Apprendre la guitare/Travail du médiator

Ce chapitre ne traite ni du jeu aux doigts tel qu’il est pratiqué sur une guitare classique, ni du jeu aux doigts sur une guitare folk (le « finger-picking »). Il se concentre uniquement sur le jeu au médiator. Chacune des deux premières techniques constitue un domaine d’étude à part entière, et il est conseillé de se reporter à un article spécialisé si l’une d’elles vous intéresse.

Le jeu au médiator : enjeux, problèmes et solutions

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Le jeu au médiator est praticable sur guitare folk, et pratiqué par la presque totalité des guitaristes jouant sur guitare électrique. L'usage du médiator permet d'atteindre sur ces instruments une vitesse de jeu non pas impossible, mais difficile à égaler avec le jeu aux doigts. Le jeu à grande vitesse n'est que l'un des aspects de cette technique, mais est aujourd’hui partie intégrante de nombreux styles dérivés du Hard-Rock et du Heavy-Metal dans lesquels certains guitaristes ont atteint des vitesses de jeu spectaculaires. Les fondements du jeu au médiator sont pourtant souvent négligés dans les méthodes sur papier ou en ligne, à l'exception de quelques indications réduites au mieux à des exemples couplés à quelques consignes (utilisez un métronome, détendez-vous, accélérez très progressivement), immédiatement suivis d'exercices techniques. Le web fournit bien sûr une masse d'information considérable permettant d'améliorer son jeu en solo (exercices en jeu alterné, directionnel, en balayage, etc), mais paradoxalement très peu d'information véritablement consistante sur la simple manière de tenir un médiator et de s'en servir[Note 1].

Contrairement au jeu aux doigts pour lequel, dans le cas de la guitare classique, il existe une position académique de la main droite, on compte en fait presque autant de techniques de jeu au médiator que de guitaristes. Si la notion de « position correcte » est parfois mentionnée dans certaines méthodes ou par certains auteurs de cours en ligne, la diversité des techniques des guitaristes les plus brillants dans cette forme de jeu montre que la réalité du jeu au médiator est plus complexe. Ces divergences de méthodes sont sans doute dues en partie au simple fait que la guitare est un instrument initialement conçu pour être joué avec les doigts - et peut-être en partie au fait que l'expérience individuelle du jeu du médiator est par nature incommunicable, et, chez certains guitaristes, non accompagnée d'un désir ou d'une nécessité d'une quelconque introspection - à la question "pouvez-vous nous parler de votre technique de main droite ?", Yngwie Malmsteen se contente de répondre : "j'essaie de ne pas trop y penser".

L'apprentissage du jeu au médiator pose un certain nombre de difficultés immédiates, la toute première étant le choix d'une prise confortable et efficace. Dans le jeu aux doigts en position classique, la main droite tombe naturellement sur les cordes en donnant immédiatement aux doigts le maximum de liberté de mouvement. En revanche, même la prise dite "standard" - dans laquelle le médiator est tenu entre le pouce et le bord de l'index replié - ne correspond pas à la manière dont la main tient spontanément un objet de petite taille. La rupture de la continuité entre la main et les cordes, tout en autorisant une plus grande vitesse de jeu sur une seule corde, pose d'autre part de nouveaux problèmes, qui ne peuvent être résolus qu'au prix d'une certaine persévérance : celui de la synchronisation des deux mains, alors que la sensation de contact avec les cordes n'est plus qu'indirecte, voire presque absente ; celui des changements de cordes, nécessitant à la fois de compenser la distance entre deux cordes par une accélération ponctuelle du mouvement, tout en évitant le contact de la pointe du médiator avec d'autres cordes que celle ciblée ; celui de l'uniformité du mouvement entre les cordes les plus graves et les plus aiguës, le placement et/ou l'inclinaison de la main devant nécessairement varier d'une corde extrême à l'autre.

 
Position "standard"

Toutes ces difficultés sont diversement résolues (ou non résolues) par chaque guitariste. La position dite « standard » - prise fermée, pas d’ancrage, mouvement par oscillation du poignet - n’est de fait qu’une position praticable parmi d’autres, et nombre de variantes sont effectivement pratiquées, y compris par de grands guitaristes, parmi un large éventail de choix possibles : prise fermée ou ouverte, ancrage de la main droite au-dessus du mi aigu à l’aide d’un ou plusieurs doigts, paume de la main flottante, paume en appui sur le chevalet, paume en appui sur les cordes dans le jeu sur les cordes aiguës, paume en appui sur la table au dessus du mi grave dans le jeu sur les cordes graves, auriculaire et/ou annulaire repliés en appui sur les cordes ou frôlant les cordes dans le jeu sur les cordes graves, poignet en appui sur le chevalet, mouvement basé sur un déplacement du couple index et pouce, sur l’oscillation ou la flexion du poignet, sur la rotation ou l’oscillation de l’avant-bras, sur une combinaison de ces mouvements élémentaires… . Toutes ces variantes ne présentent pas les mêmes avantages et inconvénients, toutes ne conviennent pas à tous les guitaristes, ni à toutes les formes de guitares, ni même à tous les contextes de jeu : jeu rythmique lent et ample, jeu rythmique sec et rapide, jeu solo à vitesse moyenne, jeu solo en son saturé à vitesse extrême… . Le choix d’une variante implique inévitablement un compromis entre d’une part, la précision de l’attaque et la variété des nuances, c’est-à-dire les facteurs contribuant à la qualité et l’expressivité du son, d’autre part l’économie de mouvement et l’évitement des tensions, c’est-à-dire tous ceux contribuant à la virtuosité du jeu - l’évitement de toute tension musculaire doit impérativement être pris en compte si l‘on souhaite éviter les blessures physiques à moyen ou long terme, telles que tendinite ou syndrome du canal carpien.

Le but de ce chapitre n'est pas de donner un ensemble de consignes précises pour apprendre ou améliorer son jeu au médiator, mais plutôt de fournir un inventaire de possibilités, le plus large possible, destiné à vous faire trouver par vous-même la technique de jeu qui vous conviendra le mieux sans vous enfermer dans une idée préconçue de ce qu'elle devrait être. Gardez en tête le fait que ce travail n'est qu'un point de départ, une étape nécessaire, mais non une fin en soi : le seul travail du jeu au médiator, même obsessionnel, ne suffira pas à faire de vous un grand guitariste - pas plus que le seul travail obsessionnel de la diction ne suffira à faire de vous un grand acteur. Une écoute trop superficielle de guitaristes virtuoses peut occulter le fait que les plus grands d’entre eux sont aussi (ou peut-être même avant tout) de grands musiciens, dont la qualité de jeu ne saurait se réduire à leur seule capacité à jouer à une vitesse hors du commun. Au-delà de l’effet de fascination légitime produit par cet aspect du jeu au médiator, le travail du médiator n’est en fait qu’un simple outil, une simple éducation de la mémoire musculaire, dont le but est de parvenir à un automatisme complet du mouvement dans son aspect le plus mécanique. Une fois cet outil maîtrisé, le véritable travail de la main droite peut commencer, à savoir, apprendre à se servir de cet outil pour s’exprimer musicalement. Dans cette phase préparatoire, certains guitaristes parviennent spontanément à trouver un mouvement à la fois efficace, sans tension, sonnant bien et facile à accélérer. D’autres n’ont pas les mêmes chances, et doivent lutter plusieurs mois ou plusieurs années avant de trouver un mouvement comparable, parfois au prix du long et pénible travail de désapprentissage d’un mouvement initial inefficace, mais devenu totalement intégré à leur jeu. Si vous débutez la guitare, le mieux est probablement de faire appel à un professeur pour éviter d’aboutir à cette dernière situation. Si vous jouez de la guitare depuis déjà plusieurs années mais restez obstinément bloqué à une vitesse insuffisante selon vos propres exigences, n’hésitez pas à recourir à l’aide d’un professionnel pour tenter de cerner et résoudre votre problème.

Les variantes

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Choix du médiator

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Médiator à la forme peu commune

Les médiators existent en des formes, épaisseurs et matériaux divers. Le choix d’un modèle n’est soumis à aucune règle particulière, et relève avant tout du goût personnel, voire de l'humeur du jour. Un médiator très épais aura tendance à procurer un son plus rond et plus massif, mais en opposant plus de résistance au pincement des cordes, il sera aussi plus difficile à manier. Un médiator très souple glissera sur les cordes presque sans aucune résistance, mais limitera la puissance du son en réduisant presque celui-ci à son attaque.

Prises ouvertes et fermées

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Le médiator se tient entre le pouce et l’index, ou bien entre le pouce, l’index et le majeur. Certains guitaristes préfèrent le tenir entre le pouce et le majeur : Edward Van Halen pose ainsi son index sur la tranche du médiator, laissant celui-ci disponible pour le jeu en tapping. La prise va d’une main semi-fermée (la position dite « standard ») à une main semi-ouverte (Yngwie Malmsteen, Vinnie Moore, Paul Gilbert, George Lynch) en passant par tous les intermédiaires, plus quelques variantes extrêmes (comme la variante dite de George Benson, également pratiquée par Pat Metheny, Steve Morse ou Marty Friedman).

 
Prise fermée

Dans la prise fermée usuelle, le médiator se tient entre les bords des deux dernières phalanges de l’index replié sur lui-même et la dernière phalange du pouce (on compte les phalanges d’un doigt à partir de celle reliée à la paume de la main). Le pouce peut être droit ou légèrement fléchi, ou au contraire légèrement en extension : le médiator peut dans ce cas être aussi maintenu par la pression sur l’index de l’articulation reliant les deux phalanges du pouce. Les autres doigts de la main droite sont repliés sur eux-mêmes, sans aucune tension.

 
Prise ouverte

En prise ouverte, le médiator est tenu entre le pouce et le bord de la dernière phalange de l’index, ou encore, entre le pouce et les dernières phalanges de l’index et du majeur. L’écart entre le pouce et l’index est alors plus important : cette prise autorise dans une certaine mesure le déplacement du médiator par flexion et extension du couple pouce et index, indépendamment des autres parties de la main droite. Les autres doigts peuvent être légèrement repliés ou non. Chez certains guitaristes, ils sont totalement en extension dans les mouvements les plus rapides. Dans la variante dite de George Benson, l’extension du pouce est très accentuée, et le médiator est tenu entre l’articulation du pouce et les dernières phalanges de l’index et du majeur.

Chaque type de prise n’offre ni exactement le même son, ni exactement la même forme de contrôle du médiator. Les prises fermées permettent une grande puissance de jeu, et un bon contrôle des nuances et du volume. Elles conviennent bien au jeu en rythmique ou au jeu en solo très articulé à vitesse moyenne (harmoniques artificielles, coloration du son par variations de l’attaque, étouffements, etc.). En contrepartie, en rendant l’index et le pouce solidaires de l’ensemble de la main droite, une prise très fermée obligera celle-ci à se déplacer en un seul bloc, limitant la précision de la trajectoire du médiator. La technique de l’ancrage peut compenser partiellement ce manque, mais dans tous les cas, une prise fermée rendra plus délicat le jeu à grande vitesse. D’autre part, la fermeture des doigts a tendance à crisper l’ensemble de la main, voire à bloquer le poignet, ce qui peut générer des tensions dans l’ensemble de l’avant-bras. En désolidarisant le pouce et l’index du reste de la main, les prises ouvertes permettent au couple formé par ces deux doigts de contrôler d’avantage ou même d’initier partiellement le mouvement du médiator, autorisant un jeu précis à grande vitesse, tout en autorisant une grande souplesse de mouvement à la main droite. En contrepartie, une position très ouverte aura tendance à produire un son plus fin et plus uniforme. Le recours à un son saturé et à un médiator épais peuvent limiter partiellement cette perte de puissance, mais ce type de position est plutôt pratiqué par les guitaristes privilégiant la vitesse de jeu au détriment de la variété des nuances.

Force de prise du médiator

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La force de prise du médiator peut être réduite au minimum nécessaire pour attaquer les cordes sans que celui-ci s'échappe des doigts, ou au contraire, être augmentée ponctuellement afin d'accentuer une ou plusieurs notes. Là encore, une force de prise accrue améliorera la netteté du son, mais augmentera la résistance des cordes à l'attaque du médiator, en diminuant d'autant la précision de son mouvement - en particulier sur les cordes graves, plus épaisses, donc offrant une résistance naturellement plus grande que celle des cordes les plus fines. Une force de prise excessive peut d'autre part être source de tensions, éventuellement difficiles à déceler car concentrées au niveau des doigts, mais se diffusant dans l'ensemble de la main et de l'avant-bras. Dans le travail technique pur - gammes ou arpèges travaillées au métronome, accélération progressive d'un passage appris à vitesse lente, etc. - rien ne vous empêche de jouer dans un premier temps en réduisant votre force de prise à son strict minimum, en négligeant provisoirement le problème de la qualité du son, et en ne vous concentrant que sur celui de la précision du jeu et sur la synchronisation des mains gauche et droite. Le passage à une prise plus ferme - donc, à une meilleure qualité de son - peut se faire une fois réglés les problèmes de vitesse, de régularité et de précision, en se concentrant cette fois sur le problème de l'évitement de toute tension.

Choix de l'angle d'attaque de la corde

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Le médiator forme avec les cordes un angle plus ou moins aigu, dépendant de la prise choisie, de la position de la main droite et de son mouvement. Là encore, un compromis est à trouver entre confort de jeu et qualité du son. En gardant le médiator strictement parallèle aux cordes, on obtient une attaque plus nette, plus brillante, mais on augmente la résistance des cordes au mouvement, éventuellement jusqu'à contrarier les mouvements amples (jeu en rythmique), continus (jeu directionnel, "sweeping"), ou demandant une bonne régularité de jeu (changement de corde en jeu alterné). L'accroissement de l'angle d'attaque réduit beaucoup cette résistance, mais a tendance à diminuer le volume du son, tout en accroissant les bruits de surface dus aux frottements du bord du médiator sur la corde. Cet effet est particulièrement audible sur les cordes de plus gros filage, avec un médiator assez fin. Il peut être voulu (rythmique percussive en son très saturé, accentuation de une ou plusieurs notes) et même dans une certaine mesure contribuer à la qualité du son, mais peut aussi être compensé par une attaque plus rapide ou plus puissante. Dans tous les cas, fiez-vous à votre main et à votre oreille pour trouver l'angle d'attaque idéal, en fonction du contexte et la vitesse de jeu courante.

Mouvements de la main droite

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Le mouvement de la main droite résulte d’une combinaison à parts inégales de plusieurs sortes de mouvements élémentaires : l’oscillation du couple pouce et index, une oscillation de la main droite de point central situé au niveau du poignet, une rotation de l’avant-bras, et une oscillation de l’avant-bras de point central situé au niveau du coude. Ces mouvements ne sont bien sûr pas tous indépendants, mais pour un type de prise et un placement donné de la main droite, l’un d’eux est en général majoritaire. Le choix d’un mouvement de base est bien sûr étroitement corrélé au type de prise choisi et au placement de la main droite. En prise fermée, le mouvement du médiator peut par exemple être basé sur l’oscillation du poignet lorsque la main droite est proche des cordes, ou bien sur la rotation de l’avant-bras lorsque celle-ci est plus éloignée. En prise ouverte, la base du mouvement peut être l’oscillation du couple pouce et index, le reste de la main et du bras accompagnant naturellement ce mouvement initial par une légère oscillation du poignet et/ou une rotation de l’avant-bras. Dans la variante de George Benson, le mouvement est basé sur la flexion et l’extension du poignet.

Il est possible avec une prise fermée de baser le mouvement sur une oscillation de l’avant-bras, et d’atteindre en bloquant le poignet une très grande vitesse de jeu, mais outre le problème de tension généré par le mouvement produit, l’imprécision de celui-ci rend difficile les changements de cordes. Michael Angelo Batio est cependant connu pour pratiquer un mouvement de cette sorte, associant une prise ouverte à une méthode d’ancrage inédite consistant en l’appui du majeur et de l’annulaire sur la table, tous deux en extension, la main droite flottant au dessus des cordes. La vitesse de jeu atteinte par ce mouvement est presque inégalable (Michael Angelo Batio est considéré comme l’un des « shredders » les plus rapides de tous les temps) mais oblige ses guitares à être équipées d’un étouffoir au niveau du sillet pour éviter les résonances des cordes à vide, que la main droite ne peut étouffer elle-même dans cette position.

L’ancrage et le problème des cordes extrêmes

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L’ancrage consiste à poser sur la table ou sur le chevalet l’extrémité de l’auriculaire (Frank Gambale) et/ou de l’auriculaire et/ou du majeur (Django Reinhardt), ou encore, en prise ouverte, le bord de la main (Yngwie Malmsteen). Le gain immédiat du procédé est de stabiliser la hauteur de la main droite et de faciliter ainsi les changements de cordes. Cette technique a aussi ses détracteurs, estimant qu’elle a tendance à gêner le mouvement naturel de la main droite – ce qui est effectivement le cas si la pression des doigts ou de la paume sur la table est excessive au point d’immobiliser la main, mais pas si elle est suffisamment légère pour permettre aux doigts posés de glisser sur la table.

L'ancrage permet également de stabiliser le mouvement de la main sur les deux cordes extrêmes, mais n'est pas le seul moyen de résoudre le problème posé par ces deux cordes. Il est également possible, sans poser de doigts sur la table mais en gardant assez stable la hauteur de la main droite : d'effleurer les cordes graves avec la paume de la main en jouant sur les cordes les plus aiguës ; d'effleurer les cordes aiguës avec le bord de l'auriculaire et/ou de l'annulaire repliés en jouant sur les cordes graves.

Jeu alterné et jeu directionnel

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Le jeu alterné consiste, dans chaque suite de notes de durées égales, à alterner la direction des coups de médiator sur chaque note : ↓bas, ↑haut, ↓bas, ↑haut, etc. Ce changement de direction se fait quelle que soit la corde sur laquelle se situe la seconde note, qu’il s’agisse de la même corde, d’une corde voisine ou d’une corde distante. Dans le cas d’une corde différente, le changement de corde est qualifié soit d’interne, soit d’externe. On parle de changement externe lorsque la corde cible est attaquée à par le médiator à l’extérieur de la zone délimitée par les deux cordes, de changement interne lorsque cette attaque a lieu entre les deux cordes. Jouez alternativement les deux cordes Ré et Sol de votre guitare (la 4ème et la 3ème en partant de la corde la plus aiguë), en commençant par la corde Ré (la plus grave) et par un coup de médiator vers le bas, et en alternant les directions bas et haut : ↓Ré, ↑Sol, ↓Ré, ↑Sol, etc. À chaque changement de corde, la pointe du médiator doit contourner la corde cible immédiatement avant de l’attaquer par l’extérieur : chaque changement est externe. Recommencez, en commençant cette fois par la corde Sol (la plus aiguë) et par un coup de médiator vers le bas : ↓Sol, ↑Ré, ↓Sol, ↑Ré, etc. À chaque changement de corde, la pointe du médiator revient dans la zone située entre les deux cordes puis attaque la nouvelle corde par l’intérieur : chaque changement est interne. Un changement externe peut sembler a priori plus naturel qu’un changement interne, mais il sera en réalité plus difficile à effectuer à grande vitesse : dans sa trajectoire vers la zone extérieure aux deux cordes, le médiator aura tendance à accrocher la corde cible à son premier passage s’il n’est pas suffisamment éloigné de celle-ci. L’inclinaison volontaire de la pointe du médiator en direction de la zone extérieure aux deux cordes, si elle n’est pas suffisante par réflexe, peut être effectuée à l’aide d’une flexion ou d'une extension infime du pouce, éventuellement combinée à une rotation infime du poignet, l’une et l’autre étant effectuées dans la continuité du mouvement global de la main droite.

La technique du jeu directionnel permet de résoudre partiellement le problème des changements externes : elle consiste à remplacer, pour chaque changement externe, les deux coups alternés du médiator par un unique coup frappant d’abord la corde source, puis, sans changer de direction, la corde cible : ↓Ré, ↓Sol,↑Sol, ↑Ré, ↓Ré, ↓Sol, etc. Correctement travaillée, cette technique produit un jeu fluide demandant très peu de mouvements à la main droite (elle est aussi connue sous le nom de « economy picking »). Elle peut être au début assez déroutante, à cause du mélange de deux types de mouvements – alterné et continu – et de l’inversion périodique de la correspondance temps fort/mouvement vers le bas, temps faible/mouvement vers le haut, cette correspondance servant instinctivement de repère rythmique dans le jeu alterné sur un tempo binaire.

Le travail du médiator

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Le travail du jeu au médiator, et plus généralement de la main droite, peut se faire avec et sans métronome, en son saturé mais aussi en son clair, ou même sans ampli, les effets tels que la saturation ou la réverbération ayant tendance à masquer les imperfections du jeu. Notez qu'une manière impitoyable de détecter les irrégularités de votre jeu consiste à étirer un enregistrement de celui-ci dans un éditeur de sons (via une fonction « time stretch », ralentissant le signal enregistré sans changer sa hauteur). En règle générale, les exercices travaillés ne doivent pas être trop répétitifs, sous peine de brider la créativité musicale : si vous ne jouez que des gammes ou des motifs de 3 ou 4 notes en boucle, votre jeu improvisé aura du mal à dépasser musicalement ce stade – on joue surtout ce que l’on travaille. Les exercices à contraintes – par exemple, improviser, mais en changeant de corde au moins toutes les deux notes, ou en ne faisant que des sauts de cordes à chaque changement de corde – sont un bon moyen de travailler une difficulté particulière sans s’enfermer dans un cadre trop rigide.

Un conseil fréquemment donné aux guitaristes souhaitant améliorer leur technique est de chercher le mouvement le plus précis, le plus économe en déplacements possible, de travailler ce mouvement à vitesse très lente, puis de l’accélérer graduellement sur une période de plusieurs jours, plusieurs semaines ou plusieurs mois. Idéalement, le mouvement à vitesse lente devrait être identique à celui utilisé à une vitesse plus élevée, c’est-à-dire impliquer les mêmes muscles, les mêmes déplacements de chaque partie du bras, la même position de la main droite sur chaque corde. Son accélération ne devrait engendrer aucune forme de tension, ni aucune perte de précision dans la trajectoire du médiator. N’hésitez pas à revenir à une vitesse plus lente, à essayer un autre mouvement ou un autre placement de la main droite : le passage à une position inhabituelle peut vous aider à prendre conscience des avantages et inconvénients, ou même des défauts de celle qui semble vous convenir le mieux. Voici d'autres questions utiles qui pourront vous permettre de faire le point sur votre jeu :

  1. En augmentant progressivement la vitesse de votre métronome, jouez, en continu et en double croches (4 notes par battement), une unique note sur l'une des deux cordes médianes - pas la corde à vide, choisissez plutôt une note vers le milieu du manche. Jusqu'à quelle vitesse votre mouvement est-il régulier et toutes les notes sont-elles distinctes ? Le problème des changements de cordes ou de notes ne se posant pas dans ce cas précis, votre mouvement est-il identique à votre mouvement usuel ? Recommencez, mais en jouant cette fois sur la corde la plus grave. Recommencez, en jouant sur la plus aiguë. Votre mouvement est-il le même dans chaque cas, ou est-il plus difficile pour vous de jouer sur l'une des cordes extrêmes ? Que donne cet exercice en accentuant la première note de chaque temps, ou la seconde, troisième quatrième ? ou encore, en triolets, c'est-à-dire en ne jouant que trois notes par battement ? en accentuant la première note de chaque temps, ou la seconde, ou la troisième ?
  2. Jouez en rythmique et en mouvement amples et réguliers, sur toutes les cordes - un seul accord suffit. Quelle vitesse parvenez-vous à atteindre au métronome ? Votre volume reste-t-il constant en accélérant le tempo ? Votre mouvement est-il le même que votre mouvement en notes uniques, simplement plus ample ?
  3. Réglez votre métronome à une vitesse un peu soutenue. Choisissez un motif simple de quatre notes, impliquant deux ou trois doigts de la main gauche (e.g. 1-2-4-2 ou 4-3-1-3). En ne jouant que sur une seule corde, enchaînez successivement, en jeu strictement alterné et en doubles-croches (quatre notes par battement) : jeu en continu de la première note du motif pendant une mesure (4 battements, soit 16 notes), et, jeu répété du motif pendant une mesure. Votre mouvement est-il aussi régulier et détendu durant chaque groupe de mesures ? Vos deux mains sont-elles aussi bien synchronisées ?
  4. Réglez votre métronome à une vitesse modérée, et enchaînez successivement, en jeu strictement alterné : jeu sur une seule corde pendant une ou deux mesures (éventuellement une seule note), puis, également pendant une ou deux mesures, jeu sur toutes les cordes, en vous efforçant cette fois de changer de corde à chaque note (vous pouvez par un exemple jouer un accord arpégé). Il est normal bien sûr que jouer sur une seule corde vous paraisse plus facile qu'en changeant constamment de corde, mais dans quelle mesure votre mouvement devient-il moins précis et moins détendu ?
  5. Réglez votre métronome à une vitesse très basse - pas plus de 50 battements par minutes. Jouez en jeu alterné, et en noires - exactement une note par battement, soit moins d'une note par seconde. Votre jeu est-il aussi régulier qu'à des vitesses plus élevées, ou éprouvez-vous au contraire des difficultés à tomber très exactement sur le temps ? Faites le test, vous pourriez être surpris - et surpris de constater à quel point ce genre d'exercices peut être bénéfique à votre jeu habituel. Notez que ce travail peut être aussi l'occasion d'improviser de façon réelle et sans limites techniques - vous disposez de tout le temps nécessaire pour choisir vos notes, et tout devient jouable à cette vitesse. Tout en jouant, projetez-vous mentalement à vitesse plus rapide : seriez-vous capable de faire les mêmes mouvements à une vitesse plus élevée ? et surtout, le résultat serait-il intéressant musicalement ?
  6. À quelle vitesse parvenez-vous à jouer de manière souple et régulière, sans aucun à-coup, en n'effectuant que des coups de médiator vers le bas ? et vers le haut ? À la même vitesse, votre jeu est-il moins régulier, ou encore plus saccadé dans un cas que dans l'autre ? Notez que jouer sur une seule corde en ne se servant que d'une seule direction de mouvement pose un problème assez similaire à celui du changement de corde en jeu alterné, à savoir, éviter d'accrocher la corde courante avec la pointe du médiator lors de la préparation du mouvement suivant.
  7. Jouez au métronome sur un rythme binaire modéré, vous permettant de jouer très régulièrement en jeu alterné : coup vers le bas sur les temps forts, vers le haut sur les temps faibles. Recommencez à la même vitesse, mais en inversant le mouvement : coup vers le haut sur les temps forts, vers le bas sur les temps faibles. Votre jeu inversé est-il aussi régulier ? Le jeu directionnel, ou « economy picking », nécessite une bonne maîtrise de ce genre d'inversions de mouvements.

Exercices élémentaires

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Les exercices élémentaires ci-dessous, sur une ou deux cordes, pourront vous servir de point de départ pour le travail du jeu strictement alterné. Chaque mesure commence par un coup de médiator descendant, et peut être répétée 2, 4, 8, etc. fois avant de passer à la suivante. L'ensemble peut être joué au métronome depuis une vitesse très lente (par exemple un sextolet entier par temps à une vitesse de 40 bpm, ou un triolet par temps à 80 bpm, soit un tempo équivalent à 60 bpm en doubles croches) jusqu'à des vitesses extrêmes (jusqu'à un sextolet par temps à 120 bpm ou d'avantage).

En fonction de vos habitudes de jeu, certaines mesures vous paraîtront peut-être plus faciles à accélérer que d'autres : insistez plutôt sur celles qui vous posent le plus problème. Le doigté travaillé est (1, 2, 4), mais tous ces exercices peuvent être adaptés à (1, 3, 4), avec ou sans extension de l'index ou de l'auriculaire. Transposez-les dans d'autres tonalités, sur d'autres cordes, avec ou sans sauts de cordes, et inventez d'autres exercices similaires.

 

Références

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  1. Deux exceptions notables, méritant d'être consultées, sont d'une part un article (déjà relativement ancien) de Tuck Andress [1] sur les variantes du jeu au médiator, d'autre part l'analyse de Troy Grady[2] du jeu de grands guitaristes (Steve Morse, Mike Stern, Frank Gambale...) à l'aide d'enregistrements vidéos à très haute vitesse. Le travail de Troy Grady devrait aboutir à un film, encore en cours de production.