Cosmologie/Le spectre de puissance des perturbations

Dans le chapitres précédent, nous avions éliminé la pression des équations, afin de les rendre plus simples. Il faut dire que résoudre ces équations avec la pression est compliqué, mais c'est faisable en utilisant un formalisme mathématique précis. Celui-ci est le formalisme de la transformée de Fourier. Et quitte à introduire ce formalisme, autant parler plus en détail de la manière de modéliser le champ de densité, qui a un lien très fort avec le formalisme de Fourier. Faisons donc une petite parenthèse sur le sujet.

Nous sommes parti du principe que la distribution de la densité nous était inconnue. Nous supposions simplement qu'elle existe, mais sans en savoir plus sur ses propriétés. Et il est vrai que dans le cas général, on ne peut rien dire sur la distribution des perturbations. Par contre, on peut en donner quelques propriétés statistiques plus ou moins pertinentes. Ce champ de densité, peu importe sa forme exacte, a une densité moyenne, une certaine dispersion autour de cette moyenne, et ainsi de suite. Dans ce chapitre, nous allons voir diverses mesures statistiques du champ de densité et voir comment elles se marient avec les équations du chapitre précédent.

La fonction de corrélation

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Pour commencer, prenons un exemple assez simple, mais en apparence détaché des perturbations cosmologiques. Si je regarde un point   de l'espace et un volume   autour de ce point (supposé assez gros à l'échelle cosmologique). Il y a une probabilité   que dans le volume  , je trouve une galaxie. Si on suppose qu'il y a en moyenne   galaxies par unité de volume, alors cette probabilité est de :

 

De même, en un point  , cette probabilité est de :

 

Maintenant, on souhaite savoir quelle est la probabilité que j'observe une galaxie à la fois au point   et au point  . Intuitivement, on penserait avoir :

 

Mais cela ne vaut que si les positions des galaxies sont totalement indépendantes, ce qui n'est pas garanti. Dans les faits, il est possible qu'il y ait une relation dans la distribution des galaxies qui fait que si on observe une galaxie en x, alors sa présence en y est plus probable, en fonction des positions x et y. On doit donc tenir compte de telles corrélations. La formule exacte, qui en tient compte, est la suivante :

 , où   est la fonction de corrélation.

Par analogie, on peut utiliser le même formalisme, mais pour prédire non pas la présence d’une galaxie, mais l'intensité d'une fluctuation de densité. On a alors :

 , où   est la densité moyenne du champ de densité.
Il est possible de définir des fonctions de corrélation pour trois points, quatre points, voire beaucoup plus.

L'hypothèse d’homogénéité statistique

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Si on considère que l'univers est statistiquement homogène, alors la fonction de corrélation ne dépend que de la distance entre x et y, mais pas de la position exacte de x et y.

 

Ce qui peut s'écrire comme suit :

 , avec r la distance entre les deux points x et y.

Sous cette hypothèse, le calcul de la densité moyenne est assez simple. Il suffit de prendre la moyenne spatiale de la densité. La corrélation moyenne entre deux points peut se calculer en prenant un grand nombre de points x et y et en calculant la corrélation pour chaque paire de points. Il suffit de faire la moyenne des corrélations obtenues, pour obtenir la corrélation moyenne. les mesures semblent montrer que la fonction de corrélation suit une loi de puissance de la forme suivante :

 , avec  .

La transformée de Fourier du champ de densité

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Outre la fonction de corrélation, on peut aussi utiliser le formalisme dit des harmoniques sphériques. Pour rappel, le terme   est une fonction qui associe une perturbation de densité à tout endroit de l'espace et à chaque instant. On dit aussi que cette fonction décrit un champ de densité. Or, il existe un théorème qui nous dit que tout champ peut être décomposée en champs périodiques.

Vous connaissez sans doute la transformée de Fourier des fonctions continues, qui permet de découper un signal en une somme d'ondes de forme cosinusoïdales ou sinusoïdales. Il en existe un équivalent en deux dimensions pour le plan, et en trois dimensions. En additionnant un certain nombre (potentiellement infini) de ces ondes de base, pondérées par un coefficient, on peut obtenir n'importe quel champ résultant.

 
Illustration des séries de Fourier.

Le champ de densité ne fait pas exception et on peut utiliser ce théorème pour décomposer le champ de densité en une somme d'ondes. Sauf que le champ est plaqué sur une sphère, la surface de dernière diffusion est une sphère. Et l'équivalent de la transformée de Fourier pour une sphère porte le nom d'harmoniques sphériques.

 
Harmoniques spéhriques sur une sphère tournante.

Le spectre de puissance des perturbations

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Décrire le champ de densité avec des séries de Fourier ou avec des harmoniques sphériques permet de définir le spectre de puissance du champ de densité. En temps de normal, il donne l'ensemble des amplitudes de chaque onde sinusoïdale et s'obtient avec la transformée de Fourier. Ici, il s'obtient en prenant la transformée de Legendre et donnent les coefficients pour chaque harmonique sphérique.

Dans le cas qui nous intéresse, la longueur d'onde correspond à la taille d'une perturbation périodique. Le spectre de puissance donne donc l'intensité de la surdensité en fonction de sa taille et est donc une fonction du type :

 , avec   le nombre d'ondes qui est défini par  .

Le spectre de puissance et la fonction de corrélation sont reliés l'un à l'autre, par la relation suivante :

 .

Qui peut aussi s'écrire comme suit :

 

Les deux équations précédentes nous disent que le spectre de puissance et la fonction de corrélation (en fait son intégrale) sont proportionnels.

Les spectres en loi de puissance et le spectre de Harrison-Zeldovitch

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Dans le cas général, connaître le spectre de puissance n'est pas suffisant pour décrire complètement le champ de densité, du moins d'un point de vue statistique. Il en est de même avec la fonction de corrélation qui est elle aussi un résumé imparfait de la distribution. Cependant, il existe des distributions statistiques pour lesquelles la connaissance du spectre de puissance et/ou de la fonction de corrélation suffit à décrire totalement les propriétés statistiques du champ décrit. Ce sont les champs aléatoires gaussiens, pour lesquels la densité suit une distribution gaussienne (la fameuse courbe en cloche). Et ce sont ces gaussiennes qui sont utilisées pour modéliser le champ de densité cosmologique, faute de mieux. Le spectre de puissance de tels champs aléatoires gaussiens suit une loi de puissance de la forme :

 
Quand l'exposant vaut 1, l'amplitude des fluctuations ne dépend pas de l'échelle. Le spectre de puissance avec   est appelé le spectre de Harrison-Zeldovitch, quand il est utilisé en cosmologie.

Précisons que si le spectre de puissance est une loi de puissance, alors la fonction de corrélation est aussi une loi de puissance de la forme :

 , avec  .

Un avantage de ce spectre de puissance est qu'il est invariant si les perturbations sont stables en coordonnées comobiles. Par exemple, c'est le cas après le découplage, où toutes les perturbations évoluent linéairement avec l'expansion, c'est à dire qu'elles grossissent au même rythme que l'expansion. Dit autrement, elles ont toujours la même taille en coordonnées comobiles et sont figées. Dans ce cas, on peut décrire de telles perturbations comme suit :

 

La fonction de corrélation associée devient alors :

 

Et le spectre de puissance est de :

 

En clair, avec l'expansion, le spectre de puissance évolue, mais cette évolution est prévisible. Il est simplement multiplié par une valeur qui dépend du carré du temps écoulé. Cela veut dire deux choses. Premièrement, le spectre de puissance est décalé avec le temps. Deuxièmement, les amplitudes sont réduites par un coefficient multiplicatif dépendant du temps. Du moins, c'est le cas pour les structures qui suivent cette loi d'évolution.

Les défauts des spectres en loi de puissance

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Les spectres en loi de puissance ont des propriétés intéressantes. Cependant, des arguments techniques nous font dire que le spectre des perturbations ne peut pas être en loi de puissance sur l'ensemble des longueurs d'onde possibles. Ce n'est pas compatible avec l’homogénéité du CMB, qui impose que :

  si  

La relation entre spectre de puissance et fonction de corrélation impose alors que :

 

En clair, si il y a des corrélations en loi de puissance pour un intervalle de k précis, alors il existe des anti-corrélations en-dehors de cette intervalle. Les corrélations et anti-corrélations se compensent et annulent l'intégrale précédente.