Cosmologie/Preuves de la théorie du big-bang
Dans les chapitres précédents, nous avons abordé en détail les bases théoriques de la cosmologie. En soit, la théorie cosmologique actuelle est un petit peu plus compliquée. Dans le détail, les observations astronomiques sont utilisées pour déterminer la valeur de nombreux paramètres, laissés libres dans les chapitres précédents. Le modèle actuel, le modèle LCDM, précise la valeur du facteur de Hubble, l'âge de l'univers, la courbure spatiale de l'univers, la densité de matière ordinaire, la densité de matière noire, la densité d'énergie noire et quelques autres paramètres dérivés. Ce modèle permet d'expliquer de nombreuses observations, mais il faut face à quelques problèmes. Des théories concurrentes existent, comme le modèle Rh=ct, et bien d'autres. Dans ce qui va suivre, nous allons voir quelles sont les preuves en faveur de la théorie LCDM et de la théorie de l'expansion en général. Puis, nous allons voir quels sont les problèmes rencontrés par le modèle LCDM.
Les observations en faveur de la théorie du big-bang
modifierOn peut se demander quelles sont les preuves de l’expansion de l'univers (et donc, indirectement, du big-bang). On sait que la loi de Hubble et le phénomène de décalage vers le rouge de la lumière sont des prédictions de la théorie de l'expansion qui sont confirmées expérimentalement depuis belle lurette. Mais d'autres témoins sont demandés à la barre, pour que le jury puisse se faire son opinion !
La nucléosynthèse primordiale
modifierLa première preuve tient dans les conséquences du découplage thermique sur la formation des noyaux et des baryons. Les équations permettent de calculer exactement le rapport entre le nombre de protons et de neutrons né de ce découplage, ainsi que le rapport du nombre d'atomes d'hydrogènes, d'hélium et de lithium. La théorie prédit que 92% des atomes de l'univers est composé d'hydrogène, 7% des atomes d’hélium, et le reste est composé d'autres éléments chimiques. Malheureusement, les étoiles ont produit de l’hélium et d'autres éléments chimiques, modifiant les rapports de proportion dans les galaxies récentes : les supernovas ont enrichi le milieu interstellaire en Carbone, Oxygène, Hélium, etc. C'est pour cela qu'on observe des rapports de l'ordre de 75% d'hydrogène, et 24% d'hélium. Pour éliminer le problème, il suffit d'observer la composition chimique des toutes premières galaxies formées, que l'on peut observer à la lisière de l'univers observable (les fameux quasars). Les observations montrent que dans ces galaxies, on observe des rapports exactement identiques à ceux prédits par la théorie du big-bang.
Les mêmes équations permettent de calculer le rapport nombre de protons sur nombre de neutrons. Là encore, celui-ci a été modifié par certaines désintégrations radioactives, mais on peut quantifier le phénomène et prédire les rapports actuels en fonction des rapports prédits lors du découplage. Et là encore, les conclusions sont exactement celles prédites par la théorie de l’expansion de l'univers.
Le fond diffus cosmologique
modifierLa théorie du big-bang est la seule à prédire l'existence du fond diffus cosmologique de photons, abordé il y a quelques chapitres. Le fond diffus capté à l'heure actuelle correspond aux photons émis sur une sphère centrée sur la Terre, 380 000 ans après le big-bang environ : cette sphère est appelée la surface de dernière diffusion. Si on regarde le fond diffus, on peut remarquer que celui-ci n'est pas totalement homogène, avec quelques variations de température assez aléatoires et dispersées appelées anisotropies. On a vu il y a quelques chapitres que ces anisotropies sont les traces laissées par des ondes sonores qui se propageaient dans le plasma primordial. Diverses campagnes d'observation ont déterminé la taille des surdensités, des grumeaux de matière, et ont réussi ce qui a permis d'induire les valeurs des paramètres utilisés pour calculer la taille des surdensités.
On a vu il y a quelques chapitres que le spectre du fond diffus possède quelques pics, chacun ayant une signification relativement précise. En postulant un univers sans courbure, et avec quelques hypothèses supplémentaires, on arrive à avoir un accord parfait avec les données observationnelles, comme le montre la courbe ci-dessous. La théorie arrive ainsi à déterminer la taille des zones de surdensité en fonction de certains paramètres comme l'âge de l'univers, le facteur de Hubble, etc. C'est la première réussite de la théorie du big-bang : réussir à prédire l'état du fond diffus cosmologique, seulement à partir des équations vues plus haut. Les campagnes d'observation du fond diffus se succèdent les unes aux autres, pour tenter d'invalider ou de valider divers modèles d’univers, ou théories spéculatives sur le big-bang et les mécanismes thermodynamiques en place avec la recombinaison.
Les problèmes de la théorie cosmologique LCDM
modifierLa théorie moderne de la cosmologie n'est pas sans défauts. En utilisant les paramètres mesurés par les astronomes, le modèle cosmologique marche bien pour prédire la plupart des variables cosmologiques pertinentes. Mais aucune théorie n'est parfaite et les scientifiques doivent chercher leurs défauts, en vue de les réfuter ou de les améliorer. À l'heure actuelle, l'existence de l'énergie noire, ainsi que de la matière noire, est un challenge que les théories ne peuvent pas encore expliquer correctement. Aucun mécanisme physique, aucune particule, aucun champ physique ne permet d'expliquer énergie et matière noire. Mais outre ces problèmes, le modèle standard de la cosmologie fait face à deux autres problèmes principaux : le problème de la platitude et le problème de l'horizon.
Le problème de la platitude
modifierLe premier problème de la théorie du big-bang est que l'univers est plat. On pourrait croire que ce n'est qu'une coïncidence, mais les physiciens ne sont pas vraiment satisfaits par cette explication. Beaucoup pensent que le fait que la courbure soit nulle n'est pas naturel et que c'est quelque chose qui doit être expliqué. C'est ce qu'on appelle le problème de la platitude : pourquoi la courbure semble-t-elle nulle ?
Le problème de l'horizon
modifierLes observations montrent que le CMB a une température relativement uniforme, proche d'un équilibre thermique. Même des points opposés sur la surface de dernière diffusion ont des températures similaires et sont relativement homogènes entre eux. En soi, cette observation n'est pas un problème dans tous les modèles cosmologiques. Par exemple, un univers en expansion linéaire est parfaitement compatible avec un CMB en équilibre thermique total, de même qu'un univers en expansion exponentielle. Mais dans le modèle cosmologique LCDM, qui fait consensus parmi la communauté des cosmologistes, un tel équilibre thermique parfait ne peut pas exister. Des points éloignés n'ont pas pu interagir entre eux pour harmoniser leurs températures, même indirectement, sauf à supposer que l'on puisse dépasser la vitesse de la lumière. On voit ainsi apparaître le problème de l'horizon : pourquoi le fond diffus est-il si homogène ? C'est là un des points que la théorie LCDM ne peut pas expliquer.
Pour comprendre pourquoi, il faut remarquer que même en allant à la vitesse de la lumière, les photons n'ont pût parcourir qu'une certaine distance entre le big-bang et la recombinaison. On peut calculer cette distance assez simplement. Pour cela, on peut soustraire le rayon de l'univers observable actuel du rayon de l'univers observable lors de la recombinaison. Dit autrement, on souhaite calculer la différence suivante :
- , avec l'âge actuel de l'univers et l'âge de l'univers lors de la recombinaison.
Utilisons alors la formule qui donne le rayon de l'univers observable :
En combinant ces deux équations, on trouve :
On factorise et on simplifie les intégrales, ce qui donne :
Après le découplage, l'univers était dominé par la matière, ce qui fait que l'on a :
En combinant les deux équations précédentes, on trouve que le tout vaut :
Le calcul donne une distance approximativement égale à :
Cette distance donne, quand elle est projetée sur la surface de dernière diffusion, un angle maximal bien précis estimé à 2°. Pour le dire plus simplement, sur ce qu'on voit du CMB depuis la Terre, deux points séparés de plus de 2° ne peuvent pas avoir communiqué entre eux et ne peuvent pas être en équilibre thermique. Pourtant, tout le CMB est à l'équilibre thermique et a une température relativement uniforme ! Même des points aux antipodes du CMB ont une température assez similaire et suivent la même loi du rayonnement de corps noir.
Rappelons que ce problème n’apparaît que pour un univers dont l'expansion ralentit dans le temps, c'est à dire un univers dominé par la matière, le rayonnement ou les deux. Ce qui colle avec le modèle LCDM actuel, qui a successivement été dominé par le rayonnement puis par la matière, avant que l'énergie noire commence à faire son effet sur une période récente. Les calculs disent que dans un univers en expansion constante (modèle linéaire) ou croissante, voire exponentielle (dominé par la constante cosmologique), le problème de l'horizon n’apparaît pas. Et cela a une importance capitale pour le prochain chapitre.