Formation musicale/Mélodie

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5. Mélodie

La mélodie désigne les notes jouées successivement.

Quelques « règles »

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Dans une mélodie, les notes sont organisées par des règles. C'est le fait de suivre telles ou telles règles qui fait que l'on reconnaît un style de musique : baroque, romantique, sérielle, klezmer, rock 'n roll…

Il n'y a par ailleurs pas de règle assurant le succès d'une mélodie ; certains compositeurs ont un grand succès mais celui-ci ne peut pas s'expliquer par l'application d'une méthode rigoureuse. Et une mélodie n'est pas forcément écrite pour être plaisante, en particulier si le morceau est écrit pour évoquer quelque chose de désagréable ou douloureux.

Nous pouvons quand même tenter de comprendre pourquoi l'on aime ou l'on n'aime pas une œuvre, au delà de nos goûts particuliers.

En général, on aime une musique quand elle peut se chanter. Parce que l'art, c'est d'abord un partage, quelque chose que l'on peut s'approprier (mais pas que).

Donc qu'est-ce qui fait que quelque chose est chantable ?

Premier élément : des intervalles par trop grands. Les grand sauts aigus-graves ou graves-aigus sont difficiles à maîtriser quand on n'est pas un musicien aguerri. Donc « on » aime bien les petits intervalles mélodiques (disons de la seconde à la quinte).

Deuxième élément : on aime bien quand la mélodie est faite d'un motif qui se répète. C'est aussi la répétition qui rend la poésie agréable : la répétition rythmique (même nombre de pieds dans un vers, scansion) et les rimes (répétition de sonorités).

Troisième élément : on aime bien quand les notes font partie d'une gamme familière, typiquement de 5 à 7 notes. Le choix de la gamme, et en particulier de l'organisation des notes (le mode), est ce qui colore la mélodie : joyeuse ou triste, sinisante ou arabisante etc.

Quatrième élément : on aime bien quand le rythme est régulier, cadencé. La musique, ça se chante mais ça se danse aussi.

Ces règles forment un carcan assez rigide. Si on les respecte, on fera quelque chose d'écoutable par le grand public, pas forcément « génial » mais écoutable. Mais bien sûr, l'art c'est la liberté de création non ? Donc il faut aussi savoir sortir de ce carcan. Cela rend la musique vivante, originale.

Certains compositeurs s'attachent à utiliser de nouvelles règles voire à introduire le hasard ; c'est le cas de la musique savante contemporaine dite « atonale ».

Exemple de la « Marche turque »

 
Début de la « Marche turque » de Mozart, main droite.
Début de la « Marche turque » de Mozart, main droite.

Prenons par exemple le début de « la Marche turque » (ou « rondo à la turque ») de Mozart (Allegretto de la sonate pour piano no11). Pour le thème à la main droite, nous avons un motif, une « cellule » (encadrée ci-dessus) composée de quatre double-croches en mouvement conjoint suivies d'une croche une tierce au dessus (les intervalles sont faibles, premier élément). Cette cellule est répétée de manière régulière (deuxième élément), parfois partiellement (encadré pointillé). Le rythme est cadencé (quatrième élément) : la mesure est régulière (2/4) et organisée autour d'un groupe de quatre double-croches.

Le motif est répété à différentes hauteurs : le premier motif commence par un si, le deuxième par un puis on monte au fa et au si aigu. On parle de « marche harmonique ».

Pour le troisième élément, la règle « font partie d'une gamme familière » ne semble pas respecté au premier abord : en musique tonale (dans laquelle s'inscrit Mozart), il n'y a pas de gamme avec un sol et un dièses mais avec un fa et un do bécarres. Cependant, si l'on excepte le dièse, les notes appartiennent à la tonalité de la mineur, ce qui est cohérent avec l'absence d'altération à la clef. Le motif est la succession d'intervalles « seconde majeure descendante — seconde mineure descendante — seconde mineure ascendante » (que l'on peut noter –2M, –2m, +2m), ce motif étant transposé en commençant aux notes si, . La dernière tierce du motif est parfois mineure (lorsque le motif part du si), parfois majeure (lorsqu'il part du ). En revanche, lorsque le motif commence par un fa, il ne comporte que des secondes mineures (–2m, –2m, +2m), il s'agit alors de la gamme chromatique.

On peut donc considérer que cette partie utilise la gamme de la mineur harmonique à l'exception d'un passage en gamme chromatique.

Les notes de départ des motifs sont si--fa-si, ce sont les notes d'un accord de si diminué ; on peut le voir comme l'accord sur le deuxième degré de la tonalité (ii5) ou bien comme l'accord de septième de dominante sans fondamentale de la tonalité de do majeur (“V”7+), la tonalité relative de la mineur (voir le chapitre suivant Harmonie > Les accords en général). Nous voyons que les règles de la mélodie et les règles de l'harmonie répondent à des principes similaires. Cet accord est un accord très utilisé, la mélodie s'appuie donc sur des notes « importantes » de la tonalité.

De manière plus générale

Barbara Tillmann[1] a recherché les « invariants », les éléments que l'on retrouve dans toutes les cultures musicales, et étudié les réactions d'adultes et de bébés à diverses musiques, ce qui permet de séparer l'inné de l'acquis, du culturel. Elle en déduit les invariants suivants :

« […] les notes sont organisées en gammes qui forment une progression discrète de hauteurs : l'ensemble des hauteurs n'est pas continu. Par ailleurs, un nombre réduit de notes (de cinq à sept) est choisi pour les sous-ensembles de la gamme […]. Les notes se répètent au fil des octaves […]. En outre, les notes sont séparées par des intervalles inégaux […].
 Qui plus est […] toutes les notes n'ont pas la même importance dans la gamme […]. En outre, l'organisation des notes dont les hauteurs montent et descendent dessine un contour mélodique […].
 En ce qui concerne l'organisation temporelle de la musique, il existe trois caractéristiques importantes. D'abord le rythme (qui définit la durée relative des notes dans un morceau). Il en existe d'innombrables, qui diffèrent entre les pièces musicales et selon la culture. Quant à la mesure, l'unité de base d'une partition, elle impose une pulsation régulière sur laquelle les patrons rythmiques se superposent. […] Enfin, le tempo représente la vitesse d'exécution d'une œuvre musicale (il est plus ou moins lent ou rapide). »

Le compositeur Jérôme Ducros[2] relevait par ailleurs que le plaisir de l'écoute musicale provient à la fois

  • du fait d'entendre des choses que l'on a anticipées — on devine les notes qui vont venir à partir des notes que l'on a déjà entendues —,
    • soit parce que l'on connaît déjà l'air — on écoute une œuvre connue, ou bien il s'agit d'un thème déjà exposé et qui revient —,
    • soit parce que le morceau se conforme aux règles de la culture musicale ;
  • et du fait que l'on est surpris, parce que l'air est modifié ou que l'on rompt avec les règles.

« Le compositeur tonal a donc à sa disposition un langage qui lui permet de jouer constamment avec la prévision de l'auditeur. Cette propriété est au fondement même de la musique savante puisque c'est sur elle, et sur elle seule, que repose le fait qu'on ait pu avoir envie de développer des discours dans le langage musical.
 Claude Levi-Strauss, qui s'est employé à mettre en avant cette propriété essentielle du langage tonal que le sérialisme, selon lui, est incapable de reproduire, la décrit en ces termes : “L'émotion musicale provient précisément de ce qu'à chaque instant, le compositeur retire ou ajoute plus ou moins que l'auditeur ne prévoit sur la foi d'un projet qu'il croit deviner.” Et il ajoute : “Le plaisir esthétique est fait de cette multitude d'émois et de répits, attentes trompées et récompensées au-delà de l'attente, résultat des défis portés par l'œuvre.”
 Alors je vais profiter à nouveau du piano pour vous donner trois exemples, parmi des milliers, de cette capacité qu'a le compositeur tonal a d'utiliser notre connaissance pour la surprendre ou la flatter. »

Mouvement mélodique

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Le terme « mouvement » désigne la manière dont deux notes se suivent. Le mouvement peut être :

  • conjoint, lorsque les notes sont des degrés voisins (distantes d'une seconde mineure ou majeure), ou disjoint lorsque l'intervalle est plus grand ;
  • ascendant lorsque l'on va vers une note plus aiguë, descendant lorsque l'on va vers une note plus grave.

Le mouvement mélodique peut être représenté par le « code Parsons » : on indique uniquement si l'on a un mouvement ascendant (U pour up), descendant (D pour down) ou si la note est répétée (R), sans indication de rythme ni de hauteur exacte : la première note peut être indiquée par un astérisque. On obtient ainsi une « signature » de la mélodie, une représentation simplifiée, qui permet de classer et de reconnaître la mélodie ; cependant, plusieurs mélodies différentes peuvent avoir le même code Parsons.

Par exemple, le code Parsons d’Au Clair de la lune est : *RRUUDDUDRD. Le moteur de recherche Melodic Contour[3] du site Musipedia permet de chercher les mélodies ayant cette signature et elles sont nombreuses. Si l’on coche l’option Folk Songs (chansons populaires), Au Clair de la lune apparaît comme premier résultat.

Parties d'une œuvre

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Une œuvre peut être décomposée en parties, une partie étant un fragment portant une « idée musicale ». Une œuvre courte n'a qu'une seule partie ; c'est le cas par exemple d'une comptine. Parfois, la partie est répétée, comme dans une comptine à accumulation (Alouette, Un Kilomètre à pied) ou à décompte (Dix Sous dans ma poche) mais aussi de certaines chansons traditionnelles (Scarbourough Fair).

Une chanson de musique populaire de deux à cinq minutes a en général une alternance de deux parties : couplet et refrain, avec parfois une troisième partie appelée pont (bridge). Par exemple, on a une structure : introduction — couplet — refrain — couplet — refrain — pont — refrain.

Dans les chansons des comédies musicales des années 1930-1960 aux États-Unis, on a souvent une structure dite AABA : chaque partie A ou B comporte huit mesures, ce qui fait 32 mesures au total. Nous pouvons par exemple citer la chanson de Over the Rainbow (Harold Arlen et Herbert Stothart) chantée par Judy Garland dans le film Le Magicien d'Oz (Victor Fleming, 1939). Par rapport aux paroles de la chanson, on a

  • A : couplet 1 « Somewhere […] lullaby » ;
  • A : couplet 2 « Somewhere […] really do come true » ;
  • B : pont « Someday […] you'll find me » ;
  • A : couplet 3 « Somewhere […] oh why can't I? » ;
Overtherainbow, « Judy Garland - Over The Rainbow (Subtitles) », sur YouTube (consulté le 17 décembre 2020)

En musique classique, le rondeau, ou rondo, est articulé autour d'un refrain noté A alternant avec d'autres parties, sous la forme A / B / A / C / A / D / A / coda. Le terme coda (« queue » en italien) désigne la fin du morceau ; sur une partition, il est indiqué par une croix dans un cercle 𝄌 (« ballon » de coda). On pourra par exemple écouter l’Introduction et rondo capriccioso de Camille Saint-Saëns (1863).

Renaud Capuçon, « Introduction et rondo capriccioso, Op. 28 », sur YouTube (consulté le 10 octobre 2015)

Lorsqu'une œuvre est longue, elle est découpée en mouvements. Chaque mouvement est en soi un morceau, les mouvements sont séparés par un silence. C'est le cas des sonates, concertos et symphonies par exemple. On a en général une alternance rapide/lent/rapide. Chaque mouvement est lui-même composé de parties comme exposé ci-dessus.

On désigne souvent les mouvements par leur numéro d'ordre (premier mouvement, second mouvement…) et par l'indication de leur tempo (Allegro, Andante, Largo…). Ils portent parfois des noms de danse.

Thème et variations

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En musique classique, on a souvent une structure « thème et variations » : dans une première partie, un thème (une mélodie, une succession de notes) est exposé puis ce thème est modifié, mais on peut toujours reconnaître le thème malgré ses modifications. On peut en modifier la mélodie (changer les intervalles entre les notes), le rythme ou l'harmonie (l'accompagnement). Par exemple, Simon et Garfunkel font des variations sur Scarbourough Fair en ajoutant un contrechant légèrement différent à chaque répétition. Citons également le quatrième mouvement Andante « La Truite » du Quintette en la majeur de Franz Schubert (D. 667, 1819) qui présente des variations sur le lied (poème germanique chanté) Die Forelle (la truite) du même Schubert (1817).

Ce procédé « thème et variations » est apparu dans la musique occidentale au Moyen Âge avec le cantus firmus, le « chant fixe » autour duquel s'articule l'œuvre (la polyphonie). Dans une chaconne (danse originaire des colonies espagnoles aux Amériques au xviie siècle), on a un thème de 4 à 8 mesures suivi de variations. La passacaille est une danse venue d'Inde à la même époque et qui finit par se confondre avec la chaconne.

Pachelbel, Chaconne en fa mineur

Par exemple, la Chaconne en fa mineur de Johann Pachelbel (1653-1706) est formé d'un thème de huit mesure et vingt-deux variations. La Passacaille et fugue en ut mineur de Jean-Sébastien Bach (BWV 582, 1706-1713) est formé d'un thème de huit mesure, partiellement emprunté à une messe d'André Raison (1640-1719), et vingt-et-une variations.

Netherlands Bach Society, « Bach - Passacaglia in C minor BWV 582 - Smits », sur YouTube (consulté le 1er septembre 2020)

Exercice

Écouter La Marche des rois de Georges Bizet (1872), tiré de L'Arlésienne, suite no 1, du début à 3 min 25 sur le lien suivant :

Nathalie Stutzmann, « Bizet - L'Arlésienne Suite No. 1 & Suite No. 2 », sur YouTube,

Combien de fois le thème est-il joué ? Quelles sont les différences entre les interprétations ? Instruments, vitesse, nuance…

Règles du contrepoint rigoureux

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Le contrepoint est une manière de composer qui consiste à superposer plusieurs lignes mélodiques ; c'est une polyphonie (la superposition de plusieurs voix). Le contrepoint dit « rigoureux » est né en Europe au Moyen-Âge et a été très utilisée jusqu'à l'époque baroque ; il se caractérise par un ensemble de règles rigoureuses dont certaines concernent la mélodie, c'est-à-dire chaque voix individuelle.

Principe du plus court chemin

Le mouvement conjoint doit être préféré au mouvement disjoint.

Intervalles mélodiques permis

  • L'unisson ;
  • la seconde majeure ou mineure ;
  • la tierce majeure ou mineure ;
  • la quarte juste ;
  • la quinte juste ;
  • la sixte mineure ;
  • l'octave juste.

Intervalles mélodiques tolérés

  • Dans les gammes majeures : la sixte majeure sur les Ie et VIe degrés (tonique et sus-dominante) ;
  • dans les gammes mineures : la seconde augmentée ascendante sur la sensible (VIIe degré), qui monte ainsi à la tonique (Ie degré) ;
  • dans les gammes mineures : la tierce diminuée et la quarte diminuée, lorsqu'elles sont suivies du mouvement mélodique contraire ;
  • dans les deux modes : la quinte diminuée lorsqu'elle est suivie du mouvement contraire.

Les autres intervalles mélodiques sont proscrits.

Liens et références

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  1. Barbara Tillmann, « La musique, un langage universel ? », dans Pour la science, no 373, novembre 2008, p. 124 [texte intégral] 
  2. Jérôme Ducros, « L’atonalisme. Et après ? », sur Youtube, (consulté le 9 décembre 2022), à 33 min. 10 sec.
  3. « Melodic Contour », sur Musipedia (consulté le 15 novembre 2022)

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