genre de démonstration est loin de me plaire. J’ai honte de descendre dans la lice, pour la cause des dieux et des hommes, avec une alène pour toute arme.

« Qui est prudent est aussi tempérant ; l’homme tempérant a de plus la constance ; la constance suppose l’imperturbabilité, laquelle n’admet point d’affection triste ; or qui est libre de tristesse est heureux : donc l’homme prudent est heureux, et la prudence suffit pour le bonheur. » À cette série de déductions, des péripatéticiens répondent que l’imperturbabilité, et la constance, et l’absence de tristesse s’attribuent, dans leur langage, à l’homme qui n’est troublé que rarement et médiocrement, et non pas qui ne l’est jamais ; l’exemption de tristesse, ils l’entendent de quiconque n’y est point enclin et ne se livre pas fréquemment ou avec excès à ce genre de faiblesse : car notre nature ne veut pas qu’aucune âme en soit affranchie ; leur sage, invincible au chagrin, y est toutefois vulnérable... et le reste dans le même sens, suivant l’esprit de leur secte. Ils n’excluent pas les passions, ils les atténuent.

Mais que c’est accorder peu au sage que de le dire plus fort que les plus faibles, plus gai que les plus affligés, plus modéré que les plus fougueux, plus grand que l’extrême bassesse ! Et que n’admire-t-il son agilité, que n’en est-il fier en considérant les boiteux et les estropiés ?

Elle aurait pu courir sur le front des épis,

Sans froisser ni courber ce flexible tapis, Ou de son pied léger suspendu sur l’abîme,

Sans l’y mouiller jamais, des flots raser la cime[1].

Voilà la vitesse qu’on estime par elle-même, et non pas celle qu’on loue comparativement aux plus lentes allures. Appellerais-tu bien portant l’homme attaqué de fièvre, même légère ? Un degré moindre dans le mal n’est pas la bonne santé.

« Le sage, disent-ils, est appelé imperturbable comme on appelle fruits sans noyau non ceux qui n’en ont point, mais ceux qui l’ont fort petit. » Erreur. Ce n’est pas la diminution, c’est l’absence des vices qui constitue l’homme vertueux tel que je le conçois ; il faut qu’ils soient nuls, non pas moindres ; si peu qu’il y en ait, on les verra croître et lui faire obstacle à chaque pas. Si une fluxion sur les yeux, grandie jusqu’au dernier période, ôte la vue, un commencement de fluxion la trouble. Donne au sage des passions quelconques, la raison, impuissante contre elles, sera emportée comme par un torrent, d’autant plus qu’au lieu d’une seule, c’est la ligue entière des passions que tu lui laisses à combattre. Or cette masse réunie, tout médiocre que soit chaque ennemi, est plus forte que le choc d’un seul, si grand qu’il puisse être. Ce sage a pour la richesse un amour qui est modéré, de l’ambition sans trop de fougue, une colère qu’on peut apaiser, une légèreté moins vagabonde et moins mobile que bien d’autres, un goût de débauche qui n’est point de la frénésie. Mieux partagé serait l’homme qui aurait un seul vice complet que celui qui, à moindre dose, les réunirait tous. D’ailleurs qu’importe le degré de la passion ? Quel qu’il soit, elle ne sait pas obéir, elle ne reçoit pas de conseil. Tout comme nul animal, soit sauvage, soit domestique ou privé, n’obtempère à la raison, parce que leur nature est d’être sourds à sa voix ; de même les passions ne suivent ni n’écoutent, si minimes qu’elles soient. Les tigres ni les lions ne dépouillent jamais leur férocité, bien qu’elle plie quelquefois ; et lorsqu’on s’y attend le moins, cette rage un instant radoucie se réveille terrible. Jamais le vice ne s’est franchement apprivoisé. Enfin, où la raison triomphe, les passions ne naîtront même point ; où elles naissent malgré la raison, malgré elle elles gagnent du terrain. Car il est plus facile de les arrêter au début que de régler leur fougueux développement[2].

Mensonge donc et danger que ce moindre degré dans le mal, système à mettre au même rang que celui qui dirait : « Sois modérément fou, modérément malade. » La vertu seule garde ce tempérament, que n’admettent point les mauvaises affections de l’âme : on les expulse plus aisément qu’on ne les dirige. N’est-il pas vrai que ces vices, invétérés et endurcis, qu’on appelle maladies de l’âme, sont immodérés, comme l’avarice, la cruauté, la tyrannie, l’impiété ? Les passions le sont donc aussi : car des passions on passe aux vices. Et puis, pour peu que tu laisses d’empire à la tristesse, à la crainte, à la cupidité, à tout mouvement dépravé de l’âme, tu n’en seras plus maître. Pourquoi ? Parce que c’est hors de toi qu’ils trouvent leurs stimulants. Aussi se développeront-ils selon que ces causes d’excitation seront plus ou moins énergiques. La crainte sera plus grande si l’objet qui la frappe semble plus grave ou plus imminent ; et le désir d’autant plus vif que de plus riches avantages éveilleront nos espérances. Si la naissance des passions dans l’homme ne dépend pas de l’homme, il dépend aussi peu de lui de les avoir à tel degré. Si tu leur permets de commencer, elles s’accroîtront avec leurs causes et toujours en proportion de celles-ci[3]. Ajoutons que même les plus petites affections de l’âme ne peuvent que grandir : jamais le mal ne garde de mesure. Les maladies les plus légères au début n’en suivent pas moins leur marche, et parfois une aggravation toute minime perd le malade. Mais quelle folie n’est-ce pas de croire qu’une chose dont le commencement ne dépend point de nous, prenne fin quand il nous plaira ! Comment suis-je assez fort pour étouffer ce que je n’ai pu empêcher de se produire, bien qu’il soit plus aisé de fermer la porte à l’ennemi que de le maîtriser une fois reçu ?

On a distingué, on a dit : « L’homme tempérant et sage, tranquille par sa complexion morale et physique, ne l’est point par le fait des événements. Si en effet, dans l’habitude de son âme, il ne sent ni trouble, ni tristesse, ni crainte, une foule de causes surgissent du dehors qui s’en viennent le troubler. » Voici ce qu’on veut dire par là : Il n’est point colère et se fâche pourtant quelquefois ; sans être timide, il a quelquefois peur : en d’autres termes, la crainte n’est pas en lui comme vice, mais comme impression. Admettons l’hypothèse ; et la fréquence des impressions produira le vice ; et la colère, admise dans l’âme, refondra cette constitution morale où la colère n’avait point part. Je dis plus : qui ne méprise pas les accidents du dehors craint donc quelque chose ; et lorsqu’il faudra braver hardiment et en face les glaives et les feux pour la patrie, les lois, la liberté, il marchera de mauvaise grâce et à contre-cœur. Le sage ne tombera jamais dans cette discordance de sentiments.

Il faut prendre garde aussi, ce me semble, de confondre deux points qui veulent être établis séparément. On conclut de la nature même de la chose qu’il n’y a de bien que l’honnête, et pareillement, que la vertu suffit pour le bonheur. S’il n’y a de bien que l’honnête, tout le monde accordera que pour vivre heureusement il suffit de la vertu ; réciproquement, si la vertu seule fait le bonheur, on ne disconviendra pas que l’unique bien c’est l’honnête. Xénocrate et Speusippe tiennent que le bonheur peut à toute force être le fruit de la vertu seule, et que cependant l’honnête n’est pas l’unique bien. Épicure aussi est d’avis qu’avec la vertu l’homme est heureux ; mais qu’en elle-même la vertu n’est point assez pour le bonheur, vu qu’on est heureux par la volupté, qui procède de la vertu, mais qui n’est point la vertu même. – Inepte distinction ! car il dit lui-même que jamais la vertu n’existe sans la volupté. D’après quoi, si toujours elle lui est inséparablement unie, seule elle suffira pour le bonheur, puisqu’elle a avec elle la volupté, puisqu’elle ne va point sans elle, lors même qu’elle est seule. Autre absurdité quand on dit qu’à toute force on sera heureux par la vertu, mais non parfaitement heureux : je ne vois pas comment cela peut se faire. Car la vie heureuse comprend le bien parfait et à son comble : elle est donc parfaitement heureuse. Si celle des dieux n’offre rien de plus grand ni de meilleur ; si la vie heureuse c’est la vie divine, il n’est plus pour elle d’accroissement possible. Et encore, si la vie heureuse est celle qui n’a faute de rien, toute vie heureuse l’est parfaitement ; là se trouve le bonheur et le bonheur suprême. Douteras-tu que la vie heureuse ne soit le souverain bien ? Donc, si elle possède ce bien, elle est souverainement heureuse. Le souverain bien n’étant point susceptible d’augmenter, car qu’y aurait-il au delà du terme le plus élevé ? il en est de même de la vie heureuse qui ne le serait pas sans le souverain bien. Que si tu fais l’un plus heureux que l’autre, tu mets à plus forte raison une infinité de degrés dans le souverain bien, ce bien au-dessus duquel je ne conçois aucun degré. Qu’un homme soit moins heureux qu’un autre, naturellement il ambitionnera cette vie plus heureuse que la sienne. Or l’homme vraiment heureux ne préfère rien à son sort. Il est de même peu croyable qu’il reste quelque chose que le sage aime mieux être que ce qu’il est, ou qu’il ne préfère pas ce qui serait meilleur à ce qu’il a. Car assurément, plus il sera sage, plus il se portera vivement vers la meilleure des situations et voudra la conquérir à tout prix. Or comment serait heureux l’homme qui peut encore, que dis-je ? qui doit encore désirer quelque chose ?

Je vais dire d’où vient cette erreur : on ne sait point qu’il n’y a qu’une vie heureuse. Ce qui fait d’elle la meilleure situation possible, c’est sa qualité et non sa grandeur. Aussi est-elle la même, longue ou courte, répandue ou concentrée, qu’elle se partage entre une infinité de lieux et de devoirs, ou qu’elle se replie sur un seul objet. L’estimer par nombre, mesure et parties, c’est lui ôter son excellence. Or qu’y a-t-il d’excellent en elle ? qu’elle est une vie pleine. Le terme du manger comme du boire est, je pense, la satiété. L’un a mangé plus, l’autre moins ; qu’importe ? les voilà tous deux rassasiés. L’un boit davantage, l’autre moins ; qu’importe, si tous deux n’ont plus soif ? Celui-ci a vécu plus d’années que celui-là : il n’importe, si les nombreuses années du premier n’ont point comporté plus de bonheur que le peu d’années du second. L’homme dont tu dis : « Il est moins heureux, » ne l’est pas du tout ; ce titre d’heureux n’admet pas de diminutif.

« Qui est courageux est sans crainte ; qui est sans crainte est sans tristesse ; qui est sans tristesse est heureux. » Ce syllogisme est de notre école. On cherche à répondre à cela : que nous nous emparons d’un fait erroné et contestable comme d’une chose avouée, en disant que l’homme courageux est sans crainte. Car enfin, cet homme ne craindra-t-il pas des maux imminents ? Ne pas les craindre serait pure folie, aliénation d’esprit plutôt que courage. Il craindra, sans doute très-légèrement ; mais il ne sera pas tout à fait hors de crainte. « Parler ainsi, c’est toujours retomber dans l’abus de prendre pour vertus des vices moindres. Car celui qui craint, quoique plus rarement et moins que d’autres, n’est point pur des atteintes du mal ; seulement elles sont plus légères. » – Encore une fois, je tiens pour insensé quiconque n’appréhende pas tout mal imminent. – « Vous dites vrai, si c’est un mal ; mais s’il sait que ce n’en est point un, s’il ne juge comme mal que la turpitude, il devra envisager le péril d’un œil calme et dédaigner ce que d’autres peuvent craindre ; ou bien, s’il est d’un fou et d’un homme hors de sens de ne pas avoir peur du mal, plus on sera sage, plus cette peur sera forte. » À votre sens, l’homme courageux se jettera donc au-devant des dangers ? « Point du tout. Il ne les craindra pas, mais il les évitera : la prudence lui sied, si la crainte ne lui sied point. » Eh quoi ! la mort, les fers, les brasiers, tous les traits de la Fortune ne l’effrayeront pas ? « Non : il sait que ce ne sont point des maux, mais des semblants de maux ; il voit dans tout cela des épouvantails. Représente-lui la captivité, les fouets sanglants, les chaînes, l’indigence et ces membres que déchirent la maladie ou les cruautés des hommes, évoque d’autres fléaux encore, il les comptera parmi les terreurs paniques. C’est aux peureux à en avoir peur. Regardes-tu comme mal ce à quoi l’homme doit souvent se porter de lui-même ? »

Tu demandes : Qu’est-ce que le mal ? C’est de céder à ce qu’on appelle maux, et de livrer lâchement cette indépendance pour laquelle il faut tout souffrir. C’en est fait de l’indépendance, si on ne brave les vaines menaces qui nous imposent leur joug. On ne mettrait pas en problème ce qui convient à l’homme courageux, si l’on savait ce que c’est que courage. Ce n’est point témérité irréfléchie ni amour des périls, ni manie de rechercher ce que tous redoutent ; c’est la science de distinguer ce qui est mal et ce qui ne l’est pas. Le courage n’excelle pas moins à se protéger lui-même qu’à supporter ces choses qui ont une fausse apparence de maux. « Mais enfin, si le fer est levé sur la tête de l’homme courageux ou va creusant tour à tour telle et telle partie de son corps ; s’il voit rouler sur ses genoux ses entrailles ; si par intervalles, pour qu’il sente mieux ses tortures, on revient à la charge ; si de ses viscères, de ses plaies ressuyées on tire encore de nouveau sang10, n’éprouve-t-il, dis-moi, ni crainte ni douleur ? » Il souffre sans doute, car le plus grand courage ne dépouille point la sensation physique ; mais il ne craint pas, il n’est pas vaincu, il regarde d’en haut ses souffrances. Veux-tu savoir quel esprit l’anime ? Celui d’un ami exhortant son ami malade.

« Ce qui est un mal est nuisible ; ce qui nuit fait que l’homme vaut moins : ni la douleur, ni la pauvreté n’altèrent ses mérites ; donc elles ne sont point des maux. » Cette proposition, nous dit-on, est fausse ; car il y a telle chose qui peut nuire à l’homme sans qu’il en vaille moins. La tempête et les mauvais temps nuisent au pilote, et ne lui ôtent rien de son talent. Certains stoïciens répondent que le talent du pilote se perd dans la tempête et le mauvais temps en ce qu’il ne peut plus accomplir ce qu’il se propose et suivre sa direction : il tombe au-dessous non point de son art, mais de son œuvre. Sur quoi le péripatéticien : « Voilà donc aussi le sage qui vaut moins si la pauvreté, si la douleur, si d’autres crises semblables le pressent : elles ne lui ôtent pas sa vertu, elles en empêchent l’action. » L’objection serait juste, s’il n’y avait disparité entre le pilote et le sage. Celui-ci se propose, dans la conduite de sa vie, non d’accomplir quoi qu’il arrive ce qu’il entreprend, mais d’agir en tout selon le devoir ; le but du pilote est de vaincre tous les obstacles pour mener son navire au port. Les arts ne sont que des agents : ils doivent tenir ce qu’ils promettent ; la sagesse commande et dirige. Les arts sont les serviteurs de la vie ; la sagesse en est la souveraine.

Il y a une autre réponse à faire, ce me semble ; savoir : que jamais ni l’art du pilote ne perd à la tempête, ni l’application de cet art. Le pilote ne te promet point une heureuse traversée : il te promet ses utiles services, son habileté à conduire un vaisseau, laquelle brille d’autant plus que des contre-temps fortuits lui suscitent plus d’obstacles. Celui qui peut dire : « Neptune, jamais tu n’engloutiras ce vaisseau sans que je tienne mon gouvernail droit11, » a satisfait à l’art ; ce n’est pas l’œuvre du pilote, c’est le succès que compromet la tempête. « Comment ? il ne nuit pas au pilote l’accident qui l’empêche de gagner le port, qui rend ses efforts impuissants, qui le reporte en arrière ou le tient immobile, ou enlève ses agrès ? » Ce n’est pas comme pilote, c’est comme navigateur qu’il en souffre. Loin que cela déconcerte son art, il en ressort davantage : car en temps calme, comme on dit, le premier venu est pilote. Le gros temps fait tort au navire, non au pilote en tant que pilote. Il y a en lui deux personnes : l’une qui lui est commune avec tous ceux qui montent le bâtiment où lui-même compte comme passager ; l’autre qui lui est propre et qui le constitue pilote. La tempête lui nuit sous le premier rapport, non pas sous le second. Et puis son art existe pour le service d’autrui : ce sont les passagers qu’il intéresse, comme l’art du médecin s’applique à ceux qu’il traite. La sagesse est un bien tout à la fois commun aux hommes avec lesquels vit le sage, et personnel au sage. Ainsi peut-être la tempête contrarie le pilote en paralysant le ministère qu’il a promis aux passagers ; mais le sage ne reçoit d’échec ni de la pauvreté, ni de la douleur, ni d’aucun des orages de la vie ; car ils n’enchaînent point tous ses actes, mais seulement ceux qui touchent ses semblables : lui-même agit toujours sans toujours réussir[4], et n’est jamais plus grand que quand le sort lui fait obstacle : il remplit alors la vraie mission de la sagesse, qui est le bien, avons-nous dit, et des autres hommes et du sage.

Mais de plus, il ne tombe même pas dans l’impuissance de les servir, lorsque pour son compte il est victime de quelque fatalité. L’humilité de sa fortune l’empêche-t-elle d’enseigner d’exemple l’art de gouverner les peuples, il enseignera comment se gouverne la pauvreté ; son œuvre s’étend à toutes les circonstances de la vie. Et il n’y a ni condition, ni événement qui exclue son action : il remplit alors ce même rôle qui lui interdit de remplir les autres. Également propre à toutes deux, la bonne fortune il la réglera, la mauvaise il la vaincra. Il a exercé sa vertu de manière à la déployer dans les revers comme dans le succès, à n’envisager qu’elle, non la matière qu’elle doit mettre en œuvre. Voilà pourquoi ni pauvreté, ni douleur, ni rien de ce qui pousse les esprits ignorants hors de la voie et dans l’abîme n’arrête le sage. Tu crois que le malheur l’accable ? Le malheur lui sert. Ce n’était pas d’ivoire seulement que Phidias savait faire des statues ; il en faisait de bronze. Tu lui aurais donné du marbre, ou toute autre matière vile au prix du marbre, qu’il en eût tiré, selon qu’elle s’y fût prêtée, des chefs-d’œuvre. Ainsi le sage signalera sa vertu, s’il le peut, dans la richesse ; faute de mieux, dans la pauvreté ; dans sa patrie, s’il y habite ; sinon, sur la terre d’exil ; comme général ou comme soldat, en santé comme en maladie. Quelque destinée qui lui advienne, il en fera sortir de mémorables résultats. Certains hommes domptent les bêtes sauvages et soumettent au joug les plus féroces, celles dont la rencontre nous glace de terreur. C’est peu qu’ils les dépouillent de leur caractère farouche, ils les apprivoisent jusqu’à la familiarité. Le lion souffre de son maître qu’il porte la main dans sa gueule ; le tigre se laisse embrasser de son gardien ; un nain d’Éthiopie fait mettre à genoux et marcher sur la corde un éléphant[5]. De même le sage est expert dans l’art de dompter les maux. La douleur, l’indigence, l’ignominie, la captivité, l’exil, monstres affreux partout ailleurs, dès qu’ils approchent ne sont plus intraitables.

LETTRE LXXXV.

10. M. de Maistre a cru voir là, comme dans la Lettre lxxviii, un souvenir des tortures infligées sous Néron aux chrétiens ; et il a remarqué une imitation évidente de Sénèque par Lactance, qui dit à propos des martyrs de Dioclétien : « La seule chose qu’évitent les bourreaux, c’est que les chrétiens ne meurent dans la torture ; ils ont grand soin que leurs membres reprennent de la force pour d’autres souffrances, et puissent fournir de nouveau sang au supplice. » (Divin. Instit. , V, ii.)

11. Voir Consol. à Marcia, vi. « Que la fortune heurte votre vaisseau par tous les endroits et le couvre de toutes ses vagues, elle ne vous empêchera pas de tenir le gouvernail droit. (Balzac, Consol. à M. de La Valette.)

  1. Aller↑ Énéid., VII, 808. Barthélémy.
  2. Aller↑ Voir De la colère, I, vii et viii.
  3. Aller↑ Au texte: cum causis crescent, tantique erunt quanti (ou quanto) fient; ce qui n'offre pas de sens. J'ai lu quantæ.
  4. Aller↑ Je lis avec deux Mss. non in effectu. Lemaire: et in effectu.
  5. Aller↑ Voy. Suét., Galba, vi, et Pline, Hist. nat., VIII, ii.

  1. Sénèque - Lettres à Lucilius Date 18 septembre 2007 Source Travail personnel Auteur Augustin Brunault pour le site Littérature audio.com. Télécharger ce fichier au format MP3.
  2. https://fr.wikisource.org/w/index.php?title=Le_Cid&oldid=6979962

Le tyran ignore la morale, l'amitié et le bonheur. La Boétie

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Étude d'un texte de la Boétie