Acquisition du langage
Existe-t-il une période optimale pour l’acquisition du langage par un enfant ? Cette question a été longuement débattue parmi les spécialistes.
Le cas de Genie avait relancé le problème. Genie (nom fictif) est une fillette de 13 ans, découverte en 1970 en Californie, après avoir passé son existence enfermée dans un placard. Des psycholinguistes se sont penchés sur son cas. Lors de sa découverte, elle ne pouvait pas parler, mais seulement gémir. Au fil du temps elle a réussi à apprendre quelques mots, sans jamais arriver à parler normalement(1).
Parmi les cas d’enfants sauvages, on connaît celui bien documenté de Victor d’Aveyron, un garçon âgé de 12 ans, découvert dans une forêt à la fin du XVIIIe siècle et dont s’est occupé le Dr Jean Itard, sans jamais réussir à lui apprendre à parler(2).
Mais, dans ces deux cas, trop de facteurs étaient en jeu pour qu’il soit possible d’en tirer des conclusions définitives. D’un point de vue scientifique, il faudrait réaliser une expérience consistant à priver des enfants d’une exposition au langage et à mesurer leur aptitude à l’acquérir après différentes périodes de privation. Une telle expérience est évidemment impossible, puisqu’elle contrevient à l’éthique.
Mais à l’assemblée annuelle de l’Acoustical Society of America et de la Société canadienne d’acoustique, qui s’est tenue à Vancouver à la fin de mai, le Dr Mario Svirsky, otolaryngologue de la Faculté de médecine de l’Université de l’Indiana a présenté une conférence intitulée « The "Forbidden Experiment" in Language Development ». Il a étudié la perception du langage et les capacités langagières de 96 enfants nés sourds, qui ont reçu un implant cochléaire après une période de privation sonore allant de six mois à quatre ans, le temps de découvrir que l’enfant était vraiment sourd et que les parents décident d’une opération. Les résultats des tests sont compatibles avec l’existence d’une période sensible qui commence dans les quatre premières années de la vie. L’amélioration des capacités langagières était plus rapide chez les enfants qui ont reçu un implant cochléaire plus tôt que chez ceux qui l’ont reçu plus tard. Par contre, un test de perception auditive n’a montré aucune amélioration entre les enfants qui ont reçu un implant à 1, 2, 3 ou 4 ans. Une période sensible peut exister pour cette aptitude, mais elle peut commencer après 4 ans.
L’examen des aptitudes langagières de ces enfants représente une version imparfaite mais utile de l’expérience interdite. L’implantation précoce d’enfants sourds est donc profitable. Mais il est risqué de la faire à 6 mois (risques opératoires ou mauvais diagnostic), d’autant que si les enfants implantés tôt surclassent les enfants implantés plus tard, les enfants implantés à 6-12 mois montrent des résultats identiques à ceux des enfants implantés à 12-24 mois, au moins jusqu’à 2 à 2 ans et demi.
Voir aussi
modifier- Pour plus de détails, voir Curtiss, Susan. Genie: A Psycholinguistic Study of a Modern-Day “Wild Child”, New York, Academic Press, 1977.
- Jean Itard a rédigé deux documents : Mémoire sur les Premiers Développements de Victor de l'Aveyron (1801) et Rapport sur les Nouveaux Développements de Victor de l'Aveyron (1806). Réédition : Paris, Bibliothèque 10-18, octobre 2002, 123 p. François Truffaut en a tiré un film, L’enfant sauvage, 1969.