Renaissance et Réforme/XVe – XVIe siècles

En Europe, les contextes géopolitique, économique, social et religieux


L'Europe de la seconde moitié du XVe siècle et du XVIe siècle va connaître des bouleversements dans tous les domaines, et l'avènement de l'époque « moderne » ne se fera pas sans conflit.

Globalement, dans tous les pays, les populations vivent sous le sceau de la paix ; elles sont terrorisées par la mort sous toutes ses formes, maladies, disettes, forte mortalité, guerres, et sont massivement rurales. Les villes abritent un monde instable, sont en général plus un grand ensemble de maisons qu'une entité bien définie. Au début du XVe siècle, le nord ouest de l'Europe connaît un taux d'urbanisation d'environ 10 %, avec ces ‘ villes ' qui comptent toujours un marché, des artisans, une administration judiciaire et militaire.

Les évolutions techniques touchent peu ce monde agricole alors que le perfectionnement de la navigation et les nouveaux équipements des fleuves vont favoriser tous les échanges commerciaux. Et si l'agriculture progresse, elle touche davantage ceux qui entretiennent le commerce : les paysans sont encore éloignés des circuits monétaires, quittent rarement leurs villages et profitent souvent peu des progrès, sauf dans des cas précis comme celui des moulins ; leur amélioration technique, notamment dans l'Europe du nord ouest, permettra à partir du XVe siècle un progrès dans l'écrasement des céréales, ou dans les pressoirs à vin : ces progrès permettront plus tard de nouvelles inventions et technologies en ouvrant la recherche et la réflexion sur les relations possibles entre technique et science, relations auxquelles la religion ne sera pas étrangère.

Parallèlement au commerce, la lettre de change qui, depuis le XIIIe siècle évitait la monnaie métallique, va être à son tour remplacée par la monnaie ‘par endossements successifs', garantie par plusieurs signatures ; il s'agit là d'un progrès essentiel dans la circulation de l'argent, celui d'une ‘ monnaie par écriture'. Toujours au XVe siècle naît le billet de banque, mais il devra attendre le XVIIe siècle pour se généraliser.

Enfin les Bourses, depuis le XIVe siècle, deviennent peu à peu des centres importants du circuit de l'argent.

Ces circulations commerciales et humaines, dont celle des idées, sont favorisées par l'amélioration des voies de communication ; fleuves et routes sont largement fréquentés, et tous ces échanges en seront d'autant plus intensifiés. Les ports sont importants mais aussi les gros bourgs et les nouvelles villes. Là se condense le savoir, en le refusant ou en le diffusant. Car la fin du XVe et le début du XVIe siècle se heurtent encore aux ‘anciennes' conditions économiques et sociales, et au monde moderne qui s'ouvre avec ses potentialités et son développement dans les domaines agricoles, techniques et financiers.

D'autres découvertes vont encore accélérer le processus de déséquilibre : la conception médiévale d'un univers unique et clos, dont la terre était le centre, est tombée. Copernic (1473–1543) émet l'idée du système solaire qui sera confirmée et développée par Galilée (1564–1662). Tout alors sera remis en question avec ces nouvelles perspectives qui ouvrent le chemin d'une autre pensée, intellectuelle et religieuse. L'alchimie, l'astrologie et la magie séviront toujours, mais l'astronomie, les mathématiques et bientôt l'anatomie et la mécanique seront présentes.

Dans ce contexte général, les populations, les pays vont évoluer selon les rois, les princes, les empereurs, les théologiens. Tous les pays d'Europe sont liés à l'Église et rien ne se fait sans l'accord ou le désaccord du pape.

Car l'Église est puissante pour tous, rassurante pour certains, redoutable pour d'autres. Si des mouvements ou des réactions existent, ce sont encore des contestations mais non des révoltes, et l'Eglise les condamne quand elle le juge opportun.

Ainsi le mouvement vaudois, à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle semblera–t–il cesser avec l'excommunication de Pierre Valdo. Ce dernier (né vers 1140 , mort vers 1217) a en effet, un des premiers, remis en cause certains principes de son Eglise. Marié, père de deux fillettes, du milieu aisé de

Lyon, il avait été frappé par la famine de 1176, et le nombre considérable de morts. En 1179, il rompt avec l'Église et fonde une communauté, « les Pauvres de Lyon ». Les principes de ces Pauvres, qu'on appellera les ‘Vaudois' étaient de ne se référer qu'à la Bible et au ‘sermon sur la montagne', de contester le pouvoir et la richesse de l'Église, de rejeter l'idée de purgatoire, le culte des saints, tout en restant fidèle à la messe et aux sacrements. Les Vaudois avaient en outre organisé leur communauté : le nouvel arrivant vivait d'abord un noviciat où il faisait vœu de pauvreté, puis venaient les maîtres ou apôtres, puis les amis ou disciples ; trois degrés hiérarchiques les encadraient, les diacres, les prêtres et les évêques qui seuls pouvaient célébrer l'eucharistie. Devant cette organisation, l'Eglise s'émeut et condamne bientôt Pierre Valdo en l'excommuniant en 1184.

Mais l'histoire des Vaudois ne s'arrêtera pas là. Dès le début du XIIIe, d'autres ‘amis' se soulèveront en Allemagne, Flandre, Espagne et Italie. Les bûchers où montent ces martyrs font penser que cette ‘crise' est passée mais les Vaudois resteront présents et on retrouvera des disciples de ce courant au XVe et XVIe siècles.

Ainsi les critiques faites à l'Église avaient déjà eu lieu : le décalage entre le clergé et ses abus ou son ignorance, les demandes ou attentes des fidèles dans leurs superstitions et leur terreur de la mort, comme des sorcières, était connu. Le culte des saints pour pallier le manque de réponses et se rassurer face à la mort ou à la colère de Dieu s'est développé. L'absence des hommes d'Église dans les lieux où on les attendrait (paroisses, abbayes, cathédrales), le cumul des charges ecclésiastiques, le Grand Schisme qui déséquilibre l'Église et qui fait croire que ce Schisme interdit l'entrée au Paradis, les courants millénaristes qui reparaissent avec la peur de la fin des temps et la certitude de l'arrivée de l'Antéchrist : tout s'est conjugué pour achever de terroriser les populations dans toute l'Europe. Ce déséquilibre est donc général, l'attente est partagée mais rien de positif ni rassurant ne paraît pouvoir exister, jusqu'au Concile de Latran de 1512 – 1517.

Tous les pays d'Europe sont traversés par ces diverses évolutions et contestations, dont les représentants seront partout, et pour certains se rencontreront. Malgré les différences de gouvernements, de lois, de traditions, les acteurs de ces mouvements n'auront toujours qu'une seule conduite qui, pour certains, les condamnera. Le XVIe siècle reste en outre une période essentielle dans l'évolution des politiques européennes, toutes engagées dans des articulations d'intérêts réciproques ou d'alliances, les monarchies scandinaves au nord, l'exemple atypique de la Pologne à l'est, les villes–états en Italie sous domination relative de l'empereur, la France et l'Angleterre face à la toute puissance du Saint Empire.

Au nord de l'Europe, les monarchies scandinaves du Danemark, de la Suède et de la Norvège sont gouvernées très différemment. Au Danemark Christian II a épousé Isabelle, sœur de Charles Quint, après un conflit avec un grand seigneur, Gustave Vasa que soutenait la République de Lübeck et toute la Hesse. Fait prisonnier par Christian II, il s'échappera et sera roi de Suède. Christian II abdiquera et se retirera en Hollande, son oncle Frédéric 1er lui succédera. Confronté à une puissante aristocratie, le Danemark reste une monarchie importante du nord de l'Europe ; Christian III, successeur de Frédéric 1er fait entrer la Norvège comme partie du Danemark par une charte royale de 1536 ; mais les norvégiens contrairement au danois ont une société civile qui peut contrôler tous les pouvoirs et sera à l'origine de l'arrivée du développement et de l'acceptation de la réforme luthérienne à la suite des danois.

En Suède, Gustave Vasa régnera jusqu'en 1560 en libérant son pays des partis et de l'influence de la noblesse, et fera accepter les idées de Luther, en conservant pour la couronne les biens ecclésiastiques sécularisés en 1527. Sous son règne, le pays est réorganisé et enrichi, et devient une puissance nordique.

La caractéristique de ces trois pays est la lutte pour le contrôle de la Baltique, centre commercial des plus importants alors, le pouvoir de la noblesse toujours prête à intervenir dans les affaires royales, et la présence efficace des populations toujours prêtes elles aussi à interférer dans la politique.

Un autre pays est à retenir et qui jouera un rôle important au XVIe siècle, la Pologne. En effet, le pays devait se conformer à la Diète, toute puissante depuis 1504, où le roi ne pouvait rien discuter ni décider sans l'accord des sénateurs et nonces, pour tout ce qui touchait au droit privé et à la liberté publique.

Durant tout le XVIe siècle, les questions sociales polonaises touchaient la bourgeoisie des villes, riche bien que minoritaire, les paysans étaient encore comptés dans les troupeaux et les objets dépendant des seigneurs ; ces derniers, souvent grands propriétaires, étaient puissants financièrement et politiquement. À la fin de la dynastie des Jagellons, princes d'origine lituanienne qui gouvernaient la Pologne depuis le XIVe siècle, les grands seigneurs établissent une théorie pour sauvegarder l'idée de liberté et d'égalité des nobles : décision est prise d'élire désormais eux–mêmes leur roi par acclamation ; ainsi en 1572 les nobles polonais devaient–ils élire Henri de Valois, le futur Henri III, frère de Charles IX . Cette élection devait avoir des conséquences importantes lors du premier siège de La Rochelle de 1572–1574 ; ces conséquences ‘religieuses' faisaient lever le siège de La Rochelle, les polonais agissant grâce au ‘principe de tolérance' choisi par eux qui étaient confrontés aux différentes religions du catholicisme, de l'orthodoxie, du luthéranisme et de l'Islam, toutes à leurs frontières. Cette ‘tolérance' devait être érigée en principe de droit dans la Résolution de la Confédération de Varsovie en 1573.

Plus au Sud, l'Italie se démarque par une politique temporelle et/ou spirituelle. En effet l'Italie du centre et du nord avait, avant le XVe siècle, une politique spécifique : faisant partie du Saint Empire, elles n'en subissaient pas le pouvoir, sauf en cas de guerre. Les cités alors, dès le XIIe siècle, s'étaient organisées comme des entités politiques individuelles et autonomes ; elles connaissaient des conflits d'influences, d'intérêts ou de personnalités, sans oublier les partisans du pape, les guelfes et ceux de l'empereur, les gibelins. À la fin du XVe siècle, Florence notamment est une sorte de puissance, particulièrement sous l'influence des grandes familles comme les Aldizzi ou les Médicis.

L'histoire de Florence est liée à l'histoire des Médicis et à celle de la France, dont l'alliance avec Charles VIII, qui entre dans la ville en 1494. L'expulsion des Médicis, avec l'influence de Savonarole, puis leur retour avec le pape Léon X feront de Florence un duché puis le grand - duché de Toscane en 1569.

Mais ce sont les guerres d'Italie qui lient le plus le pays à la France. Les prétentions françaises sur l'Italie seront revendiquées par les rois successifs : Charles VIII, Louis XII, François 1er, et Henri II, qui mèneront ces guerres de 1454 à 1559, date des traités de Cateau-Cambrésis. Pendant ces soixante cinq ans de guerre, les alliances, les défaites et les trêves vont se succéder, et, si le terrain est l'Italie, les adversaires sont le(s) roi(s) de France, le roi d'Angleterre Henri VIII, les papes - Jules II, Clément VII, Paul III, Paul IV - et l'Espagne avec Ferdinand d'Aragon, puis, à partir de 1515, Charles de Habsbourg qui devient Charles Quint. Les étapes principales sont l'arrivée de Charles VIII en 1494 à Florence, signe de malédiction d'après Savonarole, entre deux guerres l'union de Ferdinand d'Aragon avec la sœur d'Henri VIII, la victoire de François 1er à Marignan en 1515, l'entrevue du ‘Camp du drap d'or ‘ en 1520 entre François 1er et Henri VIII, l'échec de Pavie en 1525 dont les conséquences sont lourdes pour la France : François 1er, prisonnier, doit abandonner l'Italie, la Flandre et l'Artois, accepter de voir ses deux fils pris en otages pour prix de sa libération, comme il devra épouser Eléonore d'Autriche, sœur de Charles Quint.

La fin des guerres n'a guère de résultats politiques et frontaliers qui puissent transformer le pays. Un fait cependant s'avèrera important : en abdiquant, Charles Quint partage le Saint Empire entre ses fils : Philippe II régnera sur l'Espagne et Ferdinand 1er sur l'empire allemand ; la France qui a perdu la plupart des régions convoitées (Savoie, Piémont, Bresse, Corse et Milanais) va être prise en tenaille dans la seconde moitié du XVIe siècle entre l'Europe nordique luthérienne, le Saint Empire au nord et au sud, gouverné par les fils de Charles Quint, et l'Italie où la puissance des papes est incontestée.

En France, en 1500, le roi est Louis XII, qui a épousé en 1499 la duchesse Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII . Cette même année, François, comte d'Angoulême et cousin du roi, seul héritier du trône à cinq ans, est titré duc de Valois.

À cette époque, vont entrer en scène les nouveaux souverains qui régneront toute la première moitié du XVIe siècle : les rois nordiques, le roi d'Angleterre Henri VIII, Charles de Habsbourg, futur Charles Quint. Le jeu des alliances politiques et privées jouera également un rôle important, dont le remariage de Louis, veuf d'Anne de Bretagne avec la sœur d'Henri VIII, Marie d'Angleterre, en 1514. Un an plus tard, Louis XII meurt, et, n'ayant que deux filles, Claude et Renée, a comme successeur François d'Angoulême, qui devient François 1er et régnera de 1515 à 1547, selon la loi salique qui écartait les femmes du trône ; cette loi n'existait ni en Angleterre, ni en Castille ni en Navarre. Chef de guerre, protecteur des populations et de l'intégrité du royaume, le roi de France est également garant d'un État de droit. Parmi les règles immuables de la monarchie française, - couronne inaliénable, filles exclues de la succession, primogéniture prévalant sur la proximité -, une quatrième règle est imposée qui déterminera la politique religieuse de la France au XVIe siècle (et jusqu'en 1789) : le roi chrétien doit être sacré et de droit divin. Avec la rupture luthérienne, puis calviniste, en France , il sera donc exigé que le roi soit catholique et non pas huguenot. Ce sera le problème du choix de l'abjuration toute politique d'Henri IV en 1593 car, légitimé roi de France par Henri III, mais huguenot, il devra se démettre de la couronne en restant protestant ou se soumettre en faisant le 'saut périlleux' de l'abjuration. Ainsi, ‘resté' roi de France et de Navarre, Henri IV pourra mettre un terme aux guerres civiles religieuses par l'édit de Nantes en avril 1598 et aux guerres politiques avec l'Espagne à Vervins en mai 1598.

Les rois de France du XVIe siècle seront donc des Valois, jusqu'aux derniers qui vont régner, dés après Louis XII, de François 1er à Henri III . La fin du siècle voit le changement de dynastie avec les Bourbons et Henri de Navarre dés 1589. Henri IV, comme les rois précédents sera sacré, en 1594, à Chartres, Reims étant assiégée par les troupes adverses. Les Bourbons régneront alors jusqu'en 1789.

Pour l'heure, François 1er engage l'avenir du royaume de France en recoupant son histoire avec celle de l'Europe. Le roi, arrivé sur le trône de France en 1515, mène des politiques extérieure et intérieure liées à la religion. Deux faits importants ont alors lieu.

Tout d'abord Ferdinand II d'Aragon meurt et lui succède Charles de Luxembourg, prince des Pays Bas et devenu Charles Quint en 1519. Le principal adversaire de François 1er est entré en scène.

Le second personnage à qui le roi de France va s'opposer est le pape Léon X. En 1516, François 1er appose sa signature ainsi que le pape au Concordat de Bologne.

Annulant la ‘Pragmatique Sanction', signée par Charles VII, qui datait de 1438, le concordat de 1516 donne au roi de France de grands pouvoirs. Désormais ce dernier nomme les membres du clergé, accorde des lettres d'investiture spirituelle, dicte les conditions d'aptitude : par exemple, un futur évêque doit être âgé d'au moins vingt sept ans, être licencié en théologie, docteur en droit canon et civil ; pour les monastères et prieurés, tout supérieur doit avoir au moins vingt trois ans, appartenir à l'ordre et justifier de qualités morales et intellectuelles. Enfin le roi détient le droit sur les universités qui l'avaient jusque là, de nommer les supérieurs des abbayes.

Face à ces droits nombreux et importants laissés au roi, le pape voit les siens restreints, dont la suppression de privilèges pontificaux, notamment financiers. Enfin, les provinces comme la Bretagne et la Provence, n'étant pas françaises en 1438, n'étaient pas incluses dans ce concordat.

Malgré des oppositions du Vatican, de l'Église en France, des universités, le concordat de 1516 est enregistré par le Parlement en 1518. En outre, en 1530, le roi était autorisé par le même Parlement à user de son droit de nomination pour s'attacher la noblesse.

François 1er, en signant le concordat, donne aux rois de France un pouvoir politique, religieux très grand, fait oublier le concile de Latran qui n'avait pu aboutir, et peut désormais régner en souverain ‘ temporel' et ‘spirituel ', en premier monarque absolu.

L'événement majeur, comme suite logique de cette politique et de ces pouvoirs dans l'insécurité et les incertitudes créées par les idées luthériennes est en 1534, ‘l'affaire des Placards'. On a affiché en effet des ‘placards' à la cathédrale de Meaux, par une espèce de bravade ou de fausse plaisanterie, qui révoquaient la Bulle de Léon X contre Luther ; cette première affaire devait être sanctionnée par la marque au fer fouge d'une fleur de lys sur le front des accusés, tandis que le chanoine de la cathédrale et l'un de ses amis, Denis de Rieux étaient condamnés à être traînés sur la claie, puis brûlés en place publique.

En octobre 1534, on affiche encore des « placards », ce sera « l'Affaire ». Les affiches antipapistes sont nombreuses et virulentes, placardées à Paris, puis à Orléans, Tours, Blois et Amboise. Devant ce mouvement extrémiste, et apparemment organisé, le roi qui a signé le concordat, et qui était jusqu'à présent hésitant sinon compréhensif sous l'influence de sa sœur Marguerite d'Angoulême, doit choisir et juger. Le roi catholique opte définitivement et fermement pour le catholicisme, ordonne une répression qui est la première grande persécution dans le royaume et le premier exil de ceux qu'on appelle luthériens.

Le premier édit général pour une répression antiprotestante date de 1539, il accorde aux dénonciateurs le quart des biens confisqués à ceux qui ont été dénoncés et seront jugés et condamnés au bûcher. Dès lors, la répression devient officielle et irréversible , et les affrontements n'iront qu'en empirant.

Quand il meurt en 1547, François 1er laisse à son fils Henri II, héritier du trône, une France concordataire de sa seule volonté, en guerre avec Charles Quint et bientôt Elizabeth 1ere qui succède à son père Henri VIII, également mort en 1547.

Le XVIe siècle, dans sa seconde moitié, voit Henri II puis ses fils régner sur la France ; les plus importants seront Charles IX et Henri III ; sous le règne de Charles IX, placé sous la tutelle de sa mère Catherine de Médicis, aura lieu en 1572 le grand massacre protestant de la Saint Barthélemy ; Henri III, le ‘dernier Valois' ne verra pas la fin des guerres de religion, qui depuis 1562 ne cesseront qu'en avril 1598 avec Henri IV, le « premier Bourbon » .

Incontestablement, les jeux politiques ont lieu entre la France, l'Angleterre et le Saint - Empire romain germanique.

L'Angleterre, au début du XVIe siècle compte environ quatre millions d'habitants ; elle est affaiblie par les deux guerres importantes, la guerre extérieure – la guerre de Cent - Ans – et la guerre intérieure – la guerre des Deux - Roses qui, de 1455 à 1485, avait opposé les deux branches de la famille royale pour accéder à la couronne, les Lancaster et les York. Par sa position géographique, l'Angleterre à cette période connaît une évolution qui fera d'elle une puissance économique et commerciale, liée aux problèmes religieux à ne pas négliger ; elle sait cependant conserver ses anciennes institutions, en les adaptant, comme l'Habeas Corpus de la Grande Charte de 1215 qui interdisait tout acte arbitraire et permettait de lutter contre tout abus royal, ou la Common Law qui ne repose pas sur le droit romain, mais sur un ensemble de coutumes. Henri VIII transforme le Parlement et le fait passer de l'état de cour judiciaire du Moyen-Âge à celui de véritable et influente instance de délibération par les deux Chambres : les Lords et les Communes : le Parlement devient alors un frein au pouvoir royal.

Enfin, entre autres particularités , l'Angleterre adopte un système administratif spécifique où le pouvoir appartient aux notables locaux qui peuvent, grâce au Parlement, contrôler aussi le pouvoir royal. Les forces qui ‘se surveillent' se retrouvent, comme dans les monarchies scandinaves, et ces particularismes et ces ressemblances éclaireront les différentes attitudes politiques et religieuses du XVIe siècle.

Les deux grands souverains de ce siècle sont Henri VIII et Elizabeth 1ere. Henri VIII (1491 – 1547) qui règne à partir de 1509, sera avec François 1er et Charles Quint l'acteur des guerres de la première moitié du XVIe siècle ; il sera principalement en politique religieuse l'artisan du futur anglicanisme. Davantage par politique personnelle, exigeant son divorce, refusé par le pape, de Catherine d'Aragon, pour épouser Anne Boleyn ; le roi rompt toutes relations officielles ecclésiales avec le pape ; Henri VIII se proclamera chef de l’Église d'Angleterre en 1531.

En politique religieuse intérieure après la mort du roi, ce sera le retour au catholicisme sous le règne de Marie Tudor (1516–1558), fille d'Henri VIII et de Catherine d'Aragon qui a épousé en 1534 Philippe II d'Espagne, fils de Charles Quint. L'anglicanisme ne sera définitivement installé qu'avec l'arrivée au trône de la fille d'Henri VIII et d'Anne Boleyn, Elizabeth 1ere, en 1558.

Elizabeth 1ere (1533–1603) est la grande souveraine d'Angleterre de la deuxième moitié du XVIe siècle. C'est elle qui mènera la guerre contre l'Espagne, verra la flotte anglaise vaincre ‘l'invincible Armada' en 1588 et fera que désormais l'Angleterre contrôle l'Atlantique ; Elizabeth I° interviendra encore pendant les guerres de religion en France. L'apogée de la reine d'Angleterre est le déclin de l'Espagne , de Philippe II qui n'aura pu avoir ni le prestige ni l'efficacité de son père, malgré la victoire sur les Turcs à Lépante en 1571 et la fin de la guerre avec la France en mai 1598.

Mais le souverain le plus puissant d'Europe au début du XVIe siècle, qui règne sur ‘un empire où le soleil ne couche jamais' est Charles Quint. Les territoires sont l'Espagne, la Franche-Comté, la Basse Autriche, le Tyrol, la Bohême, la Moravie, la Silésie, l'Alsace et les Pays Bas.

En Italie, Charles Quint nomme des vice-rois qui règnent sur le royaume de Naples, la Sicile, et la Sardaigne, le Milanais ; l'empereur règne encore en Amérique du sud et centrale et aux Philippines. La puissance de l'empire est autant politique que militaire , sur terre et sur mer.

Charles Quint, né vers 1500, a été élu à la préférence de François 1eret d'Henri VIII en 1519, a régné pendant quarante ans ; il abdique en 1555 et meurt en 1558. Durant son règne, Charles Quint n'aura de cesse de maintenir son empire, puis en l'agrandissant de faire maintenir le catholicisme dans une Europe qui ne se veut que chrétienne ; les croisements des alliances politiques, économiques et familiales aident l'empereur à maintenir cet équilibre. Son adversaire principal est François I° et les conflits entre les deux grands souverains seront graves quand il s'agira pour le roi de France de récupérer des territoires dont la revendication entraînera les guerres d'Italie. Sentant se resserrer l'étau espagnol autour de la France, François 1er fera jouer diversement les alliances avec Henri VIII ou avec les princes allemands, ou les Ottomans de Soliman le Magnifique avec qui un accord sera signé. Henri II qui succède à son père poursuivra la même politique de reconquête des territoires .


Un autre phénomène entre alors en scène, la propagation des idées religieuses hérétiques grâce à une nouvelle technique. Sorti de la presse de Gutenberg, le premier livre imprimé est né : la Bible. L'homme qui a expérimenté le procédé des caractères mobiles d'une presse d'imprimerie a choisi en effet la Bible comme premier ouvrage imprimé. Le passage du manuscrit à l'imprimé est une révolution qui induira celle de l'esprit. Le savoir pourra être diffusé, le partage de la connaissance sera possible. D'abord réservés à une élite intellectuelle, les volumes pourront être dans d'autres lieux que châteaux et abbayes. Un pas immense est franchi, celui de la diffusion de la connaissance, dans tous les domaines, artistiques, philosophiques, politiques et religieux . L'histoire retient d'ailleurs cette 'explosion' technique comme liée à l'explosion intellectuelle de l'humanisme. « L'époque moderne » marque la fin de l'époque médiévale ainsi liée au tournant pris grâce à l'imprimerie.

Parallèlement à ces différentes évolutions se situe le courant humaniste. Il naît de cette suite et de cet ensemble de transformations, de crises et de bouleversements qui ont pu susciter bien des interrogations.

À ces interrogations, on répond en reprenant les textes des philosophes grecs et latins. Pour ce faire, on apprend donc les langues anciennes et on profite de la nouvelle imprimerie pour diffuser les écrits et la pensée. Né en Italie, l'humanisme se développe dans toute l'Europe et ses érudits vont traverser frontières et pays, se rencontrer et partager interrogations et tentatives de réponses. Malgré les différences de régimes et de lois, les difficultés sans doute rencontrées en chemin , mais, grâce au latin qui les relie et les unit, ceux qui seront appelés ‘humanistes' propagent leurs idées, les écrits circulent, et notamment en matière de religion. Car l'humanisme n'est pas qu'une affaire d'arts et de lettres. Il est aussi théologique et philosophique. Et c'est bien là que les disputes , les controverses et les conflits seront sévères et d'autant plus graves qu'ils se mêleront aux affaires politiques. Les condamnations, parfois à mort, seront officiellement pour ‘hérésie' mais les premiers jugements assimilent au procès subversions ou contestations politiques. En effet l'articulation politique et religion reste puissante et redoutablement dangereuse pour ceux qui tentent soit de la contrecarrer soit de l'arrêter : si critiquer l’Église est grave, mêler ces critiques de politique l'est doublement.

Ainsi, s'opposer notamment à la théologie scolastique est–il une attitude que les détenteurs de cette théologie ne pardonnent pas, et ces héritiers des universités des XIIe et XIIIe siècles seront de plus en plus le sujet de reproches, non pas seulement de mœurs ou d'inculture, mais de passéisme et de frein à la modernité. Les ‘Anciens' accusent les humanistes de ‘paganisme' ; eux-mêmes ignoraient les langues mères, l'hébreu et le grec, en taxant la première de ‘langue des juifs' et la seconde de 'langue des schismatiques'; ils préfèrent conserver avec la tradition un ritualisme que précisément les humanistes réfutent pour préférer les seules Écritures dans leurs langues originales. Les humanistes en tournant le dos au Moyen-Âge ouvrent une voie nouvelle à ce ‘modernisme', à leurs risques : ils vont défier l'ancienne théologie en voulant et en croyant l'homme capable de liberté et de bon jugement, qualités essentielles acquises par ailleurs grâce à la connaissance de l'Antiquité. Ils se réclament également de Saint Augustin ou de Saint-Jérôme qui déjà avaient tenté une harmonie entre paganisme antique et culture judéo-chrétienne. Car les humanistes ne rejettent ni l’Évangile ni Dieu . Leur objectif est de relire les Écritures dans un esprit débarrassé des doctrines périmées, d'une théologie immobile, du fonctionnement de l’Église, qui, selon eux, freine toute nouvelle réflexion critique.

Les humanistes, définis comme ‘humanistes chrétiens', se présentent comme les champions d'une théologie et d'une éthique nouvelles. Sans être opposés ni au christianisme ni à l'institution de l’Église, ils aspirent à des réformes. Ils cherchent un équilibre, difficile, entre la liberté de l'homme et le respect de l’Église. À ce niveau, il ne peut, à cette époque n'y avoir qu'équilibre ou chute et il appartiendra aux personnages des la fin du XIVe siècle puis à ceux du XVe et enfin aux ‘derniers' du XVIe siècle, de mener la quête de ce nouvel état de conscience. Alors les uns seront prudents, d'autres se rétracteront, d'autres encore feront basculer les institutions en place, politiques et religieuses, jusque là inamovibles et immobiles.

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