Par souci de lisibilité, nous noterons la dérivée première d'une variable comme ceci : . Même chose pour la dérivée seconde, notée . De plus, toutes les dérivées sont par rapport au temps. En clair, et .

Dans le chapitre précédent, nous avons vu les équations de Friedmann relativiste, mais nous ne les avons pas résolues. Et leur résolution dans le cas général est assez complexe. La raison est que les équations ont entre deux et trois termes. Et une solution pour résoudre ce problème serait de diminuer le nombre de termes, quitte à n'étudier que des cas particuliers.

La première simplification est de négliger le terme de courbure. En clair, nous allons étudier le cas d'un univers plat (c.a.d sans courbure. On étudie donc un cas particulier, mais ce n'est pas un problème, car les mesures observationnelles suggèrent très fortement que la courbure est nulle ! Faire cette hypothèse est donc très réaliste. Notons qu'en supprimant le terme de courbure, on simplifie seulement la première équation de Friedmann, qui donne la vitesse de l'expansion, mais la seconde équation qui donne l'accélération de l'expansion. Avec un tel univers, la première équation de Friedmann se simplifie et devient :

Les équations obtenues demandent de manipuler la pression et la densité de la matière, ce qui en fait des équations différentielles à deux inconnues, bien plus complexes que celles à une seule inconnue. Mais il est possible de ruser, en postulant une relation entre la densité d'énergie et la pression, à savoir une équation d'état. La plupart des gaz disposent d'une telle équation d'état simple, qui permet d'éliminer le terme de pression dans la plupart des équations. Généralement, on postule que la pression est proportionnelle à la densité d'énergie. La relation entre pression et densité est donc de la forme :

Le cas général, avec w indéterminé

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Pour commencer, nous allons étudier le cas général, dans lequel la valeur de   n'est pas précisée. Nous allons étudier comment les équations de Friedmann se reformulent quand on injecte l'équation   à l'intérieur. Les trois équations obtenues sont donc :

 
 
 

Remarquons que la première équation de Friedmann ne change pas, vu qu'elle n'a pas de terme de pression.

Pour obtenir cette version de la seconde équation de Friedmann, partons de la seconde équation de Friedmann originelle :

 

Injectons la formule   :

 

On simplifie par   et on factorise   :

 

La détermination de l'équation de la densité en fonction du facteur d'échelle

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Pour la troisième équation de Friedmann, on part de l'équation relativiste :

 

On fait le remplacement :

 

On simplifie par  , et on factorise   :

 

On divise par   et on réorganise les termes :

 

On utilise alors la relation  , qui relie facteur de Hubble et facteur d'échelle :

 

On utilise alors la formule   :

 , avec   et   deux constantes d'intégration.

On réorganise les termes, ce qui donne :

 , avec  .

On prend l'exponentielle :

 

On utilise alors la formule   :

 

Pour conserver la cohérence des unités,   correspond à une densité. Et plus précisément, l'équation n'a de sens que s'il s'agit de la densité quand  . Il s'agit d'une densité de base que l'on notera  . On a donc :

 

De plus, cette équation est valable quelle que soit la courbure, ce qui est important à remarquer.

La détermination de l'équation du facteur d'échelle

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Maintenant, essayons de trouver une équation pour le facteur d'échelle en fonction du temps. Pour cela, partons de l'équation précédente, reformulée comme suit :

 

Maintenant, prenons la première équation de Friedmann écrite comme suit :

 

En combinant les deux, on a :

 

On prend alors la racine carrée, ce qui est équivalent à élever à la puissance 1/2. Cela donne l'équation suivante :

 

On utilise alors la formule   :

 

On multiplie par a(t), ce qui revient à ajouter 1 à l'exposant pour le terme de droite :

 

On simplifie l'exposant :

 

Résoudre cette équation différentielle dans le cas général est quelque peu complexe. Toujours est-il que le résultat est le suivant :

 

Les équations générales du modèle

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L'équation précédente nous dit que le facteur d'échelle suit une loi de puissance, ce qui fait qu'on peut utiliser les formules du chapitre "Une introduction aux modèles cosmologiques". On trouve donc les résultats suivants :

 
 
 
 
 

La relation entre densité et âge de l'univers

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On peut aussi déterminer une relation entre l'âge de l'univers et la densité. Pour cela, partons de l'équation suivante :

 

En élevant l'équation au carré, on a :

 

On peut alors combiner cette équation avec l'équation suivante :

 

En égalisant les deux équations, on trouve :

 

En divisant par  , on trouve :

 

Pour simplifier, on a :

 

On voit que la densité diminue avec le carré du temps, mais que la constante de proportionnalité dépend du paramètre de l'équation d'état.

Le facteur de décélération et les équations de Friedmann

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Maintenant, étudions le comportement de l'accélération de l'univers, à partir du facteur de décélération. Nous avons vu plus haut quelle était la valeur du facteur de décélération dans le cas général, mais sachez qu'il est possible de démontrer la valeur du facteur de décélération autrement.


Démonstration

Pour rappel, la définition du facteur de décélération est la suivante :

 

Le terme de gauche se calcule à partir de la seconde équation de Friedmann, alors que   se calcule à partir de la première. Dans le cas qui nous intéresse, on a alors :

 , vu que la courbure est considérée comme nulle.
 , du fait de l'hypothèse  .

On a alors :

 

On simplifie par   :

 

D'où on dérive :

 

Pour rappel, ce dernier nous dit sous quelles condition l'expansion ralentit, accélère ou reste stable. Pour cela, calculons la valeur de   pour laquelle  . On a donc :

 

On trouve alors que :

 

En étudiant un petit peu la relation  , on en déduit le tableau suivant.

     
L'expansion accélère L'expansion est constante (modèle à croissance linéaire) L'expansion ralentit

Faisons maintenant le rapprochement avec les valeurs de   obtenues pour le rayonnement et la matière. Pour la matière et le rayonnement, on a  , ce qui fait qu'un univers composé intégralement de matière et de rayonnement doit voir son expansion décélérer. Pour un univers qui contient un mélange d'énergie noire et de matière/rayonnement, tout dépend des parts respectives de chaque composant.

Le modèle cosmologique dominé par la matière

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Pour la matière, on part du principe que celle-ci est un gaz parfait qui emplit l'espace. La pression d'un tel gaz est alors définie par la formule  , avec   la densité du gaz et v la vitesse moyenne de ses particules. Cependant, par souci de simplification, il est supposé que la vitesse des particules du gaz est très faible, au point qu'on peut la supposer nulle (ce qui marche bien pour de la matière qui va à faible vitesse). Dans ces conditions, la pression s'annule, peu importe la densité. On a alors :  .

Cette hypothèse est crédible dans le sens où les amas de galaxies sont relativement éloignés et interagissent peu. Comme autre simplification, nous allons prendre le cas d'une matière froide, au zéro absolu. Cette autre hypothèse n'est pas si abusive vu l'état actuel de l'univers : seul 10% de la matière sert à fabriquer des étoiles, le reste étant localisé dans des nébuleuses et des nuages moléculaires dont la température ne dépasse pas la dizaine de degrés au-dessus du zéro absolu.

Les équations du modèle

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Avec cette hypothèse, les équation de Friedmann deviennent les suivantes :

 
 
 

On remarque qu'on retrouve les équations de Friedmann newtoniennes dans le cas où la courbure est nulle. Et nous avions vu que ce modèle permettait de démontrer les formules suivantes :

Paramètre Formule dans le cas de l'univers dominé par la matière
Densité en fonction du facteur d'échelle  
Facteur d'échelle en fonction du temps  
Facteur de Hubble  
Temps de Hubble  
Rayon de Hubble  
Rayon de l'univers observable  
Age de l'univers  
Paramètre de décélération  
Densité  

Le modèle cosmologique dominé par le rayonnement

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Dans le cas où on considère un univers entièrement rempli de rayonnement, on postule que le rayonnement est formé d'un gaz parfait de photons. Dans ces conditions, le comportement des photons fait que :

 

Les équations du modèle

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Avec cette valeur, les équations du cas général se simplifient comme suit :

Paramètre Formule du cas général Formule dans le cas de l'univers dominé par le rayonnement
Densité en fonction du facteur d'échelle    
Facteur d'échelle en fonction du temps    
Facteur de Hubble    
Temps de Hubble    
Rayon de Hubble    
Rayon de l'univers observable    
Age de l'univers    
Paramètre de décélération    
Densité    

On peut noter que le rayon de Hubble et le rayon de l'univers observable sont égaux dans l'univers dominé par le rayonnement.

Le paramètre de décélération étant positif, on en déduit que l'expansion de l'univers ralentit progressivement avec le temps.

Les équations précédentes disent que l'univers a une expansion plus rapide qu'avec l'univers dominé par la matière. La raison est que le rayonnement se dilue plus vite que la matière, comme le dit l'équation  , en raison de la dilution par l'expansion de l'univers, mais aussi de l'expansion des longueurs d'onde. La dilution étant plus grande, la gravité perd plus rapidement en importance et l'expansion est donc plus rapide.

L'interprétation physique de la variation de densité énergétique du rayonnement

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On a vu que la densité d'énergie du rayonnement varie selon la puissance quatrième du facteur d'échelle :

 

On peut donner un sens physique à cette équation. Premièrement, l'énergie du rayonnement est diluée dans un volume plus grand, égal à la puissance troisième du volume initial, comme pour la matière. La densité est donc divisée par la puissance troisième. À cela, il faut ajouter la diminution de la longueur d'onde causée par le facteur d'échelle. La somme de ces deux contributions donne la formule précédente. Pour nous en rendre compte, on peut partir de la définition de la densité d'énergie du rayonnement :

 

La variation de la densité d'énergie provient de deux sources : l'une est la variation de   et l'autre est la diminution de  . La première varie comme  , car le nombre de photons reste globalement constant et que l'expansion fait augmenter le volume en  . Cela sera justifié dans la section suivante, mais le résultat est le même que celui vu dans le chapitre précédent. Si l'énergie par particule demeurait constante lors de l'expansion, on aurait l'équation  . Quant au second terme, il évolue en  .

On peut l'expliquer avec un argument qualitatif (et peu rigoureux) nous permet de justifier pourquoi l'expansion réduit l'énergie par particule. Rappelons qu'un photon de fréquence f a une énergie égale à  , avec h la constante de Planck. Or, on a vu que la fréquence varie avec l'inverse du facteur d'échelle, l'énergie par photon doit faire de même, ce qui donne : math>{E \over N} \propto f \propto a^{-1}</math>. En clair, l'expansion étire la longueur d'onde des photons, ce qui leur fait perdre de l'énergie. Cependant, cette dérivation n'est pas parfaite, vu qu'on mélange la fréquence d'un photon unique avec la température d'un gaz de plusieurs photons. Ce qui nuit à la généralité de l'argument.

Cela a une conséquence assez importante : l'énergie de l'univers ne se conserve pas, mais diminue avec le temps ! Et ce n'est pas un problème qui serait réglé en relativité générale : il y a réellement une perte d'énergie quel que soit le modèle utilisé. À l'heure actuelle, on ne sait pas comment résoudre ce problème (si tant est que ce soit vraiment un problème).