Électronique/Les transistors bipolaires

Après avoir vu la diode, il est temps de passer à un composant bien plus connu : le transistor. Les transistors sont surtout utilisés pour fabriquer des circuits électroniques, comme des ordinateurs, des téléphones et bien d'autres objets numériques du quotidien. Pour donner un exemple, sachez que les derniers modèles de processeurs peuvent utiliser près d'un milliard de transistors. Ils sont utilisés dans de nombreux circuits, qu'il s'agisse de filtres, de stabilisateurs de tension, et bien d'autres fonctions. Il s'agit de composants à trois broches, sur lesquelles peut s'appliquer une tension électrique.

Un transistor est un morceau de conducteur, dont la conductivité est contrôlée par une troisième broche/borne.

Ils sont utilisés de deux manières différentes : soit comme interrupteurs, soit comme amplificateurs.

  • Le plus souvent, ils servent d'interrupteurs commandables, à savoir des interrupteurs commandés par leur troisième broche. Ils se comportent comme un interrupteur fermé ou ouvert selon ce qu'on met sur la troisième broche.
  • Ils servent aussi d'amplificateurs. Ils amplifient une tension ou un courant qui les traverse. Le coefficient d'amplification est déterminé par la tension et le courant placé sur la troisième broche. Plus précisément, les transistors bipolaires sont des amplificateurs de courant. Ils reçoivent un courant sur la broche d'entrée, et en fournissent une version multipliée sur leur sortie. Le coefficient multiplicateur dépend du courant ou de la tension sur la broche de contrôle.
Un transistor sert d'interrupteur commandable.
Un transistor bipolaire fonctionne comme un amplificateur de courant/tension : il amplifie le courant envoyé sur sa base.

Il existe différents types de transistors, les deux classes principales étant les transistors bipolaires et à effet de champ. Les transistors bipolaires sont souvent abréviés transistors BJT (Bipolar Junction Transistor) alors que les transistors à effet de champ sont abréviés FET (Field-Effect Transistor). Nous réutiliserons ces abréviations dans le reste du cours. Dans cette section, nous allons nous limiter aux transistors BJT, les transistors FET seront vus dans la section suivante.

Les transistors NPN et PNP

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Il existe deux types de transistors BJT : les transistors NPN et les transistors PNP. Ils se distinguent sur de nombreux points, que nous verrons dans ce qui suit. Leurs symboles sont illustrés ci-dessous. Remarquez que la différence entre les deux tient dans le sens de la flèche : elle sort de la base pour les NPN et elle va vers la base pour les PNP. Comme leurs symboles l'indiquent, les transistors BJT possèdent trois bornes, appelées broches, sur lesquelles on peut appliquer une tension électrique. Les trois broches portent les noms suivants : Collecteur, Base et Émetteur. Le fait qu'il existe trois broches au lieu de deux a plusieurs conséquences. Déjà, il existe une tension entre chaque paire de broche, ainsi qu'un courant qui passe dans chaque broche. Cela fait en tout trois tensions notées  ,   et   et trois courants notés  ,   et  . Ceux-ci sont reliés par l'équation suivante, que nous démontrerons bientôt :

  et  
 
Transistor NPN.
 
Transistor PNP.
 
Tensions et courants des transistors NPN.
 
Tensions et courants des transistors PNP (! les sens des courants devraient être inversés sur ce schéma !).

L'intérieur d'un transistor bipolaire

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Diodes internes d'un transistor de type BJT.

Vous aurez remarqué que les termes NPN et PNP font penser aux jonctions PN. Ce n'est pas un hasard : tout BJT est constitué de deux jonctions PN mises en série. Vu qu'une jonction PN est une diode, on peut considérer, à quelques détails près, qu'un transistor est composé de deux diodes mises en série dans des sens opposés.

L'ensemble donne un groupe de trois morceaux de semi-conducteurs mis côte-à-côte. Pour les transistors NPN, on trouve une portion dopée P entre deux portions dopées N. Pour les transistors PNP, c'est l'inverse : on a une part dopée N entre deux portions dopées P. Chaque broche est connectée directement sur des portions de semi-conducteur : celle de gauche est connectée à l'émetteur, celle du milieu est connectée à la base et celle de droite au collecteur. Un transistor a donc deux jonctions : une entre l'émetteur et la base, et une autre entre la base et le collecteur.

 
Transistor NPN.
 
Transistor PNP.
 
Transistor NPN.
 
Transistor PNP.

Pour comprendre le fonctionnement du transistor, nous allons prendre l'exemple du transistor NPN. Pour cela, mettons l'émetteur à la masse et mettons une tension sur le collecteur, ainsi qu'une autre tension (plus faible) sur la base. Dans cette situation, la "diode" entre base et émetteur est polarisée en direct, dans le sens passant : le courant va donc passer entre la base et l'émetteur. Il faut préciser qu'il s'agit d'un courant de trous, et non pas d'électrons. Par contre, le courant ne passera pas dans l'autre sens, à savoir de la base vers le collecteur, vu que la "diode" est polarisée dans l'autre sens, dans le sens bloqué. Les trous ne peuvent pas passer dans ce sens.

Par contre, un courant d'électrons va passer de l'émetteur vers le collecteur, du fait de la tension VCE. Ce courant va traverser tout le transistor, en passant par la base. On pourrait croire que la diode base-collecteur ne laisserait pas passer le courant, mais ce n'est pas le cas. Les électrons ne vont pas faire comme les trous et vont bien traverser la base (pas immédiatement, mais il y arriveront). Une partie de ce courant d'électron va se recombiner avec les trous dans la section intermédiaire de type P, naturellement riche en trous.

 
Fonctionnement interne d'un transistor NPN.

Maintenant, faisons la somme des courants pour la base, le collecteur et l'émetteur.

  • Le courant   est la somme du courant d'électrons et de trous.
  • Le courant de base est égal au courant de trous auquel il faut ajouter la recombinaison des trous avec les électrons.
  • Le courant de collecteur est le courant d'électrons qui arrive jusqu'au collecteur, à savoir le courant d'électrons, moins le courant de recombinaison.

On a donc :

 

Le fonctionnement d'un BJT

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Le fonctionnement d'un BJT dépend du courant de base utilisé. Si on place une tension entre émetteur et collecteur, le circuit va se comporter différemment selon le courant de base. On peut distinguer trois régimes de fonctionnement (en réalité seulement deux, mais passons) :

  • Le courant de base   est nul, de même que le courant de collecteur   : le transistor est en régime bloqué et se comporte comme un banal interrupteur ouvert.
  • Un courant de base non nul ouvre le circuit et le transistor amplifie le courant envoyé sur sa base : le transistor est alors dit en régime linéaire.
  • Le courant de collecteur ne peut pas aller au-delà d'une valeur maximale. Si la limite est atteinte, le courant de collecteur reste à sa valeur maximale, quel que soit la valeur de  . Le transistor se comporte alors comme un interrupteur fermé, dans une certaine mesure. Le transistor est alors en régime de saturation.

Le réseau des caractéristiques courant-tension

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Dans cette section, nous allons prendre un transistor NPN et étudier son fonctionnement. Le transistor PNP sera étudié juste après, son traitement étant quasiment similaire. Nous allons prendre un transistor dont l'émetteur est relié à la masse, ce qui donne un montage appelé "montage à émetteur commun". Celui-ci permet d'étudier les relations entre les courants   et   avec les tensions VCE et VBE, qui servent de caractéristiques courant-tension pour le transistor. L'ensemble de ces relations porte un nom assez barbare : on l'appelle réseau des caractéristiques du transistor. Mais derrière ce terme se cache une simple liste de trois équations, qui servent de caractéristiques courant-tension pour un transistor :

  • la relation entre   et   ;
  • la relation entre   et   ;
  • et la relation entre   et  .

Relations entre courants : Alpha et Bêta d'un transistor

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Illustration de l'alpha et du beta d'un BJT.

Dans le régime linéaire, le courant qui traverse le collecteur est un multiple du courant d'émetteur et du courant de base. Cela permet de définir deux coefficients de proportionnalité, appelés l'alpha et le béta du transistor.

 
 

Détaillons maintenant un peu le calcul de l'alpha et du bêta.

 
 

On a donc les équations suivantes :

 
 

Relations entre Vbe et courants

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On a vu plus haut qu'il y a une jonction PN entre la base et l'émetteur. On devine donc que la relation entre Ib et Vbe est celle d'une jonction PN, celle d'une diode. Compte tenu de la relation entre Ic et Ib, on devine qu'il en est de même pour la relation entre Vbe et Ic. On a donc les équations suivantes, qui sont celles d'une diode :

 
 
 
Relation  -VBE.
 
Relation  -VBE.

Relations entre Vce et courants

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La relation théorique entre Ic et Vce est illustrée dans le schéma ci-dessous. On voit bien la différence entre la zone linéaire et la zone de saturation. Dans la zone linéaire, Ic ne dépend que de Ib et pas de Vce : la courbe est donc "plate", signe de l'indépendance de Ic et de Vce. Par contre, dans la zone de saturation, le courant Ic augmente avec la tension VCE. Cette description est cependant assez schématique, du moins pour le fonctionnement de la zone linéaire.

 
Fonctionnement d'un transistor, en régime linéaire et de saturation.

En réalité, la tension Vce a une influence sur le courant Ic, certes assez mineure, mais qu'il faut parfois prendre en compte. Cette influence est cependant indirecte, la tension Vce influençant le courant de base. Cela vient d'un effet physique, appelé l'effet Early : la tension Vce modifie la taille de la zone P ou N attachée à la base, ce qui module le courant de base. On peut rendre compte de ce phénomène avec l'équation suivante, qui donne le bêta du transistor en fonction de la tension Vce.

 

La tension VE de l'équation précédente est appelée la tension d'Early. Elle s'obtient en prolongeant le courant de saturation sur le graphe Ic/Vce. Un exemple est illustré ci-dessous.

 
Détermination de la tension d'Early.

La relation entre courant Ic et tensions Vce et Vbe est assez facile à déduire à partir des équations précédentes. Il suffit de combiner l'équation qui décrit le courant Ib avec la définition précédente du béta, ce qui donne :

 

Résumé

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Caractéristiques idéalisées d'un transistor bipolaire

Le tableau et l'image ci-dessous résument ces trois relations.

Relation Description Équation
Relation   Définition du béta d'un transistor  
Relation   Relation identique à celle d'une diode, équation de Schokley.  
Relation   Relation complexe.  

L'état d'un transistor est défini par la tension VCE et le courant IC, l'état de la base se déduisant de ceux-ci. Comme on l'a dit plus haut, le courant IC ne peut pas dépasser une valeur maximale. Il en est de même pour la tension VCE, comme le montrent la relation entre VCE et IC. Ce qui fait que tous les couples VCE-IC ne sont pas permis pour le transistor. De plus, un BJT a aussi une puissance limite, au-delà de laquelle il ne peut pas aller. Si on résume tout cela, on obtient le schéma ci-contre, qui donne les points de fonctionnement possibles pour un BJT.

 
Points de fonctionnement possibles d'un BJT.

Les modèles de circuit équivalents d'un BJT

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Vu ce qui a été expliqué précédemment, on se doute qu'un transistor est un composant assez compliqué et qu'en donner un circuit équivalent n'est pas de tout repos. Mais quelques chercheurs se sont attelés à cette tâche et ont découvert des circuits à base de diodes et de générateurs qui fonctionnent exactement comme des transistors. Ces circuits équivalents d'un transistor bipolaire vont être vus dans ce qui suit.

Le (faux) modèle à base de diodes

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Modèle de transistor (BJT) à base de diodes.

Un premier modèle, particulièrement simple, est simplement composé de deux diodes tête-bêche. En effet, rappelons qu'une diode est une simple jonction PN : en en mettant deux l'une à côté de l'autre (sans conducteurs entre les deux), on retrouve bien un transistor NPN ou PNP. Ce modèle fonctionne bien pour décrire un transistor en régime bloqué ou de saturation, quand on l'utilise comme interrupteur commandé. Mais ce modèle, bien que très simple, a de nombreux défauts. Et le principal est clairement qu'il ne modélise pas l'amplification des courants par le transistor. Autant dire que ce modèle est juste complètement faux. On doit donc l'améliorer pour ajouter de quoi amplifier le courants de base, et c'est exactement ce que fait le modèle suivant.

Le modèle d'Ebers–Moll

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Le modèle d'Ebers-Moll reprend le modèle précédent, avec deux diodes placées tête-bêche, mais ajoute deux générateurs de courant en parallèles de celles-ci. Chaque générateur fournit un courant proportionnel au courant qui traverse la diode située de l'autre (celle avec laquelle il n'est pas en parallèle). Le courant va dans l'autre sens que celui qui traverse la diode située en parallèle. Les sens sont inversés entre les transistors NPN et PNP.

Modèle Ebers-Moll d'un NPN Modèle Ebers-Moll d'un PNP
   

Il est intéressant d'étudier le modèle précédent quand on branche une tension aux bornes du transistor, entre l'émetteur et le collecteur. Deux sens sont possibles : soit la tension va de l'émetteur vers le collecteur, soit elle va dans le sens inverse. Dans les deux cas, une des deux diode sera bloquée et le générateur qui correspond ne produira pas de courant. Le circuit se simplifie alors, comme le montre le schéma ci-contre.

 
Le modèle Ebers-Moll d'un transistor polarisé.
 
Équations d'un transistor NPN .

Le modèle donne la valeur des courants de collecteur, d'émetteur et de base, notés IC, IE et IB, avec les équations suivantes. Rappelons que dans ces équations,  .

 
 
 

Vu la complexité de ces équations, on préfère souvent utiliser les versions simplifiées que voici.

 
 
 

Le modèle de contrôle de charge de Gummel–Poon

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Modèle de contrôle de charge de Gummel–Poon.

Le modèle d'Ebers-Moll n'est cependant pas la panacée et ne modélise pas à la perfection un transistor BJT. Aussi les chercheurs ont inventé d'autres circuits équivalents, plus détaillés. Mais ces modèles plus complexes sont cependant particulièrement difficiles à comprendre et encore plus à expliquer. Par exemple, prenez le modèle de contrôle de charge de Gummel–Poon, illustré ci-contre. Vous voyez bien que celui-ci est particulièrement touffu, avec un grand nombre de résistances, de diodes, de condensateurs et d'un générateur de courant. Il faut dire qu'avec 41 variables, on comprend que ce modèle n'est pas conçu pour être pédagogique, mais pour être le plus fidèle possible à la réalité. Cependant, quelques modèle intermédiaires existent, mais ceux-ci ne servent que dans des cas particuliers. C'est notamment le cas des modèles pour petits signaux que nous allons voir dans ce qui suit.