Électronique/Les semi-conducteurs
Les semi-conducteurs sont des solides dont la résistance varie selon la température ou d'autres paramètres physiques. Ce comportement s'explique par le fait que les électrons des atomes deviennent des électrons libres si on leur donne une énergie suffisante. Les électrons arrachés aux atomes deviennent des porteurs de charge, qui peuvent alors conduire le courant. Le courant dans les semi-conducteurs est dominé par les électrons libres créés par "ionisation" du solide, ce qui fait que l'étude de cette "ionisation" est importante.
La théorie des bandes des solides
modifierLa théorie des bandes est une théorie physique qui décrit le fonctionnement des semi-conducteurs, mais aussi des conducteurs et des isolants. Nous allons la présenter sous une forme vulgarisée et particulièrement simplifiée. Pour résumer simplement, cette théorie dit que les électrons dans un solide peuvent être dans deux états : soit ils sont fortement liés aux atomes, soit ce sont des électrons libres. Si les électrons libres peuvent servir de porteurs de charges, ce n'est pas le cas des électrons liés. Là où les électrons libres peuvent parcourir la totalité du solide, les électrons liés confinés dans les atomes, d'où ils ne peuvent pas sortir. Les électrons liés appartiennent aux atomes (ils orbitent autour du noyau atomique) et participent aux liaisons chimiques entre atomes.
La différence entre les deux tient dans leur énergie : l'attraction atomique enlève un peu d'énergie aux électrons, pour des raisons que nous éludons ici. Les électrons de faible énergie sont liés aux atomes et ne peuvent pas servir de porteurs de charges. À l'inverse, les électrons à forte énergie sont des électrons libres, qui ont quitté l’attraction atomique du fait de leur forte énergie. Dans un solide, l'énergie d'un électron se trouve systématiquement dans deux intervalles possibles : un intervalle de faible énergie et un autre où elle est plus forte. Les électrons liés ont une énergie dans l'intervalle de faible énergie, appelé la bande de valence. À l'inverse, l'intervalle d'énergie des électrons libres est appelé la bande de conduction. Entre les deux, on peut trouver un intervalle d'énergie dans lequel aucun électron ne peut se trouver : la bande interdite.
On peut déjà comprendre pourquoi certains matériaux sont naturellement conducteurs ou non. Au zéro absolu, les porteurs de charge vont se répartir dans les bandes de conduction et de valence, selon leur énergie. L'énergie maximale que peut avoir un électron au zéro absolu est appelée l'énergie de Fermi. Selon que cette énergie de Fermi se situe dans la bande de conduction ou non, on se trouve face à deux situations différentes.
- Premier cas : l'énergie de Fermi se situe dans la bande de conduction. Des électrons se trouvent alors dans la bande de conduction, même au zéro absolu. Ce qui veut dire que le matériau contient naturellement des porteurs de charges pouvant conduire le courant et est donc conducteur.
- Deuxième cas : l'énergie de Fermi se situe dans la bande de valence ou interdite. Dans ce cas, tous les électrons seront dans la bande de valence. Tous les électrons du matériau sont donc liés et aucun porteur de charge n'est disponible. Le matériau est alors isolant ou semi-conducteur (on verra pourquoi les semi-conducteurs sont dans ce cas juste après).
Semi-conducteurs et isolants
modifierPour comprendre la différence entre semi-conducteurs et isolants, il faut étudier comment des électrons peuvent transiter entre les bandes de valence et de conduction. Il est possible de dé-confiner un électron en lui fournissant assez d'énergie, ce qui lui permet de vaincre l'attraction atomique et de quitter l'atome. Un bon moyen pour cela est d'augmenter la température du solide, ce qui augmente l'énergie cinétique des électrons. Dit autrement, dé-confiner un électron demande juste de lui fournir assez d'énergie pour passer de la bande de valence vers la bande de conduction. L'énergie qu'il faut fournir pour cela, à savoir la différence d'énergie entre bande de valence et de conduction, est appelée le gap d'énergie. On peut le voir grossièrement comme une énergie d'ionisation pour un électron dans un solide.
La différence entre semi-conducteurs et isolants tient dans le gap d'énergie.
- Pour les isolants, le gap d'énergie est important : il faut fournir une grande quantité d’énergie pour dé-confiner un électron. À des températures normales, la totalité des électrons sont des électrons liés aux atomes et le solide ne contient aucun porteur de charges. À de plus hautes températures, il est cependant possible de créer quelques électrons libres, mais rien de bien folichon.
- Pour les semi-conducteurs, il faut une faible énergie pour dé-confiner un électron. Une petite augmentation de température suffit pour faire passer des électrons de la bande de valence vers la bande de conduction. Dit autrement, une augmentation de température assez faible permet de créer suffisamment d'électrons libres pour conduire le courant.
- Pour les métaux, il n'y a pas besoin de fournir de l'énergie pour dé-confiner les électrons. Le métal contient naturellement des électrons libres, même à de faibles températures. Il conduit donc naturellement le courant. Les métaux sont naturellement ionisés, et on peut les voir comme un cristal ionisé qui baigne dans un fluide d'électrons libres. La bande de valence et de conduction se chevauchent.
Les trous quantiques
modifierQuand un électron lié devient un électron libre, l'atome initial s'ionise et obtient une charge positive opposée à celle de l'électron. D'après les règles compliquées de la physique quantique, on peut considérer qu'un déficit de charge se comporte comme une particule de charge positive, appelée trou. Il ne s'agit pas d'une vraie particule, mais on peut parfaitement faire comme si c'était le cas. Donc, toute formation d'un électron libre donne naissance à un trou dans l'atome qu'il quitte. Le processus inverse, à savoir la disparition d'un trou par capture d'un électron libre, est aussi possible. Il est possible qu'un électron libre se lie à un atome "ionisé", faisant disparaitre le trou. Ce processus est appelé la recombinaison.
Chose importante, les trous peuvent parfaitement se déplacer dans le solide, en sautant d'atome en atome, de proche en proche. Ils se comportent comme des porteurs de charge qui circulent dans le solide et permettent de conduire le courant. Pour comprendre pourquoi, il faut rappeler qu'un trou est un déficit d'électron dans un atome. Ce déficit d'électron peut être compensé par recombinaison avec un électron libre, mais aussi par un électron lié provenant d'un atome voisin. Dans ce cas, l'atome fournisseur de l’électron, initialement neutre, hérite du déficit de charge. Ainsi, le déficit d'électron se déplace dans le métal en sautant d'atomes en atomes, de proche en proche. Les électrons de valence étant attirés eux aussi par la borne positive, ils vont sauter d'atomes en atomes avec une préférence pour la direction positive. Ainsi, le courant dans les semi-conducteurs provient de deux sources : un courant d'électrons libres, et le déplacement des électrons atomiques d'atomes en atomes. Le courant de proche en proche des électrons se reformule alors comme un courant de trous, qui sont donc des porteurs de charge.
Les semi-conducteurs intrinsèques et extrinsèques
modifierLes semi-conducteurs se différencient selon leur densité de trous et d'électron, qui peut varier selon divers paramètres. La température est déterminante pour certains semi-conducteurs, alors qu'elle l'est moins pour d'autres. Cela permet de classer les semi-conducteurs en deux types :
- les semi-conducteurs intrinsèques ;
- les semi-conducteurs extrinsèques.
Les semi-conducteurs intrinsèques
modifierLes semi-conducteurs intrinsèques sont des semi-conducteurs pour lesquels la résistance dépend de la température. Ils sont totalement isolants au zéro absolu, mais leur résistance diminue quand on les chauffe. Dans ces semi-conducteurs, la formation des électrons-libres est liée exclusivement à la température. La formation des paires électrons-trous a lieu quand un électron reçoit suffisamment d'énergie thermique pour s'arracher de son atome. Il va de soi que plus la température est forte, plus cela a de chances d'arriver : le nombre d'électrons libres augmente donc avec la température, ce qui se répercute sur la conductivité. On peut remarquer que, la formation de chaque électron libre laisse un trou dans le solide. Dit autrement, si on note n la concentration en électrons libres et p la concentration en trous, on a :
On peut aussi reformuler l'équation précédente de la manière suivante, qui a l'avantage d'être aussi valable pour les semi-conducteurs extrinsèques.
Les physiciens ont démontré une formule qui permet de calculer directement la valeur de n (et donc de p). Dans celle-ci, on utilise les notations suivantes : A une constante qui dépend du matériau étudié, T pour la température, K pour la constante de Boltzmann, la largeur de la bande interdite (la bande de Fermi). Ce dernier paramètre est l'énergie minimum qu'il faut pour générer une paire électron-trou. C’est aussi l'énergie nécessaire pour briser une liaison covalente entre deux atomes, ce qui permet de transformer un électron lié en électron libre.
Les semi-conducteurs extrinsèques
modifierMais à côté des semi-conducteurs intrinsèques, on trouve les semi-conducteurs extrinsèques, dont la conduction ne dépend pas que de la température. Leur caractéristique principale est qu'ils ont des porteurs de charges disponibles, même au zéro absolu. On distingue les semi-conducteurs qui contiennent des trous au zéro absolu de ceux qui ont des électrons libres. Les premiers sont appelés semi-conducteurs P et les seconds des semi-conducteurs N. Les schémas ci-dessous illustrent cette distinction. Les trous sont en blanc, alors que les électrons libres sont en noir.
Il faut noter que des paires électrons-trous peuvent se former sous l'effet de la température, dans un semi-conducteur extrinsèque. Le semi-conducteur extrinsèque fonctionne donc comme un semi-conducteur intrinsèque, la différence étant dans le nombre de porteur de charge total. Là où le semi-conducteur intrinsèque n'a aucun porteur de charges au zéro absolu, le semi-conducteur extrinsèque part avec un peu d'avance. Cela fait que les semi-conducteurs extrinsèques ont naturellement une meilleure conductivité, vu qu'ils possèdent plus de porteurs de charges. Le nombre total de porteurs de charges dépend de la température, mais on peut cependant faire une remarque importante. Pour les deux types de semi-conducteurs, il se forme autant d'électrons libres que de trous sous l'effet de la température. Mais les semi-conducteurs extrinsèques possèdent un déséquilibre de charges au zéro absolu : ils vont avoir plus d'électrons que de trous au zéro absolu, ou l'inverse. Et cet excès n'est pas compensé par la formation de paires électrons-trous : ce déséquilibre est permanent. En clair, à la différence des semi-conducteurs intrinsèques, la quantité de trous n'est pas égale à la quantité d'électrons libres pour les semi-conducteurs extrinsèques. La relation entre nombre de porteurs de charges, valable pour les deux types de semi-conducteurs, est la suivante :
Le dopage de semi-conducteurs
modifierLes semi-conducteurs extrinsèques sont fabriqués en ajoutant des impuretés à un semi-conducteur intrinsèque. Les impuretés ajoutent des trous ou des électrons libres au matériau de base, i, ce qui en fait un semi-conducteur extrinsèque. Ce processus d'ajout d'impuretés s'appelle le dopage, d'où le nom de semi-conducteur dopés qui est parfois donné aux semi-conducteurs extrinsèques. Lors du dopage, les impuretés vont se lier chimiquement aux atomes du semi-conducteur. Cependant, il restera un électron ou un trou en trop suite à ce processus, qui serviront de porteurs de charges.
- Pour les semi-conducteurs de type N, les impuretés sont plus riches en électrons que les atomes du solide. Il y a alors un électron en trop après dopage, qui devient un électron libre.
- Pour les semi-conducteurs de type P, les impuretés sont plus pauvres en électrons que les atomes du solide. Il manque un électron suite au dopage, ce qui donne un trou.
D'ordinaire, le dopage part d'un morceau de silicium et y ajoute des impuretés en Bore ou en Phosphore. Le silicium peut se lier chimiquement avec quatre atomes via ce qu'on appelle une liaison covalente. Avec celle-ci, l'atome de Silicium partage un électron avec un atome voisin : l'électron appartient alors aux deux atomes.Vu que le silicium peut participer à quatre liaisons covalentes, il peut fournir quatre électrons en tout. Les impuretés vont aussi former des liaisons covalentes avec le silicium, sauf qu'elles peuvent partager 3 ou 5 électrons dans des liaisons covalentes.
- Par exemple, le Phosphore partage 5 électrons, et peut former 5 liaisons covalentes. Un atome de Phosphore prendra la place d'un atome de Silicium dans le solide et ne tissera que quatre liaisons covalentes (il ne peut pas en faire plus pour des raisons assez compliquées). Quatre électrons seront donc utilisés dans ces liaisons, ce qui laisse un électron en trop, qui quitte l'atome et devient un électron libre. Le dopage obtenu est dit de type N, à savoir qu'il ajoute des électrons libres dans le Silicium.
- Le bore est dans la situation inverse, à savoir qu'il peut partager 3 électrons, ce qui donne trois liaisons covalentes. Il tisse bien quatre liaisons covalentes, le Silicium lui fournissant les électrons manquant, mais il manque quand même un électron. Ce manque n'est autre qu'un trou. Le dopage obtenu est dit de type P, à savoir qu'il ajoute des trous dans le Silicium.
Effet du dopage sur les bandes de conduction et de valence
modifierLe dopage a un effet sur les bandes de valence et de conduction, en augmentant ou diminuant leurs extrémités. Le dopage de type N abaisse la bande de conduction, alors celui de type P remonte la bande de valence. Dans les deux cas, la bande interdite se réduit, ce qui facilite le dé-confinement des électrons.
La conductivité d'un semi-conducteur
modifierLes parties précédentes ont surtout abordé la quantité de trous et d'électrons présente dans un semi-conducteur. Si nous avons passé beaucoup de temps à étudier ce sujet, c'est parce que celle-ci explique pourquoi la conductivité des semi-conducteurs varie. Dans cette section, nous allons voir qu'il existe un lien très fort entre la résistance d'un matériau et le nombre de porteurs de charges. Plus il y a de porteurs de charges (électrons libres ou trous), plus le matériau pourra conduire facilement le courant. Et donc, tout ce qui peut faire varier le nombre de porteur de charge a une influence directe sur la résistance du matériau. Prenons par exemple un semi-conducteur intrinsèque : une augmentation de la température va augmenter la quantité d'électrons et de trous, ce qui va diminuer la résistance du semi-conducteur. Voyons ce mécanisme plus en détails.
Les semi-conducteurs peuvent conduire le courant grâce à deux mécanismes distincts. Le premier est à l'origine de la résistance du matériau et se décrit assez bien avec la loi d'Ohm. Il donne naissance à un courant appelé courant de dérive. Le second permet d'homogénéiser la densité de charge dans le matériau, celles-ci tendant à se répartir uniformément dans l'espace. Cela induit un déplacement de charge appelé courant de diffusion. Le courant dans un semi-conducteur est la somme d'un courant de dérive et du courant de diffusion .
Le courant de dérive
modifierLe premier, appelé le courant de dérive, est aussi présent chez les conducteurs normaux (comprendre les métaux et électrolytes). Il apparait quand on soumet le semi-conducteur à une tension/un champ électrique et sa valeur dépend de cette première ainsi que de la résistance du matériau. C'est lui qui intervient dans la loi d'Ohm pour les conducteurs. La conductivité d'un matériau, définie pour le courant de dérive, dépend de la densité de porteurs de charges et de leur mobilité .
Cette équation nous dit que plus le nombre de porteurs de charges d'un matériau est grand, plus sa conductivité sera importante. On retrouve donc ce qu'on a dit plus haut : les conducteurs le sont parce qu'ils ont un grand nombre de porteurs de charges, alors que les isolants le sont parce qu'ils n'en ont pas. Pour les semi-conducteurs, la situation est intermédiaire : le nombre de porteurs de charges est très faible en temps normal, mais augmente fortement avec la température, l’éclairement, ou d'autres paramètres physiques. Pour les semi-conducteurs, cette formule s'applique partiellement (il faut rajouter un second courant dit de diffusion qui provient de la concentration des porteurs de charges). Quoiqu’il en soit, on a un courant de trous et un autre courant d'électrons. Ces deux types de charges ont certes la même charge, mais leur densité n'est pas la même, pas plus que leurs mobilités et . En faisant la somme des deux courants, on a :
Le courant de diffusion
modifierOutre le courant de dérive vu dans le section précédente, les semi-conducteurs sont parcourus par un second type de courant. Celui-ci, le courant de diffusion, vient d'une différence de concentration des porteurs de charges. Ceux-ci ne sont pas forcément répartis de manière homogène dans le matériau, du fait des hasards de la formation des paires électrons-trous. Il arrive donc que les électrons soient plus nombreux à un endroit du matériau que dans d'autres. Dit autrement, la concentration en électrons libres et/ou en trous n'est pas uniforme et varie dans le matériau. Mais ces différences de concentration se traduisent par une répartition inhomogène des charges : le matériau sera chargé négativement là où il y a un excès d'électrons, positivement là où il en manque, en suivant le gradient de concentration. Ce mouvement de charges donne naissance à un courant dit de diffusion, régit par les lois physiques de la diffusion et décrit par l'équation de la diffusion :
- j est la densité de courant en un point du matériau ;
- e est la charge électrique d'un électron/trou ;
- D est un coefficient appelé coefficient de diffusion ;
- est le gradient de concentration des charges.
Voici l'équation pour le courant d'électrons libres :
Et voici l'équation pour les trous :
Il existe une relation entre le coefficient de diffusion et la mobilité des porteurs de charge. Celle-ci est appelée la relation d'Einstein :
Le terme : est appelé la tension thermique.